On s'croirait dans un putain de bal musette, c'est ridicule. Seven peut pas s'empêcher d'afficher un air moqueur quand il va saluer ses clients, qui l'accueillent un peu comme le messie, avec les cris et les accolades qui vont avec. « P'tain les gars, même dans la culotte d'ma grand-mère y a plus d'animation qu'ça. J'suis déçu d'vous. » Et ça s'marre et ça s'chambre et ça fait du bruit. On entend qu'eux ou presque, tellement la soirée est morte. Mais c'est bien pour ça que Seven est là : avec ce qu'il vient d'leur vendre, l'ambiance va vite changer. Ou ils se feront jeter dehors, au choix. Ils verront bien – Sev s'en balance, il compte pas s'éterniser. Il repère des gamines qui le fixent sans oser s'approcher, sûrement qu'elles ont pas l'habitude d'parler aux dealers. Alors il y va l'premier, leur propose sa gamme de produits et ricane intérieurement face à leur air paumé. Des débutantes. C'est c'qu'il préfère, y a pas mieux pour s'faire des couilles en or. Alors il monte le prix, tellement que c'en est outrant, mais elles peuvent pas le savoir. Elles paient quand même, et il en profite pour garder quelques p'tits billets de côté, juste pour lui – le boss saura pas qu'il a fait un peu plus de bénéfices que prévu. Et maintenant qu'il est lancé il a bien envie de trouver d'autres pigeons, mais la seule volaille qu'il finit par apercevoir, c'est la poule de l'autre bâtard de JJ. Leurs regards se croisent et elle tourne immédiatement la tête, comme une gosse prise en flag quand elle mate son crush. Pourtant les Kids sont pas d'ce genre, pas d'ceux qui baissent les yeux, même quand ils le devraient. Ça l'intrigue un peu et il scanne rapidement la salle. Personne. Personne d'autre qu'Eanna, pas d'autre saloperie irlandaise dans l'bar. Elle a pas sa bande. Seven non plus mais c'différent – sans les Yobbos il sait quand même s'démerder. Elle ? Vu la gueule qu'elle tire, il en déduit qu'elle peut pas en dire autant. Elle vaut quoi la poupée, sans son clébard de copain et les enculés qui les accompagnent ? Il a bien envie d'savoir – faire chier une Kids esseulée, ça s'refuse pas. Puis si en prime, ça peut avoir des répercussions sur ce connard de JJ, il est prêt à foncer dans l'tas. Il la voit finir son verre cul sec mais quand elle s'lève pour partir, il est déjà là, planté fièrement devant elle. « Qu'est-ce que t'as Seven, putain ? » Son éternel sourire de petit con plaqué sur les lèvres, il hausse les épaules sans la quitter des yeux, et puis il s'penche un peu d'un air conspirateur. « J'me disais bien qu'ça sentait la pétasse mal baisée. » Le pire c'est qu'il est content d'lui, ravi de sortir des trucs aussi teubés à la pelle. Mais elle a pas l'air aussi joyeuse que lui la donzelle, elle prendrait presque des airs de grumpy cat. « J'étais entrain de me barrer, t'inquiètes, tu vas pouvoir continuer de filer des overdoses aux gens en toute tranquillité. » Il plisse un peu les yeux avant de lâcher un soupir. Et il reste campé sur ses deux pieds relativement près d'elle, histoire de pas la laisser filer si facilement – ce s'rait con, ils viennent juste de commencer. « Allez, faut pas t'vexer. J'te croyais plus fun que ça. C'est parce que t'es toute seule que t'es aussi rabat-joie ? Attends, j'sais. JJ t'a foutu un balai dans l'cul pour que personne d'autre puisse y faire une escale, c'est ça ? » Y a une lueur tellement insolente dans ses prunelles que ça frôle le défi pur et dur, comme s'il la provoquait en duel. C'est un peu ça, dans l'fond. Nana, il lui a jamais trop parlé sauf pour l'insulter, comme les Kids et Yobbos ont l'habitude de l'faire entre eux. Mais là qu'ils sont en tête-à-tête, il a bien envie d'en profiter. Pour faire quoi, il sait pas encore, mais il va finir par trouver. Y a toujours un moyen d'pourrir la vie des gens. « T'as perdu l'reste des farfadets ? » Il approche sa main jusqu'à Eanna, poussant les mèches de cheveux qui l'gênent pour faire mine d'inspecter son cou. Puis il fait une moue exagérée, l'air faussement déçu. « Ils aurait pu t'mettre un collier pour qu'on sache où t'ramener, c'pas bien de laisser les chiennes traîner sans leur maître. »

« Putain mais t’es degueu, arrête. » Ça le fait ricaner – c'est presque trop facile de la déstabiliser. Elle arrive même pas à le cacher et ça n'fait que donner un peu plus d'assurance à Seven, qui sait qu'il a le dessus sur la situation. Il s'en délecte, se gênant pas pour la toucher en faisant mine de chercher un collier nominatif, comme ceux que portent les animaux de compagnie. Comme si Eanna faisait partie d'cette catégorie. « Mais dégage Seven putain. J’suis la chienne de personne. » Elle essaie de le repousser mais il recule même pas, bougeant à peine sous l'assaut de ses mains. Alors il continue d'la narguer du regard, ça renforce son insupportable tête à claques à mesure que son arrogance transpire par tous ses pores. « Puis JJ va arriver d’une minute à l’autre ! Tu penses qu’il va le prendre comment s’il te voit là ?! » Ah. Y a un changement imperceptible dans l'allure de Sev – les muscles qui se raidissent, le nez qui se fronce, les mâchoires qui se serrent. Automatisme parce que JJ, c'pas le même adversaire que Nana et que ça compliquerait les choses. Puis il se souvient de sa dernière entrevue avec ce p'tit con et d'la façon dont les choses ont escaladé. Il s'décontracte visiblement, un sourire railleur venant flotter sur ses lèvres. S'il sait que JJ péterait les plombs en découvrant un Yobbo occupé à emmerder sa p'tite copine ; il s'demande s'il foncerait vraiment tête baissée en voyant que c'est Seven. Y a deux options. Soit il lui sauterait à la gorge et ferait un carnage, autant pour le dissuader de faire chier Nana que pour se venger de tout c'qui s'est passé entre eux dans la ruelle, l'autre nuit. Soit il y réfléchirait à deux fois. « C’est parce que tu sais très bien que tu fais pas le poids contre lui qu’t’attends que je sois seule pour me faire chier ? T’es qu’un putain de lâche, Seven, voilà c’que t’es. » Là, il peut pas s'empêcher d'éclater de rire. Il sait qu'il fait très bien le poids contre lui, ils sont même assez égaux dans un combat – y a qu'à voir à quel point ils se sont mutuellement amochés. Il en a encore des séquelles, des taches bleutées sur le torse et des entailles sur le visage, la peau des mains abîmée et de légères traces violettes autour du cou. Rien d'bien étonnant au final, il est toujours un peu cassé, toujours porteur de séquelles des bagarres auxquelles il se lance à corps perdu. Ça change pas de d'habitude. « Rêve pas trop, ton mec est pas aussi balèze qu'tu le crois. » Il a envie d'lui dire, d'lui raconter comment il a tripoté JJ, juste pour foutre la merde et voir le visage d'la donzelle se décomposer. Mais il peut pas cracher le morceau sinon il se grille tout seul. Condamné à jubiler intérieurement, sans pouvoir s'en servir comme arme contre lui, contre elle aussi. « D'ailleurs on a qu'à l'attendre ensemble, j'suis sûr qu'il sera trop content d'me voir. » Il s'comprend. Et il est un peu déçu qu'elle puisse pas comprendre la portée d'son sarcasme, mais bon. Y a un grand sourire insolent sur ses lèvres quand il s'approche un peu plus d'elle, calant une main dans le bas de son dos alors que l'autre emprisonne son bras. Il la tient en place, l'empêchant de pouvoir s'tirer, sûrement trop près d'elle pour qu'elle puisse être à l'aise. « Tu dis qu't'es pas sa chienne, mais en attendant t'es paumée parce qu'il est pas là. T'es toute seule Nana. » Il serre son bras un peu plus fort, assez pour que ça soit foutrement désagréable. Assez pour commencer à faire mal. « Alors tu vas faire quoi, hm ? Tu vas continuer d'attendre qu'ton connard vienne te sauver ? » Et il teste, et il continue d'la défier. Il veut voir ce qu'elle a dans l'ventre, la princesse des losers.

Nana, elle est pas ravie. Nana, elle l'aime pas. « M’appelle pas comme ça, t’es pas mon pote putain. » Il sait bien. Il a aucune envie d'être son pote. Mais maintenant qu'il sait que ça l'emmerde, de l'voir utiliser ce p'tit surnom, il va continuer. Quitte à jouer au p'tit con autant aller jusqu'au bout et pousser le vice, rien que pour le plaisir de l'énerver, rien que pour jouer au plus fort. Et il la tient fermement en place, lâchant un ricanement moqueur quand elle fait mine de se débattre, sans résultat. Certes c'est pas agréable pour lui et il est obligé de forcer un peu plus, mais il trouve ça drôle. On dirait une bestiole prise au piège, prête à s'faire dévorer. Alors elle change de tactique. À défaut de pouvoir faire le poids physiquement, elle s'attaque aux mots. « T’sais, ma mère dit toujours que plus les gens sont méchants, plus il leur est arrivé des saletés dans la vie. » Ça l'fait sourire. Parce qu'il s'en balance de c'que sa mère peut bien avoir à dire, et parce que ça l'atteint pas. Il commence même à s'dire que c'est une petite joueuse et qu'elle est la plus pathétique des Kids, jusqu'à ce qu'elle reprenne la parole. « S’tu veux tu peux me raconter ce qui t’es arrivé à l’aide de ces objets. C’est pratique parce que les verres s’emboîtent alors tu pourras bien illustrer la relation entre ton père et toi. A moins que ça ait été un oncle ? Un professeur ? Ça a dû être moche, en tout cas. » Et là, c'est le drame. Touché coulé – bien que rien de tout ça n'soit vrai, la seule chose que Sev retient, c'est l'histoire de trucs qui s’emboîtent. Comme lui avec d'autres gars, parfois. Et il supporte pas l'allusion. Il fait abstraction de tout le reste de la phrase, ignorant complètement le viol, l'inceste et autres joyeusetés qu'elle a sous-entendu. Non, lui, tout c'qu'il voit, c'est sa sexualité qui est menacée par cette pimbêche ; sans même qu'elle imagine à quel point elle a visé juste. « J'te conseille de la fermer, salope. » Ses phalanges resserrent leur prise autour de son bras, tellement que ça laissera forcément une trace plus tard. Il s'en balance. Il sent la rage qui monte. Autant que l'ambiance d'la soirée, qui commence à s'améliorer à mesure que les clients de Sev gueulent et dansent comme des débiles, entraînant des gens au hasard dans leur euphorie. Tant mieux. Plus y aura d'bordel, mieux ce s'ra – il espère qu'ils vont continuer comme ça. En attendant, il attrape le visage d'Eanna d'une main, coinçant ses joues entre son pouce et son index, serrant assez pour que ça fasse mal et qu'elle se retrouve avec une bouche de poisson. Puis il s'approche, suffisamment près pour qu'elle entende même s'il parle doucement, son timbre trahissant pourtant la colère qui vibre dans chacune de ses cellules. « Si tu voulais un cours sur les trucs qui s'emboîtent, fallait demander. J'te l'fais gratuitement, j'ai pitié. » La menace est palpable dans son regard, dans l'angle de son sourire, dans la façon dont il se colle à elle pour s'assurer d'la foutre mal à l'aise. « Me chercher quand t'as zéro moyen d't'en sortir, c'est p't'être pas une si bonne idée, hm ? » Surtout pas quand il a déjà suffisamment la rage aux tripes. Surtout pas quand il a d'autant plus envie de s'défouler. Surtout pas quand elle est la meuf de JJ, et que ça lui donne un moyen de plus de s'venger de cet enfoiré. Elle est pas tombée sur le meilleur Yobbo, ce soir. Du poids de son corps sur elle, il continue de la tenir coincée contre le comptoir, mais il lâche son visage pour fourrer sa main dans la poche arrière de son jean. Il ouvre le sachet qui y trône sans le sortir, en retire un cachet avec dextérité, et vient le fourrer dans sa bouche. Sûrement qu'Eanna a même pas eu le temps de voir ce qu'il a pris, sûrement qu'elle a pas encore compris. Et y a un air presque malsain qui peint ses traits quand il la regarde, avant de fondre sur elle. Sa main agrippe brusquement sa nuque alors qu'il colle ses lèvres aux siennes sans lui laisser le choix, profitant qu'elle ait gardé la bouche entrouverte avec la surprise pour y plonger sa langue. Et le cachet. Ecstasy. Pour la punir de c'qu'elle a dit, pour la dérider un peu, pour la voir perdre le contrôle et le prendre sur elle. Faut juste que sa technique ait marché, qu'elle ait avalé automatiquement, et l'tour sera joué. Il met fin à leur baiser forcé, puis il l'observe en cherchant à savoir si le cachet est parti dans son organisme ou non. Si ça a fonctionné, ou s'il vient de gâcher un comprimé pour une potiche pareille.