01 Origine ; Elle l’a eue trop tôt, elle s’est maquée avec le géniteur malgré tout, avec le mauvais, avec plus vieux. Il était éjà un alcolo bruyant et avec le temps, il est passé à plus corsé, entraînant sa mère avec lui. C’est le PCP qui a définitivement tout ravagé, et au lieu d’être en colère et inutile, son père est devenu taré et violent. Les deux ont souvent pris et dans aucun de ses souvenirs, sa mère a essayé de la protéger. Aux abonnées absentes quand il cognait sa tête contre le carrelage, si fort qu’à force son audition à droite défaille. Toujours inexistante quand il a balancé l’eau brûlante de la casserole à travers la cuisine en visant sa fille. Elle avait 14 ans et ça a signé la fin de cette famille sans nom.

  02 Foyer ; Après son séjour à l’hôpital, elle a passé un an dans un de ces foyers d’accueil. À partir de là, c’était plus simple de fuir le moindre soupçon de danger. S’échapper entre les cours difficiles et la rue imprévisible. Elle est tombée dans les mêmes travers que ses géniteurs et riait de l’ironie destructrice. Elle a même été jusqu’à revendre, parce qu’il n’y avait plus de limites à la chute.

  03 Correction ; Mais l’élan a été stoppé quand elle a été envoyée en maison de correction, à cause de ce flic et de cet assistant social qui refusaient de la laisser sombrer. Encore aujourd’hui, elle n’est pas certaine que l’expérience ait été si bénéfique que ça. Y a des instants qui resteront sous silence encore longtemps. En revanche, sa sortie oui.

  04 Dobson ; Ils l’accueillent à ses 16 ans, lui donne leur nom à ses 17. Et en réalité, ils auraient pu être ses grands-parents. De vieux hippies sur le retour. Des weirdos loufoques qui ont cherché à lui donner tout ce qu’elle a manqué, qui ont cherché à compenser ce qu’elle n’a jamais eu. Elle n’a jamais adhérer complètement à leur mode de vie, mais elle a tout appris grâce à eux.  Si elle sait ce que c’est une vraie famille, c’est parce qu’ils ont existé. Tout ce qu’il y a de bon en elle vient d’eux et de leur humanité sans fond.

  05 Maisonnée ; Elle a hérité de leur petite maison. Elle y vit depuis quatre ans, mais à l’intérieur, rien n’a changé. Le rocking-chair est à sa place, les vieux meubles prennent la poussière, les énormes duvets fleuris donnent envie d’y plonger pour ne jamais en ressortir et le petit jardin sauvage ne vit que grâce au voisin qui s’en occupe. Malgré la chaleur du sud, il n’y fait jamais très chaud. La moitié des portes et fenêtres ne ferment plus, ou à l'inverse bloquent ou encore grincent comme le parquet craque à l’étage. Les poignets lui restent même parfois dans les mains, à croire que c'est une ruine en devenir, mais elle ne sait pas vraiment s'en occuper. Elle y a juste posé ses fesses, ramené sa collection de vinyles, ses vieux films et sa guitare.

  06 Brèches ; Elle recueille bien trop de chats errants, peut-être même qu’ils se passent le mot et s’invitent d’eux-mêmes chez elle. Et c’est pareil avec tous les autres, chiens, humains et compagnie. Elle se dit que c’est la maison qui veut ça. Y a toujours un moyen d’y entrer, d’y être accueilli (plus gentiment quand il s’agit des bêtes, certes). Mais on s’y sent bien et sans l’avouer, ça fait sourire son coeur.

  07 Tares ; Un rythme de vie sain inexistant. Une incapacité certifiée pour la cuisine. Elle commande tout ce qu’elle mange (et rien de bien healthy), finit souvent ses plats le lendemain au petit-déjeuner, associe glace à la vanille et noix de macadamia avec du whisky. Elle a un faible pour les caramels salés qu'elle a toujours sur elle et la musique écoutée trop forte (elle est à moitié sourde, ça s’justifie). Elle donne trop facilement son numéro de téléphone et son adresse. Elle a une mauvaise mémoire, cherche tout le temps ses clés, ses lunettes de soleil, sa veste, son portefeuille. Elle oublie de payer ses factures, la clope qui lui brûle le bout des doigts ou d'éteindre la musique qui tourne en boucle depuis des heures. Les insomnies à répétition. Les cigarettes pour un millier de problèmes à réduire en cendres, le whisky pour les noyer et les relans de drogues qui pourraient si facilement venir lui chatouiller les narines si elle n'était pas si occupée. Bref, la liste peut être longue et c’est plutôt attesté qu’elle ne peut pas de donner de conseils sur comment “bien vivre”.

  08 Foi ; Elle n’est pas religieuse, elle n’adhère à aucune croyance, mais elle croit. Que les gens peuvent changer, que tout le monde mérite une autre chance. Il n’y a rien que vous pouvez lui dire qui la fera vous juger. Elle croit sincèrement que tout le monde vaut la peine d’être sauvé. C’est juste que sa première approche n’est pas toujours la plus délicate. Mais c’est aussi comme ça qu’elle impose un minimum de respect. Les jeunes et leurs familles apprennent très tôt que rien ne la décourage. Il n’y a que le système pour lequel elle travaille qui la ralentit, alors de plus en plus, elle l’oublie ce système… et elle aussi récolte quelques blâmes dans son dossier.

  09 Faiblesse ; Sa mère biologie est en prison (le père a déjà clamsé dans l’caniveau) et elle aimerait bien lui rendre visite, mais elle bloque. Alors à la place, elle a ses périodes où elle se concentre sur les jeunes incarcérés que tout le monde pense avoir dépassé le stade de la réinsertion. Elle a d’ailleurs ,fait ses armes dans ce milieu à Atlanta. À croire qu’elle aime se faire du mal ou qu’à l’inverse, elle tentait de se guérir par le pire. Parce qu’elle a beaucoup trop d'expérience avec les toxicomanes, les gosses instables qui ont essayé plus d'une fois de lui faire du mal physiquement, parce que eux n’y croient plus et ne feront peut-être plus jamais confiance à un adulte. Pourtant aujourd’hui, c’est jamais bon quand elle en ressort parce que tout s’est à nouveau mélangé. Il n’y a que le stress, la frustration et la colère pour la bouffer.
 
  10 Conversation ; Elle est pas psy, elle pourrait pas faire ce job d’ailleurs. Mais en général, c’est plus facile de lui parler à elle en premier avant de plonger dans des thérapies. Évidemment, les jeunes sont sa priorité. Et même si elle donne l’impression de les envoyer chier à longueur de temps, elle les écoute et fait en sorte qu’ils se bougent le cul. Certains de ses collègues se sont mis aux réseaux sociaux pour garder le contact et suivre plus facilement les gosses. Apparemment, c’est là où les conversations se font. Et elle croit parfaitement que c’est quand les mômes ne parlent pas des choses importantes que les adultes peuvent les comprendre par les trous laissés lors de ces échanges. Mais putain, les réseaux sociaux ?! Pas sa tasse de thé, elle n’y comprend pas grand chose, elle sait juste qu’il faut qu’elle s’y mette, ça va être chiant.