Coyote ▹ posts envoyés : 2611 ▹ points : 52 ▹ pseudo : marion ▹ crédits : lunar (av) + miserunt la kassos (gif) ▹ avatar : micky ayoub ▹ signe particulier : allure de zonard et pieds qui traînent, trop de couches de tissu pour couvrir ses épaules voûtées, l'air toujours un peu usé.
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| Sujet: assiégé (intrigue) Dim 20 Mai - 12:02 | |
| Il court. Deux hommes sur ses talons, le bruit d'leurs pas qui le poussent à accélérer encore et encore, slalomant entre les gens, empruntant des détours pour arriver à destination plus rapidement. Il réfléchit pas, il court. L'instinct qui le guide vers le commissariat, l'adrénaline qui neutralise les douleurs et la fatigue. Pommette engourdie alors qu'elle se pare de bleu violacé, lèvre éclatée, le goût du sang qui lui reste en bouche et lui fout la nausée. Ses poignets sont cerclés de rouge, la peau brûlée par la corde trop serrée, par le frottement qui a duré des heures avant qu'elle ne finisse par se rompre. Il est en nage, le sang qui bat à ses tempes, les poumons en feu.
Et il court.
Y a comme une envie de pleurer de soulagement quand il voit le bâtiment familier se découper au bout d'la rue, quand il se sait proche du but, sauvé. Presque. Les pas se sont arrêtés quand il a posé le pied sur la première marche. Son cœur, c'est quand il a vu Mads.
Elle parle mais il n'écoute pas, un bourdonnement à ses oreilles, les doigts tremblants quand il attrape son épaule et se place devant elle comme s'il voulait la cacher, faire office de bouclier humain. Son regard est inquiet quand il cherche par-dessus son épaule, quand il croise ceux des deux types. L'un d'eux qui fait des allers-retours entre lui et Mads avant d'esquisser un sourire – il a compris. Il le voit parler à l'autre, voit l'éclat qui flambe au fond de leur yeux. Il voit la façon dont ils la jaugent, dont ils se détendent, à lever le menton comme s'ils repassaient maîtres de la situation. Il a compris, lui aussi.
S'il tente quoi que ce soit, c'est elle qui prendra. Elle et tout le reste de son entourage.
Il a la gorge nouée et les poings serrés, ses prunelles qui les incendient autant qu'elles supplient – tout mais pas ça, pas elle, pas les gens qu'il aime. Ils ont gagné, ils le savent, il le sait. Il est à deux doigts de s'écrouler. « SID ! » C'est la voix de Mads qui le sort de sa torpeur et il se tourne vers elle alors qu'elle cherche à apercevoir ce qui se passe derrière lui. « Qu'est-ce que tu regardes comme ça ? » Ses mains sont trop brusques quand elles attrapent son visage fermement, quand il la force à se concentrer sur lui plutôt que l'autre côté d'la rue. « Rien. » Elle se dégage rapidement de son emprise et elle commence à pester, mais quand il se retourne les types se sont déjà fondus parmi les passants pour repartir d'où ils sont venus. Elle parle, elle questionne, il soupire. Une main qui passe sur son visage alors qu'il ferme les yeux, épuisé, paniqué même s'il arrive à garder un minimum de contrôle. Il peut rien faire. Ils ont le pire des moyens de pression et il n'a rien pour riposter.
Il repense au type, dans la boutique. Caïn. Il est censé faire comment pour l'aider, s'il peut pas parler ?
Le poids sur ses épaules s'alourdit et le fait ployer l'échine. Une enclume qui lui compresse la poitrine, un étau qui semble se resserrer autour de sa gorge. Il s'est libéré, pourtant il a l'impression qu'ils n'ont fait que l'attacher plus fermement. Ses yeux sont fuyants quand il finit par lever une main devant lui pour faire taire Mads. « Laisse-moi. J'ai du travail. » C'est craché sèchement et déjà il la contourne sans un regard, pressant le pas pour s'engouffrer dans le commissariat.
Garé sur le parking du motel, il enchaîne les cigarettes en guettant les allées et venues. Il veut se rassurer. Il veut être sûr qu'elle est en sécurité, que rien n'va lui arriver, que personne ne va tenter de s'en prendre à elle alors qu'il remplit sa part du marché. Il se tait. Même quand on pose des questions sur son visage un peu abîmé, même quand il doit affronter le regard trop perçant de son père. Il passe tout sous silence mais la peur ne le quitte plus.
C'est peut-être pour ça qu'il fait un bond quand il entend frapper à sa vitre. Son cœur se fige alors qu'il reconnaît immédiatement l'irlandais. Par réflexe, sa main vient planer sur son arme de service, mais l'autre comprend et lève un index qu'il fait bouger de gauche à droite. Le sourire qu'il affiche lui glace le sang.
Ils se toisent pendant de longues secondes, avant que le type ne lui fasse signe de baisser sa vitre. Il hésite, fait rapidement le compte de ses chances de s'en sortir s'il tente de dégainer ou de démarrer en trombe. Il a pas d'autre choix que d'obéir, finalement. L'autre se penche dans sa direction, une main sur le toit de sa voiture, l'autre qui s'appuie nonchalamment sur le rebord de sa vitre. « Deuxième étage, troisième fenêtre en partant d'la gauche. » Il fronce les sourcils, méfiant, inquiet. Mais il finit par tourner la tête en direction du motel, cherchant la fenêtre indiquée.
Perché là, clope au bec et regard fixé sur eux, un autre irlandais. Il déglutit difficilement, sa gorge si nouée que ça en devient douloureux. Le type a du prendre une chambre avant qu'il n'arrive, avant qu'il ne se mette à surveiller. Il comprend qu'ils étaient là avant lui et ça le terrifie. « La touchez pas. » Il voudrait avoir l'air sûr de lui, donner un ordre, les dissuader de tenter d'agir. Mais ça sonne juste comme une supplication et il se déteste d'être si pathétique, ça lui donne envie de hurler. L'irlandais plante son regard dans le sien, dur, sombre. « Ça n'dépend que de toi. » Un petit coup résonne sur le sommet de l'habitacle et il finit par s'écarter en silence, disparaissant entre les ombres du parking.
Son regard revient vers la façade, où l'autre continue de l'observer. Il se sent tellement impuissant qu'il pourrait en chialer de frustration.
Au début il pense halluciner. Chaque fois qu'il pense voir une bagnole le suivre, chaque fois qu'il croit les apercevoir partout où il va. Il pense que c'est la peur qui le rend paranoïaque, son esprit qui lui joue des tours, une partie des gènes de sa mère qui le rattrapent.
Et puis c'est de plus en plus fréquent, de plus en plus clair. Ils ne disparaissent pas comme un mirage, comme une invention de son esprit. Ils sont là. Ils sont vraiment là, partout où il va. Toujours l'un d'entre eux qui marche dans ses pas, qui le surveille, qui feint de faire sa petite vie en restant accroché à lui. Quoi qu'il fasse et où qu'il aille, il n'est jamais seul, jamais en sécurité. Ni lui, ni ceux qu'il approche. Il met en danger chaque personne qu'il côtoie et ça lui tord les tripes ça lui serre le cœur, ça le rend trop nerveux et ça le force à s'isoler. Il peut voir personne tant qu'il les aura sur ses talons – ils ont déjà Mads dans le collimateur et il refuse de les aider à ajouter d'autres noms à la liste. Alors il se renferme et il fait le mort, il passe son temps entre le commissariat et le parking du motel pour garder un œil sur elle de loin, rentrant à peine chez lui pour se doucher et se changer – le plus souvent, il s'endort dans sa voiture quand il fait le guet.
Il s'efface. La fatigue délave son regard, la peur constante émacie ses traits. Il tente de se faire invisible mais il ne l'est pas pour le groupe d'irlandais, l'impression qu'ils ont gravé une cible sur son crâne, que leurs crocs acérés sont restés plantés quelque part dans sa chair. Il peut pas leur échapper. Rien n'a changé depuis la nuit où il s'est jeté dans leur gueule.
Il a beau s'être enfui, il est resté pieds et poings liés. |
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