ça avait été une soirée exactement comme tu les aimais : bien commencée et encore mieux terminée ! Honnêtement, la vie nocturne à Los Angeles, c’était quelque chose mais c’était des fracassés à Savannah, ils étaient tellement au bout de leur vie que ça leur donnait un piquant bien particulier, une fois passé minuit. Les gens d’ici, ils savaient ce que c’était que de se surpasser quand il s’agissait de fuir leur réalité et se mettre des mines mémorables. T’avais bien participé ce soir et honnêtement, tu ne savais même plus comment tu avais fait pour retrouver la maison familiale. Sans doute avec un taxi, ou alors tu t’étais fait raccompagner, honnêtement tu n’en avais plus le moindre souvenir, peut-être qu’en te levant, tu verrais ta bagnole de courtoisie encastrée dans l’arbre devant la maison, le moteur encore fumant ? Tant pis, t’avais une bonne assurance.
Tu n’y pensais pourtant pas vraiment encore alors que tu ouvrais difficilement les yeux dans le noir de ta chambre, réveillé par la musique qui s’était imprimée dans tes tympans aussi distinctement que si tu y étais encore. Ton cœur battait encore au rythme des basses et des coups, c’était bon. Mais bordel, qu’est-ce que ça pouvait te filer comme gerbe ces conneries ! T’avais la tête dans un étau, le cœur secoué et l’sang dilué. Si tu bougeais maintenant, obligé t’allais vomir tes tripes et ce serait pas beau à voir !
Tu ramenais néanmoins un bras devant ta tête, venant frotter tes yeux de deux doigts comme si ça allait t’aider à lutter contre ta gueule de bois. Ou te réveiller, te rendre les idées plus claires. Peine perdue, les lendemains de cuite n’étaient jamais beaux à voir et tu étais bien forcé d’admettre que tu n’avais plus vingt ans. Tu portais désormais plus difficilement tes excès mais ils ne t’empêchaient pas de recommencer sitôt la pèche retrouvée. En même temps, il n’y avait pas grand chose d’autre à faire dans le coin…
Quelqu’un s’était levé dans la maison, tu pouvais l’entendre au bruit de ses pas qui faisaient raisonner tout l’étage, l’eau qui coulait comme une fanfare sur le bac en faïence bon marché. T’avais la tête qui allait exploser face à tous ces bruits insupportables. Il était quel heure bon sang ? Tu osais à peine jeter un œil sur ton portable, les pixels bleutés vinrent t’agresser de pair avec le con qui s’était levé trop tôt et toi, tu laissais retomber ton bras sur ton lit, les yeux grands ouverts. Tu ne saurais plus trouver le sommeil maintenant, sans doute la faute à la cocaïne mais par convenance personnelle, tu préférais mettre les torts sur celui qui s’était levé si tôt.
Te redressant finalement, tu vins poser tes pieds au sol, coudes sur les genoux et visage dans les paumes. C’était chaud, de lutter dès le matin contre la nausée et la migraine. Tu savais ce qui aidait : un bon litre de café bien noir. C’était pas des conneries en plus, la caféïne dilatait les vaisseaux et fluidifiait le sang, ou un truc du genre. Ça éviterait que ton sang ne vienne s’agglutiner dans ta tête et battre du tambour contre tes tempes.
D’un pas lourd, tu pris finalement ton courage à deux mains, descendant jusqu’à la cuisine pour tenter de sauver ta journée. Sans doute que tu avais une sale gueule, rasé de près certes mais pas coiffé, les cheveux qui partaient en couille un peu comme ceux de Seven. En fait, c’était sans doute dans ces moments primitifs que vous vous ressembliez le plus, t’étais pas certain d’apprécier le délire mais là tout de suite, t’en avais rien à faire, tu ne pris pas la peine de te vêtir, ton sous-vêtement suffisait pour ce que tu comptais faire, y’avait personne à impressionner à six heures du matin chez les Popescu.
Descendant les marches de ce même pas lourd, tu allais dans la cuisine, tentant de dégager tes cheveux de ton front sans qu’ils n’adhèrent à l’idée, tu ne pris pas gare à ton jeune frère posé là avec un livre. Il n’y avait rien de choquant à la scène, Ioan avait toujours un livre en main. L’ignorant comme s’il n’avait pas été là, tu allais directement à la machine à café, soupirant néanmoins bruyamment à la vue de la cafetière vide. « T’as pas fait de café ? »Tu fais du bruit mais pas de café ? T’es quel genre de con toi ? pensais-tu sans le traduire oralement, faute à la gueule de bois.