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 everything that's broke (ashine)

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MessageSujet: everything that's broke (ashine)   everything that's broke (ashine) EmptyDim 4 Mar - 13:41

Elle va retrouver Caleb.
Elle est sur la bonne voie.

Voilà maintenant presque une semaine qu'elle est arrivée à Savannah, Maxine. Cinq jours, pour être exacte. Cinq jours qu'elle a quitté tout ce qu'elle connaissait jusque là. Sa petite vie tranquille n'est plus. Plus aucun repère. Rien qu'elle connaît. L'inconnu. Elle a enfin l'impression de se sentir libre. L'impression d'une grande bouffée d'air frais après avoir retenu son souffle pendant longtemps. Elle se sent enfin en vie. Pourtant elle ne peut s'empêcher d'angoisser, la gamine. Sensation inexplicable. Le manque, peut-être. L’appréhension, aussi. Elle sait que cette escapade pourrait lui coûter cher. Ses parents étaient furieux, évidemment, quand ils ont appris ce qu'elle comptait faire. Elle a aussi mis son couple en péril, et ça la tue à petit feu. Mais elle essaye de ne pas y penser. Il n'y a qu'une chose qui est importante à l'heure actuelle. Retrouver Caleb. Son frère. Elle ne peut s'expliquer ce besoin soudain de le voir. Comme une urgence. Vital. Deux ans qu'ils ne se sont pas vus. Deux putain d'années de manque, de colère, de rancune. Elle le déteste. Mais elle n'a jamais cessé de l'aimer, plus que n'importe qui sur cette fichue planète. Il est grand temps qu'ils parlent. Ils se doivent des explications. Parce que cette incompréhension, c'est le blocage de la vie de la gamine. Elle n'arrive plus à avancer. Elle n'arrive plus à écrire. Le premier roman, il est sorti du cœur. Ecrit sous le coup de la colère, de la tristesse, de la douleur. Ecrit après l'abandon d'un frère qui représentait tous les repères. Un phare dont la lumière s'est éteinte. Et Maxine, c'est le bateau qui, privé de repère, a foncé dans la falaise. Si le personnage principal de son bouquin a eu la chance d'avoir une fin heureuse, ce n'est toujours pas le cas de la gamine. Et il est grand temps que ça change.

Retrouver Caleb. Maxine, elle a mis longtemps à retrouver sa trace. Elle savait qu'il était à Savannah, mais encore fallait-il trouver une adresse. Pas de Caleb Bloomberg en ville. Elle a eu l'impression de chercher un fantôme. De chercher un mort. Elle y a songé, Maxine. Elle s'est dit que, peut-être, il avait réussi à se foutre en l'air finalement. Qu'elle cherchait après une personne qui n'était plus là. Un fantôme. Et puis elle a trouvé une piste. Un Asher Bloomberg, travaillant pour la police. Asher, comme le second prénom de Caleb. C'est lui, elle en a eu la conviction. Une adresse à laquelle elle a finalement fini par se rendre après deux jours d'hésitation. Sauf que ce n'est pas Caleb qui a ouvert la porte, mais un jeune homme brun, la vingtaine. Et Maxine, elle a cru qu'elle s'était trompée. Son visage s'est décomposé, elle a failli chialer. Elle a perdu espoir en à peine une seconde. Le gars en face, il n'a pas eu l'air franchement à l'aise, pourtant il a été gentil. Il a répondu à ses questions. Asher Bloomberg, trente-deux ans, brun aux yeux noirs, vit bien ici. Le gars, un certain Merle, est resté bouche-bée quand elle lui a finalement avoué qui elle était. La sœur d'Asher. Sauf que ce dernier, il n'était pas là. Sorti, apparemment. Et Merle, il a mis un moment avant de dire qu'Asher, il était peut-être dans cet endroit bizarre en ville, le Gentlemen's Club. Il n'avait même pas l'air sûr, comme s'il disait ça au hasard. Mais elle a décidé de tenter, Maxine.

Elle va retrouver Caleb. C'est ce qu'elle se répète à tue-tête, silencieusement. Comme pour se rassurer lorsqu'elle se retrouve devant un vigile, style gorille, à l'entrée de l'établissement. Il n'a pas voulu la laisser entrer. C'est pas un établissement pour les gonzesses comme elle, il a dit. Pourtant, Maxine, elle n'a pas baissé les bras. Gamine futée. Elle est entrée par la porte de derrière. L'entrée des artistes. Sauf que Maxine, elle était loin de se douter que les artistes en question étaient des strip-teaseuse. Elle s'est dit qu'elle était conne, qu'elle aurait dû y penser. Elle s'est retrouvée en coulisse, avec des nanas quasiment à poils. Malaise. Pourtant, elle n'est pas du style pudique, Maxine. Des femmes qui la regarde avec un air mauvais quand elle tente de trouver son chemin dans le labyrinthe. Un gars qu'elle fuit le plus rapidement possible quand il commence à lui houspiller dessus parce qu'elle n'est pas en tenue. Et puis la lumière, enfin. La salle, les voix masculines. Elle déambule entre les tables et les banquettes à la recherche d'un visage en particulier. Elle attire les regards des hommes, qui la salissent au possible. Maxine, elle est mal à l'aise. Pauvre petite souris au milieu des serpents. Princesse dans un environnement dans lequel elle ne devrait être. Elle a soudainement l'impression que sa robe n'est pas assez longue, que son manteau ne la couvre pas assez. Qu'est ce qu'elle fait là ? Elle est perdue, elle voudrait prendre ses jambes à son cou. Et puis leurs regards se croisent. Caleb. Son cœur se met à battre la chamade tandis que les yeux de son frère s'agrandissent de surprise. Elle oublie tout, Maxine. Il n'y a plus que lui qui compte. Elle s'avance, doucement, sans le lâcher des yeux. Elle arrive à sa hauteur, elle se plante devant lui. Elle ne sait pas quoi dire, alors elle l'observe un moment. Il n'a pas changé, pourtant il y a quelque chose de différent chez lui. Quelque chose qui fend le cœur de la gamine sans qu'elle sache pourquoi. « Caleb....  » Elle murmure. Son presque inaudible, comme un souffle.
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Asher Bloomberg

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MessageSujet: Re: everything that's broke (ashine)   everything that's broke (ashine) EmptyVen 9 Mar - 21:24

Max.
Un seul prénom pour toute une vie. Max, ça tonne quand le ciel est trop vide, ça résonne quand le gris accapare l’environnement, rouille les choses. Solitude inconnue. Max, vingt ans depuis que le prénom s’est glissé dans sa vie, les grands yeux bruns, les longs cheveux noirs, hannukkah au coin du feu, main dans la main, une fois, deux fois, dix fois. Trop pour les compter. Max, parfois, Microbe, souvent, les souvenirs pêle-mêle des gamins qu’ils étaient, album jauni, photos fanées. Incapables de faire les choses correctement, dans les clous pour papa et maman. Incapables de maintenir un cap, de garder la tête hors de l’eau, de ne pas se noyer sous un héritage trop lourd à porter, papa, maman, le nom qui flotte dans les hautes sphères, les amis qui ne se gênent pas pour montrer qu’ils en ont après ton fric. Max, ça se disperse dans l’air, ça s’oublie trop facilement, après deux années loin d’elle, après autant de temps ou presque sans vraiment se parler, appels discrets en fin de journée qui ne compensent pas la perte d’une âme sœur. Et des mois depuis la corde dans le bureau, depuis l’hôpital, la visite imprévue de maman,  indésirables, les mots sifflés comme un serpent à sonnette, reproches au bout des cloches. Maman, il ne sait même pas s’il peut l’appeler encore comme ça, même s’il n’y a qu’elle qui est venue le voir. Max, elle n’est pas venue. Max, elle n’a rien dit. Max, il n’a pas entendu parler d’elle depuis des mois. Y aurait pas de raisons, elle devrait lui en vouloir. Elle lui en veut sûrement, faut croire, entre les paroles informulées, le silence assourdissant. Il n’a pas appris à vivre sans entendre sa petite voix dans son oreille, sans sentir sa présence à ses côtés. Nu sans elle, comme s’il n’y avait plus rien entre lui et le reste du monde, plus rien pour le garder à la surface, plus rien pour le garder en vie, la cage thoracique qui s’asphyxie, souffle de plomb, tête en feu.
Pourtant c’est fini, depuis longtemps. Max et lui contre le reste du monde.
C’est fini et elle lui a fait comprendre de la manière la plus cruelle.
En disparaissant.
Ce sont sans doute les effets du manque, l’envie de voir des gens, de parler à quelqu’un même si ça implique que cette personne soit une strip-teaseuse, qui le poussent à franchir la porte du Gentlemen’s Club ce soir-là. Il aurait pu aller n’importe où, en réalité. N’importe où, là où ses jambes l’auraient guidé, là où il serait venu se paumer à défaut de mieux. Il aurait pu rester à l’appartement aussi, se paumer contre Merle comme il le fait trop souvent, le bousiller, les foutre en l’air, oublier que ça lui fait mal de penser à tout ce qu’il a pu subir, à tout ce qu’il ne lui a jamais dit. Il aurait pu avoir mille idées meilleures, mille stratagèmes plus habiles, plus étoffés, se jeter d’un pont, passer sous un camion. Il aurait pu mais l’un de ses collègues lui avait envoyé un texto pour une sortie entre mecs et il avait eu la faiblesse de dire oui. Il regrette dès qu’il s’y trouve. Trop de filles dévêtues, trop d’alcool dégueulasse, ça lui manque de passer juste un peu de temps dans des bars crades, à casser la gueule à des mecs qui cherchent la merde. Main dans la main, poing dans le poing. Avec Caïn. Ça lui manque, putain, ça lui manque à lui soulever le cœur, à lui donner envie de se barrer tout de suite, de ne pas laisser une seule chance à cette soirée.
Il se resserre lui-même un whisky, ignore les remarques salaces des hommes qui l’accompagnent ainsi que leurs regards trop lubriques qui glissent sur les danseuses. « J’vais pisser », il souffle, excuse minable mais suffisante pour se barrer discrètement. Lorsqu’il ressort des toilettes, il ne retourne pas les voir, surtout pas. Il préfère s’asseoir au bar, commander une nouvelle boisson. Cul sec, lorsque le verre arrive, ses yeux qui peinent à refaire la mise au point lorsqu’il rouvre les paupières. Surtout lorsqu’il tourne la tête et qu’il voit le visage de Maxine.

Y a quelque chose qui se passe dans son cœur, un tambour à cent à l’heure, un moteur qui ronronne doucement, un pic en plein cœur. La sensation d’être à la maison et, en même temps, la peur des reproches qu’elle pourrait lui adresser. Il devrait lui en vouloir. Il lui en a voulu. Tout s’efface bêtement lorsqu’elle est devant lui. « Max », il répond à son Caleb, pince les lèvres, ça le fait tiquer de l’entendre l’appeler comme ça, parce que ça fait une éternité qu’il demande à être appelé Asher, parce que Caleb remue trop de mauvais souvenirs, l’impression de n’être qu’un remplaçant, pas suffisamment bon pour qu’on lui donne son propre prénom. « Que », il commence, s’aperçoit qu’elle n’a rien à faire là, attrape sa main et les entraine tous les deux vers la sortie. Dessaoulage immédiat, pas question qu’elle reste ici une seconde de plus. Ça lui colle mal au crâne, ça ou l’alcool, ça fait se dérober ses jambes alors que l’air frais de l’extérieur les happe. « Qu’est-ce que tu fais là ? » Ton pressé, froid, question cinglante, loin de la douceur de ses premiers mots, alors que le prénom de la brune franchissait sa bouche pour la première fois depuis longtemps. Il voudrait lui dire qu’il est désolé. Il voudrait lui dire qu’il l’aime. Faut croire qu’il n’est pas encore prêt. « Tu d’vrais pas être là. » Les mots bouffés, ça les sort de leur confort new-yorkais. Ça fait bien longtemps qu’il n’articule plus assez quand il parle, habitué au jargon des gosses de la rue. Il plonge une main dans sa poche, sort son paquet de cigarettes, en flanque une entre ses lèvres. Il sait que c’était interdit, là-bas. Ça ne l’a jamais empêché d’en abuser, déjà à l’époque. Moins sage que son image. « Papa et maman seraient furieux », il souffle, expire la fumée blanche sur le côté. Trop impersonnel. Je t’aime, tu sais.
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MessageSujet: Re: everything that's broke (ashine)   everything that's broke (ashine) EmptyMer 14 Mar - 20:42

Caleb
Il est là, devant elle. Elle l'a retrouvé. Enfin. Les recherches sont terminées. Le but est atteint. Et elle se sent enfin complète de nouveau. Presque. Caleb et Maxine. Réunis. Deux âmes sœurs qui se sont pourtant éloignés. Deux âmes sœurs que la vie a séparé. Des conneries. Pire qu'une putain de tragédie de Racine. Des regards qui se coisent. Des yeux dans lesquels ont peut lire la surprise, l'espoir, la colère. Espoir de tourner la page. Colère et rancune dans les cœurs. Des cœurs qui battent bien trop rapidement, bien trop fort. Ça en ferait presque mal. Ils se rapprochent. Face à face. Nez à nez. Des prénoms prononcés, le souffle coupé. Caleb et Max. Des tas de choses qu'ils devraient se dire, mais aucun mot qui ne sort. Le bordel dans leurs têtes. Max, elle regarde son frère. Il lui a manqué. Beaucoup trop. Pourtant, il y a quelque chose qui l'empêche de se jeter à son cou. La rancœur. Il va falloir pardonner, mais c'est trop tôt. Elle n'est pas prête. Il faut parler, discuter. Mais par où commencer ? Que dire après deux ans de silence ? Le cerveau en vrac. Elle est silencieuse la gamine, alors qu'elle est connue pour être un véritable moulin à paroles. Toujours quelque chose à dire, sauf là maintenant. Silence assourdissant. Pourtant ils avaient toujours quelque chose à se dire avant. Avant, quand tout était facile. Avant les drames, les abandons, la colère et le silence. Toujours ce putain de silence qui s'immisce entre eux. Silence finalement brisé par Caleb. Une phrase non terminée. Un mot, une interrogation qui n'est pas correctement formulée. Elle comprend, Maxine. Il veut savoir ce qu'elle fait là. Elle le lui aurait dit, elle aurait tout expliqué. Mais il ne lui en laisse pas le temps. Une main qui agrippe la sienne fermement et qui l'entraîne vers la sortie de l'établissement trop glauque à son goût. Elle n'y remettra jamais les pieds, elle s'en fait silencieusement la promesse. Caleb, il va trop vite, et max  elle peine à suivre avec ses bottines à talons. Elle traverse la salle à grandes enjambées, juste derrière son frère. Et puis ils se retrouvent dehors. Bouffée d'air frais. Gifle gelée en pleine gueule. Aussi gelée que les mots de son frère. Fini la surprise, le tambour dans la poitrine. Place à la réalité qui les rattrape trop vite, trop brutalement. Qu'est ce que tu fais là ? Une intonation trop froide, trop dure qu'elle ne lui connaît pas. Il ne lui a jamais parlé comme ça. Jamais. Et pendant juste une seconde, il lui rappelle un peu leur père. Père à qui ils ont toujours tenté de ne pas ressembler. Elle ne lui dit pas le fond de ses pensées, max. Elle se contente de croiser les bras contre sa poitrine avant d'hausser les épaules avec nonchalance. « Qu'est ce que je fais à Savannah, ou qu'est ce que je fais dans ce bar de pervers ? » Reproches à peine dissimulés. Qu'est ce qu'il fait là, lui, à boire au milieu de filles trop peu vêtues ? Aux côtés de ces mecs aux regards trop lubriques, en train de bander en fantasmant devant des jeunes femmes qu'ils n'ont certainement pas le droit de toucher à cause des règles d'un tel établissement. Regarder sans toucher. Regarder avec les yeux. « J'avais besoin de vacances et je me suis dit que ce bled était idéal. Et puis comme j'avais soif après avoir cherché mon frère pendant plusieurs jours je me suis dit qu'aller boire un verre dans un club de striptease était une idée absolument brillante. » Ironie. C'est la meilleure arme de la gamine depuis toujours. Elle l'use trop souvent, la dégaine comme une arme à feu. Façon de se protéger, de ne pas montrer qu'elle est blessée. « Il fallait que je te vois. » Vérité qui sort enfin. Elle ne donne pas plus de détails. Pas maintenant. De toute façon l'histoire est bien trop longue pour être racontée en pleine rue. Elle a envie de lui dire comment elle a retrouvé sa trace, comment elle a failli perdre espoir quand elle n'a pas trouvé de Caleb, et puis comment elle a deviné qui il était maintenant. La rencontre avec Merle aussi. Elle voudrait tout lui dire. Mais pas maintenant, parce qu'elle ne trouve pas les mots. Le comble pour une écrivaine. Mais c'est pour ça qu'elle est là. Parce qu'elle ne peut plus écrire sans lui. Elle n'a plus les mots en son absence. Tu d'vrais pas être là. Des mots bouffés, un accent de voyou. Le Caleb de New York est loin, elle ne le comprend que maintenant, max. Il a changé. Des mots qui la poignarde en plein cœur. Mais elle est trop fière pour le montrer. Alors elle garde la tête haute et son air détaché, presque hautain. Expression qu'elle a appris à afficher quelque soit les épreuves, quelque soit la situation. Gamine joyeuse ayant perdu de son éclat depuis le départ de son frère tant aimé. « Je sais, mais je suis là quand même. » Visiblement puisqu'elle est face à lui. Il sort une clope, l'allume. Ça pue la nicotine, ça lui chatouille les narines à max. Elle n'aime pas ça. Elle hausse un sourcil en regardant Caleb. Son Caleb. Elle le regardais déjà comme ça quand il fumait devant elle à l'époque. « Je vois que tu n'as pas perdu tes mauvaises habitudes. » Caleb, le gosse de riche moins sage que son image. Tout le contraire de max. Ils ont toujours été différents ces deux là. Différents mais complémentaires. Le Yin et le Yang. Caleb l'enfant terrible et Maxine la fille idéale forgée à l'image de papa et maman. Des parents subitement évoqués. Oui, ils seraient furieux de la voir ici. Ils seraient furieux de la voir avec Caleb. Ils seraient furieux de la voir si désobéissante après tant d'année à faire ce qu'ils voulaient. « Papa et maman sont furieux. Ils n'étaient pas franchement emballés par mon idée de te retrouver quand je les ai appelé de l'aéroport. » Ils l'ont engueulé, ont tenté de la décourager, de lui faire changer d'avis. Mais elle a tenu tête la gamine. Elle ne les a pas écouté, elle n'en a fait qu'à sa tête, pour la première fois de sa vie.
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MessageSujet: Re: everything that's broke (ashine)   everything that's broke (ashine) EmptyMer 21 Mar - 20:43

Elle a toujours été trop, Maxine. Même quand elle avait cinq piges, un sourire édenté, de jolies boucles brunes en vrac devant les yeux, même quand elle avait à peine l’âge de pouvoir lire trois noms sur un bottin, même quand le monde entier lui promettait encore des merveilles, qu’elle avait une liste longue comme le bras de choses à accomplir dans la vie, des prodiges qu’elle avait à peine envisagé de vivre. Même quand elle avait la bave au nez, le sang sur les genoux, ratatinée trop de fois sur les cailloux, même quand il la ramassait parce qu’il n’a toujours su faire que ça, consolation de fortune quand le monde devenait trop vaste et trop méchant, ami quand elle n’avait que des ennemis, protecteur quand leur père jouait trop mal son rôle, qu’il était inscrit aux abonnés absents, qu’il n’avait même pas la décence de participer même passivement à la vie de ses enfants, ni spectateur ni maître d’œuvre, juste ombre sur un tableau. Y avait maman, aussi, un temps, maman et ses doigts trop longs et trop fins, maman et son visage sévère, maman et sa rigidité permanente, légendaire, maman, mère, trop éloigné de Maxine, de Caleb d’eux. Jolie petite famille qui sourit sur les portraits mais se déteste hors-champ, le grand-frère sur lequel on a misé trop de choses, sur lequel on a fondé trop d’espoir, sur lequel on a étalé des couches et des couches d’exigence jusqu’à ce qu’il en ait par-dessus la tête. Maxine, la protégée jusqu’à ce que son bouclier se barre, jusqu’à ce qu’Asher soit trop absent, quand elle avait à peine dix piges, le grand-frère à la fac et la cadette dans les griffes des vieux, éternel regret qui le suivra jusqu’à son lit de mort. Il l’aime, Maxine, il l’aime et ça provoque un accroc dans le temps parce qu’il devrait se sentir distancié, ne plus penser à elle, à sa famille, à New-York, parce qu’il n’était pas heureux à cette époque là, vomissait juste un simulacre de joie de vivre, un bonheur feint, parce que ça creusait un puits d’acidité dans ses tripes, comme si mentir chaque jour que Dieu fait était le meilleur moyen de choper un ulcère. Elle l’a toujours su, Maxine, comme ses parents, qu’il ne finirait pas à New-York, qu’il ne finirait peut-être pas tout court, qu’il y avait trop de choses qui le paralysaient, l’angoissaient, détruisaient toutes ses forces, que c’est toujours le cas aujourd’hui même s’il avance sans se poser trop de questions, même s’il adopte une attitude assurée, c’est toujours le cas et elle doit le savoir, Maxine, si elle l’a déjà connu un minimum. Elle doit savoir que ça n’a jamais été pour lui, tout ça, la vie en palace et les études réussies et le mariage parfait et le religieux modèle, que ça n’a jamais fait partie de ses plans de carrière, qu’il préfèrerait se flinguer que retourner avec Scarlett et qu’il foutrait le feu à une torah juste pour lire l’expression de terreur sur le visage de ses parents. Maxine n’est pas comme ça. Maxine n’est pas comme ça et ça ne lui ressemble pas d’user de sarcasme, de cynisme, de lui cracher des mots au visage sans se préoccuper de savoir ce que ça implique, et elle fait ressortir le grand-frère en lui, celui qui joue des coudes, qui bouscule, qui lui balance un « baisse d’un ton » quand elle lui parle de mauvaises habitudes parce qu’il n’a jamais essayé de passer pour un enfant de chœur, parce qu’il était tout juste bon à présenter à de nouvelles prétendantes à cause de sa belle gueule et de son parcours irréprochable. Il n’a jamais voulu qu’on croie qu’il était mieux que tout le monde, Asher, trop modeste, de l’or au bout des doigts mais jamais le culot de faire le choix, de sortir de ce cercle infernal, de cette vie qui ne vaut pas un clou, faire quelque chose de bien, faire quelque chose qui lui plaise. Grandir.

Elle ne sait pas, Maxine.

Papa et maman étaient furieux, elle dit. Papa et maman étaient furieux, y a tout qui remonte, Asher qui tapote nerveusement du bout du pied, étouffe un rire acide, jaune, crache une bouffée de fumée de côté, histoire de ne pas trop l’embrumer. « Maman est venue me voir à l’hôpital. » C’est sorti tout seul, il n’a pas vraiment pris le temps de peser les mots, de pondérer, ignore si Maxine est au courant et si elle sait, pour la corde dans le bureau, pour le presque cadavre retrouvé par ses collègues, pour la une des journaux, pour les visites qui ont suivi, les non-visites, la sienne. Elle n’est jamais venue. Elle n’est jamais venue et jusqu’à maintenant, il avait du mal à le lui reprocher, parce qu’il n’a rien fait pour la garder proche de lui, parce que c’est pas un cadeau une fois par an qui comble le vide, parce que c’est pas trois conversation par mois qui aident vraiment. Il avait du mal à lui reprocher parce que sa culpabilité maladive le rongeait, l’empêchait de réfléchir, de panser les plaies, de tourner la page. Sauf que là, ça sort, au bout du maman est venue me voir, le elle qui pointe presque, la voix mouchetée de reproches, ils peuvent être deux à jouer à se faire du mal, elle n’a sûrement pas envie de tester son apnée sur ce plan là. « Pour me dire que j’avais mal fait le boulot, comme d’habitude. » Comme d’habitude, pour l’enfoncer, pique discrète noyée par un fond de tristesse, un soupçon de culpabilité, il l’avait senti à la manière qu’elle avait eu de se cacher à un moment pour essuyer une larme. Comme avant, quand il comptait. C’était presque bon, de la revoir. C’aurait été encore meilleur si Maxine avait été là. « T’es venue me dire ça aussi, Microbe ? » Ça se casse sournoisement d’entre ses lèvres, le surnom, le petit tacle, rien de méchant mais un fond de sincérité, d’amertume mal dissimulée, le goût amer malgré tout le sucre qu’il verse dessus. Il craque, n’arrive pas à vraiment rester sérieux, à vraiment lui faire la gueule, échappe un sourire derrière sa cigarette, passe une main sur sa joue. « Tu m’as manqué. » Pour de vrai.
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