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 sous acide (river²)

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Leonard River

Leonard River
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MessageSujet: sous acide (river²)   sous acide (river²) EmptyMer 31 Jan - 15:55

La routine, aussi toxique soit-elle, a le mérite de poser un cadre, tracer une route. On la connait, on n’y trouve plus de surprise. Mettez un obstacle sur la route, et c’est tout le mécanisme qui flanche. Leo a toujours eu un mode de vie peu viable sur le long terme. Heureux ou pas, il est incapable de s’auto-gérer correctement. Incapable de doser. Incapable d’encaisser la moindre pression. Aussi souriant, performant, et enthousiaste qui donne l’air d’être, il ne fait que tourbillonner un peu plus profondément dans un chaos de déséquilibré. Maintenant que la routine est buguée, que le boulot était en stand by, et qu’il passait ses journées à gérer les crises de Jeff mais avait tout le loisir de rentrer chez lui le soir, son système, à Leo, est bugué aussi. Trop de temps, trop d’opportunités, et l’angoisse permanente de s’ennuyer dans ses 35 m². Ses angoisses, pourtant, ne le laissent jamais tranquille. Elliot a toujours tué Steve. Serena est toujours mourante. Comme quoi, Jeff n’est pas réellement la cause de son mal. Et ce n’est pas à cause de Jeff qu’il sort de sa petite boite avec des mosaïques dessus le carnet de buvards qu’il garde précieusement.

La drogue, pour Leo, n’a jamais été un exutoire, un moyen de se sentir mieux ou une pratique de rebelle en crise. Au contraire, chez lui, les drogues étaient beaucoup trop dédramatisées. C’est sa grand-mère qui lui a roulé son premier joint quand il n’était qu’un ado. Les drogues n’étaient alors, pour Leo, qu’un moyen d’ouverture d’esprit, introspection et de paix intérieure. C’est devenu l’équivalent d’une tasse de café quand il a commencé à travailler pour la télévision.

Il ne réfléchit pas longtemps à placer un buvard coloré sur sa langue et en prend quelques autres avec lui dans le fond de sa poche. Juste après ça, il roule une cigarette, enfile son t-shirt d’artiste (celui qui est parsemé d’éclats de peinture), attache dans ses cheveux son plus beau foulard ethnique, attrape une veste en jean et décolle de son appartement sans y réfléchir plus que ça. S’il y réfléchit, il va se dégonfler. Sur son skate, il en a pour une petite demi-huit pour rejoindre Historic District, mais c’est tant mieux. Son casque de musique sur les oreilles, il attend simplement que l’acide fasse effet, petit à petit, dilate ses vaisseaux, ou peu importe les conséquences chimiques qui lui permettront d’oublier, ne serait-ce qu’un instant pourquoi il se rend réellement à Historic District. Pourquoi il doit la voir, ce petit bout de femme à qui il n’a pas envoyé de message depuis un peu trop longtemps maintenant. Jael et ses douces folies, Jael et sa naïveté, Jael et son esprit libre, son âme d’artiste, sa gentillesse candide. Jael avec qui art rime avec acide. Leo pense alors, tandis que son skate dévale la route jusqu’au centre ville. Il pense à ces nuits étoilées, à ces discussions endiablées, à ces pots de peinture renversés qu’il a passé avec elle et Serena. Trois âmes perchés qu’ils sont, avec la même sensibilité pour les plaisirs simples et le LSD. Peut-être qu’il n’y aura plus de ces soirées. Peut-être seulement, parce que Leo n’a pas encore intégré la gravité de la situation. En parler à Jael, c’est d’abord l’arracher du coin maudit de son cerveau, l’arracher du fond de son coeur pour partager le fardeau, tenter de l’exorciser. En parler à Jael c’est aussi la préparer, elle qui est si fragile du haut de ses… quel âge elle a déjà ? Leo se rend compte qu’il ne lui a jamais demandé. C’est aussi l’occasion d’explorer un peu leur esprit drogué à l’acide. L’occasion de mettre tout ça derrière eux quelques heures. Jael a le chic pour faire tout oublier à ses amis.

La musique hurle dans son casque, et doucement, la drogue commence à agir. Les feux rouges éclatent sur ses pupilles dilatées, la lumière se fait presque aveuglante. Leo sent son corps se détendre comme s’il était fait de coton, un sourire étire ses lèvres trop mince sur son visage émacié. Il bifurque à droite au dernier moment, une voiture pile et le klaxonne il répond d’un geste amical de la main, et tire sur sa cigarette coincée entre ses lèvres. Il loupe l’immeuble en passant devant, fait marche arrière d’un pas peu assuré.

Il ne va pas souvent chez elle. L’arrière boutique Serena est plus confortable, l’appartement de Leo est plus tranquille. Chez Jael y a trop de bruit, y a trop de gens. De toute façon, quand ils se voient, elle cherche souvent à s’échapper de son appartement, de sa colocation. D’ailleurs, Leo n’a jamais posé plus de question que ça sur son mode de vie. Ce n’est pas qu’il s’en fiche, c’est juste que le sujet n’est jamais arrivé dans leurs conversations utopiques. Il ne se souvient pas très bien de l’étage quand il se retrouve dans la cage d’escalier, mais il veut lui faire une surprise, à Jael, donc il n’ose pas demandé.

Il frappe, presque sûr d'être à la bonne porte.

J’fournis les pinceaux et l’acide si tu fournis la peinture. Qu’il déclare naturellement, en riant à moitié, dès que la porte s’ouvre. Mais son regard tombe trop bas, en plein dans le torse frêle d’un ado. Leo remonte doucement ses yeux explosés vers le haut. Tiens. Tiens, River. Qu’il fait remarqué avant de se mettre à rire tout seul. Il l’a déjà croisé une fois ou deux, leur conversation s’arrête plus au moins au fait qu’ils ont un nom en commun. Comment tu vas ? Jael, elle est là ? Il regarde par-dessus l’épaule du blond, sans trop savoir s’il cherche la petite tête ébourrifée et pailletée de Jael ou si c’est l’espèce d’ampoule qui grésille qui attire son attention. Les couleurs claquent vraiment dans sa tête. Sans trop écouter ce qu’à à dire River, Leo pose sa tête contre l’encadrement de la porte. Non, elle est pas là ? Il est pas sûr d’avoir très bien entendu. Meeerde, tu me laisses entrer quand même ? j’vais avoir du mal à partir en sens inverse. Ses sens partent en vrille, son corps aussi. Bientôt, le blast.
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River Albarn

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MessageSujet: Re: sous acide (river²)   sous acide (river²) EmptyDim 4 Fév - 15:47

Depuis quelques jours River se fait à une nouvelle routine. Après sa douche, il emprunte le fond de teint qu'une fille partie depuis longtemps a abandonné derrière elle. Il n'a jamais appris à se maquiller et il n'y a personne de disponible en ce moment pour l'aider, alors c'est approximatif, mais ça suffit pour qu'on ne remarque pas du premier coup d’œil ses yeux au beurre noir (oui, les deux) et l'arrête de son nez qui tire encore sur le pourpre. Au moins ça a dégonflé. Il faut s'attarder sur son visage pour se rendre compte que quelque chose ne va pas, et pour éviter ça il se balade partout avec la capuche d'un hoodie un peu trop grand remontée sur la tête, même dans l'appartement, et des lunettes de soleil en plastique sur le nez quand il sort. Ça fait un peu mal, mais bon, ça lui épargne quelques mouvements de recul et surtout des questions auxquelles il n'a pas envie de répondre. Il aurait du mal à mentir s'il croisait Felix ou Asher dans la rue avec l'air d'avoir tourné un remake de Fight Club. Il a dit aux autres qu'il s'est fait agresser. C'est vrai. Il a simplement omis tout un tas de détails. Il a aussi prétendu qu'ils étaient plusieurs et l'avaient choisi par hasard, il a dit qu'il ne pourrait pas les reconnaître, il n'a pas parlé de la drogue glissée dans son verre, il n'a pas parlé du pire. Personne n'a besoin de savoir. Il y en a qui chercheraient à le venger. River, il veut juste qu'on oublie ça, alors il n'a admis que l'indéniable, qu'il s'était fait passer à tabac. Ça n'a rien d'exceptionnel chez les Lost Boys. Dans quelques jours les choses se seront tassées, si tout se passe bien. Il n'a rien de cassé — il avait peur pour son nez —, mais il doit encore s'assurer d'une chose. Ce ne sera pas la première fois qu'il entre dans un centre de dépistage en craignant l'irréparable. Il essaie de se rassurer. Jusque-là il a toujours évité le pire. Pourtant ses doigts tremblent un peu quand il tamponne le fond de teint aussi légèrement que possible, effleurant à peine ses ecchymoses. Il va y aller aujourd'hui. Il s'est déjà dit ça hier. Il a erré en ville et autour du centre mais il n'a pas réussi à en passer la porte.

Quand il en a fini avec le maquillage, il n'a pas bonne mine mais le kaléidoscope bleu violet pourpre et même verdâtre de ses contusions est plus unifié. Il se demande si sa mère a dû apprendre à camoufler ses blessures comme ça, elle aussi, quand son copain la frappait. Il se demande si elle est encore avec lui. Il se demande si elle a eu ce bébé ou pas, finalement. Son demi-frère ou sa demi-sœur, abandonné par ses aînés, peut-être malade ou né avec des malformations, peut-être mort-né ou peut-être oublié dans le système des enfants trop bousillés pour qu'on veuille les adopter. Il soupire et relève sa capuche. Ça projette une ombre assez importante sur son visage pour finir de dissimuler sa honte. Sous le coton épais, il a d'autres ecchymoses, sur les côtes et dans le dos, sans parler du reste, ça ralentit tous ses gestes. Personne ne remarque à quel point, c'est l'avantage d'avoir déjà cette image du mec trop lent qui lui colle à la peau. Il sort de la salle de bain et fait les cent pas dans l'entrée à se répéter qu'il faut qu'il sorte, qu'il faut qu'il y aille. C'est juste une prise de sang. Il n'aime pas beaucoup les aiguilles. Il n'a pas été habitué aux vaccins quand il était petit parce que ses parents étaient anti-vaccins, en fait il n'a quasiment jamais mis les pieds chez un vrai médecin. Les aiguilles, ça lui évoque d'abord et surtout l'héroïne, maman et Robbie qui planent et c'est mieux comme ça parce que sinon ils se battent. Il n'aime pas les aiguilles, mais ce n'est pas ce qui le fait tant hésiter. Il a surtout peur du résultat. Il sait pourtant qu'il vaut mieux qu'il soit au courant s'il a été contaminé par la moindre saloperie, il sait que faire l'autruche n'y changera rien, mais il a peur. Il est encore en train d'hésiter devant la porte quand il entend frapper. Il est surpris mais ouvre presque aussitôt, un peu comme si c'était exactement le coup du destin qu'il attendait.

Leo se tient derrière la porte et s'adresse à lui immédiatement, enfin pas vraiment à lui, à Jael. Si Jael ne lui manquait pas et si Leo n'avait pas parlé d'acide, River aurait trouvé amusant qu'il s'attende à ce que ce soit forcément elle qui lui ouvre. Ce n'est pas comme si dix autres personnes étaient susceptibles de squatter l'appartement... River ne peut pas s'empêcher de lui sourire quand même, finalement, quand Leo se met à rire sans raison. Il est défoncé, ça se voit, et il aurait aimé continuer avec Jael, et ça énerve River, mais de toute façon Jael n'est pas là. Ce qu'il lui dit. « On l'a pas trop vue ces derniers temps Jael. » En fait, il a même imaginé qu'elle pouvait être quelque part avec Leo, à un moment. Il est plutôt rassuré d'apprendre que ce n'est pas le cas, même si ça ne veut pas dire qu'elle ne se drogue pas avec quelqu'un d'autre ou toute seule. Leo n'a pas l'air de l'avoir entendu, pas inquiété par ce que River vient de lui dire, mais il n'insiste pas. Il doit être un peu trop ailleurs pour raisonner. Alors River s'écarte de la porte pour le laisser entrer comme il le lui demande et referme derrière lui. Voilà, il a un invité, ça lui fait une bonne excuse pour ne pas aller se faire pomper le sang tout de suite. Leo, il lui rappelle un tas de choses en même temps. Le pire et le meilleur en même temps. Leo, c'est les semelles de vent et la caravane de ses parents, son frère et sa sœur et les autres gamins de hippies qu'ils fréquentaient quand ils vivaient dans ces communautés alternatives qui subsistaient ça et là aux États-Unis. Leo, c'est aussi l'appartement miteux où sa mère a atterri avec Robbie, la petite dînette à base de cuillères et de seringues. Leo n'en est pas là, du moins River ne pense pas, mais il a toujours peur qu'il y vienne et qu'il y entraîne Jael.

Il baisse sa capuche — Leo n'est sûrement pas en état de remarquer quoi que ce soit —, et l'amène au salon. « Fais comme chez toi. » Lui aussi il ne fait que faire comme chez lui, mais ça lui fait du bien de faire semblant en jouant le maître des lieux. Du coup, il ne se vautre pas directement dans le canapé, il fait l'hôte modèle avant : « Tu vas bien ? T'as besoin de quelque chose ? De l'eau, trois kilos de frites... » il propose avec un petit sourire. Il ne sait pas si ce qu'a pris Leo donne des fringales, clairement il n'a pas juste fumé. « Euh, dis, tu l'as vue quand la dernière fois, Jael ? » Ça vaut peut-être la peine de lui demander, même s'il n'est pas sûr de pouvoir faire confiance à sa notion du temps vu l'état dans lequel il est.


Dernière édition par River Albarn le Lun 5 Mar - 22:04, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: sous acide (river²)   sous acide (river²) EmptyLun 19 Fév - 9:04

Leo n’a entendu qu’à moitié la réponse de River, assez pour comprendre que Jael n’est pas ici, pas assez pour en apprendre plus. Elle ne vit plus ici ? Depuis combien de temps elle est partie ? Bof, il sait pas. Il se contente de demander l’asile. Il sent bien que son esprit se fait la malle. Y a les lumières qui clignotent partout sur son iris, et y a ses sensations qui foutent le camp. Leo a l’impression de marcher dans de la pâte à modeler. Oh ! de la pâte à modeler ! Ca serait génial d’en refaire ! Il se promet d’en acheter pour sa prochaine session défonce avec Jael, car elle va manifestement louper celle-ci. Tant pis pour elle. Au moins, River l’invite poliment à entrer. Fais comme chez toi. Et Leo le regarde presque droit dans les yeux et y a un sourire vague qui ondule sur son visage émacié. Il fait lourdement tomber sa main sur la joue de River qu’il tient comme si il venait de lui sauver la vie, ou que sais-je. Il fronce les sourcils, et, en ne titubant presque pas, il répond avec le plus de sincérité possible : Merci, t’es vraiment un mec bien… River. Et il se marre en prononçant son propre nom de famille, comme si c’était quelque chose d’exceptionnel ici, de croiser quelqu’un qui s’appelle comme vous. Leo ne voit pas le mouvement de recul et la grimace du jeune garçon quand il a donné des petits coups sur sa joue de manière un peu trop paternaliste. Il ne devine pas le fond de teint mal étalé qui laisse entrevoir un peu de bleu et de noir. Peu importe, son sac à dos sur un épaule, Leo pénètre dans l’appartement comme s’il le découvrait pour la première fois. Il reste planté au miieu du salon, (c’est le salon?), les bras ballants. Il se rend compte qu’il n’a jamais vraiment pris le temps de détailler les lieux, de s’attarder sur le bordel, sur l’état vétuste des murs, sur ce trop plein d’affaires qui débordent de partout. En fait, Leo ne sait même pas combien ils sont dans cet appartement qui lui semble déjà trop petit pour deux. C’est comme quand vous faites la route avec un ami, qui connait déjà le chemin. Tentez de le faire vous-même le lendemain, vous ne pourrez vous souvenir d’aucun virage, parce que les rares fois où Leo avait foutu les pieds ici, il s’était laissé guider par Jael et son euphorie, ses paillettes dans les yeux, qui en envoyant partout où elle regardait. Heureusement, l’acide aide à voir ça un ton plus rose. Tu vas bien ? T'as besoin de quelque chose ? De l'eau, trois kilos de frites... Leo lève ses mains, avec les manches trop longues qui débordent presque de ses doigts et fait une croix avec en faisant non de la tête. Il aurait bien mis du son en même temps, mais il n’y arrive pas vraiment. Voilà pourquoi il attend que ses bras retombent dans le vide avant d’expliquer : Ah non, juste de l’eau. J’mange pas. Une pause. Souvent. Leo fait un tour sur lui-même pour observer les lieux, ça lui donne le tournis. Tu sais pas où Jael range sa peitnure par hasard ? Au pire, ses crayons ? River a déjà disparu dans une pièce attenante pour aller lui rapporter le verre d’eau et tandis que le silence envahit la pièce, Leo lui oscille la tête d’un côté et d’un autre surtout parce qu’elle à l’impression qu’elle est lourde, et que son cerveau est en train de dégouliner par ses oreilles. Il rit. IL se dirige vers le canapé et s’y laisse tomber en poussant un long soupir de soulagement. Décidément il aurait été incapable de rentrer en skateboard jusqu’à chez lui. En attendant le retour de River, Leo en profite pour sortir de son sac les pinceaux, les grandes feuilles de dessin et la petite boite remplie de buvards. Il pose tout ça avec précaution sur la table basse déjà encombrée. Mais déjà River revint avec l’eau fraiche qui a l’air de scintiller comme des lucioles. Leo fait un grand sourire. Haaaan, c’est trop sympa merciiiii. Comme s’il n’avait pas bu depuis la nuit des temps. Il tend le bras pour attraper le verre et le ramène contre lui, baisse les yeux, observe l’eau en remuant légèrement le contenant. Il fait ça pendant près de cinq minutes. Euh, dis, tu l'as vu quand la dernière fois, Jael ? Leo est toujours en train d’admirer les reflets fluo que l’acide donne à l’eau quand il entend ça. Il fronce légèrement les sourcils et penche la tête sur le côté pour regarder l’adolescent. Enfin, ce qui ressemble à un adolescent. Sans doute. Pourquoi ? qu’il demande, méfiant, sans trop savoir de quoi il se méfie de toute façon. Leo ne sait pas depuis combien de temps il ne l’a pas vu, cette petite boule d’énergie, pleine d’onde positive. Ca fait longtemps qu’il n’a plus le temps pour ce qui lui fait vraiment du bien. Voyager, voir des gens intéressants, débattre avec d’autres, faire un peu de syndicalisme, scander deux trois slogans et passer la soirée à se promener en ville avec sa caméra portative sur l’épaule, juste pour filmer des jolis plans qui ne lui serviront jamais. Ouais, ça fait un bail que Leo n’a pas vu Jael, parce qu’il n’a pas le temps. Pas le temps pour une parenthèse enchantée avec la nana la plus gentille qu’il n’a jamais rencontré, la plus magique aussi. Leo croit à la magie, bien sûr, il en a fait l’expérience au fil de ses rencontres, les marabouts en Afrique, les moines Tibétains… Il a vu comment parfois, l’univers peu juste aligner un peu mieux les planètes pour créer des miracles. Et bien Jael, c’est un miracle à elle toute seule. L’une des dernières optimistes de ce monde. Et Leo n’a juste pas pu lui accorder quelques heures dans son programme. C’est triste. Ca le rend triste en tout cas. Du coup il sort de sa poche son tabac à rouler et commence à faire une cigarette, sans vraiment demander l’avis de River en fait. J’sais pas quand c’est la dernière fois que je l’ai vu. Vraiment pas. Et pourtant, c’pas faute d’en avoir envie. Jael et moi on peint généralement.. Et j’étais vraiment en manque de ça, tu sais, elle fait de ces trucs ta coloc.. Si tu veux peindre avec moi on peut, de totue façon maintenant que je suis là, autant que j’me serve de mes dix doigts. Il passe sa langue sur la feuille à rouler et lève ses pupilles dilatées vers River qui le regarde étrangement, ce n’est que quand il a collé la feuille qu’il explose de rire en se laissant tomber contre River, il en chialerait presque. Oh merde, ouais.. J’me suis entendu, c’était horrible… Qu’il articule entre deux éclats de rire. On aurait dit que peindre c’était un mot de code pour “sexe”. Non… Ohlala, tu rigoles.. Pas du tout. Pas faute d’avoir essayé, avec Serena, de décoincer la petite. Enfin remis de ses émotions, Leo se redresse, là encore il a loupé la grimace de River quand il lui est tombé dessus. En fait il est trop occupé à regarder le papier a dessin posé devant lui. Il descend du canapé pour s’asseoir à même le sol, en tailleur, sa roulée au coin du bec. Il prend un pinceau, et même sans peinture il le laisse courir sur la feuille, presque convaincu d’y tracer des lignes. River le regarde bizarre, enfin, il comrpend. Comme Peter Pan qui oublie de donner de la poussière de fée aux enfants pour qu’ils puissent voler, Leo, lui, a oublié le plus important. Il la boite en fer qui contient les buvards et la tend à River. Tiens, pour peindre faut que tu prennes ça, sinon c’est pas drôle. Vu la tête qu’il tire, on dirait que River n’a pas envie de rire quoi qu’il arrive. Leo fronce légèrement les sourcils et ouvre la boite pour découper une moitié de buvard. Quoi, t’en as jamais pris ? il a l’air étonné. Faut dire que Leo en avait pris pour la première fois à 17 ans, sur les conseils de sa propre grand mère qui voulait qu’il expérimente ce qu’était un vrai trip psychédélique.
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MessageSujet: Re: sous acide (river²)   sous acide (river²) EmptyMar 6 Mar - 14:29

J'mange pas. Souvent. Les yeux de River s'élargissent. Ça fait un peu mal d'ailleurs, sourire aussi parce qu'il s'est pris un sale coup dans une pommette. C'est un fléau d'être aussi expressif quand on s'est fait casser la gueule, mais il ne peut pas s'en empêcher. Il a souvent galéré à trouver de quoi manger alors il a du mal à comprendre qu'on crache sur de la bouffe gratuite, mais à voir Leo il suppose que c'est pas étonnant. Il vit d'amour et d'eau fraîche. Et de drogues. Comme ses parents avant. River n'est pas vraiment plus épais que lui mais c'est pas faute de se nourrir. Il se dirige vers la cuisine où il leur remplit chacun un verre d'eau et glisse un Milky Way dans sa poche au passage. Ces derniers temps il n'est même plus sûr de trouver ça bon mais il a trop l'habitude d'attraper ça dans les rayons sucreries. « Tu sais pas où Jael range sa peinture par hasard ? Au pire, ses crayons ? » il entend Leo demander depuis le salon. River revient avec son verre d'eau et est obligé de rire encore une fois quand Leo s'extasie sur si peu. « Euh, dans sa chambre je pense. » Il ne sait pas s'il a le droit d'aller fouiller ou de proposer à Leo de le faire. Échanger des affaires avec les autres gars c'est arrivé souvent et il sait à qui il faut demander d'abord et qui s'en moque, mais là il n'est pas certain des règles. Alors il laisse Leo passer à autre chose en se disant que c'était peut-être une lubie due à la drogue.

River s'assoit à côté de lui, en prenant ses précautions pour ne pas brusquer l'une de ses côtes fêlée, et se laisse captiver par les vaguelettes du verre d'eau de Leo. Il n'a pas besoin de substance quelconque pour fixer, parfois c'est un peu comme s'il était né stone. Et puis le nom de Jael revient dans leur embryon de conversation, River qui demande à Leo quand il l'a vue pour la dernière fois. Il hausse légèrement les épaules quand Leo lui demande pourquoi il pose la question d'un ton qui trahit un petit accès de paranoïa. Il n'a pas envie que Leo pense qu'il l'accuse de cacher quelque chose, alors il fait mine de ne pas insister et Leo se détend assez pour finalement répondre : « J’sais pas quand c’est la dernière fois que je l’ai vue. Vraiment pas. Et pourtant, c’pas faute d’en avoir envie. » River entend le dépit dans sa voix et fait une moue compatissante. « J'm'en doute. » Qui pourrait ne pas avoir envie de voir Jael ? À moins d'être très très fatigué et encore. Il le regarde rouler sa clope pendant qu'il poursuit : « Jael et moi on peint généralement.. Et j’étais vraiment en manque de ça, tu sais, elle fait de ces trucs ta coloc.. Si tu veux peindre avec moi on peut, de toute façon maintenant que je suis là, autant que j’me serve de mes dix doigts. » Il hausse les sourcils parce qu'il réalise son erreur, que le coup de la peinture n'était pas qu'une idée en l'air soufflée par la défonce, mais Leo en tire des conclusions qui plongent River dans une détresse ridicule et pourtant incontrôlable. Il essaie de l'interrompre pour le détromper mais il n'y a que des balbutiements qui sortent d'entre ses lèvres. « Oh merde, ouais.. J’me suis entendu, c’était horrible… On aurait dit que peindre c’était un mot de code pour “sexe”. Non… Ohlala, tu rigoles.. Pas du tout. » Pour se donner de la contenance et peut-être rafraîchir ses joues en feu, River se penche en avant pour reprendre son verre d'eau sur la table basse, mais il en oublie sa côté douloureuse qui se rappelle aussitôt à lui. Il pousse un « aïe ! » sonore en se laissant retomber contre le dossier. Une main sur ses côtes, il inspire entre ses dents serrées et, la douleur un peu apaisée, il arrive à articuler : « Tant mieux... Mais j'ai pas du tout pensé ça, Leo. » Il se sent obligé d'insister même si Leo est sûrement trop dans son monde pour y prêter attention, et même s'il ne sait pas pourquoi ça le rend si mal. Enfin... Si, il sait. Sa réticence à parler de sexe s'était un peu calmée depuis qu'il est avec Rhoan et qu'il a arrêté de faire le trottoir, mais c'est revenu en force depuis son agression. La différence, c'est que cette fois il refuse de se laisser encore censurer par ses traumatismes et ça fait des jours qu'il livre bataille à son propre cerveau, qu'il prétend que tout va bien et que rien de tout ça ne l'a atteint. Mais là ça ne fonctionne pas. Peut-être parce que dans son esprit sexe et Jael ne peuvent pas figurer dans la même discussion et ça fait tout déconner là-dedans. Peut-être parce que la méprise de Leo lui donne l'impression qu'il y a décidément quelque chose chez lui qui file de sales pensées à tout le monde, quelque chose de lubrique dans son regard ou dans ses postures, même quand il est installé sur un canapé de façon à ne pas aggraver ses blessures et rien de plus suggestif que ça. S'il est rouge c'est de colère plus que de honte. Il en veut à Leo de se faire des idées sur ce qu'il pense, il en veut à tous ceux qui l'ont pourri et il s'en veut d'être encore si sensible à ce sujet, même quand ce n'est qu'un quiproquo qui aurait fait sourire n'importe qui de normal. Il ne sera jamais normal. Ça le rend dingue.

Il regarde Leo se laisser glisser au sol et commencer à peindre avec de la peinture imaginaire. Il suit des yeux les mouvements du pinceau sur du rien, ses pensées qui s'égarent tandis qu'il essaie de se vider complètement la tête. Ça ne fonctionne jamais, sauf peut-être dans les bras de Rhoan, mais il se dit que si Leo pouvait continuer à faire danser son pinceau comme ça pendant une demi-heure il arriverait peut-être à quelque chose, comme une séance de méditation ou d'hypnose un peu bizarre. C'est trop demander. Au bout de quelques instants, Leo s'arrête et lui tend une petite boîte en fer. River en observe le contenu les sourcils froncés et la lui rend en secouant la tête. « Nan, et j'en veux pas... Merci. J'suis tombé dedans quand j'étais petit t'façon, j'en ai pas besoin, » il ajoute pour atténuer la sécheresse de son refus, un sourire volatile au coin des lèvres. « Mais j'veux bien peindre avec t... » Il hésite, parce que forcément il pense à cette histoire de code maintenant. Il se force à rire, histoire d'avoir l'air amusé et peut-être gêné mais pas encore bon à enfermer. « Peindre. J'vais voir si je trouve la peinture de Jael, mais j'promets rien. Tu peux m'aider à chercher si tu veux. » Il ne pense pas qu'elle lui en voudra de toute façon. Il se lève doucement et se rend dans sa chambre déserte à pas de loup, comme s'il avait peur de réveiller des fantômes. À l'intérieur, il s'agenouille au bord de son matelas froid et soulève un coin du drap, une feuille volante, la camelote qu'elle a laissé derrière elle et qui dissimule peut-être ses outils d'artiste. Il y a un creux au milieu du matelas, là où elle se pelotonne pour dormir et sûrement pour pleurer aussi, des fois. Elle lui manque. Mais elle va revenir, elle a promis. Il entend du bruit derrière lui et se retourne sur Leo. « T'as trouvé ? »
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Leonard River

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MessageSujet: Re: sous acide (river²)   sous acide (river²) EmptyVen 16 Mar - 11:55

Le rire de Leo éclate contre tous les murs, il est comme ça, très expressif, dans tous les cas. Sans filtre, incapable de retenir ses émotions, incapable de faire façade. De joie, de rire, de chagrin ou de colère, les émotions de Leo dansent sur son visage aux yeux de tous, dans le monde de la télévision, c'est un défaut plus qu'autre chose, mais pour dire la vérité, Leo n'a jamais su faire autrement. Il ressent trop pour garder ça pour ça, a fortiori sous LSD où tout bat plus fort, toutes les ondes le traversent de part en part, il est au milieu de cette foule d'informations et de couleurs trop vives qui éclatent sur sa rétine et tout le traverse, tout vient à lui. Il peut presque tendre le main et attraper quelques fréquences qui passent dans l’air. Magnifique drogue qu’est le LSD. Même si ça lui fait dire de sacrées conneries. Le fou rire qui l’a secoué au moment où il s’aperçoit du double sens que peuvent prendre ses paroles ne s’éteint pas, il redouble même lorsque River avoue qu’il n’a jamais pensé à quoi que ce soit de sexuel. Leo se met une main devant les yeux, essuyant au passage les larmes qui y coulent. Oh merde, j’arrange pas mon cas putain. C’est qu’une vaste blague pour lui, comment ça pourrait en être autrement ? Il ne remarque pas les muscles crispés de River, les lèvres pincées, les joues qui rougissent. Il ne remarque pas à quel point tout ça fait le même effet qu’une épingle sous le pied. Il a pourtant entendu ce petit “aïe” étouffé quand il a bougé. Là, à travers le spectre kaléidoscopique de sa vision troublée par l’acide, le son est rentré par un oeil (ouais, il voit des sons du coup) et s’est mis dans un coin de son cerveau. Mais il n’a pas réagit, il n’a pas posé de question. Trop drogué, pas assez intéressé. Leo n’a plus le temps de s’occuper des autres, faut déjà qu’il se sauve lui-même. Qu’il sauve Serena. Qu’il parle avec Klimt. Surtout ça ouais. Et qu’il peigne. Et puis, peut-être que River se sentira plus à même à parler s’il est dans le même état que lui.  

Nan, et j'en veux pas... Merci. J'suis tombé dedans quand j'étais petit t'façon, j'en ai pas besoin, Un sourire étrange s’étend sur le visage de Leo, qui penche légèrement la tête sur le côté. Il attend quelques secondes, à se perdre dans l’éclat si bleu des yeux de River, tellement bleu. Les couleurs sont si vives. Il cherche la faille, il attend la suite, pendant trois secondes. Il n’a jamais trop compris pourquoi pourquoi y a un genre de diabolisation de la drogue. Surtout que le LSD est de loin la moins dangereuse de toutes, et la plus cool. Et pourtant, le malaise qui déborde de River ne laisse aucun doute : il ne veut rien avoir à faire avec ça. Leo hausse les épaules et range les buvards dans la poche arrière de son jean en répondant, encore un peu hilare : Ça marche Obélix. Il ne veut pas le forcer, même s’il n’en pense pas moins. Il a l’air d’en avoir besoin le gosse. Mais Leo ignore pour le moment, il est déjà ravi qu’il accepte de peindre avec lui, attendant le retour de Jael, ou la descente d’acide. Mais j'veux bien peindre avec t... Il s’arrête, et les doigts de Leo le long du papier aussi, il jette une oeillade entendue à River, il comprit le malaise, s’amuse avec lui. Il est beaucoup trop coincé ce petit. Et pourtant le sexe, pour Leo fait partie des choses les plus importantes qui puissent exister. C’est l’ultime connivence. Loin de la culpabilité imposée par les religions majeures, l’amour des corps n’est rien d’autre qu’un moyen d’atteindre une transcendance nouvelle entre deux êtres. Se sentir connecté. Pourquoi se le refuser ? Pourquoi le craindre ? Leo ne sait pas quel sens à le sexe pour River aujourd’hui. Il ne devine pas derrière le faux rire qu’il lui sert. Mais il ne veut pas juger, il aimerait comprendre, voilà tout. Il ne sait tout simplement pas comment aborder le sujet. Peindre. J'vais voir si je trouve la peinture de Jael, mais j'promets rien. Tu peux m'aider à chercher si tu veux. Faisons ça. Qu’il répond immédiatement, sans pour autant bouger. Il attend que River ait quitté la pièce pour prendre la direction de la chambre de Jael, le regard planté sur la page blanche. Pourtant, sur sa rétine, les lignes colorées imaginées se croisent, s’emmêlent. Ses doigts caressent le papier encore une minute ou deux et puis il se lève et entreprend d’aménager le salon. Il décale les meubles et éparpille des grandes feuilles de dessins, une dizaine, pour que la surface de travail soit la plus grande possible et pour protéger le sol aussi. Il envoie au milieu les pinceaux et attrape un verre d’eau. Il aimerait que Serena soit là. Elle cerne mieux les gens que lui, elle leur parle mieux, elle a cette capacité d’apporter la lumière partout où elle passe. Leo était comme ça avant, mais il a perdu son don y a quelques temps maintenant, il lui faudra plus qu’une après-midi à peindre pour la retrouver, surtout que Jael et ses paillettes ne sont pas là pour le soutenir. Enfin, il prend le chemin qu’a pris River et le rejoint en chancelant les lignes se courbent, les murs semblent tout mou, comme fait de pâte à modeler. Il trouve enfin la bonne porte, River est assit par terre, entrain de chercher comme il peut. Leo est planté là entrain de regarder ce corps adolescent, entrain de deviner sous son tshirt qui tombe vers des couleurs bleutées sur son corps juvénile, il le voit soudainement, le maquillage et les vêtements qui dissimulent. Il penche un peu la tête sur le côté sans trop savoir si ça vient de son trip ou si c’est la réalité. Il ignore pour le moment, et quand River se retourne vers lui pour lui demander s’il a trouvé quelque chose, il se contente d’un large sourire, sincère. Il l’aime bien ce gosse aussi coincé soit-il. Non. Qu’il lâche simplement avant de faire deux pas sur le côté pour, au moins, faire semblant de chercher.

Ils ne trouvent pas de peinture, pas dans cette pièce au moins, mais Leo met la main sur une trousse de maquillage. Ca, c’est bien ça. Qu’il déclare d’une voix vague. Du mascara, des crayons, des vernis, des rouges à lèvres, des paillettes, de la colle qu’il a trouvé aussi, dans un coin. C’est parfait ça, c’est même encore mieux. Il prend le tout dans ses bras et les serre contre lui du plus fort qu’il peut pour ne pas tout faire tomber et ouvre la marche. Il sent River qui le suit et les quelques pas jusqu’au salon aménagé pour l’occasion semblent durer longtemps. Peut-être parce qu’il s’est mis sans le savoir à marcher comme un cosmonaute, il a l’impression de s’enfoncer dans du coton. Il rit. River l’aide à ne pas se prendre un mur et il pose le tout au milieu des feuilles éparpillées et fouille dans la route de maquillage sans se gêner. Jael serait d’accord il en est persuadé. Il attrape une boîte de paillettes. Elles éclatent dans son cerveau, comme autant de petits feux d’artifices. Il en renverse un peu dans sa main et les laissent se coller à sa paume. Et puis il remonte son regard sur River et souffle un grand coup en sa direction. L’instant d’après, il brille de milles feux. Wahouuu… Qu’il commente en riant. Il appuit ensuite sa main sur le papier pour faire coller le reste des paillettes, la trace de ses doigts reste et il la regarde longuement. Mets de la musique ! Qu’il propose en s’emparant d’un premier vernis, rose. Il est assit en tailleur, et se sent incroyablement bien à se concentrer sur l’oeuvre qu’il pourrait faire. Il la laissera en cadeau à Jael, pour lui expliquer pourquoi il a vidé tous ses vernis. Elle trouvera ça cool, il le sait. River n’a pas l’air aussi à l’aise, même si la musique résonne l’instant d’après. Leo monte ses pupilles entièrement dilatées jusqu’à lui et lui jette un sourire en lui tendant le mascara. Tu sais ce qu’il y a de cool avec l’art ? Oui, c’est de l’art. C’est que ça évite de parler. Il peut recracher telle quelle ses émotions River, au lieu de les mastiquer dans un coin de son crâne jusqu’à s’en rendre malade. C’est pour ça que l’art existe. Exprimer ce qu’on n’arrive pas à faire autrement. Leo trace les premières lignes floues au vernis. T’as pas l’air bien, c’est ce que je dis. Qu’il fait remarquer. Il ne veut pas poser de question, simplement signifier que malgré la défonce, il s’en est aperçu. Autant faire quelque chose de positif pour chacun d’eux. Leo dodeline la tête d’un côté et de l’autre sur la musique et chantonne, guettant du coin de l’oeil le moment où il laissera ses sentiments ravager la feuille blanche.
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MessageSujet: Re: sous acide (river²)   sous acide (river²) EmptyMer 21 Mar - 14:00

Leo est trop perché pour remarquer ses réactions, il ne voit pas dans quel état il le met avec ses plaisanteries, sa légèreté qui contaminerait River sans résistance en temps normal mais qui n'arrive pas à l'atteindre complètement aujourd'hui. Il ne remarque pas que River se crispe à son contact. River n'a pas de mal avec les contacts amicaux, normalement, il est même trop tactile au goût de certains des Lost Boys. Là, il n'a laissé personne d'autre que Rhoan le toucher depuis ce soir-là. Ça fait trop mal, et pas seulement à cause de ses hématomes et de ses os plus très bien en place. Mais Leo a l'air de croire qu'il est devenu immatériel et cherche à traverser les murs, alors River prend sur lui. Il l'attrape par le bras et l'épaule quand Leo essaie de tourner avant qu'ils aient passé l'angle et le redirige vers le salon.

Il le laisse débarquer son matériel d'art pas très traditionnel au milieu de la pièce et farfouiller dans ses trouvailles. Nous en veut pas, Jael, c'est pour la bonne cause. Il n'avait pas l'énergie d'empêcher Leo de prendre la trousse de maquillage une fois qu'il s'était mis cette idée en tête, et il ne sait pas s'ils auraient trouvé mieux de toute façon. Quand Leo commence à s'amuser avec des paillettes sous ses yeux, il est presque sûr qu'ils n'auraient pas trouvé mieux que ça. Ça lui rappelle Ariel et ça lui arrache un sourire en même temps qu'un pincement au cœur. Et puis Leo lui souffle le contenu de sa main au visage et River s'en retrouve couvert. Les yeux qui clignent pour se débarrasser de celles qui se sont logées entre ses cils, il rit doucement et pour la première fois de la journée ça n'a rien de forcé. Il capte le regard noir, tout en pupilles, de Leo qui le fixe un peu trop longtemps. Ils ne sont pas exactement dans le même monde, en ce moment, pas dans la même dimension. Ou pas dans le même moment, justement. Mais River a l'habitude d'évoluer en décalage avec le reste du monde, ça ne le change pas tellement. Il se retourne de bon cœur vers le poste et lance la première station radio sur laquelle il tombe, trop bon public pour se poser des questions. Leo est peut-être plus difficile que lui quand il n'est pas défoncé, mais c'est pas aujourd'hui que River le découvrira.

Il lui rend spontanément son sourire en attrapant le mascara qu'il lui tend. Il a un œil qui pleure mais c'est seulement à cause d'une paillette qui s'y est égarée. Il se laisse tomber à côté de lui en observant le pinceau tout sauf pratique pour dessiner quoique ce soit, il va falloir être créatif. « Tu sais ce qu’il y a de cool avec l’art ? C’est que ça évite de parler. » Il hausse une épaule et tire une feuille vers lui. « J'parle jamais. » Ça sort tout seul. Il ne parle jamais de ce qui lui fait mal, de ce qui le dérange, de ce qui lui fait peur. Il ne parle jamais et parfois il aimerait bien mais il ne se sent pas digne d'empoisonner les oreilles de qui que ce soit avec ses états d'âme. Il ne parle jamais et il y a une pointe d'amertume dans sa voix quand les mots lui échappent. Et puis il jette un regard oblique à Leo et réalise ce qu'il voulait dire. L'art, ça évite de parler, mais ça permet de s'exprimer. Est-ce qu'il s'exprime parfois, River ? Il est pas sûr. « T’as pas l’air bien, c’est ce que je dis. » Ça doit être flagrant si même Leo s'en rend compte dans son état. Il ne confirme pas mais ne cherche pas à nier. Il a un peu désappris à faire semblant. Il n'arrive plus autant à reléguer ses pensées sombres au fond du placard trop noir qui déborde dans un coin de son esprit. Il n'arrive pas à garder le sourire vissé aux lèvres comme le gamin insouciant qu'il a tellement fait semblant d'être alors qu'on l'a encore mis plus bas que terre et qu'il n'y a personne à la maison pour lui faire penser à autre chose, pas de Jael, pas de Lenny, pas de Merle, même pas d'Otto aujourd'hui. Mais il peut pas pleurer sur l'épaule de Leo, il a rien demandé. Il peut pas lui imposer un fardeau qu'il n'a aucune raison de l'aider à porter. Il se retrouve paralysé, la main au-dessus de sa feuille et pas la moindre idée de ce qu'il pourrait y tracer. Leo tartine déjà du vernis partout et l'odeur d'acétone lui emplit les narines. Finalement il place la tige du mascara à l'horizontal contre sa feuille et essaie de tracer un cercle parfait, le bouchon comme pivot et la longueur de la brosse qui frotte sur le papier. Il se tord un peu le poignet, le coude et puis la torsion tire sur une côte et il lâche tout avant que le cercle ne soit refermé. Une larme coule de sa joue et tombe sur la feuille, la paillette qui avait glissé sous sa paupière flotte au milieu comme un bateau minuscule sur les flots, et quand le papier finit d'absorber l'eau il ne reste plus qu'elle au milieu d'une tache de mascara noir. River l'écrase du poing qu'il laisse ensuite glisser sur sa feuille pour étirer le liquide gras, comme un enfant qui tiendrait dans son poing un pastel imaginaire, même pas conscient des larmes qu'il continue de verser. Il réduit le cercle incomplet à une traînée informe et attrape un rouge à lèvres rouge sang.
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MessageSujet: Re: sous acide (river²)   sous acide (river²) EmptyMer 11 Avr - 11:31

Il est magnifique avec ses paillettes qui coulent le long de ses grands cils de biche. Il brille de mille feux et Leo ne peut s’arrêter de le regarder, parce que chaque putain de nuance lui apparaît. Il voit tout quand il prend de l’acide, il ressent tout et c’est l’une des sensations les plus jouissives qu’il peut expérimenter. Tant pis pour River, qui refuse de partager avec lui ce voyage spirituel. Après tout, paraît qu’il est tombé dedans quand il était petit. L’atelier peinture commence alors, même s’il n’y a pas de peinture. Leo trace des traits aléatoire, jonglant avec tous les produits de maquillage, mélangeant quelques paillettes restantes à un vernis d’un bleu profond, il a l’impression de tracé un bout de ciel étoilé sur les feuilles assemblées, se perd un moment dans ces courbes et ses éclats qui s’étalent encore plus vite qu’il ne l’aurait pensé sur la feuille. La musique vient rapidement donner un rythme à ses éclats de vernis qu’il verse sans trop y faire attention sur le papier. Peu importe ce qu’il a mis, Leo ne reconnaît pas la musique de toute façon. Plus habitué au rock psychédélique que sa grand-mère a mis en fond toute sa vie, il ne s’insurge cependant pas de l’air commercial qui filtre à travers les ondes, remue gentiment la tête en rythme, ça fera bien l’affaire. Enfin, il tente une approche. Il sait que River ne va pas bien, il ne saurait pas vraiment l’expliquer. Est-ce à cause du maquillage-camouflage qu’il a perçu dans la chambre ? De son mutisme ? Simplement parce qu’il est doué pour ressentir les gens ? un peu des trois, sans doute. J'parle jamais. Assure River. Leo applatit totalement sa main sur un tas de vernis pour l’étirer sur toute une longueur. Putain, c’est si beau. Après quelques secondes, il reprend donc, sans vraiment regarder River, mais plutôt ce qu’il est en trian de trâcer avec le mascara qu’il lui a confié. T’as tort, c’est bien de parler. Qu’il assure. Partager, être comme un livre ouvert, maintenant si mal vu et pourtant, comment on fait pour se connecter vraiment à quelqu’un sans partager quoi que ce soit ? Tout ce que Leo a un jour voulu enfouir a fini par lui péter au visage. Partager quelque chose, notamment avec quelqu’un comme Leo, ça ne pouvait pas lui faire du mal. Après tout, ils ne se connaissent pas vraiment et Leo n’est pas du genre à porter de jugement. Quand il jette un nouveau coup d’œil à River, c’est comme si tous les coups qu’il tente de dissimuler apparaissent en warning, ils clignotent sur la rétine du drogué, ils sont plus grands, plus gros, plus dramatiques aussi. Il a pas l’air bien, c’est tout ce qu’il veut lui dire, mais River s’enferme encore dans son mutisme, bien que son corps en ait décidé autrement. La larme salé vient s’écraser contre l’arc de cercle qu’il n’a pas terminé, et se mélange avec le vernis rouge qui s’étale en travers. Tout pulse à l’intérieur de lui pour exprimer ce qu’il se donne tant de mal à cacher. Leo se redresse et essuit rapidement ses mains sur son t-shirt. Là il s’étire en gémissant et attrape son paquet de tabac à rouler et roule un premier cône, qu’il tend à River. T’es aussi tombé dedans quand t’étais petit ? Qu’il plaisante, la voix vague. Y a que du tabac. Qu’il assure, presque sûr de lui. Possible que quelques morceaux de weed se soient glissés dans son paquet. Il n’en a pas vu. Il en roule une deuxième qu’il coince entre ses lèvres. Décide de faire une pause dans son trip artistique pour sauver l’âme torturé de son partenaire. Parce qu’il est un terrible partenaire de dessin, qu’on se le dise.

Il enjambe les feuilles alignées pour se poster juste à côté de lui, et glisse doucement sa main sur celle de River pour lui faire lâcher le papier. Ses gestes sont plutôt doux pour quelqu’un qui n’a plus le contrôle total de son cerveau, il est parti en mode sans échec, le cerveau de Leo, il est en train de faire ses propres choix, lui soumettre ses propres hallucinations, chose avec laquelle il est totalement à l’aise. Il les laisse venir à lui, l’entourer complètement, le réconforter aussi. Ce monde tout plein de couleur, il l’adore, il y passerait tout son temps, s’il le pouvait. Il note bien que chaque contact avec River est comme un agression, il sent ses muscles se tendre totalement chaque fois que Leo essaie de le toucher, de l’attirer contre lui, de lui faire sentir qu’il est là, là pour lui. Ils ont manifestement autant besoin l’un de l’autre d’exorciser quelque chose. Et quand River a un ultime mouvement de recul, Leo termine toute approche, lève les mains en l’air avec un sourire tordu. Il s’adosse contre la table basse pour faire dossier et allume la cigarette roulée qu’il a toujours entre ses lèvres. J’ai vu le maquillage, je sais que quelqu’un t’a fait du mal. Qu’il balance, sans filtre. Il ne voulait pas le forcer, parce que ce n’est pas dans sa nature. Il préfère laisser les gens libres. Parler ou non, se confier ou non, accepter ou non. Mais River est dans une impasse, et bizarrement, Leo a envie de le faire parler. Il a envie d’entendre, parce que ça n’aura pas la moindre putain de conséquences. Le regard de Leo s’infiltre dans celui de River, noyé des larmes qu’il tente de retenir. Et je suis désolé pour ça. Il est sincère. Et il continue de le fixer, et de fixer tous les éclairs qu’envoient les paillettes encore scotchées à son visage. Il sourit. Leo lève une main attrape quelque chose d’invisible, rit. Tu brilles tellement fort. Qu’il ajoute d’une voix vague. Il tire sur la clope, laisse la fumée descendre tout au fond de sa gorge, détendre ses muscles, il s'étale un peu plus, accoudé à la table basse désormais, désespérément à l’aise n’importe où, et avec n’importe qui.
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MessageSujet: Re: sous acide (river²)   sous acide (river²) EmptyJeu 3 Mai - 9:07

« T’as tort, c’est bien de parler. » Il le sait qu'il a tort, mais la vérité c'est qu'il a pas l'impression d'avoir le choix. Qui l'écouterait de toute façon ? On veut pas l'écouter pleurnicher, on veut pas savoir quelles ténèbres il a dans le cœur. Ceux qui l'aiment le plus, Jael, Lenny, même Rhoan sûrement, ils l'aiment seulement pour sa lumière. Ils pourraient plus le regarder en face s'ils savaient tout ce qu'il cache au fond de lui. C'est aussi chaotique que ce qu'il étale sur sa feuille, mais c'est beaucoup plus sale, ça sent pas le détergent comme ce vernis qu'il a envie de vider en entier sur son dessin. Peut-être que Jael ferait la gueule si elle le voyait faire. Peut-être qu'il aurait moins envie de se venger sur son maquillage si elle était là pour le voir faire, en même temps. C'est pas juste pourtant, c'est pas à Jael de payer, elle a promis de revenir bientôt et elle l'a pas abandonné sans un mot, pas comme d'autres ; c'est pas juste parce qu'il a pas à en vouloir aux autres non plus, il a fait la même chose plus d'une fois et sûrement qu'il le ferait encore si Rhoan lui disait viens on s'en va, il est quelqu'un d'égoïste c'est comme ça ; c'est pas juste pour Jael mais c'est son vernis à elle qu'il a dans la main. Il le massacre contre le papier sans suivre la moindre ligne directrice, bouillie rouge sur la traînée noire, bouillie rouge comme la gueule du type que Rhoan a failli tuer l'autre soir. River aurait peut-être dû le laisser faire. L'acétone l’écœure et lui brûle les yeux. Il sait pas si les larmes étaient là avant ou si ses yeux se mettent seulement à protester. Leo a vu, lui. Leo qui lui rappelle sa présence en lui tendant une cigarette. River la prend machinalement entre ses doigts. « T’es aussi tombé dedans quand t’étais petit ? Y a que du tabac. » Il écrase une larme sur sa joue du dos de la main et secoue la tête en souriant à la remarque de Leo, ou bien de lui-même et ses larmes ridicules. Au moins il ne panique pas comme un imbécile à la vue du tabac, pas comme avec les buvards. C'est pas un fumeur mais ça lui arrive d'accepter une clope, ça lui plaît pas particulièrement mais ça lui fait pas peur. Pas comme les pupilles de Leo. Il aime pas sentir qu'on le prend pour un gamin trop sage, emmerdant, qui sait pas s'amuser et qui sait pas ce qu'il rate, mais il y a certaines concessions qu'il n'est pas prêt à faire. Il est encore moins familier du pouvoir de dire non que du fait d'allumer une clope, mais pour le coup ça lui plaît de l'exercer quand on lui laisse le choix. Les amis laissent le choix. Leo le taquine mais il n'a pas insisté, c'est un bon début.

Il aurait presque pu se relâcher. Mais Leo enjambe son dessin et se pose à côté de lui, la main qui vient chercher la sienne. River comprend à ce moment-là qu'il a vraiment pleuré, que c'était pas juste le vernis qui lui piquait les yeux. Il comprend que Leo veut bien faire, qu'il essaie de le réconforter. River voudrait se laisser aller mais c'est pas dans sa tête que tout se passe, c'est pas son cerveau qui contrôle les réactions de son corps, même pas son cœur qui lui dit pourtant qu'il peut faire confiance à Leo. Ses nerfs et ses muscles agissent d'eux-mêmes. Ils rejettent le corps étranger comme une mauvaise greffe. « J'suis désolé, » il dit faiblement quand Leo renonce. Il a l'impression de le décevoir, de manquer à un devoir fondamental envers un autre être humain. Il devrait attraper la main tendue sans se poser de question. Même avec ses pupilles comme des soucoupes il y a quelque chose de pur dans le regard de Leo, ce quelque chose qui lui a plu la première fois qu'il l'a vu sans qu'il ait besoin d'ouvrir la bouche, quelque chose qui rattrape même sa mauvaise influence sur Jael parce que ce ne sont pas ses intentions qui sont mauvaises, justes ses habitudes. « J’ai vu le maquillage, je sais que quelqu’un t’a fait du mal. » Ça aussi c'est pur, à sa façon. Ça l'atteint en plein cœur, River. Il se sent mis à nu. Il se sent con avec son maquillage qui ne cache rien, une tentative risible pour se fondre dans la masse des gens sans problèmes. Mais il aura beau faire, il dénotera toujours. Leo aussi, mais la différence entre lui et Leo, c'est que Leo n'en a sûrement rien à faire d'avoir l'air normal. Leo se fout de l'enrobage, il voit sous le maquillage et lance ses mots comme il les ressent sans arrondir les angles, façon diamant brut. Tant pis si ça fait mal, tant mieux si ça apaise, pourvu que ce soit vrai. « Et je suis désolé pour ça. » On fait pas plus vrai. Il le voit dans le regard qui continue de le fixer avec trop d'intensité. Il sait pas si ça lui fait du bien mais ça a le mérite de sortir du cœur.

Y a rien à dire. Il tend la main, un peu tremblante sous le poids des sanglots qu'il retient, ses doigts se faufilent sous la main de Leo pour attraper le briquet. Il lui rend un tout petit peu de sa chaleur comme ça, du bouts des doigts, c'est bref et ça n'appelle pas plus de contact que ça mais c'est tout ce dont il se sent capable. Et plus pour justifier son geste qu'autre chose, il allume sa cigarette. C'est là que Leo se marre, une main dans les airs comme s'il essayait d'attraper la lumière. « Tu brilles tellement fort. » Tu vois, toi aussi. Toi aussi tu préfères ne voir que la lumière. Il tire sur sa clope, toussote un peu par manque d'habitude et se racle la gorge. Et puis il secoue doucement la tête. « C'est pas moi qui brille. C'est ce que tu choisis de voir. » Ça a peut-être pas de sens, il arrive pas à l'exprimer. Est-ce que le LSD bousille la mémoire en plus de faire dérailler, comme ce que son agresseur lui a fait avaler ? Ça l'arrangerait bien. Il pourrait parler. Il pourrait. « C'est pas ce qu'il a vu celui qui m'a fait ça. » Et il lui lance son regard de glacier, l'ancre de le sien plus doux, bleu-vert, eau de rivière... Sur les bordures. Il s'y perd un peu trop longtemps, se sent basculer dans le gouffre vorace des pupilles. C'est la première fois qu'il parle de celui qui lui a fait ça. C'est déjà trop.

En passant le dos de son pouce contre sa joue, il sent glisser les paillettes qui étaient restées collées là et réalise que Leo ne parlait que de ça. Pas un délire du LSD qui lui faisait halluciner un halo autour de River, juste des putains de paillettes. Et il rit. « Oh. Laisse tomber j'suis trop con. » C'est balancé presque gaiement, ça fait longtemps qu'il s'est fait une raison — du moment qu'il est le seul à le dire, ça lui va. Il presse un instant ses paumes contre ses yeux fatigués, la cigarette qui fume toujours entre deux doigts, et le regarde avec un peu plus de douceur. « J'aime bien comment tu dis les choses. » Qu'il parle par métaphores ou se contente de décrire concrètement ce qu'il voit, River a dans l'idée que c'est la même chose pour Leo, la vérité brute. Et de toute façon la lumière que les autres aiment en lui, c'est rien que ça, rien que des paillettes, un artifice, alors ça revient au même. « J'voudrais être comme toi, t'es pas en toc toi. »
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Leonard River

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MessageSujet: Re: sous acide (river²)   sous acide (river²) EmptyMar 22 Mai - 17:25

Ses gestes sont vite arrêtés, coupés dans cet élan humaniste, ce besoin constant de se fondre dans l'autre, de partager quelque chose de plus, de tactile, de sensé, de sincère. Il ne se formalise pas, Leo, quand River le repousse presque machinalement, comme un instinct de conservation développé après avoir subi toute sa vie les démons de l'Homme. Ils n'ont tout simplement pas vécu les mêmes choses, vu les mêmes choses. C'est facile pour Leo, d'aimer les gens et d'aimer ce monde coloré : il en a vu tout ce qu'il y avait de plus magnifique, rencontré des gens si différents et heureux de partager leurs dissemblances. Il sait que la réalité peut être toute autre, ce gosse en porte les marques sur son corps juvénile. Sa peau blanche teintée de bleu, de noir, de rouge. Il a été fracassé par la dépravation maladive de l'espèce humaine. Leo est trop naïf pour comprendre sa peur, trop optimiste pour l'accepter. Au lieu de ça il se contente de faire avec, garde la distance que River a imposé entre eux. De toute façon le LSD le fait rapidement passer à autre chose, même si Leo continue de guetter ses réactions avec tout le discernement qu'il lui reste - c'est à dire pas beaucoup. La tête lourde et le corps léger. Il est à mi-chemin entre le rêve et la réalité. Tout son corps s'égrène et pourtant il se sent incroyablement présent dans l'espace. Ses yeux vitreux fixent tout et rien, surtout rien. Surtout ces éclats de vide qui explosent sur sa rétine, pendant que River reste silencieux et traumatisé juste à côté de lui. Leo ose espérer qu'il y aura quelque chose, des genre d'ondes, qui calmeront ses peurs, apaiseront son âme boiteuse. Enfin la petite voix du gosse filtre des excuses que Leo accepte d'un sourire vague, les paupières tombantes. Il lui lance une oeillade entendu. T'as pas à l'être. Qu'il articule lentement, avec une drôle d'intonation, fixant un nuage imaginaire et bariolé qui passe au-dessus de sa tête pour venir s'infiltrer dans le plafond. C'est beau. Quand les couleurs ont disparu, il glisse à nouveau son regard clair dans celui argentin de son partenaire de dessin. Alors il tente de guérir par les mots puisque ses caresses instinctives ne font qu'aggraver les choses. Ses constats trop brusques secouent quelque chose dans le regard du gosse, fébrile et fragile. Il sait Leo, il a senti et faudrait que River sache que le maquillage peut soigner l'enveloppe mais jamais l'âme. Et pour déceler les brisures de l'esprit, il est un peu doué. Alors il a deviné. Et c'est comme une révélation trop dure à encaisser pour River qui pensait faire façade correctement. Le fait est que pas du tout. Mais c'est pas grave. C'est rien de montrer ses faiblesses, ses blessures. Ce n'est pas une mauvaise chose. C'est ce qu'il essaie de lui faire comprendre, Leo, d'expérience. Pas sûr que le message soit clair. Surtout que ses rétines ne sont attirées que par les paillettes qui explosent partout sur son visage enfantin. Une vraie boule de disco. Il est fasciné, hypnotisé par les couleurs qui dansent autour de lui. Et ce n'est que dans le regard magnétisé de Leo qui arrive enfin à faire tomber une première barrière. Avachi sur la table basse, Leo l'observe avec tellement d'insistance et d'innocence en même temps que c'est comme si la totalité de l'appartement s'évaporait autour d'eux. Il ne reste que leurs deux corps pendu dans un vide psychédélique, baignés de lumière. River a sa théorie sur la question. C'est pas moi qui brille. C'est ce que tu choisis de voir. Leo penche doucement la tête sur le côté, le coude sur la table, la tête dans sa paume pour la tenir un minimum il profite des loupiotes qui dansent, amusé par la toux candide du gamin. C'est pas ce qu'il a vu celui qui m'a fait ça. Encore une fois il garde le silence et lui laisse la place nécessaire de s'exprimer. Première bribe du mal qui le ronge qu'il accepte de partager. Presque naturellement. Le silence s'étire de longues secondes, parce que son cerveau est aussi trop lent pour réagir. Entre temps, River essuie quelques paillettes du bout des doigts, Leo les suit du regard s'effondrer jusqu'au sol et disparaître entre les rainures du parquet. Oh. Laisse tomber j'suis trop con. Un sourire fend complètement le visage de Leo, il rit en écho à celui gêné du gamin. Il ne peut s'empêcher de tendre à nouveau la main pour faire tomber quelques paillettes supplémentaires du bout des doigts, trop en demande, en demande de contact humain. Certaines personnes ont la vision tordu, tu sais ? Ils ne voient les choses que par un prisme déformant et déprimant. Qu'il explique, en référence à sa dernière confession, celle sur son agresseur. Quand t'es pas capable de voir la beauté là où elle se trouve, t'es rarement heureux. Qu'il explique tranquillement avant de faire tomber sa main dans le vide, puis de la monter doucement jusqu'à la cigarette coincée entre ses lèvres pincées. T'es pas con River. Mais faut faire attention. Faut faire très, très attention. Là il s'approche, se met sur les genoux, juste devant le visage tartiné de paillettes de River. Parfois, la vie te fait croire que y a plus rien de beau. Mais faut pas. Faut continuer à la voir, la beauté du monde, faut être attentif. Sinon tu finis comme ceux qui voient tout en noir. Parti sur sa lancée, Leo se laisse enfin retomber en arrière, sur les fesses. Il n'arrête pas de gigoter, luttant contre son envie simple de le prendre contre lui et de le serrer contre son torse. Ne serait-ce que pour qu'il entende son coeur qui bat, continue de battre, malgré tout. Y a rien de suivi dans son discours, rien de vraiment cohérent. Mais c'est pour ça qu'il est pertinent, non ? C'est ce qu'il pense à ce moment-là Leo. Surtout parce que dans sa tête, rien n'a jamais été très cohérent. Être logique n'a jamais rendu heureux. Parce que la logique abandonne parfois les Hommes. C'est quoi la logique quand un type vous agresse ? Et elle est où la logique, quand la nana la plus exceptionnelle que vous pouvez rencontrer est en train de mourir à petit feu d'un cancer, hein ? Y en a pas. Alors Leo refuse de l'être, logique. L'acide aide, en général à être illogique. Il sourit, avec le plus de sincérité possible, quand River cache ses yeux avec une fatigue. Et puis Leo suit la fumée de sa clope qui s'échappe jusqu'au plafond, fasciné. Comme pour répondre, il aspire une large taffe de sa roulée, la coince dans le fond de sa gorge avant de la recracher en cercle circulaire qui foncent vers River et éclate contre son visage de porcelaine. J'aime bien comment tu dis les choses. J'voudrais être comme toi, t'es pas en toc toi. Nouveau sourire. Leo accepte le compliment sans broncher. Les gens ont perdu cette capacité à se dire des belles choses, et à les accepter en retour. Les compliments se font rares et quand on en fait, on les balaie d'un revers de main, par fausse modestie ou par gêne. C'est stupide. Comme si s'aimer était une honte ou un signe de faiblesse. J'pense pas que t'es en toc non plus. Qu'il expire, sincère. Pour dire la vérité, il pense que personne ne l'est. Chacun à ses cassures, ses rugosités, ses secret. Personne n'est creux. C'est la pensée humaniste qu'il a suivi toute sa vie, qui est accrochée si profondément dans son organisme qu'il peinera à s'en défaire, quand bien même les paradoxes de sa vie actuelle, de son boulot, de ses fréquentations. On mérite tous notre part d'amour pur et limpide. Leo se lève trop vite, il tangue sur trois pas, manque de s'écrouler sur le canapé. Mais il reprend le contrôle. Il travers les feuilles, piétinant l'une de ses oeuvres, l'étalant sur le parquet. Tant pis, il n'a même pas remarqué. Il fonce jusqu'à la chaîne hifi pour monter le son, fort. Très fort. Trop fort pour les voisins sans doute. Tant pis. On ne danse que sur une musique trop forte. Il sourit, lance un regard entendu à River. Il ne supporte peut-être pas qu'on le touche, mais ça ne l'empêche pas de danser.
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MessageSujet: Re: sous acide (river²)   sous acide (river²) EmptyMer 27 Juin - 12:59


Il se force à garder les yeux ouverts quand Leo avance la main vers son visage pour faire encore pleuvoir les paillettes. Il ferme toujours les yeux quand il a peur, quand il n'a pas envie de voir ce qui se passe autour de lui. Il préfère se retirer dans une réalité alternative où sa famille est encore unie et son âme d'enfant intacte. Il fermait les yeux pour ne pas voir les lueurs lubriques dans les regards et les grimaces de plaisir qui déformaient les traits des hommes trop nombreux qu'il a laissés le toucher. Il fermait les yeux quand son beau-père levait la main sur sa mère. Parfois il a même fermé les yeux sur les hématomes de ceux qu'il aime trop fort, ici. Mais il a gardé les yeux ouverts quand Rhoan a failli battre à mort son agresseur. Il voudrait y arriver aussi la prochaine fois qu'on s'en prendra à lui — au futur, parce qu'il sait que ça arrivera encore, c'est une fatalité. Mais pas là. Les doigts de Leo qui balaient deux trois paillettes sur sa joue, c'est pas une agression. Alors il regarde Leo, un peu trop fixement, et combat le mouvement de recul réflexe. Il ne sait pas si c'est le LSD ou juste la nature de Leo d'être si tactile, ça paraît presque plus fort que lui. Et River voudrait lui demander pardon encore une fois, juste pour le mauvais timing, parce que s'ils s'étaient retrouvés en tête-à-tête quelques mois plus tôt il aurait été infiniment plus réceptif. Lui aussi doit souvent retenir ses gestes, pour lui aussi c'est parfois un vrai défi de penser à respecter les barrières des autres. La distance, c'est pas dans sa nature à lui. C'est juste le cadeau empoisonné que l'autre crevure lui a laissé en souvenir.

« Certaines personnes ont la vision tordue, tu sais ? Ils ne voient les choses que par un prisme déformant et déprimant. Quand t'es pas capable de voir la beauté là où elle se trouve, t'es rarement heureux. » Il hoche la tête, l'air d'un enfant ignorant, pris en défaut, à qui on expliquerait quelque chose d'essentiel, un vague sentiment d'être en train se faire gentiment réprimander. Il le sait, tout ça. Il est le premier à le dire. C'est juste plus difficile de l'appliquer à soi, parfois. « T'es pas con River. Mais faut faire attention. Faut faire très, très attention. » Il ouvre les yeux un peu ronds quand Leo s'approche pour planter son regard dans le sien, beaucoup trop près. River a conscience du fait que la scène aurait un drôle d'air pour quelqu'un qui entrerait dans la pièce maintenant, mais il reste presque aussi sérieux que Leo. « Parfois, la vie te fait croire que y a plus rien de beau. Mais faut pas. Faut continuer à la voir, la beauté du monde, faut être attentif. Sinon tu finis comme ceux qui voient tout en noir. » C'est peut-être un toxico illuminé comme River en a rencontrés beaucoup il y a quelques années, mais c'est exactement le genre de personnes qui manque dans sa vie en ce moment. Il a toujours apprécié les illuminés, en tout cas, les toxicos un peu moins mais ça va souvent de pair et il est prêt à faire des concessions. Il sait que sa famille et les deux sectes où il a passé une partie de son enfance n'étaient pas irréprochables, mais c'est parmi eux que s'est forgée une partie essentielle de sa vision du monde, la plus belle, malgré les bavures. Son pessimisme, il vient d'ailleurs, il vient d'après. Dans l'ici et le maintenant, Leo est comme un fantôme du passé, un résidu des belles années égaré dans son présent. Sauf qu'il est bien plus que ça, pas juste un rêve, une personne bien solide, peut-être un peu trop perchée pour le commun des mortels mais pas pour River dont les pieds n'ont jamais touché terre. Un espoir ténu qui s'éveille d'un sommeil tout de cauchemars.

« J'pense pas que t'es en toc non plus. » Il se trompe, mais juste un peu. Il est pas complètement en toc, c'est vrai. Il a juste perdu de vue ce qui était vraiment lui et ce qui était la carapace, pelure d'oignon et patchwork à la fois, des stratégies de survie amassées ça et là, déchirées et rafistolées trop de fois. Peut-être que les yeux éclatés de Leo sont capables de voir au travers de tout ça. Alors River hausse les épaules, un OK résigné, un petit sourire reconnaissant. Si tu le dis, je veux bien te croire, je veux rien de plus que te croire. Son sourire s'élargit quand il voit Leo tanguer jusqu'à la chaîne pour monter le son, puis se fige un peu quand il comprend où Leo veut en venir. Il hésite une minute mais il sait que dans son état Leo ne l'attendra pas, de toute façon. Qu'il ne le jugera pas, aussi, et de toute façon avec ses côtes pas encore bien ressoudées il ne risque pas de trop gesticuler, alors il peut mettre l'embarras au placard. Il se lève un peu laborieusement et le rejoint vers les enceintes hurlantes. Une nouvelle seconde d'hésitation et puis il attrape ses deux mains, le cœur battant comme s'il dansait au bord du vide. « Fais attention, j'ai des côtes cassées, » qu'il prévient quand même par précaution. Pas sûr que les rayons X de Leo aient remarqué ça, encore moins sûr qu'il s'en souvienne dans trente secondes. Pas plus de commentaire sur les doigts étrangers qui s'entrelacent. Ça lui demande un certain effort de maintenir le contact mais ça a aussi quelque chose de rassurant de voir qu'il en est encore capable, de sentir que ça pourra redevenir naturel. C'est plus facile avec Leo, il y a quelque chose de familier dans tous ses gestes et tous ses mots, et contre toute logique ça a des airs de retrouvailles, comme si à travers lui River se retrouvait un peu lui-même. « Merci Leo, » il murmure sous la musique trop forte.
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