La porte claque, et nora qui dégringole les marches du couloir à toute vitesse. Y a l’engueulade comme jamais auparavant qui te revient en mémoire, les débris d’une relation mise à mal qui te sort par les oreilles. Nash, il a été trop loin. Nash, il t’a poussée à bout, comme toujours. Alors t’as pris tes affaires à l’arrache que t’as jeté dans un sac et t’as claqué la porte sans même te retourner. Rage furibonde qui a fait sécher les larmes pour les remplacer par une colère implacable. Nora, tu restes un peu de temps à tourner en rond en bas de l’immeuble et tu décides que la colère viendra pas à bout de toi, pas cette fois. Y a le sac qui s’écrase au sol dans un bruit sourd et nora le petit singe qui grimpe déjà à l’échelle voisine. Y a qu’une personne que t’as envie de voir à cet instant, qu’un sentiment que t’as envie qu’on te procure. L’évasion. Nora, t’as le visage égratigné mais tu le montres pas. Et puis t’es presque sûre qu’il voit rien à la lumière de la lune, ça t’arrangerait bien. T’aimes pas quand mihail il te voit comme ça. Comme t’es réellement, incapable de garder tes poings au fond de tes poches trouées. Incapable de peser tes mots avant de parler, pourtant dieu sait que ça pourrait t’éviter tout un tas de problèmes. T’aimes pas quand mihail remarque que t’es autre chose que ce qu’il voit. une fille. c’est étrange mais t’as envie de te montrer sous ton meilleur jour quand tu grimpes là-haut pour le rejoindre. Même quand tu le croisais à l’école, même encore maintenant. Mihail il a cette douceur qui te fait du bien. Cette candeur rafraîchissante, alors que mihail, il vient de la même famille que toi. La famille brisée. La famille folle. La famille à problèmes. Voisins depuis la nuit des temps, t’as appris à grimper sur les toits rien que pour entendre de plus près les sons de sa guitare. Manger des pépitos au clair de lune. Mihail, c’est les céréales qu’il préfère, tu l’as appris au fil du temps, alors t’as chourave la boîte de nash – monsieur joue aux grands mais trempe encore ses céréales le matin dans son bol de lait – et tu l’as glissée sous ton gros manteau. Y a le bruit du plastique qui frotte contre la boîte en carton, le bruit des chocapics qui remuent à l’intérieur du paquet qui te déclenchent un faible sourire quand tu passes par la fenêtre et quand tu grimpes à l’échelle pour le rejoindre. T’es certaine de le trouver ici à cette heure tardive de la nuit, et comme à son habitude, mihail ne manque jamais à l’appel. ça fait longtemps que j’avais pas vu ta petite tête de morveux. il t’a manqué, mihail. Tu lui diras pas. Parce que c’est pas toi, mais tu penses souvent à grimper là-haut, à te demander ce qu’il peut bien y faire, à y passer toutes ses nuits. T’as pris l’habitude toi aussi, de monter la petite échelle bancale et de marcher en crabe sur les tuiles pour ne pas tomber. Et à ses côtés, la nuit s’annonce moins terrible tout d’un coup. Peut-être un peu moins solitaire, aussi. Y a tes genoux remontés en tailleur quand tu t’assois à ses côtés, l’air frais de la nuit qui te chatouille malgré tes gants troués et ton gros manteau. T’en sors le paquet de céréales que tu poses devant vous comme le saint graal, le rictus particulièrement fier sur les lèvres et t’es déjà en train de poser tout un tas de questions. De réfléchir aux lendemains effrayants. comment tu fais pour jamais t’ennuyer là-haut ? y a le regard curieux qui se tourne vers lui, la colère qui semble en avoir disparu. Les larmes de fureur ont laissé les yeux gonflés mais nora, tu fais semblant de ne pas t’en soucier. Y a les membres lassés et fatigués d’avoir parcouru les montagnes et d’avoir vécu les guerres, le visage marqué par l’autorité du frère qui s’est laissé consumé. T’as pas besoin d’en parler. Pas besoin de t’en rappeler. Ce soir, t’as juste besoin d’un peu oublier.