nous demandons un minimum de 10 anecdotes, vous pouvez cependant en faire plus si vous le souhaitez.

   01 ; Sale gosse. Malin germant du bide tordu par une mère, épuisée et fracassée. Les coups de plus fort sillonnant sur le visage buriné. Le bambin à hurler. Elle aussi. Une ultime fois, dans une mélopée de soupirs saccadés. L'air a cessé de filtrer entre les bronches du corps éperdu dans sa léthargie. Les entrailles de l'immondice s’esclaffant de la vitae qu'elle venait de salir. Né du sang et de l'abandon. L'arrivée en scène du blondin, la trogne parsemée de placenta et de larmes; le frère aîné, l'iris scintillante d'une haine que les années ne sauraient effacer.

   02 ; Le règne de l'amour c'est éteint dans le coeur de celui qui pleure la défunte. Rollo n'arrive à parler. Ne sait franchement à qui s'exprimer. Sa langue ne parvient à claquer contre son palais. Les enseignants, quand ils parviennent à le voir, lui colle l'étiquette de muet, attardé bourru des bas fonds. Le nordique ne sait que soupirer, quand il parvient à jouer l'effronté. Son frère observe dans le silence maccabre que leur mère a laissé dans son sillage. Les années passent et l'enfer grandit, dans l'ombre des coups qu'il n'est plus seul à accuser.

03 ; Rire gras et goguenards jappes de la bouche infâme. Gueule Rollo les soirs de solitude, où le verre se vide un peu trop rapidement. Lars, l’aîné se tait et laisse, la démarche infantile s'avancer dans le couloir qui lui fait effroi. Laisse la petite tête blonde s'enfoncer dans la noirceur qui imprègne les murs décrépits pour atteindre ce reflet de honte et de désespoir. Il en chie. Ils en chient à en crever. L'un éperdu dans son inconscience juvénile et l'autre... Remué par le remords et la haine qui ne connait ni virgules ni points. Ca grandit en lui et ça tourbillonne quand il parvient, dans le silence retrouvé, entendre les sanglots étouffés du chérubin muet. Les choses sont sur le point de changer. La compassion semble le dernier remède à cet enfer. Lars enlace son frère pour la première fois. Dans la clairvoyance manifeste de la lune, il discerne pour la première fois, cette douceur amère n'appartenant qu'à cette mère, fuyarde et désabusée, qui a un jour osé le délaisser.

04 ; Le gosse grandit, vrombit d'insolence quand l'âge lui permet d'abattre, à son tour, les poings pour cogner. Une mâchoire se brise sous sa poigne et c'est le coeur qui palpite. Une bouche se distord sous le poids de ses phalanges et c'est son sourire, qui craquelle ses lippes. Y'a quelque chose de sordide dans sa démarche, le dos voûté, cabossé, portant le fardeau d'un héritage qui pullule dans sa génotype. Etat de fait, croyance subtile d'une destinée mensongère. C'est Lars qui a découvert le père; assoupi dans un sommeil sans fond, le bide gras à l'air, la gueule révulsée par les frappes parsemées. Rollo éteint dans le reflet purpurin que le sol lui renvoyait, le silence a retrouvé sa place dans le corps du gamin, semblant se vider au travers des larmes de sang qui s'échappent sous le planché. "c'est terminé" qu'il a murmuré, dans ce dialecte qui lui a pris tant d'années à savoir articuler. Terminé.

05 ; Les images défilent à présent dans l'esprit. Se transforment sournoisement en rêve lucide. Morphée lui murmurant, chaque nuits, de son souffle putride, l'innommable commis. Ca lui retourne le bide. Parvient à digérer tout en apprenant à se convaincre, qu'au fond, c'est pour ça qu'il est né. Vie donnée au sacre d'une autre volée. Ca ricoche dans son crâne jusqu'à l'envahir de migraines incontrôlables. Son frère le secoue, assez férocement pour lui permettre de redescendre, les deux bottes crasseuses, sur terre. Cette terre. Nouvelle et qui goûte la merde. Un arrière goût d'errance lui orne le fond du gosier. Ses narines inspirent l'air polluée. Le soleil lui bat les tempes sous un climat que son derme n'a pour habitude de côtoyer. La fuite. Les Etats Unis. C'est vaste, c'est loin. Ca lui fou des vertiges. Dans le fond de son froc, il les sent, ses jambes qui tremblent.

06 ; Papa a légué le goût du vice, comme un poison limpide, enfoncé dans le creux de leurs bouches avides. Ils ne savent rien faire d'autre, dans le fond. Mentir. Voler. petits malfrats de bas étage, pactisent humblement avec le mal. Leurs patronymes résonnent petit à petit dans les bouches des plus dociles. La prestance et la charisme de Lars les trainent lentement, vers une route plus agréable... peut-être. Rollo y croit, de ses phalanges endolories par les clients qui payent mal. Il le voit, du fond de ses prunelles crevées par la malice, celles de son frère, s'éprendre d'avarice. Mais il se tait Rollo, comme il a toujours si bien su le faire. Il observe sans autre avis que celui de survivre. Et peut-être même... qui sait... un jour, vivre.

07 ; La drogue est douce. Injectable. Renouvelable. Consommation excessive dans le nez de Lars, il saigne parfois. Rollo s'emeut plus, depuis longtemps, à la vue du sang. Se contente d'opiner, fébrilement, du chef quand le frère se voit envahir par un excès de colère. Ca va pas assez vite dans les rues. Le commerce recèle partout autour. Il voit grand. Le réseau s'étend, quitte à piétiner des plates bandes déjà visitées. Ils s'en foutent, tout deux. L'argent rentre. Le taudis s'élargit, devient de plus en plus respirable. Ils sont moins à l'étroit, au final. Y'a même la place pour Vanessa. Jolie pétasse, qu'il éructe Lars. Joli coeur, que Rollo se contente de murmurer, dans le péché inavouable d'enfin aimer.

08 ; Il a des envies de fuite. Des rêves animées par d'autres que ceux qui hantent ses nuits. La douce lui serre la paume de la main, contraste crevant de réalité face à la douceur innocente d'un derme frais et parfumé, oppressant la paluche souillée. Il aime la voir, la regarder. L'argent n'a plus de saveurs autre que celui d'une nouvelle fuite. Il a des projets, dans le fond du coeur. Se voit, stupidement, devenir mécanicien, boulanger ? Il a appris à aimer cuisiner. Éventuellement marin, l'eau lui rappelle évasivement la Norvège et ses cotes oubliées. Il rêve. Bêtement. Jusqu'au jour ou sonne le réveil et que la princesse a foutu le camps. Laissant dans son sillage les secrets qu'il n'a jamais daigné lui avouer. Une de perdue, dix de retrouver. Si seulement Lars n'avait pas pris cette balle en pleine tronche pour dégueulasser un peu plus le dessin d'une année salement animée. Eberhard sonne comme une insulte dans la gueule de plus grands, encore. Et c'est sa trogne qui est placardée sous la pille de contrats juteux. Il l'aura eu sa fuite. Seul cette fois.

09 ; Il fuit le nouveau Mexique. Erre mollement, de sa carcasse salie et rembrunie. Le coeur seul et léger pour la première fois de sa vie. L'existence menée jusqu'à présent par un frère à l'âme brûlante d'une vitalité qui semble l'avoir désertée. Rollo se perd. Rollo doute. Rollo avance sans place ni lois. Le frics sales suintant dans ses poches poisseuses jusqu'à ce que le carburant manque. Quelques brefs contacts lui parviennent, dans le fond de sa mémoire. Ses doigts furètent sur un carnet à peine ouvert. Des noms de villes les accompagnent. C'est celle la plus proche qui ressort et la promesse d'un nouveau taff, qui le pousse à presser l'appelle.

10 ; Il réapprend, s'adapte. Avec surprise, se retrouve face à un gros poisson aux allures de Sirène. Maria.  Elle détient un sacré bout de buisness. C'est sale. Mais un peu moins sordide que sa Norvège natale. En apparence. Un peu de came, par-ci, par-là. Ca lui demande de sortir, se familiariser avec le monde de la nuit. Il sait pas faire, mais ça paye. Il pousse l'effort, parvient parfois à sourire à une cliente malhabile. Ca calme le froid qui lui bouffe les entrailles, parfois. Le temps d'une nuit un peu moins fébrile, avant que le jour se lève et ne révèle la pollution qui imbibe la ville et son coeur.