Silence assourdissant dans cet infiniment grand, pièce sans fin bien trop lumineuse. D’un blanc immaculé sans commencement sans fin, d’une absurdité indécente. Silhouette hasardeuse à la sensation lointaine du bruissement d’un air salé sur son épiderme, caressant sa peau seulement parsemée de ses étoiles brunes. Il y avait comme un manque dans sa cage thoracique, comme une absence dans ses entrailles, comme l’attente d’une sentence qu’on ne discernait pas. Le poids de la démesure, des doutes entachés de regrets, une multitude de particules de verre lui entaillant la matière grise dans cette crainte qu’elle n’avait jamais oublié. Les pensées se heurtant dans ce mutisme trop lourd, contre rien contre tout, contre les parois de son corps toujours trop étroit.

Il y avait le silence et pourtant les cris éclatant dans sa tête, le sang sur ses mains. Hael qui lui faisait face dans toute sa prestance, le frère disparu. L’enfant prodige, Hael le fier, le grand. C’est de ta faute. L’esquisse du mauvais diable sur les lèvres, sa peau décharnée sur un tas de mensonges. Les hurlements dans sa tête, l’hémoglobine sur ses mains, la bombe entre ses paumes. Hael qui la jaugeait du regard comme on mesure la bravoure d’un homme, posant ses mains au-dessus de l’artefact de la mort comme pour sceller l’inconcevable. C’est ton œuvre. La raison au-delà de l’entendement, la peur paralysante dans les veines. Elle ne connaissait que trop bien ces objets artisanaux qu’elle avait fabriqué elle-même, pour les mauvaises personnes, sous le couvert d’une notion familiale bafouée depuis plus d’une décennie.
Il y avait le silence et pourtant les plaintes dans sa tête, le liquide vermeil sur ses mains, l’arme entre ses paumes et les morts sur la conscience. Tu n’as jamais été innocente.

Déflagration dans l’infiniment immense, éclat de lumière aveuglant et les ecchymoses affluant par dizaines sur son épiderme maculé.
Chair bafouée maintes et maintes fois, ensevelie sous une abondance de tâches aux couleurs de la violence qui ne cessaient d’apparaître disparaître de changer de taille.

Il y avait le silence à nouveau, mais les éclats de rage dans sa tête, et toujours le sang sur ses mains. Sa bande de bras cassés autour d’elle, écrasant les débris de sa loyauté sous leurs semelles. Aussi beaux les mômes égarés en mal d’amour, en quête d’une ivresse oubliée. C’est de ta faute. Les altercations dans sa tête, l’hémoglobine sur ses mains et le chaos entre ses paumes. La déception dans le regard de Samih, les insultes de JJ, le détournement de Max, l’indifférence d’Ailish et le silence d’Eanna. C’est ta rage ta destruction. Son clan de la discorde, ces grands enfants désordonnés dans l’abandon. Ils étaient le monde qu’elle portait sur les épaules, qu’elle avait égaré dans sa solitude incessante et malmené dans ses mensonges éreintants sous le couvert d’une insoumission aveuglante.
Il y avait le silence et pourtant les engueulades dans sa tête, le sang sur ses mains, le chaos entre ses paumes et les disparitions sur la conscience. Tu n’as jamais été à la hauteur.

Désagrégation des Kids à la chair fondante pour disparaître dans l’infiniment vaste, et le manège incessant épuisant des contusions devenues noires qui recouvraient chaque parcelle de peau dans leur pénombre.

Il y avait les cadavres de ses parents dansant ensemble dans l’infiniment perdu, tas d’os étrangement assemblés pour former les corps sans consistance de ceux pour lesquels elles n’avaient jamais eu le temps de se battre.
Squelettes archaïques dans leur valse silencieuse aux mâchoires figées dans des sourires éternels et les larmes de sang sous le vide de leurs orbites pour se perdre dans les éraflures.
L’arme à feu contre les tempes et la détonation qui ne venait pas.
Nouvel éclat de lumière aveuglant dans cette tristesse envahissante.

Tu n’as que le sang du désespoir dans les veines, la bataille vaine dans l’âme.

Il y avait le grain d’un rire irlandais disparu depuis bien trop longtemps qui percuta le silence, Enid l’enfant martyre qui lui souriait dans sa magnificence sacrifiée.
Il y avait toujours ce sang sur ses mains à la chair devenue abysse, mains que sa sœur perdue attrapa et déposa délicatement autour de son cou. Cette même esquisse insouciante sur les lèvres et la tâche à l’odeur de fer qui s’étendait sur son flanc et les traces violacées qui se dessinaient sous ses doigts.

C’est de ta faute.  

Il n’y avait plus rien que la démesure infinie à perte de vue, sans commencement sans fin.
Ce n’était plus Enid entre ses doigts mais elle-même, l’irlandaise révoltée. La colère permanente contre un monde qu’elle n’avait jamais accepté dans son essence. Ce n’était plus une nuque qu’elle enserrait de ses mains souillées mais la plaie béante de sa poitrine qu’elle déchira en deux dans le flot incessant d’une hémoglobine aux couleurs du chaos.

Perdue dans l’infiniment blanc trop lumineux qui se teintait du rouge de la colère, Daire s’était dissoute en poussières mais poussières qui ne méritait pas d’être balayées par le vent au gré des saisons qui ne pouvait demeurer seulement statiques dans le rien l’indifférence.

Daire dans ta colère tu n’es devenue que néant.