✧ PRÉNOM(S) Jeremiah, strict et formel, comme le prophète à c'qu'il parait, surtout comme le grand-père pour garder les traditions familiales. Une gueule qui n'va pas avec le prénom, teint trop pâle, cheveux trop blonds, yeux azurs, il pourrait prophétiser auprès de personne avec cette tronche de cachet d'aspirine. Alors il a vite raccourci, Jem pour les intimes, Jem parce que c'est plus facile, c'est que trois lettres, Jem parce que ça se souffle doucement quand on veut être tendre ou que ça se crie quand on montre les dents. Deuxième prénom, Désiré, racines françaises, tout ça. ✧ NOM Bogart, comme Humphrey, il s'en est infusé des vieux films quand il était plus jeune, juste pour fanfaronner sur le fait qu'il porte le même nom qu'le mec à l'écran. ✧ ÂGE Vingt-neuf ans, l'impression d'en avoir dix ou quinze de plus. La guerre, ça change un gamin, il est parti pendant quasiment dix ans, après tout. Vingt-neuf piges, des anniversaires il n'en fête plus aucun, pas l'coeur à déballer des cadeaux, à être congratulé pour avoir survécu une année de plus. ✧ LIEU DE NAISSANCE Savannah, born and raised. ✧ NATIONALITÉ Américaine, les santiags dans le sable et l'accent à couper au couteau, le brin de paille au coin de la bouche, il est ce genre de mec. ✧ ORIGINE Françaises du côté de sa mère, sinon, purement américaines. De toute façon, c'est pas bien important, il a plus de racines, elles sont toutes là où elles doivent être : six pieds sous terre. ✧ ÉTUDES, EMPLOI Militaire, de 2007 à 2017 à peu près, même si son accident a déjà plus d'un an. Dix putain d'années, jamais connu autre chose. Pas suffisamment bon pour faire autre chose, en réalité. Il n'a jamais été très scolaire, Jem, jamais assez pour se voir derrière un bureau. Pas assez d'action, trop de paperasse. La boue et le sang, c'est son passé, son présent, toute sa vie. Il peut plus rien faire maintenant, avec une jambe en moins, alors il passe son temps à tourner en rond, vivant péniblement de la maigre rente versée par l'état. God bless America... ✧ STATUT CIVIL Célibataire. Il a eu quelqu'un, y a longtemps, avant de partir et de vivre pour l'armée, il a eu quelqu'un et ça s'est mal passé, elle a pas accepté de l'voir se barrer pour accomplir son devoir. Depuis qu'il est rentré, il passe sa vie loin des autres, à ne pas parler, à ne pas bouger, à prier tout bas pour qu'on l'oublie. Pas moyen de rencontrer quelqu'un, comme ça. ✧ CARACTÈRE Jem c'est le calme avant la tempête, le vent dans les branches et le ciel qui s'obscurcit, l'arrogance d'une jeunesse volée sans qu'il ait pu en profiter, la culpabilité du survivant qui n'aurait pas dû en réchapper. Jem c'est la discrétion, jamais un mot plus haut que l'autre jusqu'à ce que ça pète, jusqu'à ce que le sang batte trop vite et que la violence ressurgisse, jusqu'à ce que les médocs ne fassent plus effet et qu'il se croie de nouveau sur le champ de bataille, entre les corps, à lutter pour sa vie. Jem c'est la solitude, celle du mec qui a trop vécu avec d'autres personnes, dix putain d'années, qui n'a pas encore eu le temps de se réapproprier totalement sa routine, Jem c'est l'échappée, toujours, la distance de sécurité à maintenir pour ne pas bousiller, s'faire bousiller. C'est la douleur à fleur de peau, la nostalgie palpable, le souvenir des potes qui sont plus là pour l'voir plonger, pour contempler l'épave qu'il est devenu. C'est la force de caractère terrible, celle qui lui permet de se lever tous les matins, de remettre sa prothèse, de faire comme si c'était pas si grave, comme si c'était pas si terrible. D'exister même s'il n'y a plus rien, même si sa vie est un puits sans fond. C'est l'altruisme qui déborde de lui, l'envie de bien faire mais la mise en oeuvre toujours terriblement problématique, difficile. Le mec qui fait du mal sans s'en rendre compte. Le mec qui veut se rattraper, qui veut aider, qui essaie de toutes ses forces d'intervenir pour empêcher les autres de couler. Qui n'arrive même pas à se sauver lui-même. ✧ GROUPE Mistral. | Votre pire souvenir (ou par défaut votre meilleur souvenir) ? ✧ Y en a plein, y en a trop, mais y a celui qui pique davantage, celui qui marque le début de sa vie de paria, sa vie de rien du tout, celui qui a foutu en l'air tout ce qu'il avait. L'éclat d'obus dans le genou gauche, le verdict du médecin, l'amputation et le matin d'après, quand il avait encore l'impression que sa jambe était là, qu'il avait demandé si quelqu'un pouvait lui gratter l'orteil qui le démangeait, qu'on lui avait répondu qu'y avait plus d'orteil, plus un seul. Les larmes qui avaient suivi, pas possible d'y croire, pas possible d'avaler, de digérer. Les cachets pour pas avoir mal, ceux pour pas avoir peur, pour arrêter de faire des cauchemars. Tous aussi inefficaces les uns que les autres. Et la rééducation, apprendre à marcher avec un truc en plastique à la place de la guibole, les dizaines d'heures passées à aligner les pas comme un enfant en bas-âge, le sourire de sa petite soeur quand il avait enfin réussi à avancer sans une canne. J'vais bien, j'irai bien, un jour peut-être. J'irai bien quand j'aurai accepté l'évidence.
Quelles sont les personnes en qui vous avez le plus confiance ? ✧ Les mecs de son peloton, grosso modo. Il a gardé contact avec quelques uns, pas tous, juste ceux qui sont rentrés. Il a pas envie d's'attacher aux gens qui sont encore en première ligne, qui risquent de se faire zigouiller, ça serait trop difficile après, quand on voit les séquelles déjà pré-existantes. Donc, y a eux, puis y a d'autres, pas beaucoup de personnes mais suffisamment pour se sentir entouré, pour ne pas avoir l'impression d'être seul au monde. Ils se comptent sur les doigts d'une main, de toute façon. Les jumeaux, six ans de moins mais une maturité à en faire pâlir des vieux de cinquante piges, surtout sa soeur, la lumière de sa vie. Deux, trois amis. C'est tout, ça suffit.
Avez-vous perdu un être cher au cours de votre vie ? ✧ Il en a perdu trop, des amis, ses parents. Des camarades de l'armée, plus proches de lui que des membres de sa propre famille. Perdre des gens, ça ne lui fait plus rien, c'est familier, brutal mais pas insurmontable. Il ne pleure plus quand il apprend que quelqu'un qu'il connait a passé l'arme à gauche, pleurer c'est bon pour les gens heureux, ceux qui ne sont pas accoutumés au deuil. La mort est sa compagne depuis beaucoup trop d'années pour qu'elle ne puisse encore le blesser. |