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 wounds (soad)

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MessageSujet: wounds (soad)   wounds (soad) EmptyLun 30 Oct - 20:18



every tought of you stabs deeper than a blade
C’est une ptn d’hystérie. La ville s’est brusquement mise à cramer. C’était pas prévu. Ç’aurait pu être une journée grise, monotone, à tuer le temps en abattant sa frustration sur la douce peau d’Ivy. À se cramer les nerfs aux benzodiazépines. À marquer les mondes abandonnés de ses chimères. Une ptn de journée identique à toutes les autres depuis des années. Mais nan, quelque part dans la ville, il y a eu une étincelle, et tout a explosé. Catalysé par chaque habitant de ce trou à rats, comme autant de grains de poudre à canon. Ils ont pas compris, Wini et Seth. Presque vexés de ne pas être les instigateurs de ce bordel. Cons de gangs. Ils leur font une ptn de concurrence. Au détail près que eux, ils sont que deux. Deux. Guerre et Mort, Mort et Guerre intouchables et inaltérables, malgré les bleus et le rouge. Immortels parce qu’ils s’en tapent de la mort, et la mort est une pute vaniteuse. Qui viendra les cueillir le jour où ils auront envie de vivre. Mais pas cette nuit en tout cas. Et certainement pas demain non plus. Alors ils se lancent, corps et âme, dans la bataille, entre les corps se fracassant, déclenchant le feu et la haine sur leur passage, leurs sourires intacts sur leurs tronches démontées. Ils serpentent dans la ville comme deux spectres dévastateurs, deux poltergeists déterminés. Et ça fait un ptn de bien. C’est pour cela qu’ils sourient autant. Que dans l’horreur autour d’eux, et celles de leurs gestes, ils s’échangent des regards de joie, presque tendres. C’est qu’ils pourraient presque être heureux. Paisibles dans le regard de l’un et de l’autre, au cœur du chaos. Et puis ils détournent le regard, pour attiser d’autres haine, déclencher d’autres flammes.

Et puis un cri, strident, qui vrille les oreilles de Seth. Qui réveille la peur, qui dort loin, loin au fond de son âme. Il fait volte-face. Cherche Wini du regard, sa peau se figeant dans le stress. Et puis il la voit, hilare, soulevée dans les airs par un type titanesque, mais qui donne l’impression d’avoir rejoint le camp de la Mort. Seth sourit. Encore un qui a pas compris que peu importe qu’on l’aide ou pas, qu’un l’aime ou pas, Wini détruit. Sauf lui, sa Guerre. Un regard entre les deux cavaliers, entendu, limpide, celui qui existe entre eux depuis le premier jour. Elle s’en va avec son nouveau serviteur, il s’en va de son côté, en quête d'épiderme à marquer. Comme l’est déjà le sein, toujours bleuté quelque part, par les coups d’Ivy le plus souvent. Salvation. Comme le sont déjà ses poings, tachés de rouge comme taché de vin, marqués de la bataille de la veille. Destruction.

Il réfléchit plus, Seth. Ça fait longtemps qu’il a abandonné l’idée. Y a un tas de chien galeux qui s’entrechoquent un peu plus loin. Il sait pas qui c’est. Il regarde pas qui c’est. Il frappe dans le tas. Parce que ça lui fait un ptn de bien. Ça lui brûle la peau, fait exploser ses nerfs, libère son cœur et son esprit. Ça fait un ptn de bien. Autant que la main fermée qui vient hasardeusement lui écraser la tempe, ouvrir le côté le l’arcade. Le monde tourne brusquement, brièvement. A peine le temps d’apercevoir l’éclat du métal affuté sortit par l’un des combattants. Il a vu trop tard Seth, alors c’est lui qui n’a pas le temps de reculer. C’est son flanc qui se fait trancher. Il a pas mal. Trop d’endorphine dans le sang. Mais il sent la chaleur visqueuse du rouge qui vient entacher sa peau et son t-shirt. Le groupe s’est refermé sur le porteur d’arme. Décidé à faire la peau à ce tricheur. Seth il en profite pour reculer. Longer le mur, franchir une porte.

Il le connait par cœur, ce bar. Il y échoue presque tous les jours. Personne dedans, ou personne à qui il prête attention. Normal qu’il soit vidé. Sa clientèle habituelle est plus du genre à aller foutre davantage d'huile sur le feu que de se planquer le cul au chaud. C’est aux chiottes qu’il va planquer le sien, Seth. Il pisse le sang. Mais il a toujours pas mal. Un regard vers le bas, vers la plaie, et il se marre. « Salope. » Nan, c’est toujours pas son jour.  C’est plus impressionnant que grave. Il commence à s’y connaître en blessure de guerre, Seth. Il vire son haut, en fait une boule à planquer contre sa plaie. Y a pas grand-chose à faire. Il va attendre un peu, p’t-être récupérer une bouteille pour passer le temps, et p’t-être désinfecter aussi. Attendre que le saignement se calme. Que dehors ça se calme aussi. Et puis rentrer à la maison. Ecouter Wini lui raconter ses méfaits. Et surement se fiche de lui qui rentre blessé. Tant pis. Il se fixe dans la glace, un moment. La tâche qui tourne au vert sur son épaule, le fond de teint qui commence à couler dans son coup, à cause de la sueur. découvrant son ptn de tatouage. Il grogne sourdement et baisse les yeux vers le lavabo maculé de taches du rouge qui lui goûte de la joue. Va aussi falloir faire quelque chose pour son arcade, un jour.

Bruit de porte poussée silencieusement. Il relève ses yeux noirs vers la glace, dévisageant le reflet de l’intrusion. Ptn. La peau se Seth se glace sous le choc. Respiration coupée. Ça lui vrille le cerveau, ça lui vrille le cœur. Alors non sa ptn de plaie lui fait toujours pas mal. Il se retourne lentement, espérant, quelque part, que non, il sera pas derrière lui. Ou que dans le meilleur des cas, l’ange de la mort à un humour douteux aussi douteux que sa Mort à lui, et a choisi la tronche de Shashawnee à lui coller sous le nez avant qu’il claque. Mais nan. Il est toujours là, avec sa vieille tête de redneck, et ses yeux bleus. Il vacille, Seth. Pas capable d’encaisser. Il recule contre le mur, s’y appuie, un sourire malsain qui commence à étirer ses lèvres. Ça lui dit vaguement quelque chose cette scène. Le destin se fout définitivement de sa gueule. Il grogne un rire, et se détourne de l’image de son ex, préférant ignorer cette information pour l’instant. Il se sent pas capable d’encaisser cette réalité. Pas dans cet état. Pas maintenant. Jamais en fait. Alors oui, il prit pour crever avant d’entendre la voix de Toad.
claude gueuse
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MessageSujet: Re: wounds (soad)   wounds (soad) EmptyMer 1 Nov - 23:41

Putain, Ezra est pas rentré, réseau saturé, pas moyen de l’appeler. J’ai à peine constaté son absence que je retourne dans le pick-up, parce que j’ai beau pas être le mec le plus courageux du monde, j’aime pas le savoir tout seul alors qu’on se croirait en pleine guerre de gangs dehors. On est en pleine guerre de gangs, c’est ce qu’ils disent, à la radio, je baisse le volume pour arrêter de m’angoisser et me gare près du disquaire où Ezra travaille. Où il travaille pas aujourd’hui, me dit le vendeur, et les putain continuent à m’échapper alors que je récupère mon flingue dans la boîte à gants histoire de dissuader les abrutis qui s’approcheraient de moi et le cale dans ma ceinture sous ma chemise pour éviter d’attirer l’attention des flics qui sont bien assez occupés comme ça. Avec ma dégaine j’ai déjà toutes les chances de mon côté pour me faire coffrer, faudrait pas leur donner plus de raisons encore. J’décide de poursuivre à pied, on sait jamais, que j’le retrouve au coin d’la rue. Ouais. Sur le moment, l’idée me semble pas aussi conne que ça, donc je le fais, en évitant les attroupements, les coups de feu et les endroits où ça sent le cramé, parce que visiblement y’a des demeurés qu’ont eu envie d’faire flamber quelques bagnoles, tant qu’à faire hein. Il commence à se faire tard, j’sais pas depuis combien de temps je déambule dans les rues à la recherche de mon p’tit amish, mais ça doit bien faire une heure, peut-être deux. J’suis fatigué, j’ai envie d’pisser, j’boirais bien une bière, ou un whisky bas de gamme pour reprendre un peu d’énergie. J’finis par pousser la porte d’un bar, le genre vraiment miteux, avec un jeu de fléchettes qui tient plus trop au mur et un flipper qui doit plus fonctionner dans le fond. Du coup, j’m’y sens à ma place, j’fais pas tache dans le décor trop propret, personne se retourne pour me toiser avec mépris. Faut dire que c’est déserté, ça aide, juste un vieux type derrière le comptoir qui essuie des verres et lance même pas un bonsoir. A croire que la clientèle a mieux à faire aujourd’hui, ça doit être les gangsters qui se tapent sur la tronche dehors. J’me dirige vers les chiottes sans rien dire, pousse la porte de l’épaule en jetant un dernier regard au barman puis –

Hey, Dieu. Désolé d’te déranger mais. Y’a un bureau des réclamations quelque part ? Est-ce que j’pourrais pas juste rembobiner ma vie, revenir à la case départ, à quand j’suis né ? Si c’est pas possible, j’veux bien juste que tu m’ramènes trois minutes plus tôt, histoire que j’choisisse d’aller dans le bar d’à côté. Ça t’paraît faisable, ça ? Moi ça m’paraît être un truc qu’tu pourrais grave faire pour un d’tes serviteurs qui a fait pas mal de progrès dans la vie, même si j’suis pas parfait, je sais, mais c’est p’t’être pas une raison pour me faire un coup d’pute pareil ??? Hein ???

Mon cerveau refuse de percuter, d’abord, y’a le battant de la porte qu’essaye de me pousser en avant, mais mon corps qui bouge pas, statue de chair qui prie pour se recevoir la foudre divine et crever sur le coup, là, maintenant, dans les chiottes qui puent d’un bar poussiéreux. Y’a plus glamour, comme mort, mais tant pis, tout est mieux que. Tout est mieux que ça. Le regard qui me transperce à travers le reflet de c’miroir à la con. J’avais même pas besoin d’ça pour le reconnaître, les quatre grains de beauté qui forment leur propre constellation entre ses omoplates me suffisaient, la nuque que j’avais trop embrassée chaque matin dans la cuisine, la peau qui avait tant manqué à mes phalanges, maculée d’ecchymoses et de sang. Il saigne. Tu saignes. Tu crois que c’est parce que j’suis pas venu te voir avant ? Que j’ai même fini par arrêter d’y penser, alors même que c’était le but premier d’ma venue à Savannah ? Qu’c’est la revanche du karma, qu’c’est Dieu qui me force à agir ? Ça devait pas se passer comme ça. Même dans mes pires cauchemars, ça se passait pas comme ça, Seth qui pisse le sang entre les urinoirs et les rouleaux de PQ qui traînent sur le carrelage crado, lui qui rit jaune en détournant les yeux. Moi aussi, j’ai envie de rire, parce qu’on se fout clairement de ma gueule, là-haut, alors j’fais demi-tour, sort des toilettes, laisse la porte se refermer derrière moi. C’est toujours désert, dans l’bar, rien n’a changé, pas de démons qui rampent des entrailles de la Terre. Seth. Seth est là. Derrière cette porte. Blessé. Dieu que c’est sacrément drôle, hein, ça rappelle des souvenirs, tout ça, ça veut dire que j’suis obligé d’y retourner ? J’prends une grande bouffée d’air, même si y’a aucune chance pour que l’air arrange quoi que ce soit. Une bonne seringue d’héro, là, c’est c’qu’il me faudrait. Mais j’me drogue plus, j’suis clean, j’suis un mec bien, le mec bien que j’lui avais promis de devenir beaucoup trop de fois, juste pour qu’il reste, juste pour qu’il me laisse pas. Blessé, il est blessé. Retour dans les chiottes, les gestes machinaux, le cœur qui s’met en pause pour s’occuper de la partie purement pratique. « Faut qu’t’ailles à l’hosto. Le réseau est saturé, j’peux pas appeler d’ambulance mais j’peux t’emmener b– » Babe ?? Non, vraiment, faut pas. « Si tu veux. » C’était pas comme ça que j’avais imaginé notre première conversation depuis six ans, j’pensais pas pouvoir adopter un ton aussi distant, comme si je récitais un truc appris par cœur, peut-être parce que je l’ai trop répété dans ma tête, de l’autre côté de la porte, pour m’empêcher de dérailler en face de lui. « Qu’est-ce qui s’est passé ? » La question lâchée d’une manière trop calme, trop douce, incapable d’avancer vers lui, de poser mes mains sur lui, ne serait-ce que pour essuyer le sang qui coule sur sa tempe, les prunelles qui tentent d’éviter son torse mis à nu, lèvres pincées pour se rappeler de regarder ailleurs. « J’suis désolé. J’avais pas prévu que. » Que j’te croiserais comme ça. J’avais rien prévu, en fait. « Désolé. » J’ai encore envie de l’répéter, dix, cent, mille fois, désolé d’être là, désolé d’pas t’avoir prévenu qu’j’étais dans ta ville. Désolé pour tout c’que j’t’ai fait.
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MessageSujet: Re: wounds (soad)   wounds (soad) EmptyJeu 2 Nov - 12:59



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Il y a quelques années, Seth, il croyait à que dalle. Il n’avait jamais cru ni en Dieu, ni même en son daron. Si, en lui, Toad. Jusqu’à ce qu’il arrête, épuisé. Quand il avait fini par se carapater parce que c’était devenu trop dur pour lui. Toute cette merde dans laquelle il se complaisait largement aujourd’hui. Mais nan, Seth, il avait rarement cru en quoique ce soit, jusqu’à ce qu’il rencontre Mort. Une première fois, puis une deuxième. Là, il avait cru au destin. Et maintenant, le flanc ouvert, face à celui qu’il avait essayé d'oublier pendant tant d’année, il ne pouvait toujours pas nier l’existence de ce connard. Le destin. Pas Toad. Quoique. Parce que bon, il se casse. Sans un mot. Purement et simplement. Alors Seth, il se marre. Parce qu’il faut bien avoir le sens de l’humour dans ces conditions. Grincement sordide qui s'échappe de sa gorge et fait trembler son corps. Nerfs qui dansent avec la rupture. Craque pas. Question de survie. C’est rien, t’as halluciné. Ou pas. Mais craque pas. Il ferme les yeux Seth. Ça lui lance dans le flanc, entre les tempes, mais il se concentre sur ces douleurs là pour oublier son cœur, au bord des lèvres. Bordel. Qu'est-ce qu'il fout là ? Putain. QU'EST CE QU'IL FOUT LÀ ?! Destin ou pas, ça n’a pas de sens, et ça le rend malade. Jointures des poings blanchies sous la pression. Les relents de sang et d’urine qui lui foutent la nausée. Prévention nécessaire que se raccrocher au con de lavabo crasseux. Délaissant le t-shirt imbibé de sang au sol. Il lui faut ses deux mains pour pas chuter. Tant pis s’il saigne plus. Il va pas crever. Il le sait. Parce qu’il s’en fout de crever. Parce que ça serait trop facile de crever maintenant. Et parce que le destin est un parfait connard qu’en a pas encore fini avec lui.

Alors il attend, tête baissée, qu’il revienne. Parce qu’il va forcément revenir Toad. Ce serait toujours trop facile sans ça. Il sait qu’il va revenir. Il sait qu’il va lui parler. Il sait qu’il va vouloir lui porter secours. Et rien que ça, ça lui est insupportable. Alors Seth il attend, immobile, que tombe la guillotine. Et il revient. Seth bouge pas, l’observe du coin de l’œil. Il peut pas le regarder en face. Il sent les grondements de l’orage émerger au fond de lui. Orage qui n’a rien à voir avec la violence devenue banale dont il peut faire preuve chaque jour. Infimes échappées de pression, contenant la guerre. Guerre attisée par les paroles de Toad. Les paroles, et sa voix. Qu’il avait imaginé avoir oublié Seth. Qu’il avait surtout oublié être celle qui avait remplacer la sienne, dans toutes ses pensées. Et ça lui revient, comme une claque en pleine gueule. Comme le [i]babe[/b] qu’il a entendu, même si Toad l’a partiellement tu. « Ta gueule. » Un sifflement qui lui échappe des lèvres. Parce que c’est pas supportable, de l’entendre. Parce que c’est encore moins supportable ses paroles idiotes, évidentes, qu’il aurait pu sortir à n’importe quel crétin dans le même état que lui, dans ce même bar ou ailleurs. Parce qu’il est là. Et Parce qu’il sait pas quoi faire. Parce qu’il est désolé et que c’est pas lui qui devrait l’être. Parce qu’il n’a rien à voir avec celui qu’il a abandonné. Parce qu’il semble aller mieux. Et que lui, il devrait déjà encore mort. Mais peu importe, pas de pitié pour les imbéciles, Toad, il continue de parler. « Ferme ... ta GUEULE ! »

Le hurlement jaillit. Comme sa main qui agrippe Toad à la gorge, le repousse contre le mur. Et l’autre qui vient s’écraser contre le plâtre pourri de ces chiottes insalubres. Pour pas s’écraser contre le visage de Toad. Il est comme ça Seth. Depuis trois ans déjà. Rongé par la colère, brûlé par la rage. Contre lui, bien plus que contre quiconque. Mais incapable de se faire du mal alors il détruit les autres. A moins qu’au fond, à force de blesser ceux qu’il aurait pu tout simplement aimer, c’est bien sa propre mise à mort, lente et insidieuse, qu’il signe. Alors il resserre ses doigts, Seth. Yeux écarquillés, souffle court et nerfs brûlés au napalm. Il a le cœur qui explose et ce n’est pas pour arranger à son état, autant physique que mental. Comme la sensation de la peau de Toad sous ses doigts. Qui le fait vaciller à nouveau, tâches d’encre marine devant les yeux. Qui l’empêche de voir totalement son visage. Tant mieux. Mais ses mains tremblent quand même. Ne supportant guère le contact de cette peau qu’il avait tant caressée, embrassée et tout simplement aimée. « Merde, putain. » Il le lâche, encore tremblant, regard noir qui tente de s'agripper aux iris bleues, malgré les éclairs de couleurs qui déchirent sa cornée. Il y voit plus grand chose. Aveuglé par la rage et la douleur. Il a envie de le détruire de ses propres mains, mais il sent ses forces l’abandonner. Pas à cause du sang perdu. A cause de la tempête dans sa poitrine. A cause de ce sentiment étrange qui vient poindre le bout de son nez. Qui détend ses muscles, liquéfie ses nerfs, le déchire un peu plus, et fait couler une larme qu’il ne sent même pas. « T’es vivant... » C’est un murmure, un peu comme une révélation. Il le savait déjà.  Théoriquement. Grâce aux appels de Skeeter. Non. Non. Si Seth savait que Toad n’était pas mort, ça n’était pas pour autant qu’il eût intégré le fait qu’il soit vivant. Parce que c’est plus simple d’ignorer l'existence des gens qui nous manque. Des gens qu’on a dû abandonner, même si ça nous détruisait. Des gens qu’on a laissé à peine vivant derrière soi. On n’a pas envie qu’ils meurent. Mais on n’a pas envie qu’ils vivent non plus.

claude gueuse
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MessageSujet: Re: wounds (soad)   wounds (soad) EmptyVen 3 Nov - 23:49

Y’a tout qui s’effondre, le cœur qui implose entre mes côtes, les neurones qui font pas les bonnes connexions, ça brûle l’âme autant que ça brûle le corps, sa main plaquée contre ma gorge, mes épaules qui percutent la porte, le mouvement de recul pour mieux fuir. C’est pas Seth. C’est pas moi. J’suis pas là, l’impression d’assister à la scène en spectateur, trop loin de moi-même, j’capte rien, comme quand on mate un film trop fatigué et qu’on perd le fil de l’intrigue. J’suis pas là, mais ça crame quand même, sa paume chaude contre ma pomme d’Adam, le sang qu’il étale sur moi, peut-être. Et ça fait mal, ça fait putain de mal. Y’a ses doigts qui se resserrent et ma main qui s’agrippe à son avant-bras, mais j’suis même pas capable de forcer pour le repousser, la poigne trop douce de celui qui ne sait pas pourquoi il devrait être en colère. Il me lâche et je le lâche aussi, reprend mon souffle parce que j’ai arrêté de respirer à l’instant où il s’est mis à m’étrangler, réflexe crétin parce que j’sais pas c’qui se passe, j’comprends que dalle et j’ai pas envie de comprendre. Il a pas l’air bien, Seth, pas seulement à cause de la blessure, des bleus, de la lumière du néon pourri qui pendouille au plafond et lui file un teint verdâtre. Il a pas l’air bien, et mon regard s’accroche à la larme qui coule le long de sa joue, j’me retiens de l’essuyer parce que ça serait foutrement déplacé. Je crois. Il a pas l’air bien, alors qu’il devrait aller bien, alors qu’il m’a quitté pour aller mieux, pour trouver mieux. Je croyais. Y’a toujours son rire qui résonne contre mes tympans, un rire bourré de désillusions qu’on a pas envie d’entendre, un rire de c’est une putain de blague de mauvais goût qu’tu sois là, et la rage d’après, la gueulante, le ferme ta gueule. Ferme ta gueule, Toad, faut pas parler, faut plus parler, faut le regarder s’esquinter tout seul, pisser le sang parce qu’il appuie plus de tissu contre la plaie. T’es vivant, ouais, et toi tu vas crever si on fait rien. Est-ce que j’peux te toucher, Seth ? Est-ce que j’peux juste m’avancer vers toi, ou tu vas encore essayer d’me tuer ? J’arrive même pas à te regarder dans les yeux, j’empêche mes pupilles de faire la mise au point, j’te garde en zone floue, tétanisé, accablé, tête baissée. J’veux pas comprendre, j’veux pas réaliser, parce que la réalité a encore décidé de me niquer, parce que j’sais trop bien c’que ça veut dire, les ecchymoses et les cicatrices, les nouvelles, celles que j’connais pas. C’est le monde à l’envers, c’est moi qui dois le soigner quand c’était toujours lui qui sortait les compresses et l’alcool pour désinfecter. C’est pas Seth. C’est moi, moi quand j’trouvais ça marrant d’aller taper sur la tronche d’abrutis dans la rue pour quelques billets, moi qui revenais toujours avec un œil au beurre noir ou le nez pété, moi qui lui disais qu’c’était rien. Que j’allais bien. Moi le jour où on s’était embrassé la première fois, sauf que j’avais une raison honorable d’être blessé, à l’époque, jamais plus, après. Et j’sais trop bien qu’y’a pas de raison honorable pour Seth, parce qu’il est planqué dans ces chiottes merdiques et qu’il veut pas qu’je l’aide, parce que même dans mes scénarios catastrophes ça se passait pas comme ça, c'était pas aussi atroce que ça.

J’laisse un moment passer, de peur de le brusquer, un long moment, nos respirations qui s’entrechoquent dans le silence. Bloqué entre quatre murs avec l’ex amour de ma vie, c’est l’enfer sur terre. Ça aurait pu être le paradis. « Seth. » Murmure du bout des lèvres, pour pas éveiller sa colère à nouveau. « J’suis là pour toi. » Je sais pas ce que j’imaginais, au fond, quel était mon grand projet quand j’ai débarqué à Savannah, juste parce qu’il vivait là. Je sais pas ce que j’attendais, ni vraiment ce que j’voulais. L’impressionner ? Lui montrer à quel point j’m’étais amélioré ? Clean et pasteur, on me paye pour aider les autres à se sentir mieux dans leur vie. Il y croirait pas, de toute façon. Même s’il avait pas été dans cet état, il y aurait pas cru, quatre ans d’enfer avec moi ont suffi à lui faire perdre la foi, si pas en l’humanité, au moins en moi. Il se foutrait de ma gueule, sans doute. « J’veux dire. J’suis venu à Savannah pour te voir. Ça fait un an que j’traîne dans l’coin à pas oser venir te voir, mais. C’pour ça que j’suis là. Pour toi. » Qu’est-ce que j’voulais. Devait y avoir une raison à tout ça, pour insister pour aller à Savannah, pour accepter l’église la plus pourrie de l’univers. J’ai pas supporté la moisissure et le parquet vermoulu qu’a failli me péter la cheville plusieurs fois juste pour ça ? Pour des retrouvailles de merde avec vue sur des urinoirs dégueulasses ? Sympa la vie, merci Jésus, t’es toujours pas mon pote, j’ai compris. Qu’est-ce que j’voulais. Le reconquérir, peut-être ? Lui dire regarde, j’suis un mec bien maintenant, on reprend tout à zéro ? Est-ce qu’on s’aime encore, après quatre ans de dégringolade, six ans d’absence ? Est-ce que c’est possible ? Il m’aimait encore, quand il est parti, c’est c’qu’il disait, en tout cas. Il m’aimait encore et j’l’aimais encore, et encore après, la désintox où j’avais fait qu’penser à lui entre deux vomissements, la seule pensée qui me tenait en vie, qu’un jour peut-être il reviendrait. Les années à glander sur la route, en espérant le croiser, à étudier la théologie en ligne, pour lui prouver que j’pouvais être quelqu’un d’bien, toujours à penser à lui, toujours les souvenirs gardés précieusement au creux du cœur. Est-ce qu’on peut encore s’aimer ? Est-ce que j’le veux vraiment ? « Laisse-moi t’aider s’te plaît. » Un bras, fébrile, qui se soulève, ose s’approcher, les phalanges qui le frôlent presque mais ne le touchent pas, attendant un signe, rien qu’un soupir, un haussement d’épaules, mais me repousse pas, s’te plaît.
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MessageSujet: Re: wounds (soad)   wounds (soad) EmptyDim 5 Nov - 15:08



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Silence, un instant. Où en tout cas ce qui s’en approche. Malgré le sang qui bourdonne dans ses oreilles, le grésillement saccadé du néon, et leurs respirations trop fortes. Un instant de silence, pour recouvrir un peu de maîtrise sur soi, si ce n’est pas sur la situation qui leur échappe complètement. Seth, il détaille le visage trop fin de Toad. Visage qui l’avait tant obsédé, et qu’il s’était appliqué à oublier, abandonnant tout ce qui pouvait le rappeler dans une boîte à godasses laissée sous son lit d’ado. Sauf cette conne de bague qui croupissait sous un tas de chaussettes, ici, dans l’appartement qu’il partageait avec Wini. Mais il le connaît encore trop par cœur. Et ça le surprend presque. Un instant de silence, mais qui ne dure pas. Toad fend le silence. Il ignore par quel miracle, il tient encore debout, Seth. Il ignore comment la voix de Toad portant son prénom n’a pas de nouveau embrasé sa rage. Ni pourquoi elle ne l’a pas mis à genoux. Coincé entre deux eaux. Pression sanguine trop basse pour la colère, haine trop forte pour baisser les armes. Alors il ne bouge pas, et il écoute. Il écoute et imprime, un peu, sans comprendre tout ce qu’implique les aveux de Toad. Il comprend pas qu’un an, c’est trois cent cinquante-cinq jours. Autant de jours où ils étaient si proches, et que lui l’ignorait. Autant de jours où ils auraient pu se croiser. Dans une situation bien meilleure que celle-ci. Même si aucune n’aurait pu être bonne. Autant de jour où il aurait pu venir de lui-même Toad, avant que ce putain de destin ne se décide de leur rejouer leur premier jour. Pour un début ou une fin, ça reste à voir. Même s’il comprend pas tout, ça le fout en rogne quand même. Mais pas autant que le regard fuyant de Toad. Ses iris délavés pas foutus de s'accrocher à ceux plus sombres qui les recherchent. Tu m'as cherché. T'as voulu être là. Tu m'as trouvé. Alors regarde-moi maintenant putain. Regarde ce que t'as fait. Peut-être parce qu’ils expriment encore trop de colère, ses yeux. Oui il est en colère. Parce qu’il aurait pu le trouver avant Toad. Avant aujourd'hui. Ou le jour d’encore avant. Et avant n’importe laquelle de ces putains de journées où Seth s’est appliqué à descendre de plus en plus bas dans les méandres sordides du genre humain. Ça aurait changé quelque chose ? Pas sûr finalement. Mais comme toujours, il est en colère contre Toad, parce que c’est plus simple.

« Laisse-moi t’aider s’te plaît. » Drôle d’écho, revenu six ans plus tard, des paroles sorties maintes fois de sa bouche. Mais cette fois, c’est la voix de Toad, non la sienne. Il reste pétrifié Seth. Lèvres pincées, yeux fixés sur ces doigts tendus vers lui. Comme une biche coincée entre les deux phares d’une bagnole qui ne s’arrêtera peut-être pas à temps. Comme on fixe l’ouverture sinistre d’un canon de revolver à attendre de savoir si l'autre va tirer ou non. Sauf que c'est à lui de choisir ou pas d’éviter la voiture. Ou d'appuyer sur la gâchette. Oui ou non ? Le laisser l’aider, ou pas ? Il a la trouille, Seth. La trouille de dire oui, parce que c'est tout ce que cette pétasse de mort attend pour venir le chercher. Qu'il essaye de survivre. La trouille parce que, pour une fois, il ne s'en fiche pas de clamser ici. Parce qu'il y a Toad maintenant. Et si une partie de lui veux encore le tuer, une autre ne peut se résoudre à lui faire ça. Crever là. Ce que lui, Seth, redoutait tellement qu'il finisse par arriver à Toad. Cette autre part de lui qui se réveille soudain et gueule à lui arracher les tympans et les entrailles de ne pas faire de mal à Toad. C'est ça qui le terrifie. Étrange image, incongrue surtout, de celle de Neo qui s'impose à lui. Pilule bleue ou pilule rouge ? Pilule bleue, il le repousse, il en crèvera pas de son sang qui se barre, il en reste persuadé. Toad souffre, p’t-être assez pour plus revenir. Et Seth récupère une vie normale, se détestant encore un peu plus que le jour d’avant. Comme d’habitude. Pilule rouge, il accepte, et laisse une porte ouverte à l’autre pétasse de venir le cueillir. Si elle le fait, ce sera pire pour Toad. Si elle ne le fait pas… Il sait pas. Il sait pas ce qu’il se passera dans ce cas. Ça aussi, ça le terrifie. Mais peu importe son choix, il ne pourra pas oublier. La matrice s'est disloquée, sans lui laisser de retour en arrière possible.

Pilule rouge. La même couleur qu’il a étalé dans le cou de Toad. Et qui s’écoule sur sa joue, sa hanche et le mêle à la crasse du sol. Il baisse les armes, Seth. Il a plus assez de force. Ça fait longtemps qu’il a arrêté de se battre contre Toad de toute façon. Et ce n’est pas le moment de retourner au front. Alors il soupire, hoche doucement la tête et recul, s’adosse contre le mur et passe une main sur son visage, prenant lentement conscience de son état physique. Il grogne en atteignant sa plaie à l’arcade sourcilière. « Connard ... » Spécial dédicace au type qui lui a foutu un pain dans la tempe. Il en serait pas là s’il l’avait pris dans la mâchoire ce pain. Bon, techniquement, il en serait pas là s’il n’était pas lui-même un connard, mais… c’est mieux d’en vouloir aux autres. Oué. Comme d’hab’. Et puis il rouvre les yeux, pour le regarder, Toad. Nouveau besoin qui s’éveille. Qu’il essaye de repousser. « Promis, j’étais en train de sauver un mafieux qui se faisait racketter par un autre. » C’était sans doute le pire moment au monde pour faire de l’humour, surtout avec cette référence là, mais semblerait que Winifred soit un excellent professeur de sarcasme et sadisme. Il sourit comme un con Seth, sourire nerveux à cette blague cruelle et fatigué surtout. Epuisé. Nouveau soupire. « Pourquoi t’es pas venu plus tôt ? » Il n’est pas bien sûr de vouloir connaître la réponse. Mais il a besoin d’au moins une. Il y en a trop qui lui viennent en tête. Pourquoi tu m’as cherché ? Pourquoi t’es pas mort ? Pourquoi tu ressembles à moi, avant ? Pourquoi je ressemble à toi, avant ? Pourquoi on est dans cette merde ? Et… est-ce que tu m’aimes ? Encore un peu ?


claude gueuse
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MessageSujet: Re: wounds (soad)   wounds (soad) EmptyMar 7 Nov - 0:53

C’est rien qu’un hochement de tête, même pas un oui articulé, pourtant je sais qu’il a rendu les armes, qu’il accepte que je l’aide. C’était un truc qu’on avait toujours partagé, se comprendre sans rien dire, les regards et les sourires, les soupirs qui suffisaient à créer les phrases pendant une heure de colle. C’était un truc qui s’était perdu, dans les méandres de l’héroïne, j’voyais trop flou pour capter la tristesse au coin d’ses yeux, j’planais trop pour voir que plus aucun sourire n’étirait sa bouche, j’arrivais plus à suivre la cadence de son cœur, j’entendais plus sa mélodie. C’est la douleur acide de s’en rendre compte que maintenant, la boule au ventre, le nœud dans le cœur. J’agis par automatisme, quand je ramasse son T-shirt par terre, le trempe et l’essore dans le lavabo pour le remettre contre la plaie à son flanc, j’agis par mimétisme, parce que je l’ai vu faire des centaines de fois, en prenant les trois essuie-mains qui restent dans le distributeur qui tient plus trop au mur, et les humidifie avant d’essuyer le sang sur son visage, nettoyer la blessure à la tempe. Pourquoi je prends soin de pas toucher sa peau de mes phalanges, pourquoi j’ose pas prendre son visage entre mes mains pour qu’il reste bien immobile malgré la douleur qui irradie sans doute. Parce que j’ai peur de m’brûler, parce que j’ai peur de c’que je pourrais ressentir, des bribes de souvenirs que ça pourrait ramener, qui reviennent à chaque fois que mes prunelles croisent les siennes, une seconde, s’échappent à nouveau, ne pas tomber dans l’abîme de ses yeux noirs, ne pas laisser mes pupilles s’attarder sur ses lèvres, malgré la tentation. J’souris un peu à sa blague qu’est même pas drôle. Elle fait mal, sa blague, elle est putain de chienne, sa blague, le souvenir trop innocent de c’jour-là, quand on était encore tous les deux plus ou moins sur le droit chemin, pas trop d’écart, juste des bêtises de gosses qui ont rien de plus intéressant à faire. Alors qu’aujourd’hui y’a plus rien de tout ça, envolée l’innocence, la belle insouciance des jeunes années, y’a que deux mecs qui ont trop fait de mal, trop vu d’horreurs pour pas que le sarcasme ait pourri leurs belles paroles. Pourquoi, Seth, pourquoi t’as sombré comme ça alors que j’ai remonté la pente à m’arracher les ongles juste pour t’atteindre. On s’est raté, sur la route, t’as dégringolé trop vite, j’t’ai pas vu descendre, t’étais trop loin de moi. Pourquoi t’es parti aussi loin, pourquoi tu t’es laissé chuter comme ça, j’sais qu’on aimait bien jouer les équilibristes au bord du gouffre, mais j’ai jamais pensé que toi tu plongerais comme moi j’ai plongé.

Pourquoi t’es pas venu plus tôt ? J’renifle légèrement, la nervosité qui reprend le dessus, les doigts qui se remettent à tapoter contre mon jeans, presque prêt à battre en retraite, à fuir pour de bon. C’était bizarre, d’être aussi calme, de toute façon, ça pouvait pas durer, c’est Seth. C’est comme si j’avais encore du mal à réaliser, comme si fallait que j’inspecte son visage, son corps, sa peau, pour m’assurer qu’c’est bien lui, que j’suis pas en plein trip. Pourquoi ? J’avais peur. Peur que ça serve à rien, peur qu’il reste plus rien, même pas un peu de cendres, peur de réaliser que la mélancolie avait tout rendu plus beau que ça ne l’était vraiment. Ou peur d’avoir toujours envie de l’embrasser, même après six ans, même après sa disparition, la désintoxication, la reconversion, la rédemption, peur de comprendre que l’obsession est toujours bien réelle, que je pense encore à lui tous les jours alors que j’aurais dû guérir. Mais peut-on guérir de quelqu’un ? Peut-on guérir de son premier amour ? Y’a mes yeux qui s’arrêtent sur l’éclat argenté à mon annulaire, la bague qui brille sous le néon. L’alliance. Jamais retirée. J’ai pas divorcé. J’ai soudain honte, de la porter encore, le regard qui le sonde, j’me demande s’il l’a remarquée, le symbole faussé de notre amour jamais jeté aux oubliettes, j’remarque le fond de teint qui cède le terrain au tatouage dans son cou. Il a essayé de m’effacer, me faire disparaître sous une couche de maquillage, moi j’ai jamais pu m’y résoudre, jamais. Parce qu’à chaque fois que je tentais, il revenait, et c’était plus dur à supporter, et la douleur était plus vive, c’était comme foutre du sel sur une plaie béante. C’est comme foutre du sel sur une plaie béante, les mots qui se coincent dans la gorge, s’agglutinent sans que j’arrive à répondre quelque chose de sensé, à me mâchouiller la lèvre inférieure comme si ça pouvait m’inspirer. « J’pouvais pas. » Murmure de dépit, sourire triste au coin d’la bouche. « J’suis passé des tas de fois devant le club où tu bosses mais. J’pouvais pas. J’y arrivais pas. J’flippais. J’me disais qu’tu voudrais pas m’voir. J’me disais qu’j’allais » avoir envie de t’embrasser comme maintenant et que tu m’repousserais, qu’tu m’dirais non, sûrement, « pas y survivre. J’avais envie de v’nir te voir mais j’ai jamais été très courageux, tu l’sais. Je. » Je t’aime ? Tu m’as manqué ? J’ai jamais cessé de penser à toi ? Tout me paraît tellement déplacé, tout à coup, après toutes les fois où j’m’étais repassé mentalement tout c’que j’lui dirais si j’le revoyais, le discours qui s’était rôdé au fil des années d’absence, les questions qui s’étaient muées en réponses et les mots doux qui perdaient de leur douceur, parfois, qui s’étaient estompés avec le temps, la certitude de vouloir le ramener s’était effritée, l’envie de simplement lui demander pardon. « Je crois qu’il faudrait du truc pour désinfecter. »
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MessageSujet: Re: wounds (soad)   wounds (soad) EmptyMar 7 Nov - 21:25



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L’évitement. L’ignorance, ou le dénie. Cloisonner et oublier ce qui dérange, le pousser de côté pour faire ce qu’on a à faire. Sans souffrir. Dans l’instant. C’est ce qu’on croit. Ce sera pire après. C’est une stratégie d’autodéfense bien connue de Seth. Même si ce n’est pas sa préférée. Le transfert. C’est plutôt ça son truc. Blâmer les autres de ses péchés. Mais l’évitement, celui auquel s’applique Toad dans chacun de ses gestes, de ses regards, il le décèle parfaitement. Et comme tout le reste de cette journée pourrie, ça fait mal. Alors il se bat pas longtemps, Seth, à essayer de capturer le regard de Toad du sien. Il voudrait bien le regarder en face. Se plonger dans ses pupilles noires cerclée de bleu. Même si ça fait encore plus mal. Abandonner l’idée aussi. Fixer les inscriptions obscènes mal orthographiées sur les murs pendant que Toad s’applique à l’esquiver aussi. Parce qu’il reste sans vouloir être là. La fuite aux bords des lèvres. Il est comme ça Toad. C’est pas nouveau. Et Seth qui s’en étonne quand même. Qui se coupe les doigts dessus à essayer de l’attraper, papillon de verre aux ailes effilées. Juste pour pouvoir le regarder de plus près. C’est dans les graffitis médiocres qu’il se réfugie à son tour, pour oublier l’évitement. Laisser s'affairer son ex sur ses plaies, comme s’il n’était pas l’homme qu’il avait tant aimé. Le seul en fait. Qu’il s’était appliqué à effacer de son être pour ne pas faire marche arrière tant il lui manquait. Et finalement le retrouver mort un soir. Et ensuite pour se détester un peu moins de l’avoir abandonné.  Pour que ce soit au moins un peu supportable. Même qu’une heure par jour. Ce sont les pensées là qu’il étouffe Seth, dans la lecture des injonctions grossières sur les murs. Lecture qui l’empêche de se concentrer sur les mains de Toad, qui s’affairent sur son visage, bout de papier en guise de bouclier entre leurs peaux. Ni sur la bague qui luit sous le néon. Celle dont la jumelle a aussi rejoint la boîte sous le lit. Un râle lui échappe. De ceux que les poings, les griffes et les crocs d’Ivy lui arrachent. Ceux qu’il va sans doute réclamer en rentrant. Ou le lendemain. Ça fait du bien quand la douleur physique égale celle de l’âme. On se sent entier un instant, même si c’est dans le noir, dans les bassesses de l’humain. Douleur dans l’arcade qui se mêle à celle causée par l’évitement. Bref soulagement. Ça fait du bien. Surtout des mains de Toad. Il lui demanderait bien de lui mettre une droite. Mais Toad, c’est pas Ivy. Et eux deux n’ont jamais été ce que Seth et elle sont. Dommage. peace through pain is precious especially when it's done by you Mais il ne le laisse paraître. Seuls signes dans un regard vague et une cage thoracique qui se vide un peu trop, pour se remplir un peu plus qu’avant. Ça pourrait passer pour de la douleur. C’en ai. Même si l’endorphine glisse le long des reins. Mais ça non plus, vaut mieux pas trop y penser.

« Du savon, ça f’ra très bien l’affaire. » Même si faut retirer au moins quatre millimètres d’épaisseur à celui, misérable, qui reste sur l'évier avant qu’il soit à peu près sain. Mais oué, ça fera l’affaire. C’est comme ça qu’il nettoie la gueule du flic quand il se fait à peu trop amoché au club. En intoxicant en chœur et mutuellement avec leurs clopes. N’empêche qu’Asher n’a toujours pas fait de septicémie. Après, il se soigne peut-être en douce qui sait. On saura jamais. En tout cas, la bouteille de sky que Seth voit déjà briller au loin le désinfectera largement de l’intérieur cette nuit. Il risque plus la cirrhose que le choc septique. Oué, Seth il se projette le lendemain soulager son âme dans les draps ‘Ivy. Oué il se projette plus tard ce même jour à picoler. Mais y a pas de Toad dans ses projections. Déni. Constat amer de la peur qu’il évite comme Toad esquive ses regards. Et ça craint tellement. Faut dire quelque chose. Faut faire quelque chose. Avant que ça s’arrête. Que n’importe quoi se passe, que Toad parte. Il n’aura pas la force d’aller le chercher. Il ne sait pas si Toad l’aura. Ou bien juste l’envie. Et c’est pas possible de vivre cette horreur présente pour rien. Pour encore plus de vide après. Il l’a peut-être mérité. C’est pas pour autant qu’il l’accepte cette fois. Il rouvre le bec, tremblement dans la voix qui trahit son visage qui se veut impassible. Ou trop fatigué pour réagir. « Et tu peux toujours pas ? J’veux dire après ça… tu vas t’casser ? Et plus r’venir ? » Il sait pas ce qu’il veut Seth. Il veut qu’il parte autant qu’il veut qu’il reste. Il sait pas quoi lui dire, y a trop de truc ratés, trop de trucs tus, enfouis et bien enterrés qui semblent dérisoires maintenant. Parce que Toad, il a plus une tronche de drogué. Il doit plus avoir besoin des excuses de Seth, nan ? Et de lui tout court tant qu’à faire ? Mais il a la bague encore ? Enfin… Le doute qui creuse l’estomac. Les yeux agités de Seth qui la cherche. Dernière relique palpable de tout ce qui avait été. Lui n’avait pas été capable de la garder. Pas après s’être débattu pour divorcer. Mais… Il a un doute. Horrible. Il sait pas pourquoi il l’est autant, mais ça le brûle à l’intérieur, alors il se tait pas. Sans pour autant savoir quoi dire. « La bague c’est... » C’est quoi ? Ton alliance ? Notre alliance? La bague que je t’ai passée au doigt promettant soutient dans la joie et la pauvreté, dans la santé et dans la maladie, jusqu’à ce que la mort nous sépare, avant de me casser quand c’est devenu trop dur ? Ou alors t’as signé les papiers finalement et j’ai raté l’info ? Et t’es remarié ? Avec le type qui justifierait que t’es plus l’air d’un drogué fini ? Vas-y, vas-y Seth, on t'écoute. Pauvre con. Alors il tourne la tête Seth. Cherchant une autre invitation graveleuse inscrite sur les murs des chiottes, et priant pour que Toad ait pas entendu.

claude gueuse
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MessageSujet: Re: wounds (soad)   wounds (soad) EmptyVen 10 Nov - 16:34

Y’a une sensation d’irréel à l’avoir en face de moi, un truc qui fait que j’arrive pas à avaler, j’peux pas vraiment y croire, putain de Saint-Thomas qui a besoin d’enfoncer ses doigts dans les plaies pour sentir que c’est réel, mais les mains qui veulent pas le toucher de trop, évitent soigneusement la peau de peur de s’laisser emporter. Savon. Savon. Le cerveau qui met deux fois plus de temps à comprendre tout c’qui sort de sa bouche, déjà qu’il est pas bien rapide, les yeux qui dévient sur l’ovale noirâtre qui gît à côté du robinet. Trop heureux de se trouver une nouvelle occupation, j’m’emploie à le faire devenir un peu plus gris que noir sous le jet d’eau, à peine dégoûté, trop habitué à vivre dans des taudis pour se formaliser de la saleté. J’l’applique sur sa blessure à la tête, frotte du bout des doigts, comme s’il fallait pas dépasser d’la plaie, mêmes gestes pour celle à son flanc. Accroupi devant lui, à faire semblant qu’ça me rappelle pas des souvenirs d’avoir la gueule à trois centimètres de sa braguette, j’nettoie le sang du mieux qu’je peux pour y voir plus clair. C’est pas beau et ça ressemble à un coup d’couteau, j’le sais parce que j’ai une marque un peu pareille, mais de l’autre côté. On s’fait des cicatrices assorties, chéri ? Merde, sérieux. « J’suis pas sûr que le savon va recoudre le trou que t’as dans le ventre. » J’me mords la langue avant de balancer un autre surnom affectueux, les souvenirs qui se brouillent, s’impriment sur le présent et l’envie de faire comme s’il s’était pas passé six ans depuis la dernière fois qu’on s’est vus. C’est plus facile de parler bobos que de parler sérieusement, les détails triviaux pour faire passer le temps plus vite, combler le vide qu’on a pas envie de combler avec les mauvaises paroles, ou des mots trop forts, qui sonneraient mal, qui sonneraient faux maintenant. J’me sentirais presque prêt à lui décrire la forme de sa blessure dans les moindres détails, la couleur indéfinissable de son sang, partir dans un poème sur la douleur, à lui demander à quel point ça fait mal, sur une échelle de un à dix, et pas lui dire que j’suis à dix rien que de l’revoir. J’tressaille, en l’écoutant parler, content de plus être à portée de son regard, comme ça, à fixer ses entrailles avec autant d’intérêt qu’Hannibal Lecter. Tu veux que j’revienne, Seth ? Tu veux me revoir ? Tu veux pas qu’on en finisse là, qu’ce soit juste une fois, comme dans les vieux films où les anciens amants se revoient une dernière fois, des années plus tard, qu’ils échangent juste un regard, au coin d’une rue ou sur le quai d’une gare ? La bague, oh, la bague, et j’me redresse en m’agrippant au lavabo crasseux plutôt qu’à ses hanches, pense un instant à dire j’ai juste grossi et j’avais la flemme d’aller la faire enlever, parce que j’me sens ridicule, évidemment, devant lui avec cette putain d’alliance alors qu’il a plus la sienne, alors qu’il cache ce tatouage à la con que j’l’avais incité à faire mais dont j’me rappelle plus la raison exacte. Trop d’héro dans les veines, à l’époque, ça nique la mémoire, tout ça. « Ça non plus, j’pouvais pas. » J’pouvais pas l’enlever, non, j’ai essayé qu’une fois, mais là j’avais vraiment trop grossi pour la retirer, la période après désintox où j’avais bouffé comme quatre pour compenser le manque, le manque de drogue, le manque de toi. Pathétique, non ?

Y’a le barrage qui commence à craqueler, mes pupilles qui cherchent les siennes mais c’est à son tour d’esquiver, calé sur les graffitis obscènes qui traînent sur les murs. Ça te donne des idées, peut-être ? Et la rougeur qui se colle à mes joues, les yeux qui se détournent à nouveau. J’t’ai pas dit ? J’suis nympho, maintenant, c’est v’nu un peu après la nourriture, parce que Skeeter m’a mis au régime, donc j’ai dû trouver une autre addiction. Qu’elle pouvait pas trop contrôler. Ça me ronge de l’intérieur, tout à coup, l’impression qu’il n’a qu’à me faire un signe pour que j’dise oui, la dépendance pas surmontée, l’obsession enchaînée au bas-ventre, ça creuse, ça hurle famine, et. Asher, putain. J’sais pas à quoi je pensais en lui cachant la vérité, ce s’ra pire, à présent. J’sais pas à quoi je pensais, parce que c’est Seth, et que j’devais savoir que Seth remuerait des trucs en moi, même si j’les pensais enfouis depuis trop longtemps pour remonter à la surface. J’devais savoir. Je savais. Y’a toujours eu cette part de moi délirante qui s’disait qu’il suffirait d’un rien, que Seth me verrait clean et avec un job respectable et qu’il me reprendrait, qu’on s’rait de nouveau mariés pour le meilleur et pour le pire, et qu’il y aurait plus de meilleur que de pire, cette fois, que j’serais plus jamais comme mon père, qu’on aurait notre happy end. J’pensais pas que ça prendrait six ans, seulement, j’pensais pas que j’passerais une année entière à hésiter à aller le voir au moment où on m’a dit où il était et où j’ai débarqué dans sa ville, que ça aurait été encore plus long si la providence s’en était pas mêlée. J'pensais pas qu'y'aurait Asher. Asher que j’aime, même si j’arrive pas à lui dire. Et Seth, je l’aime ? Encore ? Après tout c’temps ? Après l’avoir détesté d’m’avoir lâché, après lui avoir gueulé des insultes à la fenêtre et sur son répondeur, après avoir rampé, message après message, pour m’excuser, lui demander de revenir, me laisse pas, putain, me laisse pas, j’vais pas survivre sans toi, pardonne-moi, j’s’rai un mec bien. Pour toi, juste pour toi. Après qu’tout ça n’a servi à rien, pas une réponse, pas une carte postale, que dalle ? Et le barrage qui cède, le pouce qui se colle dans son cou et estompe le fond de teint, c’était à moi, tout ça, t’étais à moi, avant. « T’étais censé être heureux sans moi. J’voulais être bien, pour toi, j’l’ai fait pour toi, j’vais à des putain de réunions tous les mardis, j’ai pas touché à d’la came depuis six ans, j’ai accepté de venir bosser ici dans une putain d’église en ruines juste. Pour. Toi. Tu comptes m’expliquer pourquoi t’es dans cet état et pourquoi t’as tenté d’m’étrangler alors que tu m’as laissé pour mort ? » Y’a la colère qui monte avec le ton de ma voix, les doigts qui lui chopent le menton pour le forcer à me regarder dans les yeux. Puis tout qui retombe comme un putain d’soufflé, la colère, le bras qui revient le long d’mon corps, trois pas pour se reculer, s’adosser au mur d’en face, la tête baissée. « Désolé, j’t’en veux pas. J’sais pourquoi tu t’es barré et t’as eu raison d’le faire. Mais j’ai juste. J’ai juste l’impression d’être arrivé trop tard. » Et y’a les larmes qui brûlent derrière mes paupières closes, les yeux qui m’font mal à force de les retenir, l’impression que j’vais pleurer d’l’acide sulfurique.
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MessageSujet: Re: wounds (soad)   wounds (soad) EmptySam 11 Nov - 15:52



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Il en a encore trop dit Seth. Trop pour que Toad n'entende pas à côté. Trop pour pas y laisser bout de ce qui reste de son âme. En essayant de savoir ce qui lui fera forcément du mal. Ni la vérité, ni le mensonge ne pourront l’apaiser, mais le rien est d’autant plus insupportable. Il regrette d’avoir parlé, langue écrasée entre ses dents. Mais il réclame une réponse comme il réclame chaque marque qu’Ivy laisse sur son corps et sur son cœur. Mais les réponses de Toad, elles sont pas suffisantes. Elles l’on rarement été. Toad, il a jamais su parler. Mais avant, il lui disait qu’il l’aimait, et ça suffisait très bien comme réponse. Mais là c’est pas assez. Il prétend pas mériter quoi que ce soit Seth, il espère pas grand-chose. Mais il parle au passé Toad. Au passé. Et ça le fait chier Seth. Même s’il a jamais voulu le revoir. Même s’il a jamais plus rien espérer de lui. Ou d’eux. Il pensait juste finir dans un coin, pourrir lentement avec Winifred, continuer à descendre aux enfers jusqu’à ce que Satan daignent leur ouvrir la porte à tous les deux. Qu’ils quittent ensemble ce monde de merde en riant une dernière fois pour finir blottis l’un contre l’autre dans les entrailles pourries du monde, comme ils finissent souvent allongés ensemble quand ils n’arrivent pas à dormir seuls. Seth il est coincé entre un passé réminiscent et un avenir auquel il avait renoncé. C’est con. Mais sans Toad, y a plus rien. Y avait plus rien. Parce qu’à la place de n’importe lequel des crétins de cette ville, c’est lui qui avait franchi la porte de ces ptn de chiottes. Mais Toad, il parle au passé. Alors y a toujours pas d’avenir. Sauf qu’il reste là ce con. C’aurait été plus simple que l’autre crétin et sa lame ait décidé de finir le taff et de venir l’achever ici. Mais il mérite rien de simple Seth. Il l’a choisie une fois la simplicité, il en paye encore le prix, comme à chaque seconde qui s’écoulent depuis six putains d’années qui au final n’ont été qu’un sordide battement de paupière. Pour se retrouver à la case départ. Mais sans toucher les 100$, et avec un passif bien pourri. Alors oué il est coincé, pas capable de réagir. Même pas à la douleur du savon qui passe sur ses plaies, tentant de les nettoyer. Inutilement vu la crasse dans l’âme de leur porteur. Bien plus mortelle. Y a plus rien, ni avant, ni après, juste une marée de mazout noir où il s’embourbe Seth. Il essaye d’avancer, vers des trucs à peu près lumineux, mais ça s’efface à chaque fois. C’est peut-être juste sa pression trop basse qui lui provoque des allu’. Ça se trouve il tape à causette à son propre reflet depuis tout à l’heure. Qu’il est juste en train de clamser. Et Toad est toujours… quelque part loin. Ce serait presque réjouissant comme idée.

Mais y a la main de Toad dans son cou qui lui rappelle la réalité. Là, en plein sur le tatouage. Là où Toad l’embrassait tous les matins jusqu’à ce que l’héroïne lui fasse oublier. Là où il avait voulu lui faire inscrire lips à l’encre indélébile, mais incapable d’articuler correctement, ça s’était transformé en leap. Bond. Ridicule. Mais ça les avait fait rire. Il l’avait aimé ce tatouage Seth, jusqu’à ce qu’il finisse par n’être qu'un symbole de plus de l’autodestruction de Toad, de la déchéance de leur couple, et de sa propre fuite. Alors il le hait ce tatouage. Et le contact, le premier, qu’il a vraiment avec son ex, sur son épiderme encré, ça lui coupe le souffle, et lui bousille les entrailles plus efficacement que n’importe quel couteau mal aiguisé. Et sa voix qui s'amplifie, la colère, le nouveau contact de ses doigts, les iris bleus le percutent finalement trop violemment. La marée noire qui monte encore dans l’esprit de Seth, brouille les commandes, et déchire le voile de la colère pour libérer ce flot de honte qui la génère. Il peut pas parler. Même s’il le pouvait, il saurait pas quoi dire. Y a trop à dire. Y a rien à dire. Chaque événement de sa misérable vie après son départ pouvant s’expliquer par celui d’avant. Sauf un. Le départ lui-même. Alors il a rien à dire. Il ne peut que regarder Toad. Le regarder souffrir et s’effriter un peu plus. C’est encore sa faute. Tout est de sa faute, Seth. Il le sait bien. Et la colère de Toad, son envolée aussi soudaine que ce désespoir qui revient en sont encore autant de preuve. « Désolé, j’t’en veux pas. » Tu devrais putain. Il voudrait s’énerver Seth, se foutre encore en rogne, éclater une bonne fois pour tout ce distributeur à papier qui tient à peine au mur, et peut-être colorer un peu la peau de Toad. Ce serait plus simple. Plus simple que de ne pouvoir détacher son regard de son visage dévasté et dévastant. Plus simple que de deviner les larmes emprisonnées sous les paupières closes. Plus simple que se détacher du mur, tenter quelques pas en avant, lutter contre la boue noire enlacée autour des chevilles. Plus simple que d’essayer de faire que les choses aillent un tout petit peu mieux. Pour une fois en quatre ans. Il savait pas trop ce qu’il allait faire Seth, une fois plus proche de Toad. Mais ça se fait tout seul. Une main qui glisse contre sa nuque, pour rapprocher sa vieille tête de redneck de son propre cou, du tatouage, comme avant. L’autre qui agrippe sa hanche, pour tirer leurs corps l’un contre l’autre, comme avant. Et tant pis pour le sang. C’est habituel comme gestes, ça l’a été, mais c’est ptn de douloureux. Comme l’odeur de Toad, qui emplit l’air qu’il respire, et arrache un sourire pénible. « Ou alors t’es arrivés trop tôt. » Parce qu’il s’est pas encore pardonné. Et qu’il mérite que dalle de Toad. Il sait pas trop quoi dire d’autre, alors il se tait. Repense à ce que vient de dire son ex, ça tourne en boucle dans sa tête. C’était pour lui. Mais c’était. Alors la marée noire continue de se lover autour de ses chevilles. Il reste immobile, joue appuyée contre la tête de Toad, la trouille au ventre qu’il s’échappe. Peut-être qu’il le tient un peu fort. Faut pas qu’il parte maintenant. Pas quand il essaye, Seth, pour une fois bordel. Même si ça le consume de le tenir contre lui, et que ses larmes s’écoulent sans bruit. Et puis y'a un truc qui le frappe tout à coup. C’est un détail totalement trivial ans la situation, mais surtout totalement incongru. C’est une petite bouée de sauvetage. Alors pourquoi pas s’y accrocher le temps que la prochaine vague de fond ne déferle. Pour reprendre un peu son souffle et ne pas se noyer tout de suite. « Mais t’es quoi ? ... T’es genre, prêtre ? »  Prêtre ? Rien qu’à prononcer ce mot, il se marre Seth. Un bref rire retenu, comme ceux des collégiennes narquoises. « Pardon. » Piètre excuse pour un piètre rire. Mais une pierre qui s’envole de la montagne de culpabilité sur les épaules de Seth. Il peut pas demander l’absolution de Toad pour un truc qu’il ne s’est toujours pas pardonné à lui-même. Mais juste ça, ça fait un peu de bien.

claude gueuse
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MessageSujet: Re: wounds (soad)   wounds (soad) EmptyDim 12 Nov - 23:09

Garder les yeux fermés. Faire abstraction de la pièce. Du néon qui grésille. Du plic ploc du robinet. Du sang qui coule. De son corps juste là. De sa respiration. De la mienne, aussi. Éviter de s’mettre à chialer comme une gamine, comme le jour où il s’est barré, et tous les autres jours après, à lui laisser des messages bourrés de sanglots sur son répondeur. J’me souviens plus quand j’avais arrêté de pleurer, quand j’avais passé ma première journée sans avoir envie de rester cloué au lit pour noyer l’oreiller. La drogue avait dû aider, parfois, ou peut-être qu’elle avait tout empiré. La désintox avait tout empiré, en tout cas, trop lucide, les horreurs commises qui apparaissent soudain en pleine lumière, sans filtre, sans adoucissant, et la douleur qu’endure le corps qui semble n’être qu’une punition trop méritée. Je t’ai détruit, Seth, et j’le voyais même pas. J’sens deux larmes qui roulent sur mes joues en silence, tête baissée pour pas les montrer, les traîtresses, le dos de la main main pour les essuyer machinalement. J’vois pas arriver le moment où y’a ses phalanges qui s’accrochent à ma nuque, les poils qui s’y dressent, mes yeux qui se rouvrent brusquement comme pour s’assurer que ce n’est pas qu’une sensation fantôme, souffle coupé, les bras ballants alors qu’il me tire contre lui, stupide pantin entre ses mains, paralysé par le choc, trop fort, trop grand, mélancolie et confusion qui s’entrechoquent, carambolage dans les pensées et  le cœur qui joue les métronomes cassés. Et puis mes paupières qui se referment, le visage enfoui dans son cou, l’odeur toujours familière, même après toutes ces années, les bras qui viennent l’entourer, les mains contre sa peau nue et trop de frissons qui me parcourent  l’échine. J’avais oublié à quel point c’était réconfortant. J’avais oublié à quel point j’aimais chaque cellule de son corps. J’aimais. J’aime. Je n’arrive plus à savoir. Je pensais que je saurais immédiatement, en le revoyant, qu’il suffirait d’un regard et que je serais fixé, c’est pour ça que je devais le revoir. J’avais tant besoin de savoir, mais je ne sais toujours pas, même blotti contre lui, du sang sur mon T-shirt, les doigts agrippés à lui, les lèvres à quelques millimètres à peine de cet endroit que j’embrassais toujours, j’sais pas. Arrivé trop tôt, arrivé trop tard, c’est pareil, au fond, dans tous les cas j’ai pas débarqué au bon moment, timing foiré comme toujours. T’es parti, Seth, et maintenant t’es là, et j’suis dans tes bras à espérer qu’tu me lâches pas encore une fois. On pourrait rester des heures comme ça, à rien se dire, jusqu’à ce que le malaise s’installe, que tout ça n’ait plus l’air aussi naturel qu’avant, jusqu’à ce que les souvenirs soient troubles, que tout soit vicié, pourri, à cause des chiottes sordides et du trou dans son flanc, de sa descente aux enfers et de ma rédemption, plus rien qui colle, plus rien qui va ensemble. Et pourtant j’ai envie de dire des choses tellement débiles, j’ai envie d’me plaindre du fond d’teint dans son cou et de le lécher jusqu’à le faire disparaître, d’lui dire que j’ai toujours kiffé quand il s’mettait en mode bagarreur et qu’il revenait avec le visage un peu amoché, d’lui murmurer que j’ai beaucoup pensé à lui ces six dernières années et qu’j’ai pas arrêté de lui causer dans ma tête, au risque de passer pour un taré. De dire je t’aime, juste pour voir ce que ça fait.

Heureusement ou pas, y’a son rire qui interrompt le fil de mes pensées, me fait rouvrir les yeux avec un léger sourire, soudain reposé et calme, le cœur qu’a retrouvé un semblant de cohérence dans ses battements déchaînés. « Pasteur, j’ai pas fait vœu d’chasteté t’es ouf. » Le faux reproche dans la voix, comme si ça m’amusait, au fond. Parce que si y’a une personne au monde qui a le droit de se foutre de ma gueule en apprenant que j’me suis tourné vers Dieu, c’est Seth et personne d’autre. Tous les autres, ils peuvent aller se faire voir et se heurter à mon regard blasé, habitué à entendre que je n’ai pas l’allure d’un homme de Dieu. « J’étais sûr que ça t’ferait marrer. » Soupir contre son cou, du soulagement, surtout, d’avoir pu prédire cette réaction comme si on se connaissait toujours aussi bien. C’était la première chose que je m’étais dite, quand j’avais entrepris des études en théologie si Seth l’apprend, il va tellement se foutre de moi, comme la fois où j’lui avais dit mon vrai prénom, ou cette autre fois où j’lui avais avoué que je savais pas lire l’heure sur une horloge, ou toutes les fois où j’lui avais balancé un énième secret honteux sur Toad Baxter. Il y avait quelque chose de rassurant dans son rire, parce qu’au-delà de la moquerie, de son sourire narquois quand il me le répétait plus tard, il s’appropriait tous ces petits morceaux de moi et les transformait en quelque chose de plus joli, de plus doux, de moins honteux. « J’pensais que Skeeter aurait cafté. » Comme elle a cafté pour toi. J’ai jamais vraiment su ce qu’elle lui disait ou pas, s’ils se parlaient vraiment ou si c’était juste un mot, de temps en temps, comme de vieilles connaissances dont les messages s’espacent peu à peu. J’ai jamais vraiment compris pourquoi il avait gardé contact avec elle. Pas avec moi. Et Skeeter qui évitait soigneusement d’en causer, même si elle savait que j’savais. « Tu m’as manqué putain. » Tes yeux, ta bouche, tes cheveux parfaits d’asiat’, tes clavicules, le foutu grain de beauté à côté de ton nez, ton nez, ta peau salée, tes sourcils quand ils se froncent et l’arête de ta mâchoire. J’ai envie de t’embrasser, alors je te serre un peu plus fort contre moi, pas y penser, pas déraper, faut pas que tout aille de travers. Faut pas qu’tu partes encore une fois. « Est-ce qu’on est obligés d’se lâcher ? » Oui, il faudra bien qu’on s’détache un jour l’un de l’autre, qu’on quitte ces toilettes miteuses pour un truc peut-être pas glamour mais au moins un peu mieux. Oui, j’devrais déjà me décrocher de lui, mais non, pas encore, et non, j’ai pas envie qu’on se lâche, j’ai pas envie qu’on s’abandonne, encore une fois, j’ai pas envie, restons là si tu veux bien.
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MessageSujet: Re: wounds (soad)   wounds (soad) EmptyJeu 16 Nov - 15:21



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C’est terrible, ce sinistre retour aux sources. Ces gestes trop ancrés dans les muscles, qui se font comme s’ils ne savaient faire que ça. Les mains qui retrouvent leurs marques sur le corps de l’autre, comme s’il y a avait encore leurs empreintes creusées dans l’épiderme, qui les attendaient depuis tout ce temps. Et les mèches blondes qui chatouillent qui chatouillent ses joues humides, rassurantes. Ou l’odeur, l’odeur de Toad, qui revient du fond du monde, remplir l’univers de Seth, lumière qui s'allume quelque part au fond de lui. Au milieu des nerfs qui se tordent, des cellules qui lui hurlent de le repousser, ou de le garder, là, contre lui. Sourire douloureux aux yeux, cri muet aux bords des lèvres scellées. Alors Seth, il ferme les yeux, pour savourer. Pour supporter surtout. C’est pour ça qu’il se laisse crever Seth. Finalement, ça fait moins mal que de vivre. Ou juste d’en avoir envie. Envie de tenir encore un peu debout pour continuer à le tenir contre lui. Rester conscient de son odeur et du son de sa voix. Moins tremblante et plus familière tout à coup. Ce petit pincement de la fausse susceptibilité de Toad, qu’il reconnaît trop facilement après ces six ans. Il se l'avouera jamais Seth, appliqué à vouloir l’oublier, ou s’en persuadant, mais peut-être qu’il a pensé à lui plus souvent qu’il ne le croit. Peut-être que c’est à cela que s’égaré son esprit, pendant ses nombreuses absence, déni effaçant ses souvenirs l’instant suivant. Comme un silence. « J’étais sûr que ça t’ferait marrer. » Lame chaude qui se retourne dans la plaie. Chaleur réconfortante et cisaillement douloureux des chairs. Cette douceur de l’un qui a pensé à l’autre, avec des certitudes vraies, et la culpabilité de cet autre con qui a rejeté la moindre attention consciente. Qui a pas voulu que qui que ce soit lui rappel à Toad, à son départ. Ni Skeeter, même c’est lui qu’avait gardé le contact. Qu’avait pas pu tout couper entre lui et Toad. Comme pour ce con de tatouage qui n’était pas passé au laser. Il aurait pu. Mais y avait besoin d’un lien, d’une preuve de l’existence de tout ça. Mais pas de rappels. Pas de nouvelles précises, fond de teint sur l’encre. Ni son père, qu’a essayé de savoir, de comprendre, de l’aider avec le mazout qui commençait à lui coller aux talons. Il a rien voulu savoir Seth. Il a piqué des colères monstres contre son daron mourant à cause de ça, troublant le sommeil millénaire de la bête sous ses tripes. Au déni avait succédé la colère, à cette époque. La tristesse s’était mêlée à cette haine, arrivé seul, ombre de lui-même, à Savannah. Et puis la résignation, quand il l’avait retrouvée elle, sa sœur, Wini, la mort. Mais il en était encore là Seth. Pas d’acceptation, pas de pardon, juste un mélange destructeur des ptn de pseudo étapes d’un deuil auquel il ne s’accorde pas le droit. Alors p’t-être qu’il devrait le lâcher. Arrêter l’hypocrisie du type meurtrie qui s’veut bienveillant et qui s’croit p’t-être encore amoureux. Arrêter ces conneries, ses conneries, parce qu’il est bon qu’à se casser, à tout laisser tomber, même si ça détruit tout. Surtout si ça détruit tout. Il est devenu trop mauvais pour Toad. Il est devenu trop mauvais pour qui que soit qui ne soit pas condamné comme lui, comme Ivy, comme Winifred, comme Kizuki. Et toute cette merde avec eux, toute cette merde autour de lui. Comment il pourrait en parler à Toad ? Ou se taire ? Merde. T’es trop con Seth.

Il s’dit alors que oué, il devrait le lâcher, même si ça lui arrache de nouvelles larmes sous ses paupières closes. Mais y a Toad qui répond à cette idée. Avant qu’il transforme ses projets en gestes. Et les bras qui se resserrent autour de lui. Nouvelle fissure dans le cœur, mais ça le fait sourire quand même. Mâchoire contractée pour éviter la déchirure. Il est pas capable de lui répondre Seth. Il lui a pas manqué Toad. Pas sans  sa permission, et il l’a jamais permis. Mais y a ce vide dans son bide qui dévore tout depuis six ans. Y a ça alors peut-être que oui. Mais il veut pas répondre à ça. Pas encore. Pas temps qu’il ne sera pas sûr qu’il ne va encore se barrer. Mais en attendant … « Non, on est pas obligés. » Tu peux rester là. On peut rester là, on recommenc’ra à vivre plus tard. On s’en fout. J’suis content qu’tu sois là. Oui. Même si ça présage un peu plus d’enfer sur terre. C’est un constat qu’il ne peut que faire, là tout de suite, même si ça fait mal. Une étreinte, et voir qu’il va mieux. Il rouvre les yeux Seth, mais il voit que dalle. Du violet, du noir, un peu de vert. Il reconnaît les signes, un grognement et un soupire. Il se détache un peu de Toad, pas trop, parce qu’il lui a demandé, pas trop parce qu’il en a pas envie et puis il reste plus trop de temps. Sa main se détache de la nuque de Toad, doigts glissants sur l’os de sa mâchoire pour lui relever les mentons. Il bat des paupières, un peu trop, pour essayer d’y voir quelque chose, distinguer les iris bleus, les pommettes saillantes et les lèvres fines. Y a son cœur qui ralentit, et sa respiration trop lourde. Le décompte qui va arriver à terme. Une dernière volonté ? Il sourit vaguement, bêtement comme un gosse qu’à droit de piocher dans une boite de chocolats. « Désolé pour ça ... » Murmure soufflé lèvres contre lèvres. C’est mal, mais tant pis. T’façon c’est un sale con égoïste. Alors il se laisse lui voler un baiser. Doux. De ceux qui disent au revoir et bonne nuit. A demain mon cœur. Avant que le rideau des paupières tombe. Comme le corps de Seth abandonné de sa conscience avant d’avoir touché le sol.

claude gueuse
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