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 like tears in rain (soad II)

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MessageSujet: like tears in rain (soad II)    like tears in rain (soad II)  EmptyDim 19 Nov - 18:59

Seth. C’est Seth. C’est la tête qui tourne et les pensées qui se chevauchent quand je le rattrape avant qu’il ne s’écroule sur le sol crasseux, c’est le cœur qui s’emballe et les bras qui refusent de porter, secoués par des tremblements incontrôlables. C’est Seth C’est l’amour de ma vie ou l’ex amour de ma vie, j’en sais rien, je sais plus, j’veux pas savoir, et il va peut-être clamser entre mes bras. Et il vient de m’embrasser, ce boulet, mauvais timing, encore, y’avait pas pire moment pour décider de bousiller le peu de bon sens qu’il me restait encore. Y’a un goût d’adieu sur mes lèvres, comme la dernière fois. Les reviens, Seth, reviens, j’peux pas vivre sans toi gueulés à la fenêtre, en pleine rue, rien à foutre d’être à moitié à poil, de courir comme un con après un bus qui s’arrêtera pas. Qui s’est pas arrêté. Il a pas répondu, Seth, il a pas dit toi aussi tu m’as manqué, juste qu’on était pas obligés d’se lâcher. Juste avant de s’effondrer, j’sais pas comment j’dois le prendre. Il a dit désolé, aussi, désolé pour le baiser, foutu sourire et les yeux qui semblaient plus trop voir devant eux. Ça a ravivé trop d’trucs, d’un coup, des blessures enfouies et des souvenirs trop beaux, embellis par les années passées loin de lui, par l’horreur de son absence. C’était mieux avant, fichue nostalgie qui empoisonne tout, les veines et le cerveau, j’préférais quand c’était lui qui me ramassait dans le caniveau, plus défoncé qu’une caisse qui s’est pris un poids lourd. Parce que là j’sais pas quoi faire, réseau toujours saturé même pour les urgences, le bordel monstre dans toute la ville et le sang qui coule encore de son flanc. J’improvise un bandage avec son haut histoire de pas saloper le pick-up, manquerait plus qu’Ezra trouve des taches d’hémoglobine sur les sièges. J’suis pas garé si loin. Ça ira pour le porter. Ça ira. Il va pas crever. Tu vas pas crever, Seth. Si tu crèves, j’te tue.

Les urgences. La salle d’attente bondée, les sirènes qui arrêtent pas d’hurler, aller-retour des ambulances et nouveaux patients toutes les cinq minutes, le tri qui se fait à l’entrée. Salut, j’ai un mec inconscient avec une plaie de couteau dans le ventre. Une infirmière qui me lâche qu’elle le connaît, apparemment qu’il serait un peu abonné par ici. Et vous, vous êtes qui ? Grimace. J’suis quoi, putain ? Une de ces petites merdeuses qui mettent c’est compliqué en statut facebook pour se la raconter ? « J’suis son mari. » Ça sort tout seul et ça fait mal, prononcé tout haut, ça écorche à vif et j’ai envie de retirer c’que j’ai dit. Mais faut être de la famille pour pouvoir rester tout le temps, et puis c’est vrai. Techniquement, c’est vrai. J’ai toujours l’alliance pour le prouver, le certificat aussi, planqué au milieu des factures d’électricité. Pourtant j’pense à Asher et ça commence à déraper, dans mon crâne, l’angoisse qui monte de faire quelque chose d’injuste, de le décevoir, de le détruire un peu plus. Et à voir l’état de Seth, j’ai déjà fait trop de mal. C’est ma faute, tout ça, c’est Toad le raté qui bousille les vies de ceux qu’il aime, j’ai abandonné mes sœurs aux mains d’un père violent, j’ai massacré le cœur de Seth à coups de seringue et ce sera bientôt pareil pour Asher, les ongles qui vont s’enfoncer dans son myocarde jusqu’à c’que ça explose. A quoi je joue, putain ? J’peux pas m’en empêcher, comme si ça m’amusait, au fond, toujours dire les mauvaises choses, faire les mauvais choix. J’ai personne, Asher. Personne, à part un mari dont j’ai jamais divorcé. Et oups, j’t’ai pas dit ? J’suis venu à Savannah juste pour le voir, en fait. Lui, et personnne d’autre, lui dont j’ai jamais vraiment guéri. Lui qui a Winifred Wells comme personne à appeler en cas de drame. Dieu se fout de ma gueule.

Winifred vient, Winifred détruit le semblant de flegme que j’avais réussi à conserver, Winifred repart. L’amie de quand il m’a quitté est maintenant l’amie de celui qui m’a quitté. J’ai les muscles tendus quand je viens me rassoir dans ma chambre, après être allé chercher une cannette de soda. Y’avait pas de bière au distributeur, on vend pas ça dans les hôpitaux, qu’on m’a dit. Ça craint vraiment, les hôpitaux. Ça craint vraiment et ça a un sale goût de déjà-vu, l’amertume dans la bouche comme si j’avais avalé son sang. Y’en a toujours sur mon T-shirt. Tant pis. J’me changerai plus tard. J’regarde les habits apportés par Wini, ça veut dire qu’elle habite avec lui. Mouvement de paupières qui retient mon attention, la tête qui se tourne vers le corps allongé dans le lit, pas de sourire, mains crispées sur la cannette, les bulles qui y crépitent pour combler le silence. C’est comme ça que j’ai gâché ma vie. J’suis venu te voir à l’hosto le jour le plus important, le jour que j’devais rater pour rien au monde. Et j’l’ai raté pour être avec toi. Et j’ai jamais regretté, jamais vraiment, même quand tu t’es barré. « Tu te drogues ? » J’arrive pas à tourner autour du pot, à faire preuve de tact, les mots qui sortent sans que je puisse les retenir. J’veux seulement savoir. Il est pote avec Wini, ça veut dire qu’y’a de la drogue dans sa vie, j’ai toujours les rails de coke qu’elle a étalés sous mes yeux dans mon église en travers de la gorge. C’est pas mieux. C’est pas mieux que moi. Il a pas le droit de m’avoir quitté pour me remplacer par ça. Il a pas le droit d’aller mal, putain, et pourquoi j’me sens coupable comme ça, les doigts crispés sur mes genoux, les prunelles rivées sur lui mais qui y voient plus très clair. T’as pas le droit, Seth, t’as pas le droit d’être tombé plus bas que moi.
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MessageSujet: Re: like tears in rain (soad II)    like tears in rain (soad II)  EmptyDim 19 Nov - 21:25

L’inconscience a quelque chose de réconfortant. C’est pas pour rien qu’on dit souvent que les gens qui clamsent ont l’air paisible. C’est pas parce qu’ils se sont pardonnés leurs erreurs de jeunesses, ni parce qu’ils sont reconnaissant de la présence de leur proches autour, ou parce que le file de leur vie qui défile sous leurs yeux leur convient. C’est juste que c’est réconfortant. Le poids des muscles lourds qui s’affaissent, le cerveau qui commence à faire le tri des dernières informations enregistrées. Comme avant de dormir. La douleur qui s’arrête, physique ou mentale, et le calme que tu devinnes arriver. Les syncopeux récurrents le savent. C'est sûr, c’est chiant, tu perds du temps, et si tu tombes mal, c’est pas terrible. Mais sinon, si t’as le temps d’le voir arriver, tu te poses tranquillement, et t’es pas hyper mécontent mais d’un côté, c’est une sieste gratos. Rassurant. Par la sensation de lourdeur qui te rappellent le poids de ta couette. Même si le parquet c’est moins confortable qu’un matelas, tu t’en rends même pas compte… T’es juste bien. Paisible. Alors nan, Seth il s’est pas inquiété quand il a vu le monde basculer. Il a senti les bras de Wini entourer paresseusement ses épaules, rassurantes. Pour pouvoir dormir au calme, en sécurité. Ou peut-être que c’étaient ceux de Toad qu’essayait de le rattraper. Mais l’idée là, à peine effleurée avant le noir, ça l’a pas attristé non plus. Plus de peine, plus de douleur. Sans sa gueule démontée, il aurait pu aussi avoir l’air apaisé, une fraction de seconde. Avant d’accueillir les ténèbres.

Faudra qu’il fasse un don à c’te hôpital un jour. Pour toutes les fois où il s’est fait soigner au black par les infirmières en déch’ qui étaient les seules à bien vouloir s’occuper de sa tronche. Tiens… faudra voir si elle est là Anca… La toute petite Anca. La petite infirmière à qui il ose pas trop parler Seth, pour pas la pourrir. Mais il aime bien qu’ce soit elle qui s’occupe de lui. Elle a pas peur. Et elle fait pas chier. Deux immenses qualités à ses yeux. Un soupire, et c’est là qu’il se rend compte qu’il est conscient. Tiré paisiblement de ses rêveries sans y faire attention, perdu dans la vague contemplation à travers des paupières à peine ouvertes du faux plafond blanc au-dessus d’sa tête. Ce qui explique alors ses considérations pour le St Joseph Hospital, et l’ange. Il s’dit alors qu’il a survécut. Il sait pas trop comment le prendre pour une fois. Il s’dit aussi que la mort elle-même devait pas trop savoir quoi faire sur ce coup, alors elle a remis ça à plus tard. Va mon grand, j’m’occuperais de ton cas plus tard. T’as p’t-être pas encore retrouvé suffisamment le goût de la vie pour que j’t’y arrache en fait. Tiens regarde, baisse deux secondes les yeux t’es pas tout seul. regarde le lui là, il te donne pas envie? Pas encore ? Bah on va attendre un peu alors. On r’viendra à c’moment-là. Ce sera drôle tu verras. Ptn oué. Toad est encore là. Et merde. Ça lui rappelle encore des souvenir à Seth. Des souvenirs de merde. Nan, nan, c’était bien. A l’époque. Et puis maintenant c’est le truc qui le bouffe de l’intérieur. Le souvenir à pas évoquer. Fais chier. Il a envie de brandir son majeur pour le destin, mais il a pas encore récupéré toutes ses fonctions motrices. Tant pis, il aura d’autres occasions plus tard. C’est pas ce qui manque. Pour l’instant, il s’contente de rouvrir les yeux, et de tenter de remuer les doigts. Il a l’impression de c’être prix une cuite d’enfer. Ou d’avoir fait la sieste en plein après-midi, c’est pareil. T’sais plus en quelle année t’es, ni combien de temps t’as pioncé.

« Tu te drogues ? » Pardon ? Vous pouvez répéter la question et son rapport dans le contexte ? Il bat des paupières Seth, comme à chaque fois qu’un truc lui échappe. Il essaye de s’redresser, mais ça fait que lui arracher un grognement douloureux, et t’façon il a pas assez de force pour se redresser sur les coudes. Et ptn de perfusion qui ‘enfonce dans le pli du dit coude ça fait mal aussi. Quelle merde. En même temps vu le sang qu’il a paumé, faut bien le remplir avec quelque chose. Du liquide phy c'est toujours mieux qu’un sky bon marché. Et Toad qui le fixe toujours. bien trop sérieusement pour la tronche de Toad d’ailleurs. Et cet air-là, il le connaît trop bien. Il n’en démordra pas tant qu’il n’aura pas de réponse. Bref. Toutes tentatives physiques ou mentales d’éluder la question visiblement vaines, il soupire Seth, et porte une main contre son front le temps de réfléchir à ce qu’il va répondre. « Oué. » Il s’attendait à un coup de tonnerre mai ça tombe à plat par terre comme une évidence. Comme le gros tas de fringues que t’as bourré dans l’armoire pour faire genre que t’as rangé ta piaule, mais dont la porte lâche quand ta mère arrive pour vérifier. Qu’est-ce que tu veux dire d’autres ? T’vas pas mentir. « Aux benzos essentiellement pour rester calme. Sinon… j’reste pas calme... » Il a un vieux sourire et la voix qui s’coince en levant les yeux vers la main tachée de vin qui repose encore sur son front. C’est pas les benzos sa vraie addiction. C’est la violence et la douleur. On l’dit ça ? J’sais pas… ça s’voit ? P’t-être. Ta gueule. Dis autre chose ptn. « Morphine aussi. Herbe. Des fois d’la coke mais ça donne jamais rien de bon… Pour l’héro j’suis vacciné par contre, tu comprendras bien. » Ta gueule merde. Il regrette déjà c’qu’il a dit Seth, laissant retomber son poing sur son front, s’mordant les lèvres. Débile. Mais il s’énerve déjà. Ça le fout en rogne cette situation. Il a l’impression d’être pris au piège et il aime pas du tout ça. Il refait une tentative pour s'asseoir, pas rester couché comme un con, mais s’fait encore plus mal et laisse tomber en même temps qu’il laisse quelques jurons s’échapper de ses lèvres. Par contre il a vu un truc. Un sac qu’il connait bien. « Wini est passée apparemment... » Si c’est que Wini ça va. Il espère juste que les autres ont pas fait le déplacement, ou vont pas s’pointer. Même si c’est pas spécialement le genre de la maison. Mais autant parler à Toad de Wini ça le dérange pas. Autant d’Ivy si. Et encore en plus pour Kizuki. Quelle situation de merde.
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MessageSujet: Re: like tears in rain (soad II)    like tears in rain (soad II)  EmptyMer 22 Nov - 23:53

Qu’est-ce qu’on peut faire quand y’a rien à faire ? Quand on a déjà foncé droit dans l’mur et qu’refoncer dessus ça fera que nous tuer pour de bon, au lieu d’nous faire passer au travers ? Alors, Toad, t’es devenu un homme respectable ? T’as arrêté la drogue, t’as un job normal, légal et même franchement honorable pour un mec comme toi ? Et ben, devine quoi ? Surprise ! Ton chéri est devenu comme toi. Mais comme toi avant, sinon ça serait pas drôle, tu vois. La vie est une putain de salope. J’ai du mal à comprendre où est la volonté de Dieu là-dedans, à part faire chier le monde, mais c’est pas le moment de se plonger dans les questions religieuses. C’est pas le moment, parce que ni Dieu, ni Jésus, ni le Saint-Esprit va arranger c’qui se passe maintenant, les miracles ça reste dans la Bible, y’a pas d’ange qui va descendre du ciel pour me dire que tout ça n’était qu’un test divin et que j’l’ai passé haut-la-main. Faudrait déjà que j’fasse quelque chose, pour le réussir, ce test, autre chose que fixer Seth avec les mâchoires serrées, le regarder s’esquinter en essayant vainement de se redresser dans son lit d’hôpital, grogner, se laisser retomber sur le matelas trop fin. J’arrive même pas à lui dire d’arrêter d’faire ça, que ça sert à rien, qu’il va juste se faire plus mal. J’arrive pas non plus à me mettre debout, lui dire attends, j’t’aide et lui relever la tête du lit pour qu’il puisse s’y appuyer. J’crois qu’une partie de moi aime le voir souffrir, celle qui lui hurle qu’il a pas le droit d’me faire ça, dans ma tête, quand il m’énumère toutes ses addictions comme un gamin récite une poésie. Pas d’héro. Non, j’comprends pas, t’es pas à ça près, apparemment, me dis pas qu’t’es devenu putain de sentimental en plus d’être un camé, maintenant ? « C’est une putain de blague », les mots marmonnés, vagues chuintements entre les dents. J’comprends pas c’qui s’est passé. Où ça a foiré. Son père ? Son père est mort ? J’me mords la langue pour pas demander, continue de le mater. Souffre, ouais, crève de mal, tu me f’ras plaisir. C’est ça qu’ça fait, là, en moi, c’est le cœur qu’a explosé en mille morceaux, éclats d’obus dans tout le corps. Ça fait un mal de chien, putain, la ritournelle dans le cerveau c’est d’ta faute, Toad. Et ça l’est, parce que j’étais pas là pour l’aider à s’relever, pour l’empêcher de sombrer, j’étais pas là pour le soutenir avec son père, même quand on était ensemble, j’avais décroché du monde réel et des réalités, dit adieu à la morale et à l’intégrité. On s’en fout, que j’disais à l’époque, sauf que ça lui importait. J’faisais pas attention à c’qu’il voulait, j’m’en foutais de c’qu’il pensait, j’comprenais pas qu’il comprenne pas et j’refusais d’le comprendre. Ma faute. J’l’ai poussé à bout, j’ai provoqué son absence, j’l’ai forcé à me laisser pour mort, loin derrière lui. Et la palme du mari en carton revient à…

« Ouais, Wini est passée. » J’ai du mal à dissimuler l’aigreur dans ma voix, les yeux qui se lèvent au ciel en prononçant son nom, comme pour implorer quelqu’un de la renvoyer en Enfer. Sérieux, débarrassez-en-moi s’il vous plaît. C’est une putain de charogne, cette meuf, à toujours traîner à proximité des épaves humaines. Moi, puis Seth quand il a perdu pied. Le hasard fait bien les choses, nous rapprochant sans qu’on le sache. « J’l’ai rencontrée quand tu t’es barré, t’sais ? A Boston. Elle m’a pas franchement aidé à m’en sortir. Tu fous quoi avec elle ? » A part te droguer, j’suis sûr que y’a pire derrière, qu’il suffit de tendre le bras pour se le faire arracher avant de pouvoir dérouler la liste de vos méfaits. « Tu fous quoi dans la vie ? T’es pas juste videur, pas vrai ? » Les simples videurs jouent pas au con avec leur vie, ils se font pas poignarder pour aller s’vider de leur sang dans les chiottes d’un bar de merde. J’m’en veux. J’m’en veux parce que j’arrive pas à comprendre, encore une fois, comme avant, sauf que les rôles sont inversés, qu’on s’est raté quelque part sur le chemin du retour. Ça me dépasse. Comment Seth a pu tomber si bas, les beaux principes qu’il me balançait à la gueule envolés, les engueulades qui s’éternisaient sur le même sujet sans jamais se résoudre, baiser entre les batailles, mais jamais finir la guerre, pas de vainqueur, pas de perdant, juste deux corps bousillés à la fin. Les beaux principes que j’ai ressassés, que j’ai acceptés, que j’ai adoptés, alors qu’il semble leur avoir craché dessus. Mauvais timing. Bordel monstre, les pensées qui ne veulent pas se taire. Il a tenté d’t’étrangler, il t’a serré dans ses bras, il a perdu connaissance contre toi, tu l’as rattrapé comme il te rattrapait toujours, avant qu’il parte. Les souvenirs qui me collent à la peau, pas possible de les ignorer dans un putain d’hosto, avec lui allongé là, un peu de sang sur son visage et la douleur qui s’imprime sur ses traits quand il bouge, même s’il y a des sourires qui se glissent parmi les grimaces. C’est la première fois que je lui ai dit je t’aime, les mots imprononçables aujourd’hui, les mots tabous qui écorchent la langue dès qu’on a envie de les dire, condamnés à rester au fond de ma gorge et d’y mourir. Il t’a embrassé, c’est c’que t’essayes d’oublier. Le souvenir de ses lèvres sur les miennes, ça a même pas duré une seconde. C’était y’a quelques heures à peine. Mes doigts viennent effleurer ma bouche sans que je ne réalise vraiment, « Tu m’as embrassé », dans un soupir, puis la question qui résonne dans la chambre vide : « Pourquoi ? »
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MessageSujet: Re: like tears in rain (soad II)    like tears in rain (soad II)  EmptyJeu 23 Nov - 15:37

Bien entendu que c’est une blague. La pire tragicomédie du monde. Plus conne qu’Antigone. Plus triste de Roméo et Juliette. Et bizarrement plus drôle qu’un bon Molière. Pour autant qu'on est un sens de l’humour douteux. Mais il ne doute pas ce type de personnes existe Seth, il les connaît par cœur. Peut-être plus qu’il le devrait d’ailleurs. Il vit avec. Leur casse la gueule ou boit un ver avec. Alors oué, c’est une blague. Une pièce de théâtre sinistre qui est loin d’avoir livré ses derniers rebondissements, encore quelques actes sinistres sous le coude. Ils en savent encore que dalle. Persuadé d’avoir touché le fond, oubliant qu’ils y a plusieurs cercles à l’enfer. Qu’on peut continuer de descendre, jusqu’aux entrailles des Satan. Il connaît les premiers cercles comme sa poche Seth, cerbère aux côtés de sa Mort. Mais il savait que dalle des suivants. Celui qu’il a découvert en apercevant le reflet de Toad dans la glace des chiottes pourries du bar. Et il en découvre en un, coincé dans ce ptn de lit, entre les murs blanc de l’hosto et le regard froid de Toad. S’il peut pas échapper aux lieux, il peut au moins fixer le plafond. Et écouter. Les questions sont légitimes, même si elles l’agacent. Le ton de reproche de Toad. Il se fout d’sa gueule, nan ? Il avait qu’à s’pointer plus tôt. Il avait qu’à essayer, un peu, lui aussi, avant qu’il se casse, ou après qu’il se soit cassé. Faire autre chose que chialer. P’t-être qu’il  s’est jeté dans la gueule de mal, mais il l’a fait sans emmener personne. Sans blesser quelqu’un d’autre que lui-même. Nan, il était pas là. La seule personne qui avait été là, c’est elle. Winifred. Qu’est arrivée quand y avait plus personne. C’est elle qu’a recollé les morceaux. Qu’a réinsufflé un élan de quelque chose dans ses poumons amorphes. Qu’a enclenché un semblant de suite à sa triste existence. C’est elle qu’est revenue vite dans sa vie, qui l’a plus quitté et qui partage sans mots toute sa souffrance. C’est elle qui le relève quand il tombe. Voilà c’qu’elle est pour lui. « On est coloc’. » C’est un euphémisme. C’est même pas une réponse. Personne peut être que coloc’ avec cette fille. Faut forcément autre chose. Un lien puissant. Celui qui affiche un sourire aux coins des lèvres à chaque pensée pour elle. Il le sait déjà Toad. Il est moins con qu’il veut bien le croire. Mais il a pas l’air de vouloir bouger d’là sans avoir de réponse, alors y a le temps.

Y a trop de trucs à raconter. Dont certains à ne pas dire, parce qu’elles ne sont pas à entendre. Ou alors juste parce que c’est la règle. Le temps d’y réfléchir. Ou c’qu’il peut dire maintenant, c’qu’il doit garder pour plus tard. Pas tout de suite arracher le linceul qui cache le cadavre. Eviter le choc de l’horreur. Les yeux fixés au fond plafond, le goutte-à-goutte de la perf, l’insupportable cliquetis de la trotteuse qui égrène les secondes. Il a ce bruit en horreur. Depuis les heures passées, assis sur une chaise, à attendre que Toad rentre dans leur appart pourri, où que les flics l’appelle. Ou l’hosto. Ou la morgue. « Tu m’as embrassé. Pourquoi ? » Les paroles qui arrachent le regard de Seth des plaques blanches, pour le rappeler à la réalité des iris glaciales de Toas. Presque surpris. Fallait p’t-être s’y attendre à la question là aussi… Mais y a les traits qui s’affaissent, un soupire. Les aiguilles de l’horloge qui indiquent l’heure de quelques aveux. Les trucs qu’il a pas dits avant le noir. Qu’il s’était pas vraiment rendu compte. « Tu m’as manqué ... » Y a sa main libre qui vient glisser contre son cou, machinalement. Qui cherche un truc, une réponse sans avoir encore de question, un réconfort. Y a rien d’ça, juste encore une marque de tout ce bordel. Des trucs ratés. Et d’ceux qui demandent explications. Les doigts à hauteur des yeux, il contemple un instant les dernières traces de fond de teint échoué dessus. Le voile balancé sur l’existence de Toad, pour éviter qu’il lui manque. De trop.

« Elle m’a sauvé la vie. Winifred. » Il baisse la main, pour faire réapparaitre le visage de Toad dans son champ de vision. Le temps des confessions. Pardonnez-moi mon père parce que j’ai péché. Dommage qu’il soit pas catho. « Quand mon père est mort j’ai… arrêté. Tout. Si j’l’avais pas rencontrée, j’me s’rais foutu en l’air depuis longtemps. » Aussi ironique que ça puisse l’être. Peut-être qu’ils se détruisent, et font tout cramer au passage. La haine, la rage. Mais ça fait trois ans qu’en réalité ça le maintien en vie. « Je sais qu’elle est folle. Mais j’suis pas mieux tu sais... » La voix qui se brise, face à la monstruosité qu’il est devenu. Il sait, il se voile pas la face. Mais il sait aussi que c’est pas prêt de changer. Et qu’il est même pas sûr d’en avoir envie. La bête rage qui grogne au fond de ses tripes, l’orge culpabilité qui lacère les chairs. Il rattrape une larme du bout des doigts, comme pour ne pas dévoiler la douleur déjà trahie par sa voix. Celle qu’il va combler physiquement, inconsciemment, jouant avec le câble en plastique relié à l’aiguille plantée dans son bras. Tiraillant la peau et les veines. Une perle rouge dans le creux de coude. Les yeux qui s’barrent encore. « T’es pas obligé d’rester. Je sais c’que j’suis... » Ça sonne comme un glas, et s’en est un. Celui qui permettrait peut-être à Seth de reprendre tranquillement le chemin de sa mort. Qui condamne définitivement ses péchés. Celui qu'épargnerait Toad de cette merde. Fuis...
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MessageSujet: Re: like tears in rain (soad II)    like tears in rain (soad II)  EmptyDim 26 Nov - 17:59

Rire sec, forcé. Colocs. Avec Wini. Et puis quoi, encore ? C’est Satan leur proprio, il leur appelle le plombier quand les toilettes sont bouchées ? J’devrais peut-être me mettre à croire au karma, finalement, avec tout ce qui me tombe sur la gueule dessus, d’un coup. Ça fait trop d’info, ça fait trop de sentiments, les vagues d’émotions qui me submergent puis se retirent, pour revenir, mouvement perpétuel de la marée, la confusion en plus. J’y comprends rien à rien, et j’sais pas ce que j’dois penser. Le ton de reproche dans ma voix, il est en partie pour moi, si pas totalement. Ma faute, c’est ma faute, tout ça. J’me suis parfois demandé si c’était pas moi qui l’avais laissé tomber en premier, au fond, mais maintenant. J’en suis presque sûr. J’l’ai laissé tomber sans le voir, au moment où il avait le plus besoin de moi, j’étais pas là, perdu dans la brume réconfortante de l’héroïne. Puis j’ai envie de tout balayer du revers de la main, de lui dire que c’est pas grave, qu’on va trouver une solution, le prendre dans mes bras et l’embrasser à mon tour, le trop-plein d’eau qui se presse contre mes paupières et le maigre sourire qui soulève mes lèvres. Tu m’as manqué, il avait pas répondu, avant, dans les chiottes, il avait rien dit. Et je sais pas si ça me fout du baume au cœur ou si ça le brise, je sais pas, mais j’ai encore envie de l’entendre, envie de le répéter, toutes ces petites choses qu’on se disait autrefois, toutes ces conneries douces-amères qu’on se murmurait à l’oreille. Elles m’ont tellement manqué, autant que lui, toutes ces années passées en croyant reconnaître sa voix, parfois, dans un café ou un magasin, se retourner pour voir que c’était pas lui. Toujours pas. Toutes ces nuits à l’attendre, à se dire qu’il allait revenir, que c’était qu’un mauvais rêve, qu’y avait que les cauchemars pour paraître aussi vrais dans les abîmes de la drogue, et puis là désintox, à se dire qu’il allait venir me voir, même pour une heure, même une minute, ça m’aurait suffi. Ou pas, ça aurait jamais suffi, en vérité, je le voulais, je voulais que ça redevienne comme avant, comme au lycée, comme quand on se cachait, le cœur battant, à se galocher dans les vestiaires, comme quand on s’était barrés main dans la main, doigts d’honneur aux routiers qui nous traitaient de pédés, comme quand j’l’avais demandé en mariage, odeur de gazoline dans l’air et vacarme de l’autoroute juste à côté. Je le voulais, je le veux. Comment savoir à présent. Ça fait trop longtemps.

Je bouge pas, pourtant, j’reste vissé à ma chaise, les yeux fixés sur lui, sans pouvoir les détacher de son visage, même quand il évite mon regard. C’est trop réel, maintenant, j’arrive plus à l’ignorer, à faire mine d’avoir mieux à regarder ailleurs. Ce serait faux, ce serait mentir, ce serait ignorer le bordel monstre que ça provoque dans ma poitrine lorsqu’il me lance que Winifred lui a sauvé la vie. Elle t’a pas sauvé la vie. J’ai l’impression d’avoir un putain de zombie en face de moi, un truc revenu d’entre les morts et qui sait pas trop c’qu’il fout encore là. Sans doute que Wini est le petit démon sur son épaule, bien charmante quand on s’enfonce dans l’erreur au lieu de se regarder en face, comme avec moi. C’est pas sauver, ça, c’est détruire, attraper les chevilles pour te tirer plus bas, dans les entrailles de la terre, en Enfer, tout en donnant l’apparence de la légèreté, une mort mielleuse et tendre. Mais c’est son père qui est mort. C’est pour ça qu’il a arrêté, qu’il essaye plus. C’est pour ça qu’il n’est plus Seth, pas celui que j’ai connu, en tout cas. Et j’étais pas là. Pas là pour le serrer dans mes bras, lui dire que ça va aller, pas là pour le laisser tremper mon T-shirt de ses larmes, pas là pour lui. J’voudrais dire quelque chose, un machin réconfortant, n’importe quoi, y’a rien qui sort, moi et les mots qui viennent jamais au bon moment, toujours trop tard. La rancœur qui se glisse sous ma peau à la place, le souvenir de Wini dans mon église quand il me dit qu’il est pas mieux qu’elle. « Ok, cool, donc tu vas me sortir une seringue d’héro de sous ton oreiller et me proposer d’me camer, toi aussi ? » Et mon corps tout entier qui tressaille en écoutant la suite, il sait c’qu’il est. Il sait. Sauf qu’il a changé, qu’être c’est jamais permanent, ça fluctue, montagne russe de la vie. Il était pas comme ça avant. J’étais pas comme ça avant. Et si je suis toujours le même, alors je trompe qui ? Le camé devenu pasteur, c’est qu’une histoire à dormir debout pour les téléfilms du dimanche après-midi, non ? J’veux pas y croire, j’veux pas le croire. « Putain, Seth, j’vais pas te laisser comme ça. J’suis v’nu pour toi, j’veux pas. J’peux pas » t’abandonner encore une fois. Putain, c’est d’ma faute, tout ça, j’veux pas qu’il soit comme ça. J’ai jamais voulu qu’il soit comme ça, même du temps où j’voulais qu’il arrête de me saouler avec la drogue et les combats de rue, de grincer des dents à chaque fois que je ramenais du fric pas assez blanc à son goût, j’ai jamais voulu qu’il soit quelqu’un d’autre, qu’il sombre avec moi. Et je bataille pour cacher les accents de désespoir dans ma voix. « J’suis désolé pour ton père. Merde, j’suis désolé pour tout. Mais me d’mande pas de te laisser. J’suis là pour toi maintenant. » L’envie de se pencher pour attraper sa main, de déposer un baiser sur son front, même si j’résiste, l’envie de pas être le lâche que j’ai toujours été et de fuir les problèmes. C’est Seth. C’est l’amour de ma vie. Il l’a été. L’amour est encore là, j’le sais bien, il s’est pas envolé avec les années, peut-être plus tendre, peut-être moins dévorant. Mais j’peux pas l’effacer de ma vie comme il efface son tatouage chaque matin.
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MessageSujet: Re: like tears in rain (soad II)    like tears in rain (soad II)  EmptyMar 28 Nov - 22:18

A c’qu’on dit, les monstres naissent d’autres monstres. Exception faite de quelques psychopathes notoires. Y a cette pensée qui vient effleurer l’esprit brouillé de Seth, alors qu’il lutte pour garder son regard ancré dans celui de Toad. Pupilles déviant inexorablement vers le mur, ou la fenêtre. Guère soutenable de voir se refléter la bête qu’il est dans les yeux de son … mari. Putain. Il l’aurait presque oublié ça, étouffé sous tout le reste. Mais c’est qui son monstre alors ? Lui ? Son mari ? Monstre d’égoïsme aveugle aux dégâts collatéraux de sa totale décadence ? C’est lui qui a tout déclenché ? C’est p’t-être le plus logique, mais ça, il veut pas y croire Seth. Il peut pas y croire. Parce que c’est lui qu’est parti. Oui Wini ? Terrible Blanche Neige qui attise la colère chez l’un et une morbide tendresse chez l’autre. Cette nuit à la Nouvelle-Orléans, où il a peut-être tué quelqu’un ? Ou alors le jour où il a arrêté d’y penser. Le jour où il en a plus eu rien à foutre. Il part, il tue. Nan. Il est son propre monstre. C’est pas Wini, ni Toad, ni le décès de son père qui a fait basculer le monde. C’est ce jour-là, après le décès de son père, où il avait pas assez picolé, où il avait oublié d’augmenter le son de la radio. Ce putain de jour où il s’est entendu chialer. Plus jamais. C’est là qu’un truc s’est cassé. Que la colère s’est infiltrée dans les fissures de son âme pour bannir les larmes avec un peu de sang. Toujours un peu plus. Il a eu besoin de personne pour devenir c’qu’il est Seth. Il a juste besoin de cette pointe de colère enracinée en son cœur. Celle qui se réveille aux belles paroles de Toad. Y a un truc qui sonne faux. C’est pas d’sa faute. Mais Seth il a abandonné, alors pourquoi Toad il abandonnerait pas. Il a toujours fuit un peu tout c’qu’il pouvait fuir, à quelques coup d’éclats près. La réalité le plus souvent. Et c’est putain de réel c’qui s’passe. Trop cru et trop moche. Oué, au fond il a la trouille qu’il se casse. Mais au fond aussi, Seth il préfère qu’il se casse tout de suite, pas plus tard. Quand y aura à nouveaux des liens entre eux, mais que se sera trop dur. Il sait déjà qu’ça le tuera. Pas besoin de Wini, pas besoin de platane, il sait d’jà que son cœur il va juste laisser tomber. Stop. Oué, l’idée l’agace. Mais pas autant que l’autre. Celle où il se casse pas Toad. Celle où il réussit à le sortir de là. Oué, l’idée là lui fous la rage encore plus. L’idée qu’il réussisse là où il a lâchement abandonné. Comme si ça le bouffait pas encore assez comme ça. C’est quoi la solution ? Qu’ils sombrent tous les deux. Il se le pardonnerait encore moins. Même s’il doute pas de la pointe de satisfaction qu’il éprouvait au milieu de toute cette merde. Con de monstre.

« Très bien... » Il a le regard dur et la mâchoire serrée qui révèlent sa colère latente. Et puis sa main qu’arrache d’un coup sec sa perf’, et un grognement étouffé au passage. « Amène-toi. » Des grognements encore, quand il finit par réussir à s'asseoir sur le matelas, la douleur qui s’réveille dans le flanc. Avec un peu d’malchance, il va se remettre à pisser le sang. Vu son karma… Tant pis. Ou tant mieux. Ca rajoutera un peu de gore au tableau. Pour voir s’il va rester Toad. S’il va encaisser, ou si ça va l’faire fuir. Autant jouer cartes sur table. Oué, il préfère définitivement qu’il se casse de suite s’il doit finir par le faire. Débarrassé tout aussi douloureusement de la blouse délavée de l’hosto, il plante un regard assassin dans les iris bleus de Toad. Approche mon p’tit. Viens regarder de plus près. Pas besoin de tatouage pour transformer son épiderme. Y a déjà des bleus ou couleurs peu affriolantes, témoignant de la fréquence de leur présence. Les vertes c’était la semaine dernière babe, les noircies datent d’il y a deux jours, et puis les bleues, c’est hier et aujourd’hui. Des cicatrices, aussi, en plus de celle recousue et dissimulée sous de la gaze et un bandage. Les marques de quand les coups font sauter l’élasticité de la peau, élimée sur des os trop bien visibles. Avec c’qu’il mange... Ou mange pas plutôt. Et puis y a les marques sur les avant-bras, les épaules, dans la nuque. Si t’y regards de plus près, tu vois les ongles qui lacèrent les chairs, et les marques de morsures. Pas besoin de s’attarder sur sa tronche, sons arcade barrée de strips et son nez plus droit. Ou le froid glacial auquel tu te heurtes derrière les flammes dans son regard. Il dit rien, pas tout de suite en tout cas. Le temps de laisser Toad comprendre un peu de lui-même. Le temps de prendre une inspiration, de s’préparer à n’importe quelle réaction. Espérant la fuite autant qu’il reste. Chéri, fais-moi peur. « Honnêtement… la drogue c’est. Le moins pire. C’est ça ma vraie addiction. La douleur. J’tiens même un fight club pour être bien sûr d’me faire exploser régulièrement. » Ca l’fait rire. Un peu. Regard qui part dans l’vague, fuir la tristesse de la situation. « Ca m’réussit pas mal... » Bah alors, tu lui montre pas tes molaires en moins ? Bah… garde en un peu sous l’coude au cas où. Ou qu’à ou qu’elle, ça suffise pas. « Et y a pas que Wini. Y a Ivy aussi. C’est pas le même genre de mal mais.... » C’est cool de la baiser. De la cogner. Et surtout qu’elle, elle me cogne. Mais ça lui reste en travers de la gorge. Pas si prêt que ça à lui faire délibérément autant de mal. Un doigt qui glisse machinalement sur l’empreinte de ses dents sur son épaule. La matinée avait plutôt bien commencée en fait. Il aurait mieux fait de rester au lit avec elle. Ils se seraient pas croisés. Trop tard. Finalement, il tend la main pour chopper le haut de Toad, l’approcher assez pour passer une main derrière sa nuque et le faire ployer vers lui. Ignorant les hurlements de sa blessure. Visages trop près l’un de l’autre. « Tu vas faire quoi, chéri ? Me sortir de tout ça et me cogner dessus ? Jusqu’à c’que j’en ai plus besoin ? » Ultime provocation. Pour voir. Tester. Rictus carnassier et tristesse au fond des yeux.
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MessageSujet: Re: like tears in rain (soad II)    like tears in rain (soad II)  EmptyMer 29 Nov - 19:14

Non. Non, non, non, non, et. Non. Dieu, tu peux pas me faire ça. Pas à moi. J’me suis bien conduit pendant six ans, putain, alors pourquoi tu me fais ça ? C’est quoi ce putain de jeu pervers, pourquoi ça s’passe pas bien, pourquoi on peut pas, j’sais pas, se sourire légèrement en se regardant de loin et puis se dire c’est bon, on continue nos vies ? Ou s’dire qu’on a besoin d’amour, des bisous des câlins, on en veut tous les jours ? Nan ? Une connerie du genre ? Un truc qui fasse moins mal ? Nan. C’est plus comme ça. Y’a tout le mal qu’on s’est fait, entre nous, et d’autres personnes qui se sont ajoutées, y’a Wini au milieu d’ce bordel, sans doute d’autres pour lui, Ezra et Asher pour moi. Ça pourra jamais être aussi simple qu’avant, quand on était qu’deux ados qui au lieu de partir en cours, sont partis en couille. Ça avait quelque chose de pur, à l’époque, un trop-plein d’insouciance qui nous emportait, rien pour nous arrêter, à faire des doigts d’honneur à tous ceux qui nous traitaient d’idiots. C’était l’amour, le vrai, celui qui bouffe tout l’être, celui qui donne envie de s’enfuir pour être que tous les deux, et il y avait vraiment que lui, dans ma vie, le centre de mon existence, le centre de l’univers, l’univers qui s’est effondré quand il s’est barré, j’suis devenu une planète sans axe, sans raison de tourner, sans raison d’exister. C’était plus facile de s’laisser tomber dans un trou noir. J'regrette de pas avoir réussi, d’avoir été trop lâche pour coller un flingue contre ma tempe, d’avoir misé sur l’overdose sans avoir le fric pour payer assez d’héro. J’l’avais fait, une fois, mais le flingue était pas chargé, j’l’avais vidé sur une cannette de bière dans un terrain vague, sans avoir touché la cannette, j’étais trop défoncé. Mais ça m’aurait évité d’voir ça. Ça m’aurait évité de souffrir encore, de souffrir plus fort, la douleur sourde de la rupture, réveillée en même pas dix secondes, et c’est comme si on venait remuer la plaie avec un bout de bois mort. Souffre, connard, tu l’as mérité.

« Seth, fais pas ça. » C’est rien qu’un murmure, faible et sans autorité, le cœur en miettes qui s’expose dans les mots alors que la perfusion saute et que mes yeux se baissent. Y’a trop de bleus, sur la peau de Seth, des cicatrices et des griffures, des plaies mal refermées, celle où j’voulais mettre les doigts, l’envie de lui dire d’arrêter ses conneries, de s’recoucher. Y’avait des ecchymoses aussi avant, parfois, mais pas autant, des trucs minimes, toujours plus visibles que les miennes parce que y’avait pas la tonne de tatouages pour les cacher, puis les suçons que j’lui faisais pour lui coller l’étiquette propriété privée. Ça faisait pas aussi mal à voir, ça a jamais fait mal, avant, au fond. Seth. Seth et sa nouvelle lubie. Addiction à la douleur, fight club, oh, oui, fais-moi mal, chéri, les vrais délices passent par le supplice, pas vrai ? Il a décidé de se lancer dans le sadomasochisme ? Trop regardé fifty shades ? J’arrive pas à savoir à quoi il joue quand mon regard revient chercher dans ses iris, billes noires trop chargées de colère, j’peux presque entendre l’orage. Et Ivy ? L’Ivy que je connais ? J’en sais rien, j’veux pas savoir, j’veux plus l’entendre dire tout ça, dire qu’il est devenu comme moi. A quand les braquages de supérettes, putain, et j’suis sûr qu’il pourrait faire cent fois mieux, parce qu’il a un cerveau, au moins, parce que moi j’ai toujours joué dans la cour des cons, sans d’autre ambition que d’me sortir de la merde, et de l’voir sourire un peu, lui faire des cadeaux stupides en espérant qu’cette fois il me demanderait pas où j’ai trouvé le fric. Putain, qu’est-ce qu’il fout, j’comprends rien, sa main qui se glisse dans ma nuque et son visage soudain trop proche. Ouais, j’te marave la gueule si ça peut t’faire plaisir. N’importe quoi. J’lui ferai pas d’mal. J’lui ferai plus d’mal. La pièce tombe, et c’est le crash dans ma cage thoracique, tout qui s’écroule, la grimace incrédule alors que j’tente de croiser ses pupilles sans avoir envie de chialer. « T’essayes d’me faire fuir ?? Tu te fous de moi ?? Putain, Seth, tu te fous de moi ?? » Les mains qui attrapent son visage, le repousser pour se remettre debout, le surplomber même si j’suis pas tellement plus grand, il a toujours eu la taille idéale pour ça, merde, faut pas penser ça, faut encore moins penser à la rage qui s’insinue partout, le cœur qui pulse à mille à l’heure, ça vrille dans les oreilles, ça vrille dans le crâne, j’vois rouge, mais pas frapper. Faut pas. Ni tout péter, envoyer valser les moniteurs, les p’tites armoires médicales et toutes ces merdes. Respirer. Pas s’effondrer, non plus, pas fondre en larmes, chialer comme une gamine, même si j’ai envie d’me repasser ma bande-son de redneck malheureux, faut pas, faut juste le regarder au fond des yeux. Et peut-être qu’mes phalanges s’enfoncent un peu trop dans ses joues, peut-être que mes ongles le griffent un peu, peut-être que mes mains tremblent, mais. « Tu peux pas m’faire ça à moi, Seth. J’déconne pas. » J’arrive plus à penser, quand j’attrape le revolver coincé dans ma ceinture qui a pas bougé depuis les rues en bordel et les chiottes du bar, vire la sécurité, le plaque dans sa main et le force pointer le canon sur ma tronche, j’sais pas c’que j’fais, j’vois plus très bien, c’est flou et y’a une p’tite voix en moi qui s’dit qu’il le fera peut-être, mais j’m’en fous, à cet instant, j’pense à rien d’autre, à personne d’autre, pas à Skeeter, pas à Ezra, pas à Asher. « Vas-y, appuie, qu’est-ce t’attends ? Tu s’ras débarrassé, nan ? C’est ça le plan depuis l’début ? Tu m’as dit qu’tu m’aimais quand tu t’es barré, Seth. Qu’tu m’aimais. Moi je t’aime. Je. T’aime. Et j’refuse de t’laisser. Alors si tu veux que j’te laisse, tu tires, c’est pas compliqué. » Y’a une ou deux larmes qui dévalent mes joues, pas plus, même pas de sanglots qui obstruent la gorge, c’est la colère qui parle, c’est la colère qui gronde, qui bousille le cœur et qui lui demande de l’arracher. Ça fait mal, et j’aime pas ça, moi, ça fait mal, et j’veux qu’ça s’arrête. Arrête ça, Seth.
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MessageSujet: Re: like tears in rain (soad II)    like tears in rain (soad II)  EmptyJeu 30 Nov - 0:32

Mais cours putain. C’est quoi ton problème ? Tu la vois pas la lumière de l’autre côté de cette putain de porte. T’as juste à la franchir, à te casser sans t’retourné à c’est fini, on en parle plus. Tu retournes à ta vie de remords et tu m’laisses à la mienne de regrets. Tu crois qu’ça va faire mal ? T’as pas compris que ce sera pire si tu restes. C’est pas ta gueule d’ange et tes belles paroles qui vont tout arranger. T’as pas capté que j’l’aime Wini. Que j’l’aime Ivy. Et l’autre aussi putain, encore plus p’t-être. T’as pas compris qu’c’est pas du mal que j’me fais, mais du bien ? Casse-toi bordel. Maintenant c’est mieux qu’après. Tu peux m’jurer qu’tu vas rester ? Qu’tu vas rafistoler ma tronche quand j’rentrerai du Fight Club la nuit ? Et attendre patiemment que ça me passe ? Qu’Ivy me passe ? Que Kizuki me passe ? Si tu peux pas casse-toi merde. T’es d’ton trou, tant mieux. J’suis content pour toi. J’te l’ai même pas dit. J’t’ai même pas félicité, parce que oué, t’as tellement dû en chier. J’t’ai même pas remercié, alors qu’t’as dit que c’était pour moi qu’tu l’as fait. Tu vois qu’suis devenu un sale con. J’t’ai rien dit. Rien, que dalle, comme si c’était pas important. Mais ça l’est merde. J’aurais dû dire un truc. Tu t’es sortis de la boue. Mais y retourne pas putain. Salie pas tes mains redevenues miraculeusement blanches. J’en vaux carrément pas la peine. J’suis déjà mort, et jusque-là, ça m’allait très bien. J’ai toujours été contre l'acharnement thérapeutique t’sais. L’euthanasie c’est bien, ça fait moins mal pour le même résultat. T’sais, suffit d’oublier pour être heureux. T’vas pas me dire que t’as jamais réussi, juste une fraction d’seconde. Chope là, et garde-la. Prolonge la pour toujours. Et ça ira j’te jure mon amour. Mais casse-toi.

Y a tout ça qui reste coincé. Qu’il peut pas dire Seth, parce qu’en sortant, ça perdrait le fil, décousu par la rage qu’exploserait. Compagne trop évidente de sa douleur. Nan. Faut rester froid. Faut pas ciller. Faut garder le monstre intact. Tableau sinistre pour que ce soit lui qui flanche. Malgré les doigts tremblants qui lui attrape le visage, s’enfoncent dans ses pommettes. Juste continuer de sourire, d’le fixer. Casse-toi. Enfin il craque Toad. Pas d’la façon où il s’y était attendu Seth. La colère inédite pour lui qui déborde de ses lèvres, les mots qui frappent plus profond que les coups de poignards. Et une fraction de seconde terrible. Celle où il reconnaît le métal froid et le poids de l’arme qu’il lui colle dans la main. Ce réflexe encore plus terrible de l’attraper. Passer l’index dans le pontet, et un pouce qui vient s’placer sur le chien. Il se fige Seth. Flashs qui se superposent à la réalité. Les yeux fixés sur Toad, à travers sa tête, dans la ligne de mire. Les muscles de l’avant-bras qui s’contractent, ajuste la main autour de la crosse, juge du poids de l’engin. Cette délectation qui chatouille les reins. Canon levé, mort au bout. L’adrénaline à travers les vertèbres. Le doigt qui s’referme sur la détente. Le bruit putain, qui explose dans ses oreilles, sifflement strident. L’odeur de la poudre. La nausée. Brusque inspiration qui secoue sa cage thoracique. T’avais arrêté respirer mec. Retour à la réalité, yeux écarquillés qu’observent Toad. Etat de choc. Choc thermique d’la glace balancée sur le feu. Les spasmes dans le bras soudain rebuté par la présence de l’arme toujours froide entre ses doigts. Il la lâche dans un mouvement de recul, l’horreur grandissante sur son visage, souffle saccadé. Bruit sinistre du flingue qui rebondit par terre et s’immobilise dans le silence lourd de la pièce. La voix de Toad qui résonne entre dans sa tête. Je t’aime. Merde putain. « Tu... » La suite reste bloquée. Y a pas de suite en fait. Juste un peu d’essence balancé sur la neige, au cas où ça puisse raviver le feu. Brûle. Sa main toujours en l’air se tend pour attraper la trachée de Toad. Quitte à l’tuer, il préfère encore le faire de ses propres mains. Mais c’est pas ce qu’il fait. Il le tire à nouveau contre lui, trop fort p’t-être, parce que y a leurs dents qui s’entrechoquent, mais il s’en fout, ça fait toujours moins mal que l’reste. Sa langue qui force le barrage des lèvres. Y a pas de tendresse. Juste son autre main qui passe sur le tissu de son t-shirt, pour agripper cet épiderme encrée qui lui appartenait elle aussi. Se coller contre lui, goûter à ses lèvres et à sa peau qui lui ont trop manqué. S’enivrer de son odeur, apposer la marque de ses crocs dans son cou. Même s’il est pas d’accord. C’est pas comme s’il lui laissait le choix. Y a pas de douceur. C’est pas le but. Il veut juste récupérer ce qui est à lui. Le sentir contre lui, vivant bordel. Oué, pendant cette fraction de seconde il a cru qu’il allait tirer. Il veut récupérer, le serrer contre lui, la peur d’avoir été si près de le perdre encore. Définitivement. T’es con, putain. Finalement, son emprise se relâche, les mains qui glissent sur les hanches de Toad, et s’immobilisent, vidées de leur force. Sa tête qui ploie, front qui s’pose contre le buste de Toad. Le dieu de la guerre qui rend les armes. Le silence qui vrille les tympans. Pas besoin d’élever la voix pour Seth Pour se faire entendre Heureusement parce qu’il n’aurait pas la force de le dire autrement qu’à mi-voix. « Je. suis désolé Shashawnee. Pour tout. Je… » Soupire, la voix qui se meurt aux bords des lèvres. Tu quoi, Seth ? Dis le merde. « Je descendu, loin tu sais. J’ai pas envie qu’tu descendes avec moi. J’ai pas envie que tu te casses dans un mois parc’que ce s’ra trop dur. J’le supporterais pas. » Un rire sinistre vient le secouer brièvement. Tu t’rends compte de c’que tu dis j’espère pauvre con.  « Je sais pas comment t’as fait pour survivre... » quand j’suis parti. Moi, j’y arriverai pas.
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MessageSujet: Re: like tears in rain (soad II)    like tears in rain (soad II)  EmptyDim 3 Déc - 21:33

Est-ce que tu le ferais, Seth ? Appuyer sur la détente ? Est-ce que tu l’envisages, au moins ? Est-ce tu t’dis que ce serait bien, ce serait mieux, de m’achever, comme on achève un cheval à terre ? J’suis à terre, de toute façon. Ce serait plus facile, non ? Pour toi comme pour moi, parce que j’peux pas supporter de te voir dans cet état, j’peux pas supporter de savoir qu’t’es devenu comme moi, peut-être même pire. Tu retourneras à ta presque mort et moi j’aurai plus à penser à toi. C’était mieux quand j’savais pas, quand j’t’imaginais heureux ailleurs, loin de moi, avec un autre, même si j’crevais de jalousie pour cet inconnu qui n’existait peut-être même pas. J’aurais dû me contenter de ça, ne pas me ramener à Savannah en espérant Dieu-sait-quoi. Les mots de Skeeter auraient dû me suffire, savoir que tu pouvais vivre sans moi aussi, à me dire que si j’t’avais manqué, tu serais venu me voir en désintox, t’aurais demandé à Skeeter un numéro, une adresse, n’importe quoi. J’t’en ai jamais voulu pour ça, enfin, peut-être au début, mais à force j’ai compris qu’tu t’étais barré pour ton bien, et j’n’ai toujours voulu que ton bien, même si j’m’y suis toujours mal pris. J’veux pas partir et te laisser comme ça, j’veux pas rester et te voir comme ça, alors j’préfère que tu décides pour moi, qu’tu me tires une balle entre les deux yeux pour abréger mes souffrances. Au moins j’aurai plus l’impression d’être arrivé trop tard, d’avoir tout foutu en l’air, de t’avoir bousillé jusqu’à la moelle, d’avoir souillé ta si belle morale dont j’avais rien à foutre à l’époque, mais qui est la mienne aujourd’hui. Y’a une part de moi qui se dit que j’aurais aimé qu’il soit comme ça, avant, avec moi, qu’il me quitte jamais et qu’il chute dans les bas-fonds, dans les combines pas nettes, pour l’éternité à mes côtés, qu’il comprenne que la drogue, c’était fun, que tabasser des mecs pour le plaisir, c’était méga drôle, et qu’on pouvait être riches sans rien glander. Pourtant, c’est sûr que si j’l’aimais, c’était précisément parce qu’il était pas comme moi, parce qu’il était tellement mieux que moi, à refuser d’être un déchet alors que j’m’en satisfaisais. J’avais jamais eu envie d’m’améliorer, avant qu’il parte, j’avais même pas fait gaffe que j’étais devenu aussi con que mon paternel, aussi incapable et dégueulasse que lui, aussi violent, un vrai crevard du Texas. Comme si j’avais pas réussi à me défaire de son éducation, comme si j’avais pas pu m’empêcher de marcher dans ses pas, comme si le sang décidait tout. C’était la cruelle vérité qui m’avait éclaté à la gueule, quand il s’était barré, Seth, que je détestais vivre avec mon père et que Seth avait donc dû détester vivre avec moi.

Y’a mon flingue qui atterrit au sol, bruit métallique sur carrelage froid, pourtant je l’entends à peine, je le regarde même pas. Je le regarde lui. Je t’aime, j’l’ai dit tout haut, sans hésiter, sans rien retenir. Je t’aime, et j’me demande si c’est le je t’aime dénaturé que j’lui servais à toutes les sauces pour le faire rester, si c’est les six ans passés à rêver du moment où j’pourrais de nouveau le lui dire en face, ou si ça sort d’un recoin sombre de mon crâne, le Toad que j’avais fait taire avec l’héroïne, le Toad qui s’en fichait des sentiments tout en crevant d’amour pour lui, désespéré au point de chialer à moitié à poil en pleine rue en lui criant de revenir. Je t’aime, reviens, je t’aime, je reste, je t’aime, j’te sauve. Sa main se colle contre ma trachée, comme pour me faire suffoquer, mais je cille pas, j’bouge pas, peu importe comment il m’achève, peu importe, ça sera toujours plus doux que d’vivre avec ça sur la conscience. Mais c’est pas ça qui se passe, à la place il m’attire vers lui, les lèvres qui se cognent, impact, les yeux grand ouverts, d’abord, puis les paupières qui se ferment, sa langue trop familière contre la mienne comme s’il était jamais parti, j’ai même pas le réflexe de le repousser, j’arrive même pas à penser aux autres. J’me laisse faire, vulgaire pantin sous ses doigts, fais c’que tu veux de moi, ça a toujours été comme ça, ça aurait jamais dû changer. Ça a jamais été très tendre, nous deux, ça peut pas l’être quand on a l’impression de s’noyer dès que l’autre est pas là, qu’on a besoin de lui comme de l’oxygène, l’oxygène qui fait planer, en trop grande quantité, l’oxygène qui vient à manquer, quand on s’embrasse comme si on devait rattraper six ans sans se toucher en un seul baiser. Ça peut pas être doux, ça peut pas être romantique, ça peut pas avoir cette espèce de beauté édulcorée des films à l’eau de rose, j’en veux pas, de tout ça, de toute façon, j’le veux juste lui, seulement lui, comme il a toujours été, comme on a toujours été, trop francs, un peu vulgaires, carnassiers, comme si on voulait se bouffer, gémissement incontrôlé quand je sens la morsure contre mon cou. C’est mal. Mal, mal, mal, Toad, Dieu serait pas fier de toi. Mes bras l’entourent instinctivement, lorsqu’il arrête, lorsqu’il dit qu’il est désolé, le serrer contre moi pour pas le laisser s’échapper, pas le laisser filer encore une fois. J’sais pas comment t’as fait pour survivre, j’sais pas non plus, putain de miracle, c’est peut-être pour ça que j’me suis mis à croire en Dieu. « Y’avait Skeeter, puis j’ai pensé à toi. Beaucoup. » Trop. « J’me casserai pas. J’suis v’nu pour toi, j’ai fait tout ça pour toi, j’te l’ai dit. J’suis là pour toi. » La phrase qui finit en murmure contre son oreille, le corps qui tremble un peu contre le sien, y’a un fond de colère, un fond d’angoisse, à s’dire que peut-être j’y arriverai pas, peut-être que j’partirai, moi aussi. J’ai toujours été le plus lâche des deux, y’a pas d’raisons que ça change. Mais pour lui j’ferais tout, j’ferais n’importe quoi. Je crois. Je sais plus. Peut-être que j’aurais fait n’importe quoi, peut-être plus maintenant, peut-être que j’ferais pire que ça, peut-être que j’cracherais sur ma belle rédemption juste pour être avec toi. J’ai jamais trompé personne, toute façon. « Faut qu’tu te reposes. C’est pas bien qu’je reste là, c’pas bon pour toi, là tout d’suite. Mais j’vais t’laisser mon numéro, j’vais t’laisser mon adresse. Et j’aimerais les tiens, s’tu veux bien. » Oui, j’aimerais les tiens, pour pas avoir à te stalker à ton boulot. J’te rappellerai, j’viendrai chez toi, même si y’a l’autre cinglée, parce que j’suis accro, tu vois, mon problème ça a jamais été l’héro, ça a toujours été toi.
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MessageSujet: Re: like tears in rain (soad II)    like tears in rain (soad II)  EmptyMar 5 Déc - 22:43

Douce amertume qui flotte encore sur les lèvres de Seth. Après ce baiser pas calculé, à peine compris, certainement pas suffisant, mais déjà trop. Le fantôme de tous ceux d’avant, et de tous ceux ratés. Doux amer comme les paroles réconfortantes, au moins dans l’intention, de Toad. Qui laissent entrevoir un futur peut-être un peu meilleur, mais flanqués de ravins encore plus profonds que ceux déjà connus. Si jamais on rate un pas. Et puis les promesses émises, déjà brisées une fois, ou deux, pourquoi pas une de plus après tout. Mais il a plus la force Seth. Peut-être qu’il la retrouvera demain. Demain putain. Il est incapable, là, abandonné dans les bras tremblants de son mari, d’imaginer un demain. La minute d’après étant déjà inimaginable. « Pars pas... » prière murmurée de gosse qui s’échappe de ses lèvres mal assurées. La trouille qui grandit dans les entrailles. Sentiment de merde qu’il avait pensé avoir laissé définitivement derrière lui le jour où il était parti. Où il l’avait abandonné, Toad, jeté de sa vie. Et qui revient aussitôt vieille amie sournoise, s’enrouler autour de ses tripes, dès l’instant que celui-ci choisit de revenir et de rester dans son existence. Quelle merde… Mais tant pis. Il prend. C’est un moindre prix à payer en fait. Il y a renoncé une fois. Une fois de trop. La perte bien plus létale que le gain. Alors y a pas grand-chose à faire, juste refermer ses mains sur le haut de Toad, en signe de protestation. Rester là, encore un peu. Les yeux qui se ferment à peine une seconde, pas plus. Insupportables flashs de ses conneries projetés sur leur écran noir. Lui, il est parti. Il n’a pas répondu aux demandes de Toad. Y aurait pas raisons que Toad réponde aux siennes. Mais il insiste quand même. « Reste encore un peu s’il te plait. J’serais sage… » Dans le doux amer.  Dans son odeur, ses bras, le silence ponctué des battements de leurs cœurs. Et cette conne de trotteuse, que Seth guette avec attention. Grappillant sur le temps chaque seconde passée encore là, contre lui. Effrayé que la dernière arrive, mais finalement, au fond, heureux de chacune gagné. Même s’il sait que ça va s’arrêter. Parce que ce sera l’heure. De la fin des visites. Ou de celle du réveil de sa colère, contre lui-même et tout le reste. La marée est toujours là, il la sent grouiller pas trop loin, juste en-dessous de son myocarde. L'heure d’arrêter de rêver à un avenir hypothétique et repenser à un passé révolu, et d’être rattrapé par leur présent trop crade et trop réel.

Le temps qui passe. Il a perdu la course de la trotteuse, Seth. trop concentré sur le pouls de Toad. Près à parier qu’il reconnaît son bruit et son rythme. Comme si chaque cœur, chaque âme avait sa mélodie. Peut-être. Comme les empreintes digitales, les iris, ou les flocons de neiges. Un soupire, et il se redresse un peu Seth, le poids de la fatigue contre la nuque. Balaye du regard son état, et celui de la pièce avant de relever les yeux faire Toad, un faible sourire au coin des lèvres.  « Faudra appeler une infirmière... » Tant pis si elle le retrouve à moitié à poil avec Toad à côté et ses yeux rougis, et qu’elle se pose des questions. Il a pas encore les compétences pour se remettre sa perfusion dans le bras comme un grand. Et s’il veut bien faire un peu confiance à Toad en le laissant revenir, un peu, il ne lui fait certainement pas confiance pour ça. L’idée agrandit son sourire.  « Nouveau miracle à votre actif révérend Baxter, j’me suis pas remis à pisser le sang. » Oué, c’est assez miraculeux. Peut-être pas autant que tout le reste, qu’il ne l’est pas tué dans ces chiottes pourries, qu’il n’est pas tiré. qu’il l’est pas virer à grands coups de pieds dans le cul, qu’il est accepté qu’il reste, et même qu’il lui ait demandé de rester… Mais ça l’est. Nouveau soupire, sourire qui s’efface. Il sent le mazout qui s’enroule déjà autour de ses chevilles, prêt à le tirer vers le fond, le noyer dans le noir, dès que Toad aura franchi la porte. Il a pas envie de continuer de parler, d’entendre cette conne d’aiguille continuer d’avancer. Mais c’est pas comme s’il avait le choix. Enfin si, il l’a. Il pourrait juste se lever, se barrer, avec Toad, changer de ville, tout laisser derrière, voir c’qu’il se passe en reconstruisant tout en neuf. Tout miser sur eux deux. Mais il l’a déjà fait. C’est ce qui l’a mené précisément ici. Alors c’est au-dessus de ses forces de faire ce genre de choix. Préférant encore et de loin le confort de la spirale autodestructrice qu’il façonne avec Winifred, Ivy et Kizuki. Alors il lève une main vers son sac, ses affaires. « Y doit y avoir mon téléphone quelque part là-dedans. Ajoute-toi. ET y a les infos qu’tu veux dedans. » Seth, ça a toujours été le mec à se rentrer lui-même dans son répertoire, son numéro, son adresse, parce que pas foutu de le retenir. Ca a pas changé. Autre chose qui n’a pas changé d’ailleurs. « C’est.. toujours le même mot de passe. » Depuis quoi ? Sept ans ? Huit ans ? Depuis le jour de cet accident à la con. Depuis que Toad lui avait dit qu’il l’aimait. Depuis que Seth avait bousillé sa vie. C’est pour ça qu’il l’avait pas changé. Pour se rappeler ce qu’il avait fait ce jour-là. Ce jour-là qui les avait menés jusqu'ici. Il détourne les yeux Seth, cherche le bouton pour appeler une infirmière. Regarde ailleurs le temps que Toad se confronte à cette date indélébile, à son fond d’écran par défaut, effacées leurs photos. Les trucs qui sont restés, leurs trucs qu’ont été effacés. Il peut rien y faire là tout de suite, sauf espérer qu’il ne remarquera pas trop, souffrira pas trop. Rien à part s’acharner sur cette conne de sonnette pour qu’une infirmière se pointe plus vite, fasse diversion, prier pour que ce soit Anca tant qu’à faire. Qu’il y ait quelqu’un d’autre pour pas qu’ils aient à reparler de ça maintenant. Pour qu’il y ait quelqu’un d’autre quand Toad partira. Et si cette personne se pointe armé d’une seringue de morphine, ce serait encore mieux. Pour apaiser la douleur.
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MessageSujet: Re: like tears in rain (soad II)    like tears in rain (soad II)  EmptyMar 12 Déc - 20:20

Pars pas. Y’a comme un écho, quelque part au fond d’mon cœur, une blessure jamais bien refermée et les mots qui se réverbèrent entre les bords de la plaie. Pars pas, mon amour, pars pas. J’me souviens de c’jour-là comme on se souvient toujours du pire jour de notre existence : dans les moindres détails. Pas de drogue pour atténuer la douleur, ridiculement sobre quand j’avais ouvert les yeux sur lui au bout du lit, une valise à la main et la détermination du désespoir sur la gueule. Il était parti quand même. Il avait pas hésité, il s’était même pas retourné. Peut-être parce qu’il pleurait. Moi j’pleurais, comme tous les mecs à qui on arrache le cœur et qui constatent qu’ils vivent encore après. J’ai eu qu’une certitude, après ce jour-là, celle que j’aurais dû crever le soir même, retrouvé sans vie dans le caniveau, trop défoncé pour réaliser que j’me noyais dans une flaque d’eau, une mort débile pour un débile, c’est c’qui devait se passer. Skeeter l’aurait appris. Elle aurait appelé Seth et il aurait pleuré, peut-être, mais tout aurait été mieux, après. Il aurait arrêté de penser à moi, après quelques temps, il n’aurait pas eu à effacer la moindre trace de moi, parce qu’il n’y a aucun intérêt d’effacer quelqu’un qui s’est rayé de l’existence, il aurait pu dire qu’il était veuf, il n’aurait plus eu besoin de papiers pour le divorce, il aurait été libre. Pourtant j’ai survécu et je suis là, les bras qui le serrent trop fort, trop collé à lui comme s’il n’était qu’un rêve auquel je voudrais désespérément me raccrocher, une main qui se glisse dans ses cheveux, comme pour le rassurer, lui dire que j’partirai pas. Il est trop vrai, trop réel, trop tangible, l’envie d’écouter son souffle, son cœur qui bat, l’envie de toucher, d’embrasser chaque parcelle de peau, juste pour en retrouver la saveur, la douceur, juste pour en apprendre les nouvelles cicatrices, taches, rides, la jeunesse envolée, encore jeunes malgré tout, incapable d’oublier comment on était. On oublie pas un premier amour, il colle toujours à la peau, comme les chewing-gums sous les bureaux. Sage… S’il l’est, j’le suis pas, trop loin de tout, trop près de lui, pour pouvoir réfléchir, poser des actes sensés, penser à Asher, à Ezra, penser à quelqu’un d’autre que lui, que moi, enlacés comme pour retarder la fin du monde. Sage, c’est ce qu’il a toujours été, plus sage que moi, moins impulsif, illogique, irraisonnable, sage, c’est ce qui la conduit à me quitter, à partir pour moins souffrir, pour survivre, pour plus avoir à supporter l’insupportable. Sage, c’est ce que je devrais être, en lui disant que je ne peux pas rester, que ce sera au-dessus de mes forces si je n’arrive pas à le sauver, parce que j’ai toujours été lâche et que je sais que je préférerai m’effondrer avec lui. Sage, je l’ai jamais été, lâche, je l’ai toujours été, et c’est plus facile de rester.

Seth se détache et c’est moi qui ai envie de le retenir, à présent, l’envie de s’enliser dans un cycle sans fin avec lui, rester dans ses bras pour l’éternité comme je l’avais toujours souhaité, répété, murmuré au creux de son oreille en plein milieu de la nuit, c’est toi et moi jusqu’à la fin des temps et même après. Mais j’me ravise, soupir au bord des lèvres, retour à la réalité en clignant trop fort des yeux, cherchant le bouton pour appeler une infirmière du regard avant de le reporter sur lui. Toujours ce foutu palpitant qui rate un battement à chaque fois que j’te vois, Seth, si tu savais. « Ouais j’crois qu’on a explosé le quota de miracles autorisé en une soirée. » Finir sans causer de drame étant le plus miraculeux d’entre tous. Putain. Mais j’sens la merde arriver. Pas maintenant, pas tant que j’serai dans cette chambre, avec lui, ça aurait pu, mais tout a été désamorcé, pas d’explosion, que des blessés légers. Des blessés légers avec commotion cérébrale qui menace de les niquer dès qu’ils s’y attendront pas. Mais c’est pas grave, pour l’instant ça n’a aucune importance. Ça en aura, quand j’aurai passé cette porte, que je me remettrai à penser, que j’réaliserai tout le mal qu’on s’est fait et qu’on se fait encore, que Seth est peut-être impossible à sauver et que j’vais devoir tout expliquer à Ezra. A Asher. Chut. C’est rien. Y’a pas besoin d’en prendre conscience avant l’heure, de s’laisser accabler alors qu’il faut pas s’encombrer l’esprit, se concentrer sur Seth, en vie, ça s’est pas trop mal passé, même si ça s’est pas bien passé non plus. C’était pas c’que j’attendais, mais j’garde les choses simples tant que j’peux. J’prends le téléphone dans son sac, faible sourire quand il dit qu’il a pas changé de mot de passe, triste sourire parce que j’sais toujours trop bien c’que c’est, le pouce qui tape la date sans hésiter. J’encode mon numéro, encode le sien dans mon portable, l’infirmière qui débarque et s’affole en voyant la perf qui pendouille, s’affaire sur son bras et s’interpose entre nos deux corps. Pas moyen de déposer un baiser sur sa tempe. C’est peut-être mieux comme ça, faut partir tant que c’est pas trop dur. « Je t’appelle. » Murmure que lui seul peut déchiffrer sur ma bouche, avant de sortir, un peu chancelant, un peu paumé, à repenser à ce tatouage dissimulé, l’alliance disparue et pourtant cette date sur son téléphone, qu’il doit taper chaque jour, chaque heure. Ça fait plus de dix ans, maintenant, j’avais dix-sept ans et l’assurance d’un avenir radieux sur les terrains de basketball, acclamé par une foule en délire et payé beaucoup trop pour jouer avec un ballon. Dix-sept ans et déjà rongé par un amour qui me dépassait, trop proche de le perdre, incapable de pas aller à l’hosto pour le voir, l’embrasser, lui dire que j’l’aimais. Dix-sept ans et j’avais plus d’avenir, mais qu’est-ce que j’en avais à foutre, j’t’avais toi.
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