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 broken happy ever afters (soad)

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MessageSujet: broken happy ever afters (soad)   broken happy ever afters (soad) EmptySam 28 Avr - 0:30

C’était pas censé se passer comme ça. J’sais pas. Y a pas un stock de base de toutes les merdes qui va t’arriver dans ta vie ? Et un jour, une fois le stock épuisé bah, il se passe plus rien. Rien de bien majeur. Rien de trop injuste. Juste la vie, avec ses petites merdes communes à tous les mortels. Moi j’sais pas. Seth non plus. Il s’était dit, dans un sombre coin optimiste de son cerveau tortueux que c’était bon pour lui. Qu’il avait donné, épuisé son quota de mauvais coups du sort. Surtout que c’était même pas complètement fini. Il avait toujours ses dégénérés d’amis, dont il arrivait pas à se débarrasser. Parce qu’il en avait qu’assez moyennement envie. Parce que y avait toujours de la morphine qui circulait parfois dans ses veines. De la coke aussi. Et les pilules. Moins. Moins certes, mais toujours un peu. Pas si facile que ça de s’en débarrasser seul. Et pas question d’aller en désintox, alors il fait avec, il passe les douleurs sous silence et quand ça devient trop dur, une petite dose ça soulage. Il s’voile la face en se disant que ça s’arrangera tout seul. Comme il s’voilait la face en se disant que c’était fini. Les merdes. Même s’ils s’étaient pas cassés sur le dos d’un beau cheval blanc, sous les soupires ravis de leur entourage, avec une voix sortie de nulle part qui déclare que si, putain, si, ils vécurent heureux et eurent de nombreux enfants. Peut-être qu’il y aurait fallu. Enfin techniquement, Cendrillon elle a chopée des rides et du cul, et c’est pas dit que l’prince charmant baise pas la bonniche de temps en temps. Alors bon. Finalement non, y a pas de raison que tout aille bien maintenant.

Pourtant ça allait pas trop mal. Et mis de côté tous les trucs qu’ils préféraient passer sous silence, ça allait même bien. C’était peut-être ça le truc. Oué, ils étaient ensemble, mais ça n’avait pas pour autant évacuer tout le mazout dans lequel il leur arrivait encore de trébucher. Celui d'avant, celui qu'ils créaient maintenant. A force de pas mentionner certains trucs. La drogue pour l'un, les mecs pour l'autre. Asher ptn. Qui reste à planer dans un coin comme l'épée de Damoclès qui te tombera sur la gueule au moment où tu t'y attend le moins. Et puis voilà, y avait Ezra. Disparu, volatilisé. Et Toad qui se décompose morceau par morceau, jour après jour. Et lui il peut y faire que dalle, et ça l’énerve. Il peut toujours casser des gueules à de parfaits inconnus pour leur faire cracher le morceau, mais ils ont rien à cracher d’autre que du sang. Et ça le fout hors de lui. Alors ça brouille les cartes entre eux, qu’essayent de faire quand même bonne figure. Parce que malgré tout, si, ils veulent rester ensemble. Ensemble. Désespérément ensemble. Mais nan, les merdes s’étaient pas arrêtées. Il aurait peut-être dû s’y attendre.

Mais il s’attendait pas à ça. Une con de matinée comme une autre, bien entamée déjà, c’est ça la vie de videur dans un strip-club. Les yeux qui s’ouvrent difficilement et les doigts qui tâtonnent entre les draps pour trouver son téléphone. Les sourcils qui s’froncent quand y a le nom d’Asher qui s’affiche. Pour il lui envoie un message ? Pourquoi ils ont encore leurs numéros dans leur répertoire d’ailleurs ? Il est pas énervé, Seth, il est pas agacé. Il comprend juste pas c’qu’il se passe, et en fait, ça le saoule juste. Alors le téléphone il le laisse retomber sur le matelas. Il est pas spécialement d’humeur à échanger des courtoisies avec l’ex de son mari. Mari dont il devrait prendre des nouvelles, tiens. Il avait pas l’air au mieux d’sa forme quand il avait déclaré qu’il sortirait la veille. Vu les circonstances. Mais mari qu’était pas rentré. Une douche et il l’appelle. Mais y a un truc qui gratte dans un coin de sa boîte crânienne, assez vigoureusement pour qu’il reprenne le portable en main et lise ce con de sms. Et il se passe rien. En tout cas, pas tout de suite. Y a le temps qui se suspend, les yeux de Seth qui cherchent désespérément une autre réalité, s’accrochant à la couverture d’un comics sur un obscure super héros emprunté à son frangin. Le scénario et bancal, mais les dialogues pas mauvais. Déni. Mais ils reviennent sur le message, les mots qui font enfin sens dans sa tête. Le ciel qui s’écrase sur sa tronche. Sans douleur. Y a que des picotements qui parcourent ses doigts et son échine. Le temps qui reprend doucement sa course. Trop lentement.

C’est trop clair dans ce con d’hôpital. Ça l’éblouit. S’en fout, il connait les lieux. L’emploi du temps de la douce Anca qu’il avise de la situation en deux mots. Assez pour qu’elle le mène jusqu’à la chambre de Toad, « Ça va aller ? ». Il répond pas, ignore la question et la lueur d’inquiétude au fond de ses yeux. Apparemment non. Ils sont pas censés aller bien. Il se contente de franchir la porte. Et puis la réalité lui explose à la gueule. Les réminiscences de ses vieilles hantises qui lui reviennent avec force en pleine face. La trouille qui le retourne les tripes. La rage qui brûle son épiderme. Il a la gerbe, s’appuie contre le mur, yeux fermés. Ralentir son pouls. Eviter de lui éclater la tronche. Il a tellement envie de lui en coller une et de lui péter son nez trop droit. Ou de sortir éclater le premier type qu'il croise. ou de s'injecter une dose de morphine. Ou d'aller s'coller sous un bus. N'importe quoi. Pas ça. Juste pas ça. Mais il se contente de grogner, ongles plantés dans les paumes de mains. Et l’araignée qui vient danser au sommet de ton crâne. C’est d’ta faute ça encore. T’as pas vu qu’il allait mal hier ? Et puis c’est l’beau Asher qui l’a trouvé, hein ? Tu crois pas qu’il s’est piqué et à demander de l’aide à quelqu’un plus fiable qu’un toxico refoulé ? OU uste plus fiable que toi ? C'est pas très dur en même temps. Mauvais. T’es mauvais, Seth. Nul, méchant, et toxique. Ta gueule, putain.

Il se décolle du mur finalement, s’approche du lit et tire une chaise pour s’asseoir à côté, une main qui va chercher celle de son mari. Faut qu’il chasse ses démons, c'est pas le moment. Toad, juste Toad, le reste on s'en fout. Faut juste s'occuper de lui mais il sait pas quoi faire et ça l’énerve. L'impuissance qui vient danser sous le nez du monstre endormi, c'est trop facile de réveiller le mal. « Réveille-toi … ça sort comme une plainte, à mi-voix. La peur qui tente de rivaliser avec la colère, regard noir mais les nerfs à vifs qui font trembler ses doigts sur la peau inanimée de Toad. C'est le vide qui vient à nouveau se creuser entre ses côtes et les larmes silencieuses qui lui échappent. « Réveille-toi putain. La voix qui s’élève, pointe de panique. Pourquoi il bouge pas hein ? Pourquoi il se réveille pas ? Y a une peur irrationnelle qui s’empare de Seth. Même pas atténuée par la chaleur que dégage la main de son mari. L'idée qu'il soit juste en train de pioncer qu'il lui frôle même pas l'esprit brumeux. Cette vieille peur, vieille compagne borgne, qu’il a pas réussit à semer derrière lui malgré les années. Crève pas putain, crève pas. Tu peux pas m’faire ça. Crève pas bordel. Ouvre tes putain d’yeux bleus. « Réveille-toi bordel !! »

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MessageSujet: Re: broken happy ever afters (soad)   broken happy ever afters (soad) EmptyJeu 10 Mai - 16:14

Je plane. Trop haut. Trop loin. Au-dessus des nuages. Trop près du soleil. Ça brûle dans l’creux du coude. Perf arrachée, replantée au même endroit, la promesse d’une belle ecchymose à fleurir dans la soirée. Dormir. Y’a pas l’choix, quand on vous poignarde dans l’dos avec une seringue, sédatif injecté sans crier gare. Ou peut-être qu’ils ont crié, j’sais plus, j’ai perdu l’fil, c’était trop décousu. Les restes de l’héroïne, peut-être, le mot overdose répété trop de fois par l’infirmière, les doigts qui pianotent frénétiquement sur mon portable, qui tremblent, faut qu’j’my reprenne à dix fois pour écrire une phrase cohérente, lui dis pas, c’est tout c’que j’veux dire, lui dis rien, il doit pas savoir. Il doit surtout pas savoir. Il lui a dit. Mes yeux fixent le message d’un air vide pendant un long moment, montagne russe de sentiments, colère, rancœur, tristesse, désespoir, j’comprends pas pourquoi il me fait ça, j’comprends pas pourquoi j’lui ai fait ça. J’suis paumé, au milieu d’tout ça, j’arrache ma perf comme si c’était la solution à tous mes problèmes, à quitter la chambre en caleçon pendant qu’l’infirmière a l’dos tourné, le meuble qui s’fait balancer par terre a rien d’mandé et ça m’fait pas du bien. Ça fait même qu’attirer l’attention du personnel qui s’met à m’suivre et me proposant de m’asseoir pour me calmer. Mais j’les écoute pas, les réponses que j’tape machinalement sur le clavier. Les larmes tardent pas à brouiller l’écran, j’finis même par le supplier de revenir. Me laisse pas tout seul, stp stp stp, ça a des relents infects de déjà-vu, la nausée qui se fraie un passage dans ma gorge alors que l’oxygène peine à trouver l’chemin jusqu’à mes poumons. Seth, reviens. Asher, reviens. Les mêmes erreurs, les mêmes conneries avec les deux. On change jamais. J’ai pas changé. Même pauvre camé qui s’piquait trop souvent pour s’rappeler qu’y avait un monde à côté d’la défonce, qui f’sait attendre son p’tit mari chéri à la maison en se rongeant les ongles jusqu’à l’os. Seth peut pas m’voir dans cet état. Faut qu’je sorte de là, que j’prenne une douche, que j’m’habille, qu’je foute un peu d’ordre dans mes cheveux, que j’me rase aussi, ça me va pas, la barbe. Faut qu’je sois présentable, pas qu’j’aie l’air d’avoir passé la nuit à frôler la mort d’un peu trop près, encore moins d’avoir passé l’réveil en compagnie d’Asher et d’ses paroles trop douces pour ma personne. Pas digne de ça. Pas digne de Seth non plus. J’sais plus trop sur quoi j’ai trébuché, sûrement les chaises d’la salle d’attente qu’j’ai voulu envoyer valser d’l’autre côté d’la pièce. J’sais plus trop, c’était trop flou, à travers les larmes, les sanglots, et toute cette merde, j’me souviens seulement d’la piqûre, douleur plus vive que l’reste dans l’épaule. J’la sens encore. C’pour ça. J’suis à l’abri, dans les limbes du sommeil, reconnaissant d’plus avoir à penser. Ni à lui, ni à toi qui vas sans doute rappliquer dans l’heure. Tu viendras, dis ? Ou ce sera celle-là, la fois d’trop, celle qui te f’ra dire que t’avais définitivement épousé l’mec qui fallait pas ? Il est où notre conte de fées, Seth ? Celui où on se barrait dans un pick-up à défaut d’un cheval et où j’te demandais en mariage un genou à terre sur le bitume, odeur d’essence au lieu d’la bonne odeur boisée d’une forêt enchantée ? Peut-être qu’il était pas si féérique que ça, notre conte de fées. Peut-être qu’on le méritait pas.

Sauf qu’on aimerait bien y jouer, au conte de fées, qu’on fait semblant, c’est la Belle au Bois Dormant sauf que la princesse s’est camée, faut la réveiller d’l’overdose et au lieu d’un baiser, on lui gueule dessus. J’le mérite. D’toute façon le sédatif fait trop son effet pour que j’me réveille en sursaut, la voix de Seth qui m’alerte à peine malgré la panique qui s’y infiltre, dénature son timbre. J’crois même qu’il s’y est pris à plusieurs reprises avant qu’je capte qu’on me parlait, qu’mes paupières s’ouvrent sur son visage fermé, deux larmes salées qui dévalent ses joues sous un regard trop noir. Il m’en veut. « Seth... » Y’a mes doigts qui se faufilent entre les siens quand j’comprends qu’il a attrapé ma main, pas sûr qu’il ne me lâche pas direct en voyant qu’j’suis réveillé. Pourtant y’a un sourire un peu faible qui se glisse sur mes lèvres, regard plus tendre que le sien. J’divague. « Seth, j’ai réfléchi… On d’vrait retourner à Corpus Christi et se remarier là-bas, d’vant tous nos cons d’profs et d’camarades de classe, d’vant ta famille et puis à la gueule de mon père aussi. On d’vrait faire ça. » J’me rends pas compte que je délire, et j’continue sur ma lancée comme un imbécile heureux. « Ou on pourrait r’tourner à Boston. P’t’être que notre ancien appart’ est toujours libre, t’sais. Il était tellement pourri. Mais on était bien, là-bas, pas vrai ? » Ou pas, c’est là qu’t’es parti, là qu’j’ai failli crever d’une overdose la première fois, j’avais presque réussi à m’achever moi-même, mais il avait fallu qu’le proprio mécontent de mon non-paiement des factures débarque ce jour-là. J’soulève sa main jusqu’à mon cœur, l’emprisonne entre mes deux paumes, à observer son annulaire exempt d’alliance les sourcils froncés, comme si j’arrivais pas à savoir c’qui clochait. J’le sais bien, pourtant, j’veux juste pas admettre qu’c’est pas aussi rose et parfait qu’ça aurait dû l’être. J’veux juste pas me rappeler pourquoi j’suis dans un lit d’hosto, là tout d’suite. « Faut qu’on la récupère, aussi. J’veux pas qu’on croie qu’t’es libre. T’es à moi. » Ça vient d’nulle part, les larmes qui coulent sur mes joues, qu’j’avais même pas senties. J’sais pas depuis combien d’temps je pleure, ni pourquoi. Enfin si, j’sais, mais ça sort pas, alors j’me contente de fixer sa main entre les miennes sans rien dire, le cœur au bord des lèvres en m’disant qu’ça pourrait être la dernière fois qu’je le vois.
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MessageSujet: Re: broken happy ever afters (soad)   broken happy ever afters (soad) EmptySam 19 Mai - 1:06

C’est con. Ce sentiment contradictoire, d’avoir autant envie que l’autre vive, que d’vouloir l’achever soi-même. La colère qui éclate entre ses tempes quand il croise enfin les pupilles de son mari. Mais il peut pas bouger, Seth. Il a envie de lui en coller une, mais il peut pas bouger. Y a sa voix qui s’élève et ça fait qu’attiser sa colère. Il a envie de le massacrer. Et surtout lui faire fermer sa gueule, putain, parce que ça fait mal, trop mal, c’qu’il dit. Oué ils pourraient faire tout ça. Ou ils auraient pû. Il a l’impression qu’tout vient d’exploser. Encore. Que c’est fini, et c’est sa faute putain. A lui, avec sa perf dans le bras qui a remplacé la seringue. C’est lui le coupable de ces beaux rêves brisés. Le révérend Baxter, dans une ruelle sombre, avec la seringue d’héroïne. Et il ose les énoncer à voix haute. Balancer du sel sur ses plaies béantes. Il lui reste plus qu’à danser sur son cadavre. Alors oué, il a envie d ele cogner, de le rouer de coups jusqu’à c’qu’il arrête de parler. De respirer. D’être cette écharde qui lui reste planté obstinément en plein coeur. Mais il bouge pas, il subit, les dents serrés. Il essaye de pas écouter, mais c’est pas possible. Ce sont ses propres rêves qu’il énonce à travers son brouillard … Il essaye de rester, avec lui, jusqu’à c’qu’il arrive plus à empêcher ses doigts de trembler, et qu’il les arrache de la main d’son mari. Il se lève Seth, les lèvres pincées, et il se barre.

C’est la porte de la salle de bain de la chambre qui va s’éclater contre le mur. Le premier truc qui lui tombe sous la main qui vole à travers la pièce. Et un cri qui se réverbère sur les murs, étouffé par un haut-le-coeur. Il tombe à genoux devant les toilettes, pour cracher la lave qui lui brûle l’estomac. Sauf que y a que dalle qui sort. Pour c’qu’il mange. C’est bête, il avait recommencer, à bouffer, en faisant la pitance pour Toad et Ezra. Mais ça s’était à nouveau dissout, avec l’absence du gamin. Alors nan, les spasmes d’son estomac arrivent à faire sortir que dalle. Que c’bon vieux filet de bile qui t’arrache la moitié des tripes pour sortir. Il reste la comme un con, agrippé à sa cuvette de chiotte, à attendre que ça passe. Les spasmes, les tremblements dans ses mains. L’écho de sa respiration ans la céramique qu’essaye de couvrir le bruit de colère dans son crâne. Et essaye d’penser putain. D’aligner deux pensées cohérentes, de pas partir complètement en vrille. Ca sert à rien, putain, ça sert à que dalle. Il s’laisse tomber par terre, les doigts qui vont s’accrocher à ses cheveux. Pense, bordel, calme-toi. Stop.

Qu’est-ce qu’on fait maintenant, hein ? Tu fais quoi maintenant, Seth ? Tu sais déjà c’qu’il va s’passer si tu t’barres. Tu sais déjà que ça ira pas mieux. Que ça arrangera que dalle. Tu vas t’barrer, changer de ville, te retrouver encore seul. Encore plus seul. Tu vas ruminer, la culpabilité, la peine, la colère et la destruction. Tu vas reconstruire un groupe de taré, vicié un autre fight club. Tu sais que tu vas encore te démolir et démolir le reste autour de toi. Tu t’dis même que quitte à t’barrer et à l’quitter lui, tu ferais mieux de t’barrer définitivement cette fois. De tout. De c’monde. Pas recommencer encore cette boucle infernale. Croiser personne sur ta route qui reporterait inutilement la date de ta mort. Oué. C’est ça la solution si tu prends cette voie-là. Une solution simple dont tu connais déjà la fin.

Il finit par s’lever, Seth. Il ait pas combien de temps il est resté le cul par terre dans la salle de bain. Mais il s’lève et y a son reflet dans le miroir et ça lui arrache un rire sinistre. Mais il détache pas ses yeux de sa tronche pour autant et reste un instant à contempler le reflet de c’qu’il est devenu. Pensant à ce crétin, qui passait des heures installé sur un banc inconfortable à faire genre de lire des bouquins dont il connaissait même pas les titres. Tout ça pour mater le capitaine de l’équipe de basket du lycée. A rêver de ses lèvres et à se demander pourquoi bordel il en rêvait. A espérer vaguement qu’il tournera ses yeux bleus vers lui. Et à grogner en tournant la tête quand ça arrivait. Et c’est à ça qu’ils en sont arrivés. A vouloir le tuer à cause d’un de ses mêmes regards. S’il les avait lu ces cons de bouquins, il aurait un vrai taff, il était pas si con, Seth. Et si l’capitaine de l’équipe de basket s'était contenté d’faire du basket, il serait une superstar à l’heure qu’il est. C’est râté. Un dernier regard pour ce tatouage à la con dans son cou, et il quitte enfin cette salle de bain.

Il se rapproche du lit sans dire un mot. Lance sa veste dans un coin et dégage d’un coup de pied ses godasses. Il tire les draps et se hisse dans le lit, contre Toad. « Viens-là ... » qu’il articule péniblement en passant un bras autour de ses épaules. « Approche babe. » Il cale sa joue contre son crâne, et récupère une main dans la sienne. Et il soupire, longuement, les yeux fermés, le calme qui revient un peu. Le choix est fait. « Tu sais ...j’pense que la vieille Anderson est morte à l’heure qu’il est, surement en déclamant du Shakespeare comme d’hab’. Et ton coach a dû finir en taule à fort de harceler les pompoms girls. En tout cas il devrait. » Il reprend son souffle. Jamais ils avaient reparlé de ça, de tout ça. De la vie qu’ils avaient laissée derrière eux. Celle où ils allaient encore parfaitement bien. « Je vois d’ici la tronche de ta petite cheerleader en apprenant qu’c’est moi que t’as épousé finalement. C’était quoi son nom … Amelia ? Emilie ? J’sais plus... » Il s’en fout d’l’autre grognasse. Il s’en fout de leurs anciens profs. De Corpus Christi et de c’qu’ils ont laissé. Faut juste parler. Faut juste lui montrer qu’il est là. Qu’il partira pas. Pas cette fois.
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MessageSujet: Re: broken happy ever afters (soad)   broken happy ever afters (soad) EmptyDim 27 Mai - 22:58

J’joue une version fantasmée d’notre réalité, l’cerveau qui s’tape un déraillement complet, j’vois des étoiles et un avenir en commun digne d’un téléfilm d’fin d’aprèm, la flamme ravivée par un voyage retour aux sources. Sauf qu’y’a sûrement plus romantique que Corpus Christi, Texas, pour ça. Sauf que mon romantisme à moi, ça a toujours été celui d’un cowboy alcoolo mixé avec un taureau en rut. C’est pas grave, j’me dis, il m’a épousé tel quel, il sait bien, il m’en tiendra pas rigueur. Il le supportera, il me supportera encore un peu, il a dit qu’il allait rester, maintenant, il a dit qu’il partirait plus. Ce sont mes propres larmes, silencieuses, qui me rappellent comment j’l’ai remercié de m’redonner sa main, emprisonnée dans les miennes. Ce sont mes larmes, assassines, qui me rappellent que c’est pas mon romantisme à deux balles, que j’dois faire pardonner, mais un truc impardonnable, un truc qu’a massacré notre mariage, un truc qui l’a bousillé lui. Et quand mes yeux croisent les siens, j’me dis que j’l’ai perdu pour de bon, les prunelles qui retombent sur le drap blanc et ses phalanges qui s’extirpent de mon emprise d’une violence doucereuse. Ça fait mal. L’impression qu’on vient d’m’enfoncer un scalpel dans la poitrine, qu’on trifouille dans mes organes. Virez le cœur, Docteur, j’en ai plus b’soin, il m’fait trop souffrir, vous comprenez. Il se casse, Seth. Encore une fois. Et mes doigts parviennent même pas à attraper son poignet au vol, stopper son envol, comme ralentis par trop de mélanges chimiques dans les veines. Il se barre, Seth, et mes rétines tentent même pas d’imprimer sa silhouette, sa gueule qui m’avait trop manqué. Non, j’peux pas regarder. J’suis pas foutu de regarder, gamin terrorisé par le film qui se déroule devant lui, prunelles cachées dans les paumes de mains. J’veux pas voir, j’suis trop lâche, j’veux pas voir les restes de notre mariage balancés au feu. Par moi. Seulement moi. J’veux pas voir les blessures qu’avaient mis tant de temps à s’recoudre se rouvrir et cracher du sang noirâtre, dégueulasse, à tacher les murs et le tapis. J’veux pas voir la disparition finale, l’ultime tour de passe-passe, il entre dans la boîte et, abracadabra, il disparaît à jamais. Le fracas d’la porte me fait m’recroqueviller un peu plus sur moi-même, les bras ramenés contre moi comme un rempart, comme pour prétendre qu’il est encore là pour me serrer contre lui. Mais y’a d’autres bruits. Bruit sourd, d’un truc qui s’écrase contre le mur. Un cri presque inhumain, un hoquet de nausée. Rien qui sort. Rien d’plus qu’une respiration trop lourde, trop dense. « Seth », j’murmure, les mains retombées sur le couvre-lit, regard rivé sur la porte de la salle de bains grande ouverte. J’le vois pas, mais j’sais qu’il est là, derrière la cloison en carton-pâte qui sépare les deux pièces. Y’a comme un soupir de soulagement qui s’échappe de mes lèvres, tandis que j’essuie mes joues maculées de larmes du revers de la main, trop d’espoir alors que j’fixe toujours le lavabo blanc hosto qui me fait face. Il est pas parti. Respire. Il est encore là. Y’a un long silence, où j’entends seulement sa respiration et mon cœur qui bat à toute allure, dose d’espoir quasi létale. Je gratte le sparadrap collé sur la perf du bout de l’ongle, hésite à l’arracher à nouveau pour le rejoindre, mais j’décide d’attendre sagement dans le lit. D’lui laisser le temps. Loin d’moi. Parce que j’ai peur qu’il me repousse si j’y vais. Parce que j’ai peur quand il rit comme ça. Parce que j’me dis qu’il aurait dû partir direct. Parce que j’me dis aussi qu’je devrais pas être aussi heureux d’lui pourrir la vie comme ça. J’suis qu’un putain de fardeau, mais y’a des sourires, entre tristesse et espérance, qui s’faufilent dans la faille, à travers les larmes, ombres fugitives sur ma bouche.

J’suis pas vraiment c’qui s’passe, quand il revient vers moi, l’impression d’vivre tout ça très loin d’moi-même, pas dans mon corps. Pourtant j’me vois glisser un bras autour de sa taille et me blottir contre lui, pourtant j’sens mes doigts qui s’resserrent trop fort autour des siens lorsqu’il me laisse de nouveau tenir sa main. J’me fais pas prier, non, parce qu’il a dit viens là, parce qu’il a dit approche, parce qu’il a dit babe, et qu’j’ai pas perçu d’la rancœur ou de la haine dans ses mots. Y’a un léger rire qui m’échappe, nostalgique, mélancolique, à repenser à la vieille Anderson qui m’engueulait à chaque faute d’orthographe et qu’avait failli faire un infar le jour où on avait lu Shakespeare en classe et qu’j’avais lancé à la cantonade mais putain on comprend rien à c’qu’ils disent. A mon coach que j’admirais beaucoup trop malgré sa multitude de défauts, en particulier son penchant grave malsain pour les jeunes filles en jupes courtes. Et à Emilia, la pauvre gamine qui rêvait que j’l’emmène au bal de promo, d’après toutes ses copines, qu’avait pas capté c’qui s’passait quand j’l’avais plaquée l’année d’avant et espérait encore qu’on s’remette ensemble pour une fin digne de Grease. J’me d’mande si elle a compris, quand j’me suis fait la malle avec Seth. « T’as raison, c’est débile. J’suis désolé. » Y’a ma voix qui se brise, vers la fin, les trois syllabes mal articulées, qui se perdent dans un sanglot. « J’suis tellement désolé. » Et j’me mets à pleurer comme un con, le corps agité d’soubresauts, à me coller à lui pour étouffer mon pathétisme alors que j’viens d’réaliser pleinement c’que j’ai fait. Rechute. Rechute dans les abysses, dans les enfers. Là où il n’est plus là. Les minutes qui s’écoulent sont interminables, mais j’prends le temps, moi aussi, d’me calmer, tant pis si j’trempe ses vêtements à force de chialer. Et quand j’me sens capable de causer à nouveau, je m’écarte doucement de lui, à peine, juste assez pour relever la tête et l’embrasser à pleine bouche. J’reprends mon souffle contre ses lèvres, les yeux qui s’paument quelque part dans les siens. « J’ai cru. J’ai cru qu’j’allais t’perdre pour de bon. Pourquoi tu. Merci d’être resté. » Merci d’me laisser rester encore un peu contre ton corps, contre ta peau. Tout contre toi, j’y survivrai.
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MessageSujet: Re: broken happy ever afters (soad)   broken happy ever afters (soad) EmptyMer 30 Mai - 0:08

Il est là. Ils sont là. Il est resté, mais il ne se passe pas grand-chose. C’est bizarre cette attente qu’ont les gens; qu’un choix important change leur vie, et ce instantanément. Que s’faire dépuceler fera d’eux un vrai homme, une vraie femme. Que s’faire un tatouage lourd de sens va t’aider à changer ta vie. Pas du tout au tout, mais au moins un peu. Assez. Juste assez pour le sentir. Plus que cinq minutes, vingt-quatre heures ou au mieux deux semaines. Il y avait cru, Seth. Il y avait cru avant de partir de Boston. Il avait cru qu’il irait mieux. Et il y a cru longtemps, des semaines, des mois. Jusqu’à c’qu’il oublie. D’espérer. Mais non, ça a pas tant changé que ça. Pas en bien en tout cas. Rien ne s’est amélioré. Mais il a continué d’y croire. Comme quand il a accepté le retour de Toad dans sa vie, quand c’était lui, allongé sur un lit d'hôpital, le flanc ouvert. Il a encore la cicatrice. Et après, ce jour dans l’église de son mari, où pour la première fois de sa vie il s’est confessé. Mais pas à Dieu. Il a cru qu’il pourrait laisser sa crasse derrière lui et recommencer, ou reprendre là où ils en étaient restés. Maintenant aussi, il y croit. Désespérément. Même si ça change pas, ou si peu, doucement, trop lentement, assez pour que la vase du passé entaché ce futur immaculé. Et utopique. Mais ça change. C’est infime. Insuffisant pour l’humain, coincé dans l’instantané. Avec une vision très précise du passée. Avec un espoir désespéré dans l’futur.

C’est pour ça qu’il est là. Qu’il serre un peu plus son mari contre lui quand il s’effondre. Que ses doigts glissent sur ses joues pour effacer les larmes qui roulent sur ses joues. Ça va aller. Il est resté cette fois, alors ça va aller. Tout va bien se passer. Il a la foi, Seth. Trop pour un non-croyant. Trop pour son propre bien peut-être. Peut-être que rien va aller bien, qu’il va encore se casser la gueule lamentablement. Se détruire un peu plus. C’est un vrai poison, l’espoir. « Ça va aller. » qu’il murmure dans le creux de l’oreille de Toad. Pour lui, pour eux deux, pour s’donner un peu de courage. Du poison directement dans les veines par intraveineuse.

Peut-être qu’il devrait pas rester.

Mais là, pendant quelques secondes, leurs bouches l’une contre l’autre, l’univers semble enfin en ordre. Même s’il va retrouver son chaos ordinaire dans peu de temps. « J’ai cru. J’ai cru qu’j’allais t’perdre pour de bon. Pourquoi tu. Merci d’être resté. » Oué. Lui aussi il y a cru. Un instant. Alors qu’il avait tenté de persuadé qu’il ne ferait pas deux fois la même erreur. De l’abandonné avec son héroïne. N’empêche qu’il y a pensé l’espace de quelques secondes. Peut-être une minute. Les vieilles ombres qui grandissent dans son crâne. Pourquoi tu. Est resté ? Y a des centaines de raisons. Ne pas refaire cette même erreur. Tu pars, ok mais tu fais quoi après ? Ils viennent de se retrouver, ça serait con, nan ? Parce que c’est l’enfer loin de lui. Il peut pas s’permettre de l’abandonner encore, de lui faire encore c’qu’il a osé lui faire une fois. Cette fois, ça ira, peut-être. Et l’gosse, Ezra, quand il va revenir, il va pas comprendre c’qu’il se passe. Mais s’il revient pas, qui va s’occuper de Toad. Il t’a manqué. Tu lui as manqué.

Il bouge plus Seth, perdu à énumérer toutes ses raisons de rester. Accrocher aux iris bleus de Toad, en sondant la moindre nuance, chaque ombre. Des centaines de raisons, peut-être plus. Mais au final y en a qu’une qui compte. « Je t’aime. »

Pourquoi il a attendu aussi longtemps ? Pourquoi a ne sors que maintenant ? Comme si c’était évident, alors qu’il sait très bien que ça ne l’était pas. Pour Toad qui n’avait aucun mal à le lui dire, à le lui écrire, et même à le rire. Et lui qui était pas foutu d’y répondre par autre chose que des sourires, des baisers et des cons de tu m’as manqué. C’est faux de dire qu’il le savait pas. Qu’il l’aimait toujours. Y avait jamais eu que lui. Mais il l’avait détesté aussi, parfois. Et c’était la dernière chose qu’il lui avait dit avant de l’abandonner. Il avait plus l’droit de lui dire. Il ne pouvait pas le lui redire après lui avoir craché ça à la tronche presque comme une insulte et disparaître, comme si c’était logique. Mais cette fois, il est resté. Alors peut-être que si, ça change tout.

« Je t’aime » qu’il répète parce que c’est devenu facile de le dire tout à coup. Et ça fait du bien. Le sang qui se réchauffe et la brume dans l’esprit qui s’adoucie. « alors j’partirai plus. » C’est doux amer comme promesse, trop plein de regrets et d’espérance. Mais ça va aller. « Cette fois on fera ça ensemble. J’t’aiderai… mais j’partirai plus. Promis. » Comme un gosse qui jure sur la tête de sa mère. Sauf que c’est la sienne qu’il met aux enchères. Croix de bois, croix de fer, si je mens, je vais en enfer. D’autant qu’il connait parfaitement la route maintenant.
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MessageSujet: Re: broken happy ever afters (soad)   broken happy ever afters (soad) EmptyDim 10 Juin - 18:42

J’ai perdu mon amour-propre au fond d’un ravin, j’ai plus d’estime pour ma carcasse, plus d’confiance en l’avenir, en mon cœur qui déconne, qui déraille. Tout ça s’est barré d’puis trop longtemps déjà, pas moyen d’les retrouver, comme y’a pas moyen d’retrouver un souvenir oublié, c’est trop flou, trop loin, trop déprimant ne serait-ce que d’penser à cette absence qui me ronge. J’imaginais qu’j’avais surmonté tout ça, j’imaginais qu’on reprendrait à notre âge d’or, recommencerait à zéro, l’amour naissant qui fait fredonner et sourire pour rien, l’amour naissant qui augure que du meilleur, jamais du pire, parce qu’on est trop bêtes pour le voir, pour prévoir. J’sais pas où tout ça est passé, envolé, disparition spontanée, j’avais tout, l’amour, une gloire adolescente, des ambitions pas si stupides, qui paraissaient à portée de mains, j’pouvais presque les frôler d’mes doigts. Ça suffisait. J’avais Seth, Seth que j’pouvais parfaitement intégrer dans ce tout malgré tout c’qui s’y opposait, mon père, mon statut d’superstar du lycée, mes notes qui dégringolaient et l’intolérance qui suinte de partout au Texas. Seth que j’avais supposé pouvoir disposer à ma guise, l’avoir où j’le voulais, quand j’le voulais, Seth qui avait sa place dans cet univers où j’serais devenu quelqu’un de bien meilleur que c’que ma famille m’avait prédestiné à devenir. Rêve américain un peu amélioré, superbe baraque en Californie avec un mari trop beau pour être vrai, deux gosses qui braillent et p’t’être même un chien, et surtout cette putain de clôture blanche essentielle à tout foyer de l’Oncle Sam, l’étalage de richesses sans modestie, le basketball comme étendard. Fantasme décrépit, pourri jusqu’à la moelle, fantasme qui restera fantasme à tout jamais. Y’a cette pensée terrifiante qui m’fait suffoquer, celle que Seth devrait s’casser avant que j’redevienne celui qu’j’ai été, le monstre qui lui a arraché lambeau après lambeau de chair, le sang qui coule sur mes jointures et au creux d’mon coude, les mensonges qui d’viennent vérité absolue, empoisonnent l’air jusqu’à l’asphyxie. Les mensonges qui le crèvent. L’héroïne qui me sauve. Moi, pas lui.

Toujours pareil. Comme besoin de rejouer la scène de l’hôpital en inversé, celle que j’lui ai tellement reprochée, celle qui m’avait imposé d’faire un choix. L’futur tout tracé, l’université prisée, le sport pour seule vertu, le fric plein les poches, ou lui. L’amertume qui s’était glissée dans mes veines au fil des années. Foutu accident d’moto. Foutu Seth. Qui osait vouloir me quitter alors qu’il m’avait condamné à être c’que j’étais. Inconscient de l’injustice de mes griefs. Inconscient que c’jour-là, j’avais pas vraiment fait un choix. Qu’y’a pas d’choix à faire dans ces cas-là. Que c’est évident, qu’on réfléchit pas. Qu’j’avais pas réfléchi, parce que l’essentiel, c’était Seth, que si y’avait la fin du monde, qu’l’apocalypse se décidait enfin à s’abattre sur Terre, c’est avec Seth, que j’voudrais être, pas avec les Lakers. Y’a personne qui m’serre dans ses bras comme Seth peut le faire, y’a personne qui sèche mes larmes comme lui le fait, y’a personne qui murmure à mon oreille d’une manière qui coule autant de source, comme autant de réflexes inconscients qui ont toujours été là entre nous, l’amour trop dévorant qui transpire par tous les pores, la jalousie qui s’infiltre, aussi, qui se fait féroce, parce que ça fait trop peur de perdre c’qui t’permet d’respirer, c’qui t’retient à la vie, au réel avec tant d’ardeur. Ça fait trop peur l’idée qu’ce soit qu’un mirage, qu’il soit pas là, Seth, qu’il soit pas revenu dans ma vie, dans mes bras, qu’il soit rien d’autre qu’une pensée réconfortante, une illusion due à la drogue.

Je t’aime.

Yeux dans les yeux, l’azur d’mes iris couleur de ciel paumé dans le noir d’son regard nuit. Je t’aime, il répète, comme s’il fallait le dire deux fois, comme pour fermer la parenthèse, mais mon cœur qui s’emballe deux fois plus, un sursaut de sourire, le souvenir d’une douleur enfouie, du jour où il était parti, et puis un vrai sourire, de ceux qui dégoulinent de bonheur. Parce qu’il est pas parti. Parce que c’est pas une illusion, pas un mirage, pas une putain d’pensée réconfortante. C’est lui, et il est pas parti. C’est lui, et il est là. Et qu’il partira pas. Promesse du bout des lèvres, belle promesse, mais j’ai envie d’y croire, alors du bout des lèvres, les yeux fermés, j’l’embrasse encore, son front, ses paupières, le bout d’son nez, ses joues, sa bouche, à pas pouvoir m’empêcher d’sourire, comme si chacun d’mes muscles, d’mes organes, d’mes atomes s’étaient tout à coup emplis d’une joie nouvelle, d’une joie salvatrice, dans laquelle on se love et on se vautre, dans laquelle on oublie tout, la joie stupide de dire je t’aime et d’avoir quelqu’un qui le dit en retour, comme un fragment de passé qu’on croyait à jamais perdu revenu brusquement titiller le présent. Lui, dans son lit d’hôpital, quand j’lui avais dit je t’aime pour la première fois, les mots que j’pensais jamais dire, à personne, certainement pas à un mec, certainement pas à dix-sept ans à peine. J’m’étais senti plus fort que jamais, j’m’étais senti invincible, confiant dans l’avenir, j’savais qu’jamais rien pourrait nous séparer. Jamais rien. J’pensais pas, j’savais. C’était viscéral, une évidence qui allait de soi, mon instinct de survie me liait à lui, seulement lui, à tout jamais. « Tu m’aimes. » Léger soupir, apaisé. J’me déteste. Mais tu m’aimes. Alors ça va aller. « Je t’aime. » Rien qu’un souffle dans son cou, à couvrir sa peau de baisers sans même m’en rendre compte, les mains qui s’faufilent sous son tee-shirt, qui s’défont de la perf à l’instant où j’remarque que ça entrave mes mouvements, redessinent les contours de ses côtes. Le petit rire débile qui m’échappe en me rappelant nos séances d’études au lycée – principalement moi qui devais rattraper dix ans de glande absolue sur les bancs de l’école et Seth qu’était assez généreux pour m’aider. Combien d’paires de côtes, Toad ? – Mais comment j’peux savoir si tu m’laisses pas compter ? « Douze paires. Tu vois ? J’m’en serais pas souvenu si tu m’avais pas laissé compter. » J’m’empare à nouveau de sa bouche, tente de retrouver les sensations qui m’ont hanté tant de fois, de ses lèvres, de sa langue, de son corps, les encrer sur ma peau pour ne plus jamais les perdre, les oublier. Y’a six ans à combler, six ans qu’on a pas pu rattraper dans les quelques semaines de répit entre ses confessions et la disparition d’Ezra. Ezra. Y pense pas. J’veux pas. Il va revenir. Comme Seth. « Tu crois qu’ils vont v’nir parce que j’ai arraché ma perf ? Genre ils ont un p'tit émetteur pour le savoir ? » Peut-être que j’plane encore. Peut-être que j’suis juste con. Peut-être que ça m’aide juste à pas toucher le fond.
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MessageSujet: Re: broken happy ever afters (soad)   broken happy ever afters (soad) EmptyJeu 21 Juin - 9:21

Tu l’aimes, il t’aime. Y a son visage qui s’illumine d’un coup. Ce vieux bonheur que t’avais pas vu depuis longtemps sur sa vieille tête de redneck. Celui qui t’rend bêtement heureux tout à coup. Celui qu’il affichait quand il jouait au basket. Celui que t’as espéré provoquer chez lui, depuis les gradins. Celui pour lequel tu donnes ton âme. Celui qui fait qu’tu peux pas lui en vouloir, de quoi que ce soit. Celui qui te fait tout oublier. Jusqu’au lit d'hôpital dans lequel vous êtes étendus, ou la perf dans son bras qui remplace l’aiguille d’héroïne. Y a tout ce bonheur sur son visage, et tu oublies tout. Sauf un truc. « Tu piques putain. » Mais ta protestation se perd dans un rire, et tu fais à peine mine de le repousser. T’es cuit. Il est heureux, alors t’es foutu. Personne n’a jamais eu autant eu la peine possession d’ton être. Ni Kizuki, Ni Ivy, ni personne. Au fond la seule raison pour laquelle t’as pu partir à l’époque, c’est parce que plus rien n’allait, surtout pas lui et qu’tu pouvais plus rien y faire. Et que ce n’était pas supportable, peu importe ton propre état. Mais là, maintenant, tout de suite, ses sourires, la lumière dans ses yeux et sa joie, t’es même pas capable de repousser la barbe qui t’irrite la peau. Alors tu donnes. Ta bouche, tes lèvres, ta langue, ton corps, ta peau. Et tes côtes, oué. Et tu souris et tu ris comme un con. Il te rend vraiment stupide ce mec. Mais tu l’aimes, bordel. Tellement.

Alors, là, tu te dis pas que tout va encore se casser la gueule. Pas tout de suite, non. Demain non plus. Peut-être après-demain. Y a un répit qui vous est accordé. Mais pas trop longtemps, sinon ce n’serait pas drôle. Même si ça fait rire personne. Non, là, t’as 17 ans, et il s’est jamais rien passé. Il est heureux et toi aussi. Alors vous avez repris là où tout allait encore bien. Vous avez 17 ans, et vous êtes planqués sous les gradins, collés-serrés à l’arrière de sa bagnole, réfugiés dans ta piaule, un bouquin dans tes mains, et ses mains qui t’agacent quand t’essayes de l’faire bosser. Pas foutues de se concentrer, comme leur proprio. Et ses sourires qui t’ont toujours fait baisser les armes. T’étais un très mauvais prof au final. Trop facilement corruptible. Tu l’es encore, t’as à peine froncé les sourcils en l’apercevant du coin de l’œil ôter sa perfusion. T’as préféré glisser tes doigts dans ses cheveux, les glisser à l’arrière de son crâne, pour appuyer vos baisers. Tu préfères laisser ton épiderme frémir sous son toucher. T’es faible.

Et t’oublies. Lui aussi. Ce qu’il vient de se passer, alors que vous devriez en parler. C’est votre truc, tout planquer sous le tapis. Parce que vous préférez juste être heureux, bêtement et désespérément, jusqu’à ce que ce soit impossible. Vous transformer les coups en caresses, les cris en soupirs et les insultes en « je t’aime ». Et tout ce que vous devriez vous en autant de baisers qui scellent vos lèvres.


« Je crois pas, nan. » Tu retiens un rire. Y a que Toad pour imaginer ce genre de truc le temps de quelques secondes. « Par contre Anca doit encore être inquiète vu ma tronche quand j’suis arrivé. » Tu dis ça sur un ton joyeux, comme si c'était rien, ou juste une blague de plus, le sourire aux lèvres. T'as oublié, oué. Mais tu te soucis assez de ta petite infirmière pour te dire que ce serait peut-être sympathique de lui envoyer un sms rassurant. Tu détaches une main de la peau encrée de Toad pour tirer ton téléphone de ta poche. Et tu te figes. Le sms d’Asher toujours figé sur l'écran, les mots pour vous rappeler ce qu'il s'est passé. Brusque retour à la réalité. A celle de l’héro, et celle d’Asher. Tu sais pas combien de temps tu restes là, le bras en l’air à fixer l’écran. Et puis tu fermes maladroitement la convo, y a fallu que tu t’y reprennes à deux fois. Tu récupères ton autre main, aussi. La retire de l’épiderme de Toad. Parce que c’est plus facile d’écrire un sms à deux mains, hein. Ou juste parce que. Nan. Peu importe. Tu remarques même pas ton silence et ta mâchoire crispée, comme si tu t’étais déjà résigné à vivre comme ça. Tu fais défiler rapidement les conversations sur l’écran, pour trouver celle avec l’infirmière. Tout va bien. Merci. Et tu repenses au texto du flic. Hey, je voulais juste te dire que ton mari est à l'hôpital. Je l'ai trouvé et j'ai appelé les secours. Surdose d'héro, rien de trop grave, il est réveillé. Tu devrais aller le voir. A plus. Tout va bien. Merci. Y a pas un truc qui cloche, Seth. C’est à la petite Anca que tu mens, comme d’hab., dans c’but vain que t’as de la protéger ? Ou c’est à toi-même ? Comme d’hab’ aussi. Tu dis toujours rien, tu retournes sur la conversation avec le flic. Merci.

Et puis tu soupires. Longtemps. T’avais peut-être arrêté de respirer, tu sais pas. Tu laisses tomber le téléphone sur les draps blancs et replonge finalement tes yeux dans ceux de ton mari, là à côté de toi. Qui n’a pas dû manquer une miette de cet échange sordide entre son ex et toi, ni les derniers sms que vous vous étiez envoyé avant… Avant. Avant que vous n’appreniez que vous étiez reliés par autre chose que ton fight club et une profonde amitié. Dont les miettes devaient encore salir la dalle de béton du sous-sol.

« Tu sais, babe, j’peux m’battre contre l’héro mais… mais j’crois pas que j’peux m’battre contre lui. J’veux dire. Disons que c’genre de truc j’préférerai pas l’apprendre après lui. Encore moins par lui. »
J’préférerai que t’arrêtes de le voir. J’préférerai que tu ne lui parles plus, même de la putain de météo. J’préférerai qu’il t'appelle plus, que tu l’appelles plus, pas de sms non plus, suppression dans vos répertoires respectifs. J’préférerai que t'arrêtes de penser à lui, suppression dans notre vie. Mais tu lui demande pas. Parce que tu veux pas t’battre contre Asher. Y a une bête au fond d’ton crâne qui t’dit que si t’as “gagné”, c’est juste par forfait.

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MessageSujet: Re: broken happy ever afters (soad)   broken happy ever afters (soad) EmptyVen 29 Juin - 19:32

Ouais je pique. Ça fait un peu trop d’jours que j’me dis que j’ai pas besoin de m’raser. La dernière fois qu’je l’ai fait j’me suis coupé, j’ai arrêté en plein milieu, j’me suis mis à chialer devant le miroir. Pas à cause de la coupure. A cause de tout le reste. Finalement j’ai décidé qu’mon look négligé ne choquerait personne davantage que mon look normal. Avec ou sans barbe de cinq jours, j’ai toujours la même allure de redneck camé. Mais bon, pour Seth, j’ferai un effort, j’me raserai de près, tout pour qu’il rie encore, sourie encore, m’embrasse plus fort. C’est presque comme s’il entendait mes pensées, quand j’sens sa main dans mes cheveux, rapproche encore nos bouches même si j’croyais pas ça possible. Il dit rien pour la perf, j’sais qu’il devrait, mais c’qu’il dit pas a plus aucune importance. Je t’aime, je t’aime, je t’aime, ritournelle divine qui s’étale dans tous les recoins, sur sa peau, ma peau, ses mains, mes mains, nos lèvres scellées en autant de baisers. Il l’a dit. Et j’suis aussi heureux qu’la première fois, et j’oublie pendant trop longtemps pourquoi. Pourquoi j’suis là, pourquoi il est là, dans un lit d’hosto avec moi. Ça revient seulement lorsqu’il s’écarte pour parler. Anca. Je ne sais pas qui est Anca, j’suppose qu’elle travaille à l’hosto. Je grogne doucement, frustré qu’il éloigne ses mains, sourcils froncés en le regardant extraire son téléphone de son pantalon puis fixer l’écran longuement, comme s’il venait d’apercevoir un fantôme. Je souffle dans son cou, me colle de nouveau contre lui en attaquant son épaule de baisers à travers le tissu. J’essaye d’attirer son attention. J’essaye de pas remarquer que ses muscles se sont soudain tendus, crispés sous mes doigts, qu’le calme de la tempête vient brusquement d’s’abattre sur la chambre. Je me fige. Ecoute nos respirations mêlées, muet jusqu’à c’qu’il reprenne vie. Je soupire, apaisé, tandis qu’il tape sur son clavier de ses deux mains, jette un œil aux textos qu’il envoie, fait de mon mieux pour pas montrer que j’viens d’lire le nom d’Asher sur le petit écran. C’est idiot, bien sûr, qu’il y a le nom d’Asher, c’est lui qui m’a balancé. Seth serait pas là si ce n’est à cause d’Asher. Peut-être que j’devrais le remercier aussi. Mais j’ai pas envie d’y penser.

Seth se retourne à nouveau vers moi, les yeux dans les yeux et j’sens mon cœur qui me fait faux bond. Nausée. J’devrais peut-être courir à la salle de bain, en faire mon refuge temporaire jusqu’à c’que j’ne veuille plus fuir la réalité trop crue, trop brute. J’pensais vraiment qu’il allait m’laisser lui sauter dessus comme au bon vieux temps ? Comme à chaque fois que j’voulais pas en causer et qu’j’invoquais le lit conjugal comme solution absolue aux problèmes de couple ? Faut croire que l’sexe résout pas tout. Faut croit que Seth est pas partant non plus, ou alors il a pas capté les signaux. « J’te déshabillais pas juste pour te déshabiller, tu sais ? » J’regrette instantanément mes paroles, mes paupières qui s’ferment comme pour pas voir sa réaction, affligé d’mon comportement de connard. J’veux pas en parler. De tout ça. D’Asher, surtout. Qui s’est barré de l’hôpital en m’laissant seul face à mon mari. Qui était en colère. Qui avait de quoi l’être. D’Asher que j’reverrai peut-être jamais. Ou que j’reverrai. J’sais pas c’qui est pire. J’sais c’qui serait pire pour Seth. J’ai même pas besoin d’être doué pour le déchiffrer, ça s’traduit dans sa voix, dans son regard, j’sais trop bien c’que c’est et j’peux pas le blâmer pour ça. J’ai battu le record pour la jalousie mal placée, et celle-là est plus que légitime. Mais j’peux pas lui promettre ça. « Désolé. » J’suis nul, minable, je sais. C’est pas un désolé qui va aider, qui va changer la donne. « On parlait d’Ezra et. J’sais pas, j’me suis piqué à c’moment-là alors j’lui ai dit. J’sais pas pourquoi. J’voulais pas qu’tu l’saches. J’voulais pas t’faire du mal encore. J’suis désolé. J’sais qu’ça t’fait du mal de m’voir comme ça. J’l’ai toujours su. » Et pourtant j’ai jamais rien fait pour arrêter de t’faire du mal. Peut-être qu’on change jamais. Peut-être que tu devrais m’laisser, Seth. « Mais me laisse pas », j’me réponds à moi-même, murmure à la con, la voix étranglée par les larmes qui ont décidé d'revenir en même temps qu'mes vieilles angoisses. « Me laisse pas s'te plaît. »
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MessageSujet: Re: broken happy ever afters (soad)   broken happy ever afters (soad) EmptySam 30 Juin - 0:32

T’aimes pas ça putain. Voir ce genre d’expression sur son visage. S’il vous plait on peut reprendre, cinq minutes plus tôt? Tu laisses le téléphone tranquille, tu fermes ta gueule et t’enlèves ton t-shirt. C’était pas mal comme plan en fait. Il aurait continué de sourire. Toi aussi. Moins peut-être, mais c’est pas grave ça. C’est pas bien grave c’qui peut t’arriver. Sérieusement ouais, on revient cinq minutes en avant et on recommence. Ça serait sympa. Mais nan, t’as parlé d’lui, c’est trop tard. Et t’as déjà les remords qui viennent te mordiller les chevilles. Tant pis si t’as raison de l’faire. Techniquement. Tu lui fais perdre son sourire. Tu le replonges la tête dans votre merde à peine une bouffée d’oxygène dans ses poumons. Tu l’fais chialer. Tu t’en veux, forcément. Ça te fout en rogne, forcément. Pas contre lui, contre toi-même. Toi qui lui fait du mal tout de suite, toi qui lui fait du mal juste parce que lui veut pas t’en faire. Entre ses paroles et leur tremblement, ouais, ça réveille la colère à ton égard. Et ça devient une très mauvaise habitude. « J’pars pas putain. » que tu grognes. Un peu trop abrupt. T’as jamais été très délicat, ces dernières années t’ont pas arrangé loin de là. Tu réprimes un nouveau juron à ton encontre. Crétin. C’est pas en lui gueulant dessus que ça va aller mieux. Tu passes à nouveau tes bras autour de lui, t’es là, tu restes, tu bougeras que quand on viendra te tirer par la peau du cul pour te foutre dehors. Et encore. C’est pas sûr. Tu le gardes contre toi, la tête calée dans ton cou, près de c’tatouage libéré de son maquillage depuis quelques mois maintenant, tes doigts qu’ont retrouvés leur place dans ses mèches blondes. Tous ces trucs physiques qu’ont naturellement retrouvés leur court entre vous, mais le reste qui suit pas derrière. « J’pars pas babe. Calme-toi. » Toi aussi, tu te calmes. Tu diminues le son de ta voix. Tu soupires et le serres un peu plus fort contre toi. Ça va aller. Maxime absurde qui tourne dans ta tête, mais qui s’avère efficace pour toi et tes nerfs. « J’dis juste qu’il faut qu’tu m’parles. Ok ? J’veux juste que tu m’parles. »

Fais c’que j’dis mais pas c’que j’fais, hein. Ça te vient pas à l’idée de te remettre en cause toi-même. Toi et tes silences, tout c’que tu lui dis pas pour pas le blesser, pour pas te blesser, ou parce que tu t’en estimes pas le droit. Ça te vient pas à l’esprit non plus qu’il puisse raisonner de la même façon que toi. Qu’il s’tait pour t’épargner. Enfin si, un peu, il vient d’te l’dire en plus. Mais tu t’en fous, c’est toi. Tu t’en fous qu’tu souffres si lui va bien. Toi, ça a pas d’importance. Pour toi. Pas pour lui. Mais tu réfléchis pas si loin, et tu vois pas qu’c’est un cercle vicieux dans lequel vous évolué déjà depuis des semaines. Alors tu lui demandes de t’parler, il va te dire oui, et tu vas le croire. Quelque temps. Mais ça va pas changer. Rien n’va changer. Jusqu’à c’que tout s’casse la gueule à nouveau. Et peut-être qu’à ce moment-là, ce sera trop tard. Mais non, tu réfléchis pas jusque-là.

Non là tu t’en veux, et tu cherches juste un moyen pour réparer la porcelaine que tu viens de foutre par terre. Même si ça revient à coller un coup de peinture sur des murs pourris imbibés de flotte et d’amiante. « J’suis désolé. Promis on en parle plus aujourd’hui ok ? On fait c’que tu veux maintenant. Tu veux pioncer ? j’reste si tu veux. Faut qu’tu te reposes. » Ça sort un peu dans tous les sens de ta bouche. Dans un effort maladroit et un peu tardif pour calmer le bordel que t’as créé tout seul comme une grand. Ça n’empêche que ce soit vrai, sincère, comme les baisers que tu déposes à ton tour sur ses paupières, ses joues et ses lèvres. « Faut juste que t’ailles mieux, ok... Tu ferais bien de te mettre en forme, parce j'ai besoin d'un homme et mon cœur t'a choisi. Tu ferais bien de te préparer. Tu ferais bien de comprendre que je dois être fidèle à mon cœur. » Tu t’fais violence, Seth. C’est vraiment pas facile, hein. Mais c’est pour la bonne cause, et t’es sûr qu’en citant Newton-John t’arracheras au moins un sourire à ton mari. Tu surprends même en chantonner sur la fin, mais tu t’calmes direct. Faut pas pousser le bouchon trop loin non plus, hein. En tout cas toi, ça t’fait marrer même si tu t’mors les jours pour essayer de n’pas rire et qu’tu fais mine de regarder par la fenêtre comme s’il s’était rien passé. Rien du tout. Chut. Secret médical. Rien de c’qui s’est passé dans cette chambre n’en sortira. Enfin tu l’espères. T’as une réputation quand même.

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MessageSujet: Re: broken happy ever afters (soad)   broken happy ever afters (soad) EmptyMer 4 Juil - 14:36

Il part pas, il part pas, j’arrête pas d’le répéter dans ma tête comme si ça pouvait atténuer le traumatisme, trop de souvenirs qui me reviennent, rongent le peu de logique dont j’arrive à faire preuve là tout de suite. Il part pas, il va pas me dire je t’aime et claquer la porte derrière lui, j’vais pas lui courir après en boxer pour rien, voir le bus disparaître au coin de la rue, submergé par un raz-de-marée d’impuissance, la conviction qu’il va revenir qui s’élimera avec le temps. Il part pas, et j’essaye de pas faire attention au ton un peu exaspéré de sa voix, d’empêcher mes sanglots de redoubler d’ardeur pour pas l’accabler d’mon pathétisme avéré. Il a l’air de l’remarquer, pourtant, parce qu’il m’entoure de nouveau de ses bras, adoucit ses paroles d’un babe pour me calmer et je soupire contre lui, paumé et fatigué. J’ai l’impression qu’la torpeur prodiguée par l’héroïne repointe le bout de son nez, j’ai l’impression que j’voudrais qu’elle parte jamais, elle non plus, et je ferme les yeux, souffle un « ok » dans son cou, même si ça ne veut rien dire, même lui comme moi savons que j’ai jamais été foutu de tenir une promesse, et encore moins d’parler de mes problèmes d’addiction à mon mari. Peut-être que ça s’est amélioré, quelque part, parce qu’avant j’me braquais, je gueulais que j’avais pas d’problèmes et j’me barrais pour aller m’piquer loin d’lui, là où il pourrait rien dire, où il pourrait seulement m’attendre à la maison en espérant que j’revienne un jour. Maintenant, j’dis rien, mais j’sais bien que ça va pas, j’me voile plus la face comme alors. Pourtant, c’est difficile de lui en parler, parce que j’l’ai tellement fait souffrir avec ça, pendant toutes ces années, j’ai pas envie de recommencer, j’sais pas comment aborder les choses, comment lui expliquer sans lui faire du mal. Rien qu’de m’être planté une seringue dans l’bras, ça lui a fait du mal, et j’sens que des excuses bredouillées et des justifications qui n’en sont pas ne feraient que retourner le couteau dans la plaie. J’veux pas lui faire ça.

J’sens le poids de la fatigue qui m’engloutit peu à peu, les paupières lourdes et les membres engourdis. Ouais, il a raison, j’suis crevé, j’devrais pas m’agiter, péter des cases comme j’l’ai fait après le départ d’Asher, j’devrais juste accepter que j’fais toujours tout de travers et qu’c’est pas aujourd’hui que j’vais pouvoir tout régler. J’en ai pas la force. J’suis pas capable de repousser Seth, pas foutu de lui dire qu’il ferait mieux de partir avant qu’ce soit trop tard, comme la dernière fois. J’veux seulement sentir ses baisers sur ma peau, ses bras autour de moi, son cœur qui bat près du mien. Rien d’autre. J’souris sous les larmes qui viennent à peine de cesser de couler, un rire minuscule s’échappe de ma gorge. « T’es con. » J’ai rouvert les yeux pour le regarder droit dans les siens. Sourire en coin. « Et tu chantes toujours aussi mal. » Je lui tire la langue, moqueur, avant d’me rapprocher de lui pour l’embrasser encore. « Mais t’es quand même celui que j’veux. » J’soupire doucement, comme apaisé, en me blottissant contre lui, les yeux clos et la tête bien calé contre son épaule. « J’suis mort, ouais. Mais reste, j’veux dormir dans tes bras. Ça m’a toujours aidé à dormir. Ça m’aidera toujours. » Et c’est la seule promesse que j’puisse faire.
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