Le maitre de conférences rentra dans l’amphithéâtre et les élèves se bousculaient pour s’installer, sortir leurs feuilles et leurs ordinateurs dans le seul but de boire les paroles de leur enseignant. Monsieur David, était l’un des plus brillants des professeurs de la faculté de psychologie de Tel-Aviv. Ses amphis étaient les plus remplis et les plus silencieux. Doté d’une autorité naturelle et d’un charisme sans borne, il parvenait à canaliser les plus turbulents, et Dieu sait comme cela peut être dur lorsqu’on a plus de 200 étudiants en face de soi. Le cours de la journée portait sur les troubles maniaco-dépressifs ou troubles bipolaires. Ces troubles psychologiques ne touchent qu’une infime partie de la population mondiale, mais nous aurions certainement l’occasion d’en croiser si nous devenions praticien selon Monsieur David. Il nous en expliqua les causes, que je connaissais déjà, parce que je me suis renseigné sur la question vers mes 10 ans. Pas vraiment une préoccupation d’un gosse de 10 ans, je vous l’accorde. Juste les stigmates du trauma. Antécédents familiaux, problème professionnel, financier, juridique, difficultés conjugales, relationnelles, situation de harcèlement, surmenage, affection médicale d’un proche, agression, avortement, deuil, guerre, déménagement, isolement, arrêt ou début d’une activité…, des causes aussi diverses que le type de patients que nous rencontrerions au fils de notre vie professionnelle – ou de notre vie privée… J’avais été épargné, sûrement le gêne El Kassem. Pour Meora, c’était une autre histoire. Elle n’avait pratiquement pas connu maman mais avait hérité des troubles bipolaires, qui nous l’avaient enlevé. C’est moi qui m’en suis rendu compte. Papa travaillait trop. C’est encore moi qui lui en ai parlé. Comme ce fameux vendredi de shabbat qui m’a tant traumatisé. Pendant longtemps j’ai abandonné shabbat, puis la religion. Le judaïsme me ramenait sans cesse à cette fin d’après-midi où j’ai retrouvé maman morte, au milieu du salon. Je retourne de temps en temps à la synagogue, un peu comme une forme de thérapie, mais il m’a fallu du temps. J’étais complètement perdu dans mes pensées et décrochais pour la première fois de ma vie du cours de Monsieur David. Mon ami Ezra me donnerait son cours, tant pis… .