ça n’va pas. depuis combien de temps que rien ne va plus ? pente glissante. bord du précipice. chute libre. et pourtant, tu te bats. tu t’débats. tu donnes tout ce que t’as, même si c’est pas assez. c’est jamais assez. jusqu’à ce que tu trouves plus fort que toi. et c’est finalement arrivé, après tout ce temps passé à te penser au-dessus des gens. on t’a terrassée, que tu le veuilles ou non. que tu l’admettes ou non. pas parce que tu l’as cherchée. tout ça, c’est sa faute, sa faute uniquement. la faute de ce putain de trafic, de ce putain de frère. de ce que t’as toujours répété en boucle, encore et encore. ça finira par te tuer. et cette fois, c’est toi que c’est venu chercher. deux hommes, dangereux. une commande mal terminée. et la vengeance, plat même pas encore froid, pour prouver que ce sont pas des types avec qui on joue. pas des types de qui on peut se foutre. alors voilà, t’as payé le prix, même si t’as jamais rien voulu savoir des flingues qui disparaissaient sous les draps dans l’arrière sale du smoking dog. et te voilà, déroutée. la cicatrice d’une bouteille en verre rencontrant la côte. la bosse de l’os cassé sur le ventre pourtant plat, pas complètement réparé sous la rosace violacée du flanc. les entailles sur les mains, le visage. la joue gonflée, beurre-noir cachant à peine les hématomes. nora, poupée malmenée. nora, qui ne sait plus se défendre, plus de ses deux mains en tout cas. et ça te tue. ça creuse les entrailles, ça les tord dans tous les sens de pas être à la hauteur. ça te fait rester dans le noir sur le canapé de soan toute la journée, malgré ce qu’elle peut dire, malgré ce qu’elle peut protester. à te maudire. ou plutôt à maudire le reste du monde. déserter la casa familiale parce qu’ils ne comprendraient pas. parce que tu prédis déjà leurs réactions, et tu ne veux pas que ça arrive. alors tu les évites, misérable, en attendant que ça passe. pour que les hématomes s’estompent, sur le visage au moins. pour prétendre que tout va bien de nouveau. aujourd’hui t’en as marre, de rester sur le canapé. soan est partie en vadrouille et t’as refusée de l’accompagner parce que t’es cassée, que tu parviens pas à prendre d’inspiration sans que la côte brisée ne fasse des siennes. peut-être que tu devrais aller à l’hosto, nora, mais jamais personne de votre famille n’y a déjà fait un tour. même ta mère a accouché des quatre gamins sur la banquette arrière de la vieille bagnole du paternel, tout ça pour vous déserter ensuite. l’hosto, vous pouvez pas y aller. parce que y a pas d’assurance, y a pas de thunes pour payer les charges. y a que les quatre incapables, seulement bons à se foutre dans les embrouilles, à se rafistoler les uns et les autres. c’est à vous de tout faire, comme d’habitude. et cette fois n’échappe pas à la règle. ta revanche, c’est à toi qu’elle appartient, à toi et toi seule. ta défense, c’est toi qui la créé, parce que jamais, non jamais tu ne te retrouveras un jour de plus dans cette position. alors tu te lèves, quand ça frappe enfin à la porte. la nuit tombée, personne pour vous écouter. le seul sur lequel tu pouvais compter, avec une requête comme celle que tu lui a faite. le seul à qui t’acceptes de te dévoiler, sans risquer de le briser. néo. salut. c’est froid. las. tu le distingues à peine, dans l’obscurité. il est pas content, et ça tombe bien, toi non plus. tu le laisses rentrer, les yeux ne le croisant pas parce que tu sens les siens sur toi. détaillant ta silhouette. ton visage. et tu détestes. tu détestes tellement que tu regrettes de l’avoir appelé. c’est bien pour ça que tu ne l’as pas fait avant. t’as apporté ce que j’ai demandé ? tout de suite, le business. pas le temps pour les bienveillances, vous êtes pas de ce genre. t’essayes de prétendre qu’il n’a pas les yeux fixés sur toi, parce que ça t’agace, ça t’insupporte même. de tous les autres t’aurais pu l’accepter, de soan, de sil, tout le monde. mais pas eux, et pas toi. tu veux pas de leur regard peiné. coléreux. tu veux juste qu’il te donne le flingue que t’as demandé et qu’il s’en aille. prendre ta revanche bien méritée et advienne que pourra.