En rentrant du boulot, j’avais passé la majeure partie de la soirée avec Quinn. Et si c’était tendu, ou du moins encore compliqué en quelque sorte entre nous deux, c’était juste super doux, apaisant et trop et pas assez. Je crois que si l’on omet les doutes et les inquiétudes, j’ai jamais été aussi heureux. Ouais, du coup, dit comme ça, c’est pas hyper flagrant. Mais j’y peux rien moi si j’arrive pas à me défaire de cette appréhension et si je me pose beaucoup trop de questions. En même temps, si je le fais pas, qui le fera ? Et oui, il faut forcément que quelqu’un le fasse, parce que sinon ça partirait à vau-l’eau. Et ouais, je sais, cette expression fait méga vieux, mais je m’en fous. Qu’est-ce que je disais ? Ah oui, qu’il faut bien que je cherche à répondre à tout ça, parce que tout tourne encore et encore dans ma tête. Et le fait est qu’il y a beaucoup trop de choses à prendre en compte et de trucs auxquels faire gaffe. Et elle a beau dire, je suis pas certain qu’elle soit réellement consciente de tout ce que ça implique, ni de ce qu’elle peut réellement ressentir. Je doute pas qu’elle tienne à moi, c’est juste… Merde, je me prends la tête pour rien là non ? Mais tellement, ça en devient ridicule.

On a donc passé la soirée ensemble, on est même allés écouter un peu de musique ensemble, mais la foule,  ça reste compliqué pour elle. Ce que je fous là du coup ? Elle m’a foutu dehors. Sisi, littéralement. Parce que je voulais encore y rester et profiter de la musique et de l’ambiance. Et quand je lui ai dit non, elle m’a engueulé parce que je passais mes soirées avec elle au lieu de m’amuser. Et elle s’est énervée encore plus quand je lui ai dit que j’aimais les passer avec elle, en disant que j’avais pas à rester par pitié ou autre… N’importe quoi. Sauf que j’ai bien vu son mini sourire avant qu’elle ne s’énerve. Donc elle est contente, mais elle me fout dehors… Pourquoi ? Parce qu’elle veut être seule et qu’elle en a marre de m’avoir sur le dos ? C’est une possibilité. Parce qu’elle croit que je veux passer du temps seul ? C’est possible aussi. Après, elle était sans doute vraiment fatiguée, ça je veux bien le croire, elle a pas l’habitude de se coucher aussi tard. Et du coup oui, je veux bien croire qu’elle voulait pas se sentir coupable de me savoir rester à la maison alors que la fête bat encore son plein. Et en soi, vu que c’est à deux pas de chez nous, elle a pas foncièrement tort. Dans l’absolu, évidemment que je suis content d’être là. La musique est cool, l’ambiance est bonne, et c’est cool. Et oui, y a des jolies filles à qui je souris sans y penser, même si je les vois plus vraiment du coup.

Enfin bref ! Tout ça pour dire que ça se passait super bien jusque-là. Et si je sais pas exactement ce qu’il s’est passé, je vois bien que ça dérape. Non, l’explosion n’était sans doute pas prévue, ou il y en a plusieurs ?, on est d’accord. Pas plus que la panique créée chez tout le monde là en quelques secondes. Et je n’ai pas le temps de faire quoique ce soit que je me retrouve bousculé et que je me prends le coude d’un mec qui tente de s’échapper de la foule dans la gueule. Alors déjà, ça fait mal en soi. Mais en plus, je me retrouve à terre. Et autant le dire, quand les gens paniquent, c’est pas une bonne idée. Alors oui, bon, la plupart évitent quand même de me marcher dessus, mais il y en a quand même qui buttent contre moi. Quelle bande de connards, y en a pas un qui s’éloignerait ou m’aiderait à me relever. Okay, ils doivent pas voir beaucoup plus que moi, mais quand même ! Je me recroqueville, me protégeant la tête autant que possible, gueulant de temps à autre contre ses abrutis.
Et quand enfin, ça semble se calmer, un peu, je pousse de nouveau un cri en sentant carrément quelqu’un tomber sur moi. Ouais, et merde, comme il dit. Je grogne et lui lance un regard mauvais, ce qui vu le peu de visibilité doit pas être hyper concluant. Et c’est bien ma veine ça. Je soupire et me frotte la mâchoire. Elle va être ravie la miss, elle va pouvoir me soigner une nouvelle fois…

« Bougez pas. »

Parce que s’éloigner, c’est bien, le faire en s’appuyant sur moi, c’est moyen. Je parviens enfin à me redresser et je me rends compte que j’ai mal partout et que je suis bien amoché. J’ai mal à la cheville, parce qu’on a marché dessus, j’ai mal à la mâchoire, à cause du coup de coude, j’ai mal bah un peu partout, à cause des multiples coups de pieds. Je jure en me rendant compte que mon t-shirt est foutu. Et que j’ai plus qu’un peu mal, je boite. Super. Je me fais à nouveau bousculer, alors qu’une nouvelle vague de personne arrivent. Je les repousse sans trop de ménagement, commençant à sentir doucement, mais sûrement la colère monter.

« Le prochain qui me bouscule, je lui en colle une ! »

Bon, pas doucement, je suis déjà sacrément en rogne. J’inspire lentement et me penche vers l’autre, une fois sûr qu’y a plus personne pour le moment.

« Non, j’ai mal partout, je vais avoir des bleus et des bosses partout, je dois avoir une sale gueule écorché, mais je suis pas aveuglé… » J’attrape son bras et le tire vers moi. « Fait chier. »

Je tiens son bras et regarde autour de nous pour essayer de trouver un coin un peu à l’écart, avec un peu de lumière si possible, sursautant malgré moi alors que d’autres pétards explosent non loin. Ouais, on a s’éloigner après hein… Je sais, il y est pour rien, et visiblement, il est plus mal en point que moi. Enfin, peut-être pas, mais bon, au moins, moi, je vois.

« Vous voyez plus rien ? Il s’est passé quoi ?...»

Je fronce les sourcils en regarde la foule qui continue de s’agiter dans tous les sens. Ils pouvaient pas juste faire en sorte de passer une bonne soirée et de laisser les autres tranquilles ?

« Il faudrait s’éloigner après, y a encore trop de monde… Mais je peux regarder si vous voulez, même si j’ai pas de matériel sur moi… »

Je lui jette un coup d’œil et grimace en passant ma main sur ma joue. Ouais, super soirée… Enfin, heureusement, Quinn était pas là, c’est toujours ça de pris…

Ça aurait pas dû se passer comme ça. Ça avait bien commencé pourtant. Une balade avec Quinn, de la musique partout, plus ou moins bonne, de la bière et des jolies filles à regarder, que demander de plus ? Ouais, je sais. Je suis pas censé, plus censé regarder les autres filles. Et en vérité, je les regarde sans vraiment les voir. Contrairement à avant oui, donc y a du mieux déjà. Mais forcément, ça ne pouvait pas durer, fallait que ça merde. Et la première pensée que j’ai, c’est heureusement qu’elle est pas là. Heureusement qu’on est repassée à la maison et qu’elle est coincée sous un plaid avec une tablette de chocolat et un vieux film à la télé. Parce que autant tout seul, je peux gérer, autant avec elle, je serais en panique totale… et j’aurais déjà pété quelques nez pour la sortir de là oui. Là, je menace seulement de le faire, alors que je me suis presque fait marcher dessus. Je suis hyper calme je trouve. Je prends sur moi, envoyé chier quelques cons, avant de me relever et d’aider l’abruti qui m’est tombé dessus. Je suis un mec sympa. Bon, okay, il voit plus rien, on va dire c’était pas de sa faute du coup. Les autres par contre… je serre les poings, me contentant pour le moment de lancer des regards noirs à ceux qui passent à proximité.
Je lui jette un coup, le visage toujours fermé, mais il peut pas le voir, donc on s’en fout.

« Ouais, une connerie du genre. Je fais des études pour être infirmier, donc je devrais pouvoir vous aider un minimum… Enfin, je devrais, sauf que j’ai rien sur moi donc… »

Bon après, je devrais pouvoir trouver de l’eau fraîche sur un des stands pour atténuer de la douleur… même s’il se roule pas par terre, c’est déjà ça. Ouais, de l’eau, c’est trouvable. Toute façon, après pour les yeux, faut un ophtalmo, je pourrais rien faire de plus si ce n’est y mettre un bandage propre. Je le dévisage, sans trop arriver à voir avec les quelques lumières vacillantes du coin, me contentant de hausser un sourcil quand il s’avance un peu tout seul. C’est quoi son problème ? Hé, c’est lui qui me tombe dessus, je propose de l’aider, et résultat, c’est lui qui fait la gueule. Alors okay, je serai certainement dans le même état que lui, mais j’y suis pour rien moi. D’accord, il est en colère et ça se comprend. Je soupire, et l’attrape par la manche pour le réorienter un peu.

« Si vous étiez pas juste sous les explosions, oui, ça devrait être temporaire. Dans le cas contraire, je vous aiderais à les retrouver, vu que je me suis fait piétiner à cause d’eux… » On ne retrouvera jamais personne, c’est clair, mais c’est une autre histoire. « Y a un banc derrière vous, asseyez-vous, je vais chercher de l’eau et… de quoi vous protéger les yeux si je trouve. »

Je le laisse quelques minutes pour aller chercher des bouteilles d’eau et une bande, dans une boutique juste au coin, essayant d’esquisser un sourire devant la tête du vendeur. Revenant rapidement vers lui, je vérifie que j’ai toujours mon téléphone et que je n’ai loupé aucun message. Mais non, pas d’appel paniqué parce que le  grille-pain fume ou parce qu’elle trouve pas la télécommande. Tant mieux.

« Ah, au fait, je m’appelle Luka, Luka Stevenson. Levez la tête que je regarde un peu et que je rince un peu… C’est de l’eau, pas de panique hein. » Je lui tiens le menton, écartant doucement ses paupières. « Pas d’éclat apparent… Il faut aller voir un ophtalmo au plus tôt, parce que je pourrais pas faire grand-chose. »

Je lui verse de l’eau sur les yeux, tachant d’oublier ma propre douleur qui pulse et se propage un peu partout. Putain, faut que je prenne un truc. Quinn va péter un plomb… Faut que je me vois dans un miroir et que je me remette un peu en état avant de rentrer…

« Et vous étiez tout seul ou vos potes se sont cassés en vous abandonnant sur place ? » Bon, je plaisante, ce serait con d’avoir raison… « Il faudra que je vous protège les yeux. Je vous mettrai une bande après, okay ? »

Tout en parlant, je continue de faire couler lentement de l’eau sur ses yeux. Ça lui soignera pas, mais ça aidera peut-être, et si ça le soulage, c'est bonus...