Entouré d'la plupart des membres du gang, Bran se fond dans la masse qui grouille au cœur du château, un peu exalté par l'ambiance flippante qui règne. Ça l'fait marrer, toute cette décoration lugubre. Il s'attarde sur les costumes de certains – s'épanche sur ceux de certaines – et regrette presque de n'pas avoir fait comme eux. Mais après tout, les monstres n'ont pas besoin d'se déguiser, pas vrai ? Alors il continue de rire et s'amuse à effrayer les gens au hasard, en arrivant silencieusement pour les prendre par surprise. Il y met tellement de cœur qu'il finit par perdre ses camarades au milieu de tout ce monde, mais il s'en formalise pas des masses. Il continue d'avancer seul, jusqu'à tomber sur Bambi. Visiblement paumée, il décide d'la prendre sous son aile – comme il le fait chaque fois qu'il l'extirpe de la boutique – et de l'aider à chercher Caïn. Mais ils ont beau arpenter les couloirs en long, en large et en travers, pas une trace du tatoué. Et au final, ils en arrivent à se perdre eux aussi. Bran imagine déjà la poupée perdue à nouveau dans les vagues de la foule, et même si ça lui arrache un sourire, il s'décide à aller la retrouver. Il rebrousse chemin, détaille chaque silhouette féminine qu'il croise, scanne les espaces à sa recherche. Il commence à s'dire qu'elle se débrouillera et qu'il ferait mieux de s'occuper autrement, quand il la voit enfin à l'autre bout du couloir où il vient de tourner. « Bambi ! » Il l'appelle mais elle ne se retourne pas, sûrement qu'elle a rien entendu. Il accélère alors qu'elle finit par bifurquer, et il a pas le temps de la héler à nouveau qu'elle s'est déjà engouffrée dans une pièce. Il aurait pas cru qu'elle serait si difficile à suivre, la biche. Ça l'fait soupirer mais il suit le mouvement, se retrouvant happé par des odeurs parfumées et un voile de buée. Il déambule un peu au hasard, sans trop savoir où il va, jusqu'à pousser doucement l'une des paires de battants en bois. Tout ce qu'il voit, c'est une baignoire massive qui se dessine dans la salle, même s'il ne la distingue pas en entier. Et pendant une seconde, il oublie même ce qu'il fout là, fasciné par l'eau qui semble l'appeler irrésistiblement. Il ne perd pas de temps à réfléchir, ôtant ses vêtements à la va-vite, les abandonnant sur le sol en damier. Un pied après l'autre, il s'engouffre dans la baignoire qui lui paraît plus confortable que n'importe quel lit au monde, et ce n'est qu'une fois qu'il est installé qu'il remarque qu'il est accompagné. « Oh. » Bambi. Ça lui revient. C'est pour ça qu'il est venu là, pas pour les bulles. Même si franchement, toute la mousse qui les entoure lui paraît plus captivante que n'importe quoi d'autre. « J't'ai trouvée. » Vu la tête qu'elle fait, elle s'attendait pas à ce que ce soit dans de telles conditions. Lui non plus à vrai dire – si on lui avait dit qu'il partagerait un bain avec Bambi, il y aurait pas cru. Et l'premier truc qui lui vient à l'esprit, c'est la gueule que tirerait Caïn s'il savait. Il a presque envie de prendre un selfie comme il le fait toujours, pour le narguer, mais il a pas le courage de bouger de là. « Allez me regarde pas comme ça, j'suis sûr que t'étais complètement perdue sans moi. » Et surtout sans Caïn, certes. Il affiche l'un de ses sourires habituels, large et un peu troublant, presque dérangeant. « Si tu veux j'te savonne le dos, ça te détendra. » Il se met à rire, parce qu'il imagine bien qu'elle a pas envie qu'il l'approche alors qu'ils sont nus tous les deux. Lui, ça le gêne pas de se retrouver dans cette situation là. C'est même plutôt le contraire, et il s'en cache même pas.

La biche a envie de détaler comme si elle était face à un chasseur. Bran affiche un grand sourire, parce que c'est pire que ça – il n'a rien d'un chasseur. Il est le loup. Et ses dents s'dévoilent alors qu'il l'observe se décomposer, cherchant à attirer toute la mousse à elle pour se cacher, ne lui en laissant plus beaucoup pour lui. Mais il s'en fout, il ne bronche pas, ne sourcille pas. Il reste campé dans son coin de la baignoire, alors que Bambi a visiblement très envie de s'incruster dans l'émail puis de passer à travers pour ne plus avoir à l'affronter. Il trouve ça terriblement drôle, et il se propose même de la savonner. « Je.. Non ! Il faut que j'y aille, que... Retrouver Caïn. » Elle regarde autour d'elle comme si une issue magique allait se présenter, comme si elle allait pouvoir être sauvée. Mais y a rien. Rien d'autre qu'une baignoire, remplie de bulles, garnie de leurs corps nus comme le clou du spectacle, la cerise sur le gâteau. « Caïn ? Qui est Caïn ? » Puis il s'marre, avant de lever un peu les yeux au ciel, un air railleur collé sur la tronche. « Oublie-le un peu, t'as l'droit de t'amuser sans lui. C'est comment qu'vous dites déjà ? Les absents restent au bord ? » Ou plutôt, ils ont toujours tort. Il sait plus l'expression et au final, peu importe. Il arrive pas à retenir les proverbes dans une langue qui n'est pas la sienne. « Bref, tant pis pour lui. » Voilà, ça résume bien la situation. Parce que si Caïn loupe ça, c'est son problème. Bran compte bien en profiter un peu – pour faire tourner la donzelle en bourrique, pour se jouer d'elle, et puis profiter d'la vue un peu aussi. Faut dire qu'elle est loin d'être moche, Bambi. Alors il est pas mécontent de la savoir nue, si près de lui. « Regarde ailleurs. » Et puis quoi encore ? Il a jamais détourné les yeux devant une fille dévêtue, alors c'est pas maintenant qu'il va commencer. Il hausse les sourcils devant l'ordre qu'elle lui donne, parce que c'est comme ça qu'il le prend. Et qu'en dehors du gang, il n'a d'ordres à recevoir de personne. « Non. » C'est asséné avec une telle assurance que ça n'laisse pas de place à la protestation. Quoi qu'elle fasse, quoi qu'elle dise, il changera pas d'avis. Il a pas envie. Et il comprend bien qu'elle est coincée avec lui tant qu'il se refuse à obtempérer, parce qu'elle voudra pas se lever et lui offrir son corps en pâture. Alors il se détend, étend ses membres sous l'eau, laissant ses chevilles glisser près des jambes recroquevillées de Bambi. Il ne la touche pas mais il devine combien elle est mal à l'aise quand même, et il se met à rire en observant un peu ce qui les entoure. Y a tout un tas de flacons disposés à leurs côtés, des trucs plus ou moins colorés, y en a même qui ont l'air de scintiller. Il en attrape un au hasard et l'ouvre, avant de le mener vers son nez. Ça sent bon, alors il en verse dans le bain en haussant les épaules. Puis il repose la fiole pour en prendre une autre, et réitérer l'opération. « On va devenir des princesses, à c'rythme. » Parce que tous ces fragrances sont bien loin de celles qui peuplent sa vie, à mille lieues des odeurs de tabac, de cuir, d'alcool, de sueur et de sang. Il a pas l'habitude de ces trucs-là et ça l'amuse clairement, alors qu'il continue de toucher à tous les flacons comme un gosse, versant un peu de tout dans la baignoire. Il imagine pas une seule seconde que ces trucs ont des effets secondaires. Et pourtant, déjà, y a comme une étincelle qui vient crépiter sous sa chair.