CLÉBARD des cités, ta mère, prostitué, tout deux abîmé par la vie, elle est cette pute, celle qui fait les trottoirs, celle qui regarde de son regard candide les voitures passées, celle qui fait la dure à cuire.

CLÉBARD élevé par la voisine, une vielle aux relents de naphtaline, d’anti-mites et d’épices. elle regarde et surveille, puis de temps en temps, elle te prend avec elle, quand elle sent que tout dérape. elle te garde, étroitement serré dans le giron chaleureux de son amour, dans les recoins plissés de ces rides, de ses sourires, de ses baiser doux et sucrés et qui par moment piquent. ça te fait rire, tu souris. pour la première fois.

CLÉBARD oublié, le temps avance, lentement. dans le silence immobile de l’appartement, maman souvent absente, toi à arpenter les murs, à regarder le papier jaunir, les allées et venues, sur les marches de l’immeuble, les passes de ta mère, ses clients, ses amies.

CLÉBARD aux jeux qui étranges, travestissant tes traits d’enfants. dans le secret des quatre murs de ta chambre, t’as ce plaisir qui dérange. ce plaisir de revêtir les vêtements de ta mère, celle qui aguiche et qui ouvre les cuisses, une tare qui amuse ta génitrice, elle et son regard qui divague, elle sourit et t’encourages dans tes déviances.

CLÉBARD sans avenir, l’école, c’est la quille, c’est difficile, c’est compliqué pourtant tu tentes, essaies. de t’impliquer, d’avancer. mais t’as cette putain de certitude que l’école c’est tout simplement pas fait pour toi.

CLÉBARD sans encrage, tu dérives et navigues dans les excès, les soirées et l’alcool, l’oublie de tes nuits. salutaires et dévastatrices, tu les allonges et les consommes à la suite.

CLÉBARD aux plaisirs sadiques, les insultes pleuvent, spectateur silencieux de l’échange, t’écoutes les revendications du mec, du mac, de celui qui détient ta mère, ce plaisir malsain qui en découle quand elle cède, courbe l’échine et ploie sous la demande, toujours plus forte.

CLÉBARD qui traînes de plus en plus, usant ta chaussure fendue sur le macadam, t’approches des gamins de ton acabit. ils te ressemblent, déglingués par la vie, à se raccrocher à quelques miettes, à quelques brides, à quelques billets pour facilité l’endurance d’une chienne d’existence.

CLÉBARD qui a depuis longtemps décroché, oublié les idées, ces envies qui te bourraient le crâne, te galvanisais quand tu te disais que jamais tu ne seras comme ta mère. pourtant.

CLÉBARD qui ploie sous le regard de trop, torve, l’ébène d’un souhait qu’on verbalise et qui blesse, cette demande, comme un coup de canif dans le contact, toi qui glande trop dans l’appartement, une bouche de plus à nourrir, une emmerde de plus quand les flics te dépose sur le pas de porte, quand on t’engueule et que tu gueules encore plus fort et puis cet instant… cette chambre vide et ta mère qui hausse les épaules. « c’est mieux comme ça. »

CLÉBARD qui sait pas trop savoir quoi faire, toi et tes dix doigts, magouillant sans trop que cela rapporte, tu sais qu’il y a un marché sur lequel le chômage n’existe pas.

CLÉBARD qui vends, quelques instants éphémères, vites brulés pour mieux oublier, vends le charme dans une ruelle, à l'arrière d'un bar, dans les chiottes. tu t’y traînes et t’y vautres. t'y abaisses et en crève. mais ça c'était avant. n'est-ce pas ?

CLÉBARD qui trouve son salut entre quelques verres et quelques ventes. t’y as prit goût, toi et ton esprit tordu. tu vends et exhortes. du métal froid et de la poudre chaude pour des sommes qui encore, t’envoies des papillons dans l’estomac et pense cette chaire labourée que t’exposes, encore, de tempe en temps, quand l’argent n’entre pas suffisamment.

CLÉBARD des dogs. sans port, sans attache, t’es le mieux placé pour aller vagabonder. à droite. à gauche. partir. loin. et te dire de ne jamais revenir, d’oublier ce ramassis, cette vie, aller la recommencer ailleurs. pourtant, inexorablement, toujours, tu reviens vers les tiens.

CLÉBARD qui à trouver sa niche, une place à part entière, au smoking dog, t’apprécies venir retrouver ce petit monde, ton monde. c’est chez toi. ces sourires, ces cris, ces engueulades, à mieux se taper sur la gueule pour exprimer ses resentiments, t’aimes ça. t’exultes et exploses, t’échauffant auprès de ces corps, cadencés par une vie qui n’a jamais été tendre, cette belle salope.