J’avais cinq ans quand ma mère a quitté mon père. Nous sommes partis un matin, après un nouvel épisode violent de sa part. C’était la fois de trop, celle où il a levé la main sur moi pour la première fois. Ça a été comme un déclic pour ma mère, elle a prit la décision de partir en m’emmenant avec elle parce que c’était la meilleure manière de me protéger. Elle a décidé de poser nos bagages à Jacksonville, elle y avait une amie de longue date qui y habitait, quelqu’un de confiance sur qui elle pouvait compter durant cette épreuve difficile. Les choses n’ont pas été simples, parce qu’avec un seul salaire les fins de mois étaient souvent délicates et que ma mère travaillait beaucoup d’heures pour essayer d’améliorer le quotidien. Nous vivions dans un quartier populaire, un de ceux où l’on est plus exposé à la violence mais ce n’est pas ce que j’en retiens. En fait il y avait là-bas bien plus de solidarité et d’entraide que de violence. Les habitants du quartier et encore plus précisément de notre immeuble, formaient une vraie famille. Je n’ai pas eu un départ dans la vie des plus facile, mais ça ne m’a pas empêcher d’avoir une enfance heureuse.
Quand j’étais gamin et que je jouais avec d’autres enfants du quartier, je me souviens que durant nos jeux de rôles je voulais toujours être policier. Je ne sais même pas vraiment d’où m’est venu cette vocation, sans doute à cause des films que j’ai vu, tout ce truc autour de l’uniforme et puis bien sûr l’envie de faire le bien, d’être utile. De mon rêve de gosse j’en ai fait un objectif. Ça aurait été facile de tomber dans les rouages de la délinquance, de voir le côté attirant des activités illégales comme dealer de la drogue. Quand j’étais ado j’ai vu certains de mes amis d’enfances se laisser entrainer là dedans, mais pour avoir assisté à plusieurs arrestations j’ai toujours su que je préférerais être du côté de celui qui mettait les menottes que de celui qui allait avoir les mains dans le dos. Je savais qu’un jour j’allais devenir policier, que moi aussi j’aurais mon insigne et un flingue à la ceinture. C’était mon but et je l’ai atteint.
J’ai vraiment adoré ma formation à l’école de police, je suis devenu encore plus passionné par mon métier que je ne l’étais déjà. Et sincèrement j’avais des grandes ambitions en sortant de là avec mon diplôme. Sauf que j’ai un peu déchanté en arrivant sur mon lieu d’affectation. Savannah, une ville de Georgie que je ne connaissais que de nom et de réputation avant d’y arriver. Je n’avais aucun à priori et j’arrivais là bas avec toute la fougue et la détermination de ma jeunesse. Autant dire qu’on ma vite remis les pieds sur terre. Pour être très vite dans le bain on m’a directement affublé du délicat surnom du « bleu », qui se transforme fréquemment en « bleusaille ». Il en faut plus pour me décourager et je sais que cette situation va changer, la question c’est juste : quand ? Je sais que ma jeunesse ne joue pas en ma faveur, qu’on ne me trouve pas forcément légitime mais j’ai vraiment envie de bien faire mon boulot, encore faudrait-il qu’on m’en laisse la possibilité. Mes collègues n’ont pas l’air très enclins à me laisser travailler sur des affaires intéressantes alors je crois que je vais devoir faire mes preuves par moi-même pour gagner leur respect. Souhaitez moi bonne chance.