→Dahey, avant, c’était un big shot. Un mec important. On le connaissait, on le respectait, on le craignait. Il avait tout un gang, à Cork. Un noyau d’amis très proches avec des gens qui gravitent autour. Des gonzesses, aussi. Ils trempaient dans toutes sortes d’affaires illégales, surtout du trafic de drogues. Dahey, c’était un peu un super-héro mais du genre illégal : super-papa le jour, dealeur de drogue la nuit. Un type avec des valeurs mais pas toujours les bonnes. Des règles strictes. Pas de drogues à la maison. Pas de drogues devant la gamine.

→Mais il s’est fait choper. Sentence de dix ans. On est venu le chercher chez lui, alors qu’il se faisait sagement profil bas, à regarder la télé avec sa gamine. On l’a cueilli, comme ça, sous les yeux de la petite. C’est sûrement ça, le pire. Puis les dix ans qui lui tombent dessus, l’horreur, la rage, plein de rage, trop de rage.

→La prison, c’était pas le club med et Dahey, c’était plus le big shot. Il en a bavé, y a eu des coups bas, des coups de traitres, des mises en isolements, des bleus. De la drogue, un peu. Pas trop. Puis une réduction de peine. Il est passé de dix à sept ans, Dahey, grâce à la surpopulation et son comportement moins mauvais que les autres. Alors il est sorti et il a récupéré sa gamine, qu’il avait laissé à la garde d’une ex-petite amie.

→Puis ils sont partis. Direction l’Amérique, comme tous ceux qui ont des rêves, tout ceux qui veulent recommencer à zéro. Nouvelle vie. Pas chercher midi à quatorze heure. Sauf que, la gamine, elle aurait pas voulu s’il lui avait dit. Alors, il a feinté, c’était obligé. Des vacances, il lui a dit. Des vacances un peu longues, rien qu’à deux, sur la route, au soleil. C’est aussi ce qu’il a dit à la douane. Mais il compte pas repartir, ça non. Pas avec ses anciens « collègues » qui pensent que c’est une balance. L’Irlande, c’est trop dangereux. Lui, il tient à sa vie.

→Aujourd’hui, il a repris le deal mais c’est un truc discret. Qui fait pas de vagues. Aujourd’hui, Dahey, c’est un peu un loseur mais c’est un loseur vivant et c’est tout ce qui compte. Puis on peut pas l’abattre lui, c’est un vrai, un dur.