1.
Tapi au fond de ta cellule, tu pleures toutes les larmes de ton corps. La taule, c'est pour les caïds. Les vrais. Pas pour les petites fiottes dans ton genre. Toi, t'es pas un dur. Seulement un môme que la vie a poussé à faire les mauvais choix. Un gosse un peu trop excité qui excite les sodomites de sa nouvelle résidence sécurisée. Même rasé au bol, les ours ont flairé la fragile boucle d'or. Mais dans cette version, pas le temps de choisir ta soupe, ni ton lit. Tu avales du foutre, couché sur un carrelage de douche humide.

Le visage tuméfié et le corps endolori, tu manges tes poings pour éviter de faire le moindre bruit. Si l'on t'entend pleurer, ce sera pire. Cela ne fait que quelques jours que tu es ici et tu as déjà envie de mourir. La mort serait plus douce que les sévices qu'on t'inflige. Pauvre bougre. Tu as joué avec le feu et te voilà dans de beaux draps. Des draps poisseux, trempés de larmes et de sang. Pour quelques bijoux volés, tu échoppes de 15 ans d'emprisonnement.

Tout se serait mieux passé si il n'y avait pas eu cet homicide. Involontaire et pas de ton fait. Mais désormais, tu ne peux plus revenir en arrière. Ni avancer de plus de 3 pas dans ta piaule carcérale. Ta vie est immobilisée. Détruite.

Genoux serrés contre ta poitrine, tu te roules en boule dans ton cauchemar. Ta gorge brûle à force d'avoir trop crié. Des suppliques vaines qui n'ont fait qu'accentuer la haine de tes adversaires. Tu aurais volontiers appelé ta mère, si seulement tu en avais une. Au lieu de quoi, tu as crié dans le vide, avant de ne plus pouvoir crier du tout.

2.
Cela fait plusieurs mois que tu croupis ici. Tu commences à connaître les règles et à ne plus te laisser faire.

Tes amis ne sont jamais venus te voir. Adieu les 3 mousquetaires. Un pour tous et tout seul en enfer. Owen n'a jamais pris la peine de t'écrire. A croire qu'appuyer sur une gâchette était plus facile que d'écrire une lettre. Un moment de panique et v'la que tu niques 12 ans de ta vie. Tuer le bourge n'avait jamais fait partie du plan. Cette idée de merde n'aurait jamais dû finir dans le sang. L'arme est sortie de nul part et lorsque tu as compris, il était déjà trop tard. Owen avait déjà fait couler le mal.

Lorsque les voisins sont arrivés, ils n'ont trouvé que toi, un cadavre et l'arme du crime à ses côtés. Tes 2 acolytes étaient déjà partis. Les flics t'ont emmené et la sentence est tombée. Homicide. 15 ans d'emprisonnement pour un crime que tu n'as pas commis. 15 ans perdu pour un ami qui n'est jamais réapparu. Elle non plus.

3.
Debout au centre de la pièce, tu mesures l'étendue de ta nouvelle liberté. 15 mètres carrés dans un immeuble insalubre. Un mètre pour chaque année de condamnation. Une nouvelle cellule hors les murs. On t'attribue un cagibi qui pue l'humidité et la pisse et on appelle cela "une chance". Sortir avec 3 ans d'avance, tu dois te montrer reconnaissant. Personne ne viendra te dire qu'il fallait purger les prisons pour accueillir les p'tits nouveaux.

Un rapide coup d’œil au réveil t'indique qu'il est l'heure de te grouiller. Tu dois te présenter au taf et te montrer docile. Surtout ne pas faire de vagues. Respecter les règles de ta liberté conditionnelle. Libre sous condition, la bonne aubaine.

Tu n'étais qu'un gamin des rues, innocent et perdu. La prison t'a rendu irascible et violent. Névrotique et alcoolique. Petit garçon abandonné, la fausse justice a fait de toi un meurtrier. Ton chemin de ronde s'est légèrement agrandi, passant du travail à ton cloaque minable, mais les faits restent les mêmes. Tu demeure un prisonnier. On te surveille et t'évite à la fois. Ta vie ne t'appartient plus depuis longtemps et ton esprit, à jamais acculé dans une ritournelle de sombre merde.