anecdotes
Una : Papa Papa. Son père. L'éternel emmerdeur, l'italien qui travaillait dans l'armée, en campagne un peu partout, et qui un jour, après un drame inavoué, dont il n'a eu que des échos très vagues, a simplement décidé de quitter son pays chéri pour aller danser en Amérique. Il y a rencontré une jeunette, une étudiante, alors qu'il avait déjà 43 ans.
A 43 ans, on n'épouse pas une gamie.
Mais lui si, Luigi Nerini a épousé Emilia Scott. Et lui, Luigi, il a eu un fils unique, qui a bien failli tuer sa chère et tendre.
Ils l'ont appelé Nolan.
Duo : Perdu Et Nolan, il a été perdu tout de suite, avec un père aussi vieux, aussi con, aussi vieux con. Qui lui apprenait que les arabes, c'est des terroristes, qui fait des amalgames à tout va, que les pédales qui défilent avec des plumes dans l'cul c'est ça qui pousse les mexicains à gravir les frontières. Bien sûr.
Et Nolan, il a été perdu tout de suite, avec ses idées qui n'avaient pas de place dans cette maison, avec sa mère qui n'était qu'un fantôme face à un italien qui ne parle qu'en italien, face à un homme qui tape du poing sur la table, qui grogne quand son fils lui ramène des B à l'école, quand son fils, brillant au demeurant, n'est pas le premier partout.
Et Nolan, il aurait pu les tuer tous, parce qu'il n'a jamais été assez, il ne le sera jamais.
Tres : Baisers Alors que fait un gosse qui cherche définitivement de l'attention, de l'intérêt ?
Un gosse perdu, un ado qui gère mal tout son quotidien ?
Il se rebelle, évidemment, alors Nolan n'a pas été foutre des cocktails molotovs contre des bagnoles, ni taggé ses initiales sur des devantures de restaurants, encore moins répondu à la gueule des profs.
Il a décidé de suivre son instinct, d'aller embrasser un de ses copains. Qui s'est laissé faire, qui a fini par aimer ça, parce que lui il savait pas que c'était mal, mais Nolan, lui, il s'en servait, et ça l'amusait. Ca l'amusait d'embrasser ce type, ça l'amusait parce qu'il faisait ça pour que ça se voit, pour que dans le lycée, on en parle un peu. Mais Nolan, il était aimé, il traînait toujours avec l'équipe de basket, c'était pas un de ces bully qu'on va aller emmerder parce qu'il est un peu différent, malgré l'époque, malgré tout ça. Il voulait que ça se sache, il voulait ne pas avoir à s'en défendre.
Et quand l'histoire est arrivée aux oreilles des Nerini, l'été 2009, il avait 16 ans. Bien sûr qu'il a dû répondre de ses gestes.
Baisers…
Brûler.
Pour sa peine, il a été brûler en enfer.
Quattuor : Voyage Au lieu d'entrer en junior year, il a été, en Septembre 2009, dans cette incroyable endroit. Il se souvient précisément du voyage en voiture, qui l'emmenait au centre. Le centre des amis du Christ, un nom à coucher dehors, certes, qui hante encore ses rêves, ses cauchemars. Il a cru que c'était une blague, un avertissement, pendant toute la semaine qui a suivi la découverte de ces baisers volés, à la décision prise par ses parents. Ce,
tu seras viril, mon kidd. Il regardait par le fenêtre, le paysage qui défilait doucement, alors qu'il s'enfonçait au cœur des montagnes du Colorado.
Y est niché ce camp, étrange, comme un motel fait de bois.
Il a cru qu'il repartirait, mais bêtement.
On lui a présenté un pasteur, son camarade de chambre, on a fouillé son sac, on a viré ses disques, ses cassettes, on lui a laissé ses fringues et un bouquin.
Et il a soufflé :
"Tu vas pas m'laisser là, ils sont tous tarés." Mais, elle l'a laissé là, sans rien dire. Tu vas m'rendre malheureux à en crever, c'est ça qu'il voulait dire. Mais il a eu la gorge nouée, en la voyant partir, sa mère adorée, qui n'a jamais su le défendre.
Il s'est effondré.
Quinque : Thérapie Je te hais. Je te hais. Je te hais.
Ce n'est pas quelque chose qu'il est bon de se dire, soit même. On dissocie le corps, l'esprit, on aime l'un, déteste l'autre. Les troubles commencent, et petit à petit, à travers les groupes de paroles, les films culpabilisateurs, les chansons sur le seigneur, et les rendez-vous en tête à tête, pour discuter de la maladie, de ce qui a pu la causer, on en vient à se
se haïr. Pendant presque un an, Nolan Nerini s'est vu répété encore et encore, de manière continue, qu'il était malade, d'une maladie dont lui seul pouvait se guérir. Que lui et le Seigneur étaient les seuls entités capable de le sortir de ce problème. Rouler des pelles à des mecs.
Quel. Problème.
Nolan est arrivé en gueulant, en se rebellant, en ne croyant en rien. Mais il a vite déchanté.
Ici, pas d'électrochoc, pas de nausées, pas de films pornos gay associés à des sujets de tortures. Juste des discussions. Et une constante envie de se suicider, pour faire cesser la culpabilité.
Doucement, mais sûrement, Nolan s'est rendu compte qu'il se haïssait de plus en plus, qu'il mangeait moins, qu'il ne faisait plus de sport, qu'il ne supportait plus de se voir en photo, penser de moins en moins à son bien être, penser simplement à sortir d'ici, par n'importe quel moyen. Ne plus jamais toucher un homme, ne plus jamais fantasmer sur un type. Alors que quelque part, il savait qu'il n'y avait rien de mal à cela. Alors qu'il savait qu'il en avait envie.
Et cette dualité, avec une lenteur sournoise, brisa sa confiance en lui. Il était admiré, brillant, et positif. Il est devenu terne, anxieux, et négatif.
Jamais il ne s'est remis de la thérapie. Elle a brisé tout ce qu'il y avait de plus beau et de plus clair en lui.
Sex : Billy Une personne l'a aidé à survivre. Billy, the kid. Un pirate des temps modernes, qui avait tout compris à ce qui les entourait. Qui disait oui oui en n'en pensant rien, qui ne se laissait jamais attirer par les noirs envies que dessinaient la thérapie, qui ne croyait en rien, qui ne parlait pas, qui se faisait discret, jouait de la guitare pour le seigneur, pour qu'on lui foute la paix.
Billy qui lui rappelait toujours,
Rappelle toi, t'es pas quelqu'un de mauvais. T'es quelqu'un de bon.
Rappelle toi Nolan, t'es pas malade.
Nolan qui a cru en Billy jusqu'au bout, qui allait fumer des cigarettes avec lui derrière les arbres, qui parlait avec lui, pendant des jours. C'était sa fenêtre ouverte sur l'horizon, c'était sa bouffée d'air après des heures en apnée, c'était le contact avec la réalité, qui lui donnait envie de croire en lui, en l'humanité.
Son compagnon de chambre, qui un soir, quelques jours seulement avant qu'il ne se taille, ce kid, a cédé à ses passions. Au milieu de la nuit, venir embrasser Nolan, au milieu de son rêve. Caresser son torse, ses hanches, le réveiller à coup de lèvres. Se réveiller oui, et se sentir doucement planer, au dessus de son lit. Nolan qui se redresse, qui respire mal, qui a pas l'habitude au fond, de cette main qui est lentement venue entre ses cuisses, le frôler, le prend, lui couper le souffle, le faire partir en live, se mordre la lèvre, fermer les yeux, avoir la tête qui tourne, en vouloir plus, le cœur qui va exploser, la gorge en feu, un prénom au bord des lèvres,
Et une lampe torche, au milieu de la nuit, comme chaque nuit, qui les braque, une fois la porte ouverte.
Le pasteur qui fait ses rondes, les voit, les intercepte,
Nolan qui a tant de haine en lui qu'il pourrait en crever, sur l'instant présent, qu'il pourrait sauter à la gorge de l'intrus, lui faire la peau, et laisser Billy continuer, ses mains pleine de sang se glisser dans ses cheveux, pour faire l'amour pour la première fois.
Ca ne s'est pas passé comme ça, personne n'est mort, Billy a dit l'avoir agressé, et Nolan, sous le choc, dépité, n'a pas contredit, et est parti, un mois plus tard. Billy lui, a tiré six mois de plus.
Septem : Etude L'été 2009 était innocent, c'était des baisers d'adolescents, c'était des parents qui découvrent, et la certitude qu'il ne se passera rien. Pas de représaille. L'été 2010, c'est la perte d'humanité, c'est un gosse brisé. Qui rentre au bercail en voulant buter ses parents. L'été 2011, c'est l'envie de partir à en crever, d'étouffer à Savannah, et de partir, très vite, pour Atlanta, pour faire du droit.
Pourquoi le droit ? C'est simple.
Ca rapporte, et c'est respecté.
Pas besoin d'aller plus loin, il ne cherche pas à gagner le respect de son père, mais le sien, et c'est tout. Alors à Atlanta, il s'est refait des amis, une vie. Il s'envoie en l'air avec des meufs, il voit ce que ça fait, il déteste, mais il se convainc, il a trop l'habitude maintenant. N'est pas resté le gosse qui s'est fait planter un couteau dans le cœur par ses parents. Il ne parle pas de la thérapie, jamais. Ca ne sert à rien, il n'y a rien à en dire. Et puis, ses études se passent, il s'en sort. Il est même plutôt bon, et ça l'intéresse. Il sera avocat, il défendra qui peut le payer, peu importe l'ethnie, la religion, le sexe, ou l'affaire, il défendra, parce qu'il veut se faire un nom, et être bon dans sa profession.
Octo : Eté Été 2013. Deuxième été depuis le début de ses études, il rentre à Savannah, pour voir ses parents, initialement pour une semaine, car aux alentours des Nerini, le pauvre Nolan perd patience.
Mais il reçoit un sms de ce cher Billy, avec qui il converse de temps à autre, quand ils ont des choses à se dire. Ils ne se sont pas revus depuis la thérapie, et Billy explique. Il s'installe à Savannah, il voudrait le revoir.
Puis commence un été étrange, où se recroisent les deux amis, pseudo amants, pseudo vampires, à trainer la nuit, à se prendre des cafés, des verres. A se parler de tout, de rien, mais surtout très peu de sentiments. A revenir sur la thérapie, à essayer de se réconforter comme ils peuvent.
Parfois, en fin de soirée, s'embrasser.
Et Nolan, au grand jamais, ne vouloir aller plus loin qu'une main sur la cuisse.
Il aurait peur de retomber.
Il aurait peur de succomber.
De ne jamais pouvoir revenir, une fois le pas franchi. Comme si Billy allait tout changer à sa vie. Alors il continue à le voir, parce qu'il l'aime, comme un ami, comme un amant, comme l'amour de sa vie. Mais il ne se passe rien d'autre que des lèvres qui se frôlent, parce qu'ils ne savent pas faire autrement, et des mains baladeuses.
Fini l'été, fini les baisers et les mains, fini Billy et Nolan. Ils ne se parlent plus, ne se revoient plus, Nolan ne revient plus à Savannah.
Novem : Alcool Nolan, doucement, boit souvent. D'abord dans les fêtes, puis pour s'aider à travailler, et enfin parce qu'il en a pris l'habitude. Plus de deux verres par jour, c'est ce qu'on appelle : l'alcoolisme. Alors c'est simple, il a deux choix.
Soit il reste alcoolique, il ruine ses études et sa vie,
Soit il se reprend en main, admet ses problèmes, et en fait quelque chose.
Et trop souvent dans sa vie, il a esquivé ses différences, ses difficultés. Alors cette fois, il a pris sa vie en main.
En 2016, il a doucement réduit la consommation, à commencer à aller à des réunions d'alcooliques anonymes. Son orgueil, son honneur, il l'a enterré, il a essayer, le plus fort possible. Et il y est parvenu, lentement, sûrement. Il est sobre de 431 jours.
Decem : Juliet Juliet, elle a le nom qui va avec ses yeux, avec son cœur. C'est une romantique acharnée, elle le pensait, elle vivait avec l'amour de sa vie.
Ils se sont rencontrés à la rentrée 2012, elle venait d'une autre fac, elle avait sauté une classe. Elle était plus brillante que lui, plus belle que toutes les femmes qu'il avait jamais rencontrée. Il l'a admirée à la seconde où il l'a rencontrée.
Il a été éperdument amoureux, ou alors s'est-il convaincu ? Nul ne le saura jamais. Pas même lui.
Ses sentiments ont été forts, pourtant jamais les même que ceux éprouvés pour Billy. Jamais aussi intense, jamais aussi dense. Toujours calmes, apaisés. Il ne lui a jamais parlé de l'été étrange, à Savannah, qu'il a passé avec Billy, à toujours tenté de la tromper, sans jamais y arriver.
Juliet c'est les temps les plus doux, c'est l'espoir d'un futur parfait, bien sous tous rapports. C'est l'envie tenace d'y croire, c'est lui passer la bague au doigt, en se convaincant du meilleur. C'est boire quand même, être triste quand t'es avec elle, lui dire des choses que t'aurais dû garder pour toi, ou pour le toi sobre. Il ne lui a jamais fait de mal, il n'a jamais été méchant sous l'emprise de l'alcool. Il aurait simplement du se dire.
Juliet c'est le déclencheur, la grande gueule qui s'écrie putain bouge-toi, sors toi de là, et arrête de boire, arrête d'être un homme que tu détestes.
Juliet c'est les heures à passer sur ton bureau, sur son bureau. C'est s'échanger des fiches de révisions, c'est se démener pour passer le barreau ensemble. C'est réviser jusqu'à pas d'heure, finir sur le canapé, à poil, parce qu'il fait une chaleur d'enfer, c'est s'envoyer en l'air, un peu maladroitement, entre deux listes de prescriptions à retenir.
Juliet c'est la force de caractère, l'envie de croire au couple, l'envie de croire à l'amour homme femme, de toutes ses tripes,
Mais finalement,
C'est surtout l'amie parfaite, l'idéale, qui n'est pas faite pour être sa femme.
Il y a quelques mois, ils se sont séparés.
Il y a quelques mois, ils ont décidé de monter leur cabinet à Savannah.