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 LE TEMPS DES ADIEUX

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MessageSujet: LE TEMPS DES ADIEUX   LE TEMPS DES ADIEUX EmptyMar 18 Sep - 15:35


A nos mains liées ensemble,
Je sombrerai sans peine
Je tomberai, mon amour
Lorsque la lune sera pleine.
Il en faudra, des jours
Pour que tu me pardonnes quand même
Je partirai, mon ange
Lorsque la lune sera pleine.


Une nuit sans étoiles. Le bruit des basses encore résonnant dans la tête peut être trop bancale, trop bouillonnante. L’adrénaline post-scène, sueur au bord des tempes et tremblement sous les doigts. C’était beau ce soir, n’est ce pas? On était grands, tous les trois, on était tout, on était rois. Il les a même embrassés une fois hors de scène, Tito sur la joue, Alice sur le front. « Je t’aime, et toi aussi je t’aime. » Il n'a jamais eu peur de leur dire surtout pas dans l'euphorie après les scènes. Les veines qui pulsent encore au rythme des basses et aux basses de son propre cœur, c’était rapide et furieux comme son envie de crier son bonheur. River était là, en coulisses et il souriait grand, il était fier, ça se sentait. Rhoan n’a pas reculé, quand il l’a pris par la taille, le renversant presque, foutu cliché, lui qui n’en fait jamais assez en a pour une fois trop fait. « C’est toi mon préféré, t’en fais pas. » Un vrai baiser de cinéma, il entend encore Tito qui siffle, mais son sourire était plus grand que les insultes qu’il aurait pu leur lancer. « J’reviens, j’vais fumer. » Personne ne l’a suivi, tous habitués, même si River avait l’air un peu sonné.
Rhoan n’aurait pas pu faire mieux ce soir même s’il avait tout donné, bonheur brut, sous ses doigts la musique et dans ses yeux ceux qu’il a aimé. Il avait un sourire aux lèvres qui s’étalait autour de son éternelle cigarette allumée. Peut être que tout s’était arrangé. Peut être qu’il avait enfin réussi à être apaisé. Une vie plus simple, un peu rangée. Trop simple. Des colères plus rares et un cœur à aimer, un futur qui semblait moins noir et l’espoir retrouvé.
C’était doux comme chute, et peut être prévisible. Trop solitaire. Rapide. Il n’a pas souffert, c’est ce que les médecins disent toujours pour rassurer les proches. Il n’a pas souffert. De dos, soufflé coupé, un choc, sa tête, le sol. Boum. Il n’a même pas eu le temps de se retourner, savoir si c’était une vengeance ou un fantôme du présent, si on l’avait retrouvé, ou si c’était son simple cerveau qui avait fini par lâcher. On l’avait prévenu, de ne pas trop pousser, méninges fragiles, le trou dans le crâne visible, il allait finir par claquer. Le voilà sur la chaussée couvert de sang, sorti du nez du trou béant dans l'crâne entre les lèvres qui tâche les dents et plus moyen de se relever. Et pour une fois entre deux souffles rauques et vains, il se souvient au lieu d’oublier, le sourire de Lenny les soupirs de Nur les coups de Seven le rire d’Alice le regard de Tito les baisers de River ça se mélange et ça fait mal ça se mélange et ça se fane dans un brouillard et ça tangue,
Ça tangue
Il tombe
Il sombre.
Il ne s’en va pas dans un coup de théâtre, ce soir.
C'est à peine un coup de tonnerre.
La tête qui cède, heurte le bitume le sang qui coule par terre et tout ne devient qu'ombres, le noir et les paupières ouvertes qui ne voient plus rien, le souffle qui se coupe et finalement, il s’éteint.
Ça lui servira peut être de leçon: on peut pas fuir éternellement.
S’il avait eu quelques derniers mots il aurait demandé qu’on trouve sa mère pour qu’elle puisse venir à son enterrement.
Mais Rhoan est parti comme il a toujours vécu: la tête dans l’caniveau. Pas de deuxième chance, pas de cadeaux. On ne se cache jamais de la mort. Quand la balle a traversé le cerveau la première fois, y’a une éternité, c’était déjà comme la dernière piqûre de rappel. Vie de sursis. Les autres s’en rendront bien compte, on le retrouvera là, inerte près de la benne, il entend déjà les hurlements, voit son corps sous un drap blanc. Il espère avoir un bel enterrement. Au fond il ne l’a dit qu’à Nur, mais il a toujours aimé les fleurs. Les discrètes, bleu ciel, jolies sans en faire trop. Comme elle. Il aurait aimé dire à Lenny qu’il était désolé, qu’il aurait du faire plus, qu’il le méritait ou plutôt qu'il méritait mieux. Il espère ne pas voir trop de larmes sur le visage de River. Garde tes yeux pour regarder la beauté du ciel, sans moi. Je t’y attendrai. Toujours. Prince de la nuit qui a sauvé ma vie. (Tu n’auras jamais eu le temps de me réapprendre les constellations. Désolé. Désolé. Désolé.)

Les au-revoir auraient été trop difficiles, fatalement.
Les adieux sont, eux au moins, définitifs, plus cassants.
On se reverra de l’autre côté, c’est qu’une question de temps.
On s’reverra.
Il n'avait même pas vingt-deux ans.
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