01 ; gamin, sa mère lui racontait des histoires, elle s’asseyait au bord du lit pour lui conter des débuts qui n’avaient jamais de fin parce qu’elle finissait inlassablement par perdre le fil, parfois elle griffonnait des paragraphes sur du papier, mais elle le perdait toujours lui aussi. vaughndevait toujours se créer ses propres suites, elles étaient généralement heureuses, aucune larme, aucun regret. avec les années, sa mère stoppa petit à petit ce rituel qu’elle avait instauré, et il ne vit même pas la différence quand elle arrêta définitivement de lui conter quoi que ce soit avant qu’il aille se coucher. plus tard, quand il entendit son père claquer la porte d’entrée au milieu de la nuit et qu’il ne l’entendit jamais revenir, il comprit que c’était parce qu’il avait lui aussi arrêté de croire aux contes de fées. les fins n’étaient jamais heureuses, les suites n’étaient jamais prédites, il n’y avait aucune certitude. malgré elle, sa mère lui avait appris sa plus belle leçon de vie.

  02 ; le gars d’en face était un petit blanc à la chevelure blonde, des mèches lui tombaient sur les yeux, les oreilles et trop bas dans le cou. lui de l’autre côté de la route était un enfant métisse déjà un peu trop grand pour son âge, les cheveux plus proches du crâne que des épaules. ils ont toujours été des contraires. ils ont toujours eu des opinions divergentes et des caractères différents et pourtant vaughn ne se souvient pas d’un jour où ils n’ont pas été amis. depuis l’enfance, ils sont comme les deux doigts de la main, il n’y a rien qu’ils ne fassent pas ensemble, il n’y aucune décision qu’ils ne prennent sans d’abord consulter l’autre. il semble que cette amitié soit faite pour durer.

  03 ; il bricole des moteurs depuis qu’il a huit ans, cette vocation ne lui vient pas de son père qui n’était vraiment pas du genre à mettre les pieds dehors et encore moins sous un capot, elle lui vient du père de cameron, son meilleur ami, le gars d’en face. propriétaire d’un garage nommé hell driver, (et comme il l’apprit quelques années plus tard en tête du gang des hells angels) il montra très tôt à son fils comment réparer, comprendre les voitures et comme vaughn était toujours dans les parages, il lui fit la leçon à lui aussi. des mois plus tard, ils se mirent aux motos et ce fut pour cam qui jusque là n’était pas très assidu la révélation, pour vaughn ce ne fut qu’une confirmation. plus tard, il serait un employé du hell driver. il aimait le bruit, les outils, avoir les mains dans le cambouis.

 04 ; saint était une toute petite chose. elle était si minuscule et si rose qu’on la confondait sans peine avec la couverture dans laquelle elle était enroulée. personne n’arrivait à croire qu’elle était capable de brailler si fort alors qu’elle était si petite et pourtant rien qu’avec ses sanglots, elle pouvait réveiller l’intégralité du quartier. quand vaughn eu la chance de découvrir la petite soeur de cameron pour la première fois, il hésita avant de s’approcher, il avait peur de lui faire peur, qu’elle se mette à pleurer avec plus de force encore pourtant ce fut l’inverse qui se produisit quand finalement il s'agrippa aux bords du berceau. le bébé se calma instantanément, elle le fixa de ses grands yeux bleus et bien qu’à cet âge-là ce fut impossible, il aurait parié qu’elle souriait.

 05 ; bien que les bécanes étaient le principal sujet de conversation à l’époque, il y en avait un deuxième qui flirtait doucement avec la tête de liste. les filles. dès l’entrée au collège, les garçons ne parlèrent presque plus que de ça, peut-être que c’est parce que ça n’intéressait pas vaughn plus que ça que la chance lui tomba dessus avant les autres. il ne cherchait rien. surtout pas l’amour et ça lui était tombé dessus sans prévenir. il n’avait pas un type particulier, il ne voulait pas quelque chose de spécifique. non, parce qu’il avait willow et qu’elle comblait toutes ses exigences. elle rendait jaloux les copains, elle était appréciée par maman, elle ne le fit pas miroiter longtemps pour le sexe, elle était drôle et elle adorait les moteurs. surtout ceux qui ronronnaient sous les motos.

 06 ; vaughn c’est un garçon qui n’a jamais provoqué les ennuis, il ne cherche pas à allumer l’étincelle, bien que quand le feu se déclare, il est loin d’être le premier à l’éteindre. c’est un type simple qui a des centres d'intérêt banal, la même bande d’amis depuis des années, une copine qu’il ne compte pas lâcher. c’est pas un gars qui fait exprès de se faire remarquer, c’est juste qu’il en impose et qu’il doit vivre avec. faut faire avec son humeur taciturne, faut pas perdre patience si vous cherchez à lui faire comprendre quelque chose, parfois il est lent, parfois il fait semblant. vaughn se mêle pas des problèmes des autres, il fait chier personne, dans son milieu c’est le plus intègre, mais c’est toujours de ceux-là dont on se fout totalement. c’est ceux-là qu’on pousse du sommet en premier.

07 ; c’est à l’âge vulnérable de quatorze ans qu’il apprit que le père de cameron n’était pas ce qu’on appelait un homme de bien, ces activités étaient parfaitement illégales. les deux gamins comprirent que hell driver n’était pas juste le repaire des hells angels, des simples bikers, des passionnés des moteurs. mais bien le lieu des magouilles attitrés. l’endroit parfait pour gérer un gang sans se faire attraper. bien que tout le monde en ville savait ce qu’il se tramait derrière les pompes à essence et les voitures démontées. c’est aussi à cet âge-là que le père de cameron ramena une kawasaki Z900, un petit bijou qui était totalement détruit et qu’il fallait remonter pièce par pièce. vaughn se doutait qu’elle avait été volé et il savait aussi que le chef des hells angels avait volontairement saccagé la moto pour qu’il la remette en fonction de lui-même. c’était comme ça qu’on gagnait sa place.

08 ; deux ans plus tard, il fit enfin sa première chevauchée sur sa moto. cameron avait encore quelques galères avec la sienne, mais il n’avait pas pu l’attendre, il n’avait pas pu se résoudre à patienter encore et il avait filé plus vite que le vent sur les routes de savannah. il n’était revenu qu’à la nuit tombée pour se coucher, le lendemain matin, il repartait aussitôt. un soir, en se présentant au garage pour remercier le père de cameron celui-ci fut accueilli par toute la bande du père de son meilleur ami et on lui offrit son blouson. une pièce noire magnifique où s'élevait dans le dos deux ailes blanches immaculés. c’était la troisième chose qu’il préférait au monde. en premier, il y avait sa kawasaki, en second c’était un bracelet brésilien rouge qui lui venait de saint.

09 ; pas encore la vingtaine quand cameron se retrouve à la tête des opérations des hells angels. son père, sa mère et sa petite soeur saint était dans leur voiture en direction de la maison quand un gang ennemi a surgi sur la droite, une petite camionnette blanche avec un homme au volant et trois à l’arrière des fusils dans les deux mains, son géniteur n’a même pas eu le temps de faire une manoeuvre quelconque avant de se retrouver le visage criblé de balles. sa mère est morte sur le coup quand le capot de la voiture a brusquement percuté un arbre, son corps a traversé le pare-brise. et la gamine à l’arrière s’est évanouie la tête en sang. elle est la seule à avoir survécu, des souvenirs de l’accident, des cauchemars qui ne cessent de venir hanter ses nuits, mais aucunes séquelles physiques. trois jours plus tard, cameron était assis sur le trône encore chaud de son père et il réclamait son meilleur ami, son frère à ses côtés pour le soutenir. vaughn devint l’homme de main, le second.

10 ; il buvait un verre avec les gars, ils étaient tous bien éméchés quand quelqu’un fit la gaffe. willow avait couché avec la nouvelle recrue des hells angels. vaughn demanda au type de répéter mais celui-ci secoua la tête, les autres baissèrent les yeux. tout le monde était déjà au courant. cette histoire datait de plusieurs semaines déjà. c’est la première fois que les gars virent vaughn se mettre vraiment en colère, il balança son verre dans la pièce, les mains sur la tête et demanda aux gars ce qu’ils savaient d’autres. et il s'avère qu’il aurait voulu ne jamais connaître la réponse. parce que ce soir-là fut l’un des pires de son existence, c’est comme si la porte qu’avait claqué son père des années plus tôt, s'ouvrait brusquement sur un trou béant. des sentiments refoulés, des émotions cachées, une douleur insurmontable. cette impression nette de trahison.