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| foutre le feu aux chrysanthèmes (libre) | |
| Auteur | Message |
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petit soldat en plastique ▹ posts envoyés : 164 ▹ points : 8 ▹ pseudo : unserious/agnès ▹ crédits : tumblr, bazzart / avatar : praimfaya ▹ avatar : louis garrel ▹ signe particulier : des cicatrices un peu partout, une jambe en moins, une voix un peu trop discrète pour qu'on ne le remarque vraiment
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| Sujet: foutre le feu aux chrysanthèmes (libre) Lun 5 Fév - 0:40 | |
| Clic.
Le bruit de la bière qu’on décapsule résonne au milieu des tombes. C’est grand ici, trop grand peut-être, qui aurait cru qu’y aurait autant de personnes dans cette ville ? Autant de macchabés ? Pas Jem, certainement pas, il connait que ses vieux ici, y a qu’eux qui ont cassé leurs pipes, mais ses yeux n’ont pas pu s’empêcher de fureter sur les différents marbres, à déchiffrer les noms de parfaits inconnus comme si c’était la chose la plus fascinante au monde. Il a fini par retrouver le caveau commun des Bogart, s’est assis sur une stèle à proximité, les pieds dans les graviers et le nez planté dans les nuages alors qu’il porte la première gorgée à ses lèvres. Ça doit faire un peu plus de dix ans maintenant qu’il vient en pèlerinage ici, il était trop jeune avant pour comprendre l’importance que peut avoir une date, le 11 avril, pèlerinage morbide, 11 avril, date gravée dans le marbre de piètre qualité, famille de vermines pas suffisamment riche pour se payer une sépulture décente, 11 avril, début de la fin pour l’odieuse descendance, trois gamins tellement fangeux qu’on les croirait sortis du cul d’une poule, incapables de se faire une place dans la société autrement qu’en brillant par leurs échecs. Jem le premier, la guibole en métal qui s’égare dans une posture qui ne paraîtrait naturelle pour personne, sa vraie jambe qui ne fait même plus gaffe à sa jumelle bionique, se contente de tapoter nerveusement le sol du bout des orteils. Y a pas beaucoup de raisons de trinquer, en soi, mais Jem a toujours considéré que c’était un anniversaire et que comme tout anniversaire qui se respecte, il mérite son petit mousseux traditionnel. Dans le cas présent, une bière dégueulasse de supermarché qui sent vaguement la javel. « Vous faites chier. » C’est un souffle, rien de plus, un soupir qui se perd dans le vent, s’égare dans un coup de bise plus fort que le précédent, se paume dans l’oreille d’un sourd. Ou c’est tout comme, puisqu’il n’aura jamais de réponse, puisque les personnes auxquelles est destinée l’injure ne sont plus de ce monde. Une autre gorgée, plusieurs, oh ben tiens, la bouteille est quasiment finie. C’est qu’on aurait un problème avec l’alcool, faut croire, en plus de tous les autres, en plus des réveils brutaux en sueur à hurler à la mort, en plus de la violence qui suinte de tout son corps, des combats à la volée contre le moindre péquenaud qui ose se foutre de sa gueule, les branlées monumentales qu’il subit à chaque fois, une jambe en moins ça rend un peu moins mobile, un peu moins rapide, un peu moins habile pour esquiver les poings, pour trouver son chemin en pas-chassés hors de la mêlée. « Isaiah et Judith vont bien. J’crois. Vu qu’vous les avez abandonnés quand ils avaient mêm’ pas quat’ piges. » La bière finie qu’il jette en direction d’une poubelle, qui se brise juste avant de l’atteindre. Pas grave, les employés communaux sont là pour ça. « J’espère qu’vous vous fatiguez pas trop là où vous êtes. » Ça a des accents de reproche, de vieille rancune mal digérée, la phrase qui s’écrase trop brutalement au sortir de sa bouche, qui va pas tellement plus bas que le sol sur lequel elle est crachée. Il leur en veut, beaucoup, trop, il leur en veut et chaque 11 avril, il a un peu plus de mal à le cacher.
Dernière édition par Jem Bogart le Lun 7 Mai - 19:21, édité 2 fois |
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Invité ☽ ☾
| Sujet: Re: foutre le feu aux chrysanthèmes (libre) Lun 5 Mar - 16:11 | |
| Ça fait des jours qu'elle s'acharne. Des jours qu'elle guette qu'elle traque qu'elle craque. Des jours qu'elle s'applique à lui pourrir la vie, à balancer des œufs sur sa façade, une brique par sa fenêtre, à appeler les flics en prétextant du tapage nocturne quand il n'y en a pas, signaler aux pompiers un feu qui n'existe pas. Des poubelles éventrées sur le pas de sa porte, des flyers distribués aux clochards qui promettent de la bouffe gratuite à son adresse. Elle imagine tout et n'importe quoi pour l'emmerder, ternir son quotidien, lui faire payer comme elle l'a promis. Sûrement qu'il a deviné de qui ça vient, mais il ne fait rien pour l'en empêcher alors elle continue. Encore et encore, jusqu'à ce qu'elle se lasse ou qu'il pète les plombs – il l'a déjà fait, elle en porte encore la trace. L'hématome sur sa gorge se fane, le bleu qui se délave, qui prend des teintes de vert jaunâtre dégueulasse. Bientôt ça sera parti mais elle n'aura rien oublié. Elle n'arrive toujours pas à digérer.
Alors sa vengeance s'éternise, puérile et pénible, la colère qui ne retombe pas, la rancune qui fleurit et s'étale, racines enroulées autour de sa trachée comme les doigts de Jem.
Aujourd'hui elle a décidé de taguer ses murs même si elle sait pas encore ce qu'elle va faire sur le crépi, bombe de peinture sagement rangée dans la poche de sa veste beaucoup trop grande. Pourtant son plan reste en suspens quand elle le voit sortir, sa démarche tordue et sa sale gueule qui lui fait froncer le nez. Elle se planque à moitié derrière une voiture, postée à l'autre bout de la rue alors qu'il se met en marche. Et elle voudrait lui bondir dessus, le prendre par surprise et le faire s'écraser sur le bitume, le rouer de coups jusqu'à le réduire en bouillie, jusqu'à ce qu'il ne soit qu'une flaque dégueulasse comme celle du ragoût qu'elle a renversé sur le sol de sa cuisine. Elle voudrait le frapper, laisser exploser sa rage et l'insulter de tous les noms, lui faire regretter de l'avoir touchée, de l'avoir ébranlée dans ses fondations. Lui faire payer de l'avoir privée de toute forme de contrôle, d'avoir eu le dessus sur elle, d'avoir fait d'elle une proie apeurée entre ses griffes. Ça l'insupporte et rien que d'y repenser elle a envie de hurler, incapable de digérer le fait d'avoir ployé comme ça face à lui.
Il avance, elle suit.
Elle sait pas où il va et elle s'en fiche un peu, capuche rabattue sur ses cheveux emmêlés, baskets qui râpent le goudron, le ventre à l'air et le baggy dans lequel elle pourrait rentrer trois fois. Sa dégaine de racaille bon marché qui se fond entre les gens, se fait discrète en marchant dans les pas de Jem. La curiosité prend le dessus et sûrement qu'elle espère découvrir une faiblesse une vraie, quelque chose qui pourra lui servir pour le blesser. Peut-être que c'est son jour de chance – bière et cimetière, le combo gagnant des âmes fissurées fatiguées esseulées, elle le tient.
Quand il passe le portail elle se retourne et reste plantée là un moment, le temps d'être sûre qu'il est assez loin pour ne pas la remarquer. Elle vient se camper de l'autre côté de la grille, l'observe s'éloigner entre les tombes jusqu'à ce qu'il disparaisse de son champ de vision. Puis enfin elle entre à son tour, intriguée, ses pas qui résonnent sur le gravier alors qu'elle le cherche du regard. Elle finit par l'apercevoir, là-bas, près d'un caveau qui lui hérisse le poil – de toute façon elle aime pas cet endroit, tous ces morts sous ses pieds elle trouve ça trop glauque. Elle avance jusqu'à lui doucement, comme si elle n'était qu'une autre âme venue pleurer sur une sépulture précise. Pourtant y a personne pour elle ici, la seule chose qui l'intéresse c'est Jem et quand elle l'entend parler tout seul elle sait pas si elle doit jubiler ou tourner les talons. Probablement qu'elle devrait, au fond elle sait que ça s'fait pas de venir le chercher là, que c'est irrespectueux et terriblement bas. Ça suffit pas à l'arrêter. « Ils t'entendent pas. » Elle croise les bras contre sa poitrine, restant à distance pour l'instant. Ses yeux qui croisent les siens alors qu'elle affiche cette foutue moue boudeuse, celle de la sale gosse capricieuse. « Tu sors jamais, et quand tu sors, c'est pour venir parler aux macchabées. » Un ricanement, c'est moche. « Ta vie est vraiment putain d'triste. » |
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| Sujet: Re: foutre le feu aux chrysanthèmes (libre) Ven 16 Mar - 11:06 | |
| L’enfer sur terre. Lui et sa canne, lui et sa jambe en moins, trop peu de choses pour le différencier de ses vieux. Peut-être juste le fait qu’il ne bouffe pas les pissenlits par la racine, et encore. Ce qui ne change pas, c’est le caractère absolument merdique de son existence, juste ses yeux pour pleurer, pas grand-chose de plus. Triste, triste Jem. Y a trop de trucs qui se barrent en couille pourtant, trop de choses pour le faire râler, pour exacerber la colère assassine qui émane déjà de lui en permanence, fantôme de tyran, âme de despote. Ça fait plusieurs jours, déjà, plusieurs jours depuis cette abrutie de Toni et le chaos qu’elle avait semé dans sa cuisine, dans sa baraque, les meubles pétés, salis, le boulot phénoménal qu’il avait fallu déployer pour tout remettre en place, pour tout raccommoder, Anca au milieu de tout ça, Anca, il n’a aucune nouvelle, Anca, ça cogne un peu trop fort contre son crâne, le prénom qui revient en boucle, AncaAncaAnca et l’envie de tout plaquer, de tout foutre par terre lui aussi. Tout ce qu’il avait réussi à rafistoler, difficilement, tout ce qu’il avait remis, réadapté pour que ça tienne à peu près debout. Il est un peu perdu et c’est sûrement pour ça qu’il s’en remet au ciel, Jem, comme à chaque fois que son esprit divague, comme à chaque fois qu’il menace de boire la tasse, pas assez stable sur le peu d’appuis qu’il a, pas suffisamment solide pour faire face aux bourrasques. Il s’en remet au ciel, oui, il prie, il crie, ça lui arrive parfois le soir, ça lui arrive souvent le matin, surtout en ce moment. Chaque putain de réveil est le même, tirer sa carcasse du lit, se douche, ne rien faire. Espérer se casser en chemin mais ne jamais y parvenir, trop solide le petit soldat, trop habitué aux coups, aux vents, aux marées. Trop fort, peut-être. Ça irait plus vite s’il se flinguait, mais il n’a jamais été suffisamment courageux pour ça, alors il survit, alors il se traine.
Il ne s’attend pas à voir Toni ici, pas après l’autre fois, pas après l’avoir terrifiée comme il l’avait fait, pas après avoir failli l’assassiner dans sa cuisine. Une part de lui pense toujours qu’elle l’avait mérité, amplement, qu’elle avait tiré sur la corde jusqu’à ce qu’elle lâche, qu’un moment de faiblesse n’abatte Jem, ne le rende encore plus désaxé, encore plus dangereux, encore plus profondément inadapté. Si la question se posait encore, il est en train de faire la causette à ses parents morts, preuve qu’il y a bien un ou deux neurones qui ont grillé au passage. Ce qu’elle lui fait remarquer, évidemment, Toni n’a jamais été très bonne pour garder sa langue dans sa poche, pour ne pas formuler la moindre idée qui lui passe par la tête. « Qu’est-ce que tu fais là ? » Ce n’est pas demandé méchamment, pas brutalement, sa voix est sûrement trop douce et il la regarde, distant, s’assied maladroitement sur le sommet de la pierre tombale, les deux pieds sur le petit tas de terre qui recouvre les ossements de son ascendance, plus à un blasphème près. Même s’il prie, intérieurement. Il prie alors qu’il baisse les yeux sur la tombe, prie tout bas, lèvres qui bougent imperceptiblement, prie en espérant que Toni ne remarquera pas parce qu’elle se remplumera si elle trouve quelque chose pour le blesser et que sa foi est évidemment un sujet sensible. Les gens ne comprennent pas qu’il soit croyant, souvent, parce qu’il aurait toutes les raisons au monde de détester Dieu, de penser que ce n’est qu’un sale fils de pute qui lui a offert une vie de merde malgré tous les services qu’il a rendus à la nation. « J’suis désolé pour l’autre fois », il hésite à ajouter mais tu l’avais pas volée parce que c’est vrai, parce qu’elle avait mérité quelque part qu’il lui fasse peur, qu’il s’en prenne à elle, lui montre qu’il n’est pas qu’un pantin à qui on peut faire dire tout et son contraire. Il ne la regarde pas, Jem, l’aveu ne sent pas vraiment la sincérité, juste l’obligation, celle de s’excuser pour avoir levé la main sur une femme même si Toni avait repoussé toutes les limites du tolérable. « T’as prévu quoi du coup ? Tu vas faire cramer ma baraque, tuer mes chats ? Si tu veux vomir dans ma boîte aux lettres trouve une meilleure idée, c’est déjà fait. » Le souvenir brûlant des messages d’Eoin, de la surprise qu’il avait eue quand il avait vu que c’était fait. Des tags retrouvés sur la façade le surlendemain. Il a mis la maison en vente depuis quelque jours, prévoit de bouger en appartement pour ne plus avoir tous les cassos de la ville qui chient devant sa porte. Il la regarde, retient son souffle. « J’sais que j’ai mérité certains trucs mais pas ça. J’pense pas. » Il ferait presque pitié.
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Invité ☽ ☾
| Sujet: Re: foutre le feu aux chrysanthèmes (libre) Dim 18 Mar - 21:55 | |
| « Qu’est-ce que tu fais là ? » C'est pas agressif ni méprisant, c'est rien de ce à quoi elle s'attendait et elle le dévisage, bras toujours croisés contre sa poitrine en guise de bouclier. Ses sourcils froncés trahissent son incompréhension, regard fixé sur Jem qui s'assoit sur la pierre tombale. « J't'ai suivi. » Elle ne cherche ni à mentir ni à jouer à la maline, la vérité qu'elle crache sans le quitter des yeux, méfiante face à cette accalmie apparente. Il n'a même pas l'air fâché de la voir là, de l'entendre le rabaisser comme si elle n'avait toujours pas appris la moindre notion de respect.
Elle comprend pas. À ses yeux, ça colle pas.
Elle voudrait qu'il s'énerve, qu'il la congédie, qu'il lui donne de quoi alimenter les brasiers de la colère qu'il a éveillée en elle. Mais il la laisse comme une conne, un feu au creux des tripes et rien d'autre qu'un tas de cendres face à elle – il veut pas l'aider à tout faire cramer. Elle voit ses yeux qui se baissent, l'impression que ses lèvres se mettent à bouger mais elle est pas sûre et y a aucun son qui s'en échappe. Il lui faut plusieurs secondes pour comprendre que cette fois il ne s'adresse pas six pieds sous terre, mais à l'autre con là-haut. Elle ricane, pas discrète pour un sou, lueur moqueuse dans l'fond des yeux, menton levé d'un air hautain. Mais pour l'instant, elle ne dit rien. C'est lui qui finit par briser le silence. « J’suis désolé pour l’autre fois. » Cette fois c'est vraiment trop. Ses bras retombent mollement contre ses flancs alors qu'elle continue de l'observer sans rien comprendre, sans savoir ce qu'elle doit en penser. Peut-être qu'elle devrait prendre ça pour une demande de trêve, lever le drapeau blanc à son tour et cesser sa comédie stupide. Peut-être qu'elle devrait oui, y a cette petite voix qui lui souffle que c'est la bonne chose à faire mais comme toujours elle la balaie. Elle est trop bornée pour ça. « Désolé ? T'as voulu me buter, connard ! J'ai encore la trace. » Du bout des doigts elle désigne les vestiges qui ornent encore sa gorge, dernières traces de bleu de violet qui commencent à se délaver. Son ton est aussi accusateur que son regard, prunelles assassines qui cherchent à brûler les siennes mais il ne la regarde même pas. « Espèce de lâche, regarde c'que t'as fait. » Regarde Jem, regarde comme tu m'as fait mal, regarde les marques que t'as laissées. J'ai fracassé tes affaires, t'as volé mon oxygène. Qui de nous deux a la dette la plus élevée ?
« T’as prévu quoi du coup ? Tu vas faire cramer ma baraque, tuer mes chats ? Si tu veux vomir dans ma boîte aux lettres trouve une meilleure idée, c’est déjà fait. » Elle voudrait rire mais elle n'y arrive même pas, trop énervée pour ça, cette rage sourde qui irradie dans ses veines sans qu'elle sache comment l'exprimer. Tout ce qu'elle arrive à lâcher c'est : « Donc y a pas qu'moi qui te déteste. Faudrait p't'être commencer à te poser des questions. » Elle sait pas qui a vomi dans sa boîte aux lettres ni pourquoi, elle veut pas savoir. Elle salue juste l'idée qu'elle trouve brillante, décide même de la garder en mémoire, sait-on jamais.
Quand il finit enfin par lever les yeux vers elle, il a de la chance qu'elle n'ait pas de canons à la place des iris. Elle le mitraille sur place, la rancœur qui suinte par tous ses pores, le mépris qui déforme ses traits. « J’sais que j’ai mérité certains trucs mais pas ça. J’pense pas. » Il l'agace. Parce qu'elle voudrait lui faire payer mais il a l'air tellement pathétique que ça lui en couperait presque l'envie, parce qu'il lui fait de la peine, au fond, même si elle préférerait crever que l'avouer. Elle aime pas ce qu'elle lit dans ses prunelles fatiguées, ce qui émane de lui par vagues et qu'elle sent même de là où elle est. Il a l'air à bout de forces à bout de souffle et putain ça l'énerve, parce qu'elle a besoin d'avoir un adversaire, parce qu'elle ne veut pas d'une victoire offerte sur un plateau d'argent. C'est pas le Jem qu'elle a découvert ce jour-là dans sa foutue cuisine, c'est pas le prédateur, ce sale type qui fait peur. Aujourd'hui c'est qu'une loque, une victime qui semble prête à se faire bouffer. Mais Toni ne veut pas de ça, c'est pas une épave qui pourra la rassasier. « Pauvre petit Jem qui mérite pas ça, il s'en prend plein la gueule mais il a rien fait, la vie est si injuste, bouhou. » Le ton qu'elle emploie est aussi mesquin que condescendant, ses yeux qui continuent de le transpercer. « Tu t'prends pour Calimero ou quoi ? » Son corps se met en marche avant qu'elle ne lui en donne l'ordre, ses pas qui la rapprochent de lui un peu trop vite, ses tripes qui se tordent quand elle s'arrête à quelques centimètres de sa carcasse. L'étau autour de son cou revient comme une sensation fantôme, pourtant elle ne recule pas. « J'en ai rien à foutre qu'il te manque une jambe et qu'tu sois venu chialer sur la tombe de j'sais pas qui. C'est trop facile de jouer la victime maintenant. » C'est balancé comme si tous les torts lui revenaient à lui et à lui seul, comme s'il était le seul à avoir déraillé. C'est facile de se lamenter c'est vrai, mais ça l'est encore plus de tout nier, de rejeter les fautes sur les autres pour ne rien avoir à assumer. « Si tu veux t'attirer la pitié des gens, évite de les étrangler. C'est pas tes excuses toutes pétées qui vont changer c'que t'as fait, en plus j'suis sûre que tu le penses même pas. » Elle a vu la haine dans ses yeux quand il serrait, elle a vu qu'il aurait été capable d'aller jusqu'au bout – qu'une part de lui le voulait. C'est peut-être pour ça qu'en le regardant elle a du mal à respirer. |
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| Sujet: Re: foutre le feu aux chrysanthèmes (libre) Ven 30 Mar - 0:08 | |
| Croyant, pas du tout. Pas assez pour ce qu’il a vécu, trop pour quelqu’un qui a frôlé la mort. Croyant jusqu’à l’os, à réciter des psaumes par cœur, à pointer son cul à l’église même les jours où il n’y a pas messe, à vouloir expier les pêchés de la pire des manières, se priver de médicaments, s’infliger des douleurs inutiles. Croyant, pas suffisamment pour que le concept de repentir soit suffisamment développé, exploitable, suffisamment là pour lui faire regretter ses actes, pour vouloir effacer les écritures tordues la page, remettre les compteurs à zéro. Croyant, pas lorsqu’il se rend sur la tombe de ses parents, pas quand il s’aperçoit qu’il ne sait rien d’eux, qu’il connaît à peine leurs prénoms parce qu’il a essayé de toutes ses forces d’oublier, de passer à autre chose, de retenir les noms des diverses personnes chez lesquelles il avait trouvé refuge un temps, quelques jours ou quelques semaines. Croyant, pas quand il y a Toni trop proche, pas assez, pas encore à portée de main pour pouvoir resserrer l’étau sur sa gorge, pas encore tuable, pas encore vulnérable, Toni en haut de son perchoir et Jem qui l’écoute comme si elle lisait l’annuaire, les mots qui ne percutent pas vraiment son tympan, s’échouent quelque part dans son oreille, entre deux neurones, qui ne prennent pas sens car elle a tort, car c’est évident, car il faudrait qu’elle soit vraiment stupide pour penser qu’elle n’est pas un minimum responsable de leur échange musclé d’il y a quelques jours. Là encore, c’est Toni, et elle est pleine de surprises quand il s’agit de démontrer la pauvre étendue de ses capacités intellectuelles. Elle hurle. Normal, il savait qu’il devait s’y attendre, trop violent, trop surprenant lorsque le loup s’était enfin réveillé, lorsqu’il avait ouvert les yeux et sorti les crocs. Il l’avait prise au dépourvue, ce jour-là, et c’était peut-être ce que Toni avait le plus de mal à assumer, au fond, après les reproches, après le rejet, après la défiance. Comprendre la violence, se souvenir, essayer de savoir pourquoi, ne jamais y arriver. J’ai encore la trace, elle lui balance. « Cool, ça te fait un souvenir. J’espère que t’as toujours mal », réponse nonchalante, les yeux qui dévient sur le reste du cimetière, du paysage macabre qui les entoure. Il espère et ça lui fendille le cœur parce qu’il aimerait être plus fort, ne pas relever, se contenter de réitérer des excuses mais ça ne lui ressemblerait pas vraiment. Pour ce que ça vaut, ses derniers mots éclipsent le pardon inopportun qu’il a laissé échapper un instant plus tôt. Ce n’est pas forcément bien, parce que ça lui donne de nouveau cet aspect rugueux, gluant, dégueulasse, parce que c’est un cynisme et une froideur qui lui sont familiers et qu’il aurait aimé lisser le portrait pour une fois, essayer de se montrer sous un meilleur jour, ne pas être trop rancunier, trop dramatique, éviter les effusions et se limiter aux civilités minimales. Sauf que Jem n’a pas été élevé dans la dentelle et qu’il n’a précisément rien à foutre de ce que Toni peut bien ressentir et des douleurs qu’il a pu lui infliger du bout de ses doigts. Tout ce qu’il voit c’est qu’elle le dérange, tout ce qu’il sent c’est qu’elle le trouble, et c’est suffisant pour ranimer la colère, pour que le noir envahisse la photo, pour que la froideur les transperce tous les deux et qu’ils se retrouvent avec des pieux de glace plantés dans la poitrine. Climat polaire lorsque Toni s’approche enfin, chaleur tropicale, le sang qui bat trop vite dans ses tempes, dans son cœur, alimente le cerveau avec une soif de sang nouvelle, à faire pâlir de frayeur le plus coriace des vampires. Tic, toc, horloge grinçant, les secondes qui s’égrènent alors qu’elle énumère ses griefs, exprime sa propre rage, sourde et glaçante, à des kilomètres de la jeune-femme qu’il a connue quelques mois plus tôt, bien loin aussi de celle qui a renversé du ragoût sur son carrelage. Il ne sait pas pourquoi il pense à Anca mais c’est vers elle qu’il tourne ses attentions à cet instant, Anca à qui il a dit je t’aime et Anca qui est désormais aux abonnés absents car elle n’est jamais là quand on a besoin d’elle, aucune réponse au téléphone, aucun visage à la porte, Anca et la trouille au creux du bide à l’idée qu’il lui soit arrivé quelque chose mais la lâcheté de ne surtout pas demander à ses proches si elle va bien car il n’est personne, pour elle comme pour Toni, pour Siam aussi, personne et c’est tant mieux, personne et c’est tant pis. « J’en ai rien à foutre de tes arguments bidons et de tes critiques de conne là », ça sort d’un ton lassé, usé, les yeux qui se posent sur elle, décomposent la forme de son visage, ses rides d’expression, ses moues stéréotypées. Il pince les lèvres, Jem, pour s’empêcher d’en dire davantage parce que ce n’est ni le lieu, ni le moment, parce qu’il est censé gerber sa haine sur ses vieux et qu’il ne peut visiblement pas le faire quand Toni est à proximité. Lentement, il se met debout, plus le cœur à rester le cul posé sur une pierre, se rapproche d’elle, à peine quelques centimètres pour être déjà bien trop proche. « Tu vas me faire quoi ? » Et sa main qui attrape sans ménagement celle de la blonde, la forçant à se positionner sur son cou à lui, pas trop loin de la carotide. « Serre, t’attends quoi ? » Sourcils froncés et la main toujours sur la sienne, comme s’il attendait qu’elle commence pour presser ses phalanges, l’inciter à user de davantage de violence. Ses mâchoires sont serrées et son regard couleur acier. « SERRE PUTAIN. » Ça claque, il sait déjà qu’elle ne fera rien, qu’elle sera pétrifiée, qu’elle aura juste envie de le fuir dès qu’elle le pourra, fuir fuir fuir, parce que Toni c’est beaucoup de gueule mais pas tellement de courage et qu’il est persuadé qu’elle profitera du premier écart pour se barrer, pour lui échapper.
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Invité ☽ ☾
| Sujet: Re: foutre le feu aux chrysanthèmes (libre) Dim 1 Avr - 21:06 | |
| « Cool, ça te fait un souvenir. J’espère que t’as toujours mal. » Des mitraillettes à la place des yeux, elle a beau le fusiller ça n'a pas le moindre effet – il ne la regarde pas. Ses mots brûlent brûlent brûlent ça crame sa gorge, l'impression que les marques vont en devenir indélébiles puisqu'il les retrace au fer rouge pour les incruster sous sa peau, pour ne jamais la laisser oublier. Elle sait que ça flambera chaque fois qu'elle le verra et pour ça elle voudrait s'arracher les yeux ou juste le réduire en poussière, pourtant elle reste plantée là. « T'as pas serré assez fort pour ça. » Cracher c'est plus facile que d'avoir à le toucher et tant pis si elle ment, tant pis si la douleur s'éveille comme un millier d'aiguilles quand elle passe ses doigts sur les hématomes, tant pis si elle a essayé de serrer seule devant le miroir pour remplacer les traces de Jem par les siennes. Ça n'a pas marché et elle sait que le temps suffira pas à tout effacer ; pas à l'intérieur, pas le bout de fierté qu'il a salement broyé.
Elle le regarde et elle aime pas ce qu'elle voit, elle aime pas sa gueule elle aime pas son calme, elle aime pas ce qu'il a éveillé en elle en prenant le contrôle. Elle voudrait qu'il devienne enragé comme l'autre fois, qu'il la conforte dans tout ce qu'elle pense de lui, qu'il lui donne toutes les raisons de continuer à le détester. Mais il le fait pas. Il est là et il a presque l'air vulnérable sur cette tombe, il lui donne pas ce qu'elle veut et ça suffit à faire bouillir le sang dans ses veines. Ça suffit à la faire céder, la pousser à avancer jusqu'à se planter près de lui – trop près putain elle voudrait mettre des kilomètres entre eux mais il reste moins d'un mètre et elle se sent mal. Elle le dévisage et elle parle, elle parle elle parle elle parle ça sonne comme une diversion, comme pour qu'il focalise son attention sur le torrent qui s'échappe de sa bouche plutôt que l'agitation de ses doigts, ses mots plutôt que la tension dans ses muscles. Afficher sa rage pour planquer la peur qui plane quelque part au creux d'ses entrailles, sale traîtresse qui lui donne envie de s'éloigner de lui pour rester hors de sa portée. Elle écoute pas son instinct, elle reste là, au bord du précipice. Un coup de vent et elle chute dans la gueule du loup.
« J’en ai rien à foutre de tes arguments bidons et de tes critiques de conne là. » Son nez se fronce comme ses sourcils, leurs prunelles qui s'accrochent s'écorchent et se font assassines. Quand il se lève elle tressaille mais elle se force à rester en place, elle lève le menton alors qu'il s'approche, ses poings qui se serrent sans qu'elle le quitte des yeux. Elle attend l'impact elle attend qu'il revienne à la charge comme il l'a déjà fait, qu'il tente de finir le travail qu'il décide de l'achever cette fois. Elle attend et elle veut croire qu'elle est prête, que cette fois elle le foutra au tapis avant qu'il n'ait pu lever le petit doigt.
Il ne fait rien.
Il se contente de s'arrêter à quelques centimètres d'elle, beaucoup trop près, assez pour lui donner envie de hurler. Mais il ne fait rien et elle se tait, lui dégueule toute sa haine d'un simple regard, la rage qui assombrit le bleu de ses yeux. Contre ses flancs ses poings tremblent et elle ne sait plus si c'est la colère ou la crainte, le dégoût ou l'appréhension. « Tu vas me faire quoi ? » La main de Jem qui saisit la sienne, elle sursaute, son poing se défait, sa bouche s'entrouvre comme si elle voulait crier. Aucun son ne s'en échappe. Elle est figée quand il amène sa main contre sa gorge à lui, quand il reproduit le schéma de l'autre fois en inversant les rôles. « Serre, t’attends quoi ? » Elle pourrait, c'est vrai. Elle devrait. Pour la vengeance, pour l'honneur, pour un tas de trucs qui se mélangent et hurlent dans sa tête, la moindre de ses cellules qui lui ordonne d'obéir. Pourtant elle ne le fait pas, sa main toujours prisonnière de celle de Jem qui refuse de serrer, ses prunelles continuant de flamber dans les siennes. « SERRE PUTAIN. » Elle reste immobile. Raide de la tête aux pieds, proche de la statue ou peut-être juste du cadavre qu'on a trop laissé refroidir et qu'on ne peut plus modeler, devenu trop dur pour le faire ployer.
Serre putain ça fait des échos dans sa boîte crânienne en boomerang et ça cogne dans tous les coins elle sait plus comment l'arrêter. T'attends quoi c'est vrai pourquoi elle bouge toujours pas ? Fais-le, elle se le répète mentalement, fais-le, elle se l'ordonne mais son corps refuse de bouger, fais-le, elle n'a même plus le contrôle sur ses propres gestes. Le cerveau lance l'assaut mais la connexion ne se fait pas, y a un fil sectionné le message n'arrive pas à destination putain la machine s'est enrayée.
Elle est éteinte, on dirait que tous les plombs ont sauté.
« Non. » Elle s'entend pas parler et sa voix ne lui ressemble même pas. Sa main s'arrache à celle de Jem brutalement, pour mieux se lever et venir s'abattre sur sa joue violemment. Dans sa tête, la gifle résonne comme un coup de feu. « J'suis pas comme toi. » Elle voudrait reculer mais ses pieds refusent d'obéir, elle maîtrise rien c'est insupportable – elle a pas l'habitude de se sentir si démunie. « Tu crois quoi hein ? Que j'vais t'étrangler et qu'on sera quittes ? Que j'vais essayer de t'achever ? » Sûrement qu'il le mérite, qu'elle devrait lui réserver le même sort que le sien, lui laisser les mêmes marques, lui voler son oxygène sans la moindre pitié. Elle en a envie c'est vrai, elle veut lui faire mal mais pas comme ça, elle peut pas. Brute peut-être mais pas meurtrière, s'il est forgé d'acier elle n'est rien de plus que du bois qui craque et brûle trop facilement. « VA T'FAIRE FOUTRE ! » Peut-être que c'est ce qu'il voulait, peut-être qu'il attendait qu'elle serre, peut-être que c'est ce qu'il espérait. Ou peut-être qu'il savait qu'elle y arriverait pas, qu'elle pourrait jamais aller aussi loin que lui. Elle en sait rien mais elle le hait putain elle le hait tout entier. « Tu voulais que j't'étouffe ? Que j'te fasse mal ? » Elle revient à la charge, ses paumes qui entrent en collision avec le torse de Jem pour le pousser, une fois deux fois cinq huit elle perd le compte. Elle le pousse à défaut de serrer, elle le pousse comme pour l'éloigner mais elle le suit ça n'sert à rien. « C'est quoi ton putain d'problème ? Hein Jem ? C'est quoi qui tourne pas rond chez toi ? » Et pourquoi il a fallu qu'elle tombe sur lui qu'il tombe sur elle, pourquoi elle a pas vu qu'il pouvait être dangereux, pourquoi elle a provoqué, pourquoi il a craqué ? C'est pas la première fois qu'elle use la patience des gens au point de les voir vriller mais d'habitude elle sait choisir, elle sait reculer quand elle fait pas le poids face à son adversaire. Jem elle l'a pas vu venir, il a joué à l'iceberg tout ce temps et maintenant qu'elle a éraflé la partie immergée y a la menace du naufrage qui pèse trop lourd.
Touché, coulé. |
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petit soldat en plastique ▹ posts envoyés : 164 ▹ points : 8 ▹ pseudo : unserious/agnès ▹ crédits : tumblr, bazzart / avatar : praimfaya ▹ avatar : louis garrel ▹ signe particulier : des cicatrices un peu partout, une jambe en moins, une voix un peu trop discrète pour qu'on ne le remarque vraiment
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| Sujet: Re: foutre le feu aux chrysanthèmes (libre) Dim 15 Avr - 20:57 | |
| Grenade. À en croire que ce n’est pas une mine qui a fait voler sa jambe en éclat, pas une pastille sur le sol mais une balle explosive, les bouts de fer projetés dans toutes les directions pour venir s’écraser aux alentours. Grenade. La main qui essaie d’inciter celle de Toni à agir, se resserrer sur sa carotide, dessiner sur ses traits la même expression d’horreur qu’il avait pu lire ce jour-là sur son visage, alors qu’il enlevait tout l’air de ses poumons meurtris. Il n’a jamais été vraiment cruel, Jem, pas du genre à enlever les pattes des insectes une à une ni à cramer des fourmis en faisant transiter le soleil par une loupe, pas non plus du style à cogner sur des gens ni sur des animaux – et surtout pas des chats – sans qu’ils ne l’aient expressément mérité, ce qui constitue pour lui un bon motif. Pacifiste mais pas con. Pacifiste mais pas totalement, impossible de se débarbouiller du maquillage militaire, le treillis qui lui colle encore un peu trop aux cuisses, a tracé des années en trop sur le cuir de sa peau. Pas du genre à se battre mais suffisamment pour partir dans des pays étrangers pendant des années, suffisamment pour pointer son arme sur un autre homme, suffisamment pour appuyer sur la gâchette. Il n’a pas compté les corps tombés, vaut mieux pas des fois, suffit de voir comme il a les paupières qui tremblent pour s’attendre toujours à une rechute imminente. Il n’est pas assez malin, Jem, singe automate dans la caboche, il n’est pas assez intelligent et il ne comprend pas pourquoi Toni refuse de serrer, pourquoi elle ne bouge pas, pourquoi elle le regarde fixement. Dans son mode de pensée binaire, on est soit bon à tuer, soit bon à être tué, y a pas de juste milieu possible ni de retour en arrière une fois qu’on a pris un chemin, une décision, une fois qu’on a décidé d’être à un bout ou l’autre du fusil. Il n’entend pas immédiatement le non qui claque dans l’air, s’attend à quelque chose d’autre, à ce qu’elle serre, à ce qu’elle cogne. Pas à ce qu’elle refuse. Il n’est pas malin mais il l’est suffisamment pour avoir compris qu’elle n’est pas non plus une première de la classe, qu’il n’y a pas forcément la lumière à tous les étages, suffisamment malin pour la savoir aussi bête que lui ou peut-être un peu moins, même s’il ne l’avouera pas, jamais, pour une question de principe ou de fierté. Le peu qu’il lui reste, du moins. Il n’est pas malin et il n’a pas le temps d’esquiver la gifle qui s’écrase sur sa joue, réveille des instincts qui sommeillaient depuis une blinde, semblaient se demander à quelle heure se passerait la résurrection. Le Christ serait fier, ou pas. Lui ne l’est pas vraiment, il ne l’est pas parce qu’il y a ses muscles qui se tendent, qui ne demandent qu’à frapper alors qu’il se laisse docilement pousser en arrière à plusieurs reprises, les yeux plantés dans ceux de Toni, avec en tête l’idée féroce qu’un assassinat ne serait pas si malvenu que ça, dans de telles circonstances. Ça serait mieux que répondre à ses questions en tout cas, parce qu’il n’en a aucune putain d’idée. Il sait pas quel est son problème, il sait pas ce qui ne tourne pas rond chez lui, sans doute qu’il a laissé un bout de cervelle sur le champ de bataille, entre deux mines, sûrement qu’il a pas totalement ramené toute sa lucidité sur le territoire de l’oncle Sam. Sûrement qu’y a une partie de lui qui se rêve avec les bombardiers à surplomber une côte étrangère et lâcher des missiles sur des sales mecs qui pillent des villages et violent des femmes, peut-être qu’y a un gros bout qui ne s’aperçoit pas qu’y a un bon lot de conneries qui se passent aussi dans le camp des gentils, de ceux qui prétendent vouloir rétablir la paix. Le sang tape dans ses veines avec bientôt d’ardeur, il en a lâché sa bière qui est venue s’écraser sur le sol dans un bruit de verre. Tambourine, tambourine, joueur de batterie à la manque qui se paye un solo dans sa poitrine, lui fait zieuter Toni avec des envies de meurtres inassouvissables parce que sa morale sera toujours fatalement plus forte. Toujours. Ou jusqu’à ce qu’elle l’use vraiment.
« Tu crois qu’t’es pas comme moi ? » C’est dit sèchement mais pas spécialement fort, ça se presse contre ses lèvres, tape dans l’air, il ne la regarde plus de haut mais comme une égale parce que c’est ce qu’elle est, sans s’en rendre compte, c’est ce qu’elle est dans tout ce qui émane d’elle, de ses mots à son attitude en passant par son odeur. Elle croit qu’elle n’est pas comme lui. Elle n’a aucune idée. « P’tain mais réveille-toi, on est pareil tous les deux, deux boulets accrochés à la cheville de l’Amérique, deux putain de cafards qu’on essaie d’écraser du bout du doigt mais qu’ont la peau trop dure pour qu’ça s’fasse. » Et c’est craché, il a même pas une seconde d’hésitation avant de parler, lui d’habitude si coi, presque invisible. Lui qui se réveille, s’agite, laisse la colère le dominer. Il aurait détesté se voir comme ça y a deux ans à peine, sur ses deux pattes avec l’envie de rentrer et d’faire des gamins à la première nana qui passerait. Se ranger, acheter une bagnole, un clébard, vivre dans la banlieue de Savannah et trouver un boulot de mécano ou quelque chose du genre, après l’armée. Comme tous les cons, il s’est décidé trop tard. Au moment où faire machine arrière n’est plus une option. « T’es comme moi et ça t’emmerde parce que qu’t’aimes pas l’reflet que j’te renvoie, et qu’t’aimes pas t’dire qu’tu pourrais être dans ma situation, l’envie d’claquer mais les putain d’soins palliatifs qu’l’Etat t’balance à la gueule parce que qu’t’as rendu service un jour, alors que tout c'que t'as fait c'est buter des gens » Et lui en a conscience, terriblement conscience, conscience au point de ne pas se croire aussi bête, parfois, au point de savoir qu’il y a des choses qu’il a comprises mieux que certaines personnes, dont Toni. Il attrape le poignet de Toni, sans violence, y a juste un bout d’incompréhension qui se balade dans ses yeux. Il ignore pourquoi elle ne voit pas, pourquoi elle ne saisit pas, pourquoi les mots ne s’impriment pas dans sa tête alors qu’ils lui semblent si clairs, à lui. Lui qui est si stupide. « On est pareil. J’ai essayé d’t’écraser et j’ai pas réussi. Et j’suis vraiment désolé. J’aurais pas dû. Même si j’te déteste et qu’ça change pas, j’aurais pas dû. » Pour ce que ça vaut, y a de la sincérité dans sa voix même si elle est trop froide, trop distante. Il sait que Toni s’en fout. Il sait qu’elle préfèrerait le voir se péter la gueule dans une tombe plutôt qu’entendre ce qu’il a à lui dire. Mais au moins, il parle. Au moins, il ne frappe pas.
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| Sujet: Re: foutre le feu aux chrysanthèmes (libre) Mer 25 Avr - 11:05 | |
| « Tu crois qu’t’es pas comme moi ? » Elle tique. Son nez se fronce, sa tête se penche sur le côté alors qu'elle continue à le dévisager, mitraillettes à la place des yeux. Elle ne répond pas mais son attitude le fait pour elle – ses bras croisés contre sa poitrine, son menton dressé. Elle se pense au-dessus. « P’tain mais réveille-toi, on est pareil tous les deux, deux boulets accrochés à la cheville de l’Amérique, deux putain de cafards qu’on essaie d’écraser du bout du doigt mais qu’ont la peau trop dure pour qu’ça s’fasse. » Elle est à peu près sûre qu'elle l'a jamais entendu utiliser autant de mots à la suite et c'est trop même pour elle, ça l'assaille de toutes parts sans lui laisser le moindre répit. Elle voudrait répliquer, l'insulter, lui dire d'aller se faire foutre, mais il est plus rapide. Il lui accorde même pas une seconde pour souffler. « T’es comme moi et ça t’emmerde parce que qu’t’aimes pas l’reflet que j’te renvoie, et qu’t’aimes pas t’dire qu’tu pourrais être dans ma situation, l’envie d’claquer mais les putain d’soins palliatifs qu’l’Etat t’balance à la gueule parce que qu’t’as rendu service un jour, alors que tout c'que t'as fait c'est buter des gens. » Et elle le déteste d'oser faire la moindre comparaison entre eux, d'émettre l'idée qu'au fond ils sont p't'être pas si différents. Deux cons mijotés dans la marmite de l'oncle Sam, fierté débile et culture limitée, du white trash dans toute sa splendeur, qu'on hésite jamais à utiliser et mettre en avant quand ça rend service mais qu'on met de côté le reste du temps, parce que les cafards on les aime bien mais de loin. Elle refuse d'y croire. Elle refuse d'être comme lui.
Quand il attrape son poignet elle se fige de la tête aux pieds, les muscles tendus, le corps raide. Comme si elle se préparait à recevoir l'impact ; chair tendre qui tente de se faire carapace pour n'pas être déchirée dans la tempête. Pourtant y a pas de violence dans le geste de Jem, juste ses doigts autour de son poignet et ses yeux dans les siens. Elle serre les dents. « On est pareil. J’ai essayé d’t’écraser et j’ai pas réussi. Et j’suis vraiment désolé. J’aurais pas dû. Même si j’te déteste et qu’ça change pas, j’aurais pas dû. » Elle sait plus si est soulagée qu'il ne fasse que parler ou si finalement elle aurait préféré qu'il explose. Elle déteste le son d'sa voix, ses intonations froides mais sincères. Elle déteste cette façon qu'il a de la regarder, de sonder ses yeux, fouiller comme s'il voulait trouver confirmation de tout ce qu'il avance, comme s'il cherchait à décrypter quelque chose. Elle déteste tout ce qu'il dégage, tout ce qu'il fait, tout ce qu'il est.
« Me touche pas. » D'un mouvement aussi sec que brusque, elle se dégage de son emprise, mais elle ne recule pas. Elle reste plantée là, à le défier du regard, à tenter d'le fusiller par la simple force de son esprit. « J'm'en fous d'tes excuses et d'tes grands discours à la con ! On est pas pareils, t'entends ? » Son index est accusateur quand il vient se heurter à son torse entre chaque mot, comme si elle voulait les marteler en lui un à un, les lui imprimer sous la peau de force. « T'es qu'un connard pathétique, qui crèvera tout seul. J'ai rien à voir avec toi. » Ou peut-être que si – connard connasse, aussi pathétique que lui quand elle tente de se défendre dans le vent, qui finira étouffée par la solitude quand tout le monde se sera lassé de ses coups d'jus. Peut-être qu'il a raison finalement, peut-être qu'une part d'elle voit les points communs et que ça lui fait peur.
Pourtant la seule chose qu'elle laisse sortir, c'est la colère.
Colère qui la pousse à enfin cesser de fuir le contact, cette fois c'est elle qui l'instaure, c'est elle qui cède aux pulsions. Son pied se lève et vient frapper la jambe de métal, assez violemment pour qu'il perde l'équilibre et elle finit de l'achever, cogne son genou valide pour le faire s'effondrer. Il est au sol et elle se tient bien droite au-dessus de lui, comme pour se prouver qu'elle vaut mieux, qu'elle ne finira jamais aussi bas que lui. Elle voit pas que c'est déjà le cas. « T'es p't'être un cafard, mais pas moi. » Ses prunelles sont assassines, sa voix vibrante de rage. « Moi, j't'écrase. » Et elle n'hésite pas à joindre le geste à la parole cette fois, elle ne recule plus. Un pied qui se pose sur le torse de Jem, elle appuie. Assez pour que ça soit douloureux, pour lui donner envie que ça s'arrête. Assez pour se donner l'illusion qu'elle peut l'écraser comme s'il n'était vraiment qu'un insecte, qu'elle domine et qu'elle maîtrise la situation. À s'prendre pour la souveraine sur son trône de déchets, à lui arracher sa couronne de salaud sans réaliser ce que ça fait d'elle. Sans voir qu'elle prouve exactement tout ce qu'il disait. |
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| Sujet: Re: foutre le feu aux chrysanthèmes (libre) Lun 7 Mai - 23:22 | |
| Me touche pas. Bizarre comme ses engueulades avec les autres commencent toujours pas des ordres vociférés à son adresse. Me touche pas, y a les muscles de Toni qui hurlent, son poignet qui se dégage un peu trop vite de l’étreinte malvenue de ses phalanges. Dans un monde où il n’aurait pas cette espèce d’autosuffisance gluante qui lui sert de manteau, peut-être qu’il s’excuserait de l’avoir touchée sans son consentement, d’avoir changé son fusil d’épaule, laissé de côté la bienséance pour devenir le monstre qu’elle veut faire de lui. Parce que c’est ça le fond du problème, non ? On se transforme en ce que les autres pensent de nous, à doses de quolibets froidement jetés sur les braises, de regards en-dessous qui insinuent des choses mais n’en disent jamais rien à voix haute. On devient une espèce de chimère malveillante, une créature infâme qui se nourrit de toute cette noirceur qu’on lui insuffle en intraveineuse. Rien ne laisserait penser que Toni serait différente parce qu’elle aurait toutes les raisons de suivre la tendance et de cracher sur son corps mutilé qui ne mérite, en réalité, pas mieux que ça. On est pas pareil qu’elle vocifère, ça se fait une place dans sa tête, entre ses tympans, s’imprime le long des synapses. De quoi en écrire un roman. Ils ne sont pas pareils sauf que si, y a tous les néons qui s’allument quand on joue au jeu des similitudes, quand on trace le dessin de leurs silhouettes et qu’on superpose le résultat. Ils sont plus identiques qu’ils ne sont différents et c’est un fait, elle ne l’assume pas et c’est compréhensible. Y a pas plus insultant qu’être assimilé à quelqu’un d’aussi sombre, aussi déplaisant, aussi profondément navrant, à en faire chialer même le plus fêlé des fous de l’asile qui se demanderait par quel étonnant coup du sort il a pu tomber sur plus bousillé que lui. On est pas pareil, ça sonne un peu faux dans sa bouche, comme un affreux mensonge qu’elle n’oserait pas vraiment proférer, elle-même sûrement consciente de l’absurdité d’un tel aveu. Sa vérité est tronquée, moche, désabusée, grimée en simple hypothèse, comme si elle attendait qu’il confirme. Ça ne viendra pas. A la place, c’est un petit sourire qui s’étouffe entre ses dents alors qu’elle imprime son index sur son thorax, entre ses côtes, cherchant visiblement à lui faire mal mais ne parvenant tout au plus qu’à le chatouiller vaguement. Une brindille. Pourtant, peut-être se croit-il plus solide qu’il ne l’est vraiment, Jem, à jouer aux grands alors qu’il tient à peine droit, un bébé encore au stade du quatre pattes. Ça ne tarde pas à lui tomber sur le coin du pif quand elle bouscule sa guibole de métal puis l’autre, le catapulte au sol sans possibilité de se relever. Surtout parce qu’il n’essaie pas, en fait. Il sait qu’il n’aurait qu’à contracter vaguement ses abdominaux pour se redresser en trois secondes à peine, le corps encore modelé par des années à ramper dans la boue. Il n’essaie pas, et c’est trop tard quand il y pense, quand il avale son erreur sans même mâcher, l’arrière-goût qui reste en bouche alors qu’elle appuie les orteils contre sa poitrine. Ça fait mal, un mal de chien, plus mal que la plupart des trucs qu’il a subis, moins que la jambe amputée. Ça fait mal, ça se canalise dans ses nerfs, éclot comme une fleur fanée au creux de son torse, là où y a encore un minuscule bout de cœur qui bat. Ça fait mal, comme une amère défaite au moment où il aurait souhaité être victorieux, juste une fois, qu’on lui accorde la médaille dans le grand marathon qu’est sa vie, où pratiquer le saut d’obstacles est une seconde nature. Ça fait mal, ça se grave sous son épiderme, ça tire des rides dans ses expressions.
Ça fait mal, et il se marre.
D’abord doucement, ça nait comme un murmure, à peine assez fort pour l’entendre vraiment. Et puis ça mue en immense éclat de rire, les lèvres écartés, le fond de démence dans l’intonation qui glisse de ses lèvres. Il rit et il n’arrive pas à s’arrêter, il rit et ça dure sûrement plusieurs secondes, plusieurs minutes, ça s’allonge dans le temps jusqu’à ce qu’il n’en puisse plus, les larmes qui dévalent sur ses joues et un sourire à faire pâlir un mort. C’est un ensemble de choses, en réalité. L’emphase qu’elle prend soin de poser sur chacun de ses syllabes, l’air satisfait avec lequel elle le domine, la sensation brûlante de son pied sur son torse. C’est une foule d’éléments enchevêtrés, les mains de Jem qui se resserrent sur la cheville, le « t’es tellement prévisible » qui sort de ses lèvres sans qu’il ne puisse le retenir et les phalanges qui se desserrent subitement et le poing qui se serre, vient frapper avec force l’autre jambe, celle qui est à terre et manque subitement d’appui. Il profite de cet instant d’inattention pour se redresser rapidement sur sa jambe valide, l’ensemble de ses muscles qui se contractent pour l’aider à se lever encore plus vite, avant de l’acculer du bout des doigts, presque délicatement, contre une tombe plus haute que les autres. « T’es pire que moi, putain », il se rapproche pour expirer à son oreille, le corps qui l’emprisonne, encore essoufflé de sa chorégraphie improvisée d’il y a quelques secondes. Il pousse doucement, un avant-bras qui lui barre la poitrine et la main gauche qui se pose sur son genou, « non non, n’essaie même pas » il intime alors qu’il perçoit l’envie qu’elle doit avoir de le relever brusquement pour atteindre son entrejambe. « T’es pire que moi parce que t’as pas conscience de c’que t’es. » Une plaie, un virus, quelque chose qu’il serait bon d’éradiquer au plus vite. Il recule de quelques centimètres, l’observe dans le blanc des yeux, un désir brûlant de lui mettre son poing dans la gueule ou simplement de lui faire comprendre l’évidence. « Tu finiras seule aussi et c’est putain d’triste parce que moi j’le sais que ça sera le cas pour moi, parce que j’m’en fous, parce que j’attends plus que la mort et qu’t’as pas grand-chose à m’enlever. » Vacille. Elle est pire que lui et ça le fait chier.
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Invité ☽ ☾
| Sujet: Re: foutre le feu aux chrysanthèmes (libre) Dim 13 Mai - 11:42 | |
| Il se marre. Elle l'écrase, appuie sur sa poitrine comme si elle voulait lui écraser les poumons et le cœur, essuie ses semelles dégueulasses sur sa dignité, et il se marre. Sourcils froncés, elle le dévisage comme s'il était complètement cinglé, aussi paumée que vexée. Ça l'emmerde, de le voir rire alors qu'elle pensait enfin avoir l'ascendant. « Qu'est-c't'as à rigoler comme un débile ? Il t'manque vraiment des neurones putain. » Sa voix trahit son agacement alors qu'elle grince des dents, clairement fâchée. Y a la main de Jem sur sa cheville et elle se tend, y a ses mots et elle serre les poings. « T’es tellement prévisible. » Elle voudrait lui dire d'aller se faire foutre, peut-être qu'elle est prévisible mais au moins c'est elle qui domine et c'est tout ce qui compte, le reste elle s'en fiche.
Il lui en laisse pas le temps.
Le coup dans sa jambe à terre est violent, assez pour que la douleur éclate et que son genou fléchisse sous la force de l'impact. Elle perd l'équilibre, forcée de libérer Jem pour contrebalancer son poids et ne pas tomber. Il est si rapide qu'elle le voit même pas se lever – une seconde elle est occupée à se redresser en grimaçant, la suivante il sort de nulle part pour envahir son espace personnel. Ses muscles se crispent tous en même temps et ses lèvres se pincent alors qu'il la fait reculer facilement, presque avec douceur. Elle essaie de s'éloigner mais finit juste collée à une tombe plus haute que les autres, la pierre qui s'arrête au niveau de ses omoplates. Elle s'y plaque comme si elle voulait passer à travers ou au moins fusionner avec, tout pourvu qu'elle lui échappe. Il est trop près et sa gorge brûle, la sensation de ses doigts fantômes qui revient faire pression sur sa trachée. Souffle court et cœur battant, les nerfs qui s'affolent alors qu'il ne l'a même pas touchée. « T’es pire que moi, putain. » Elle se fout des mots, assaillie par sa proximité, l'air qui siffle trop près de son oreille et lui brûle la peau. L'impression qu'il est partout, qu'il l'entoure comme les barreaux d'une prison et elle ne voit aucune échappatoire. Elle voudrait beugler mais sa bouche est coincée, lèvres pincées, mâchoires crispées à l'extrême. L'avant-bras de Jem plaqué sur sa poitrine, elle a du mal à respirer et au fond elle sait pas si c'est la pression exercée ou juste la panique qui revient comme ce jour-là. L'esprit qui confond la cuisine et le cimetière, le frigo ou la tombe derrière elle, Jem qui prend trop de place chaque fois, qui lui donne l'impression d'être minuscule. Elle voudrait le repousser mais elle n'a pas le temps d'esquisser le moindre geste qu'il colle une main sur son genou, comme s'il avait lu dans ses pensées. « Non non, n’essaie même pas. » Elle se fige comme si elle attendait une suite, un impact, une explosion, n'importe quoi. Rien ne vient.
« T’es pire que moi parce que t’as pas conscience de c’que t’es. » « La ferme. » C'est instantané, le ton sec mais la voix étranglée. Elle veut plus l'entendre ni le voir, elle veut juste qu'il s'écarte et qu'il la laisse respirer, qu'il cesse de lui retirer le contrôle chaque fois qu'elle pense l'avoir, chaque fois qu'elle se croit conquérante alors qu'elle fait pas le poids.
Il finit par reculer et c'est pas assez mais c'est déjà ça, elle essaie de se calmer mais son corps reste tendu comme un arc, ses sens aux aguets. Proie acculée qui refuse de se laisser bouffer. « Tu finiras seule aussi et c’est putain d’triste parce que moi j’le sais que ça sera le cas pour moi, parce que j’m’en fous, parce que j’attends plus que la mort et qu’t’as pas grand-chose à m’enlever. » Elle le déteste. Tellement qu'elle en deviendrait presque théâtrale, à rouler des yeux si fort qu'on dirait qu'ils vont se retourner dans leurs orbites, à soupirer longuement jusqu'à en vider ses poumons. « J'attends plus que la mort gnagnagna » elle mime, mal. « T'es dépressif c'est bon on a compris ! T'as qu'à t'suicider, ça ira plus vite et ça rendra service à tout l'monde. » Elle pèse même pas le poids de ses mots, les yeux comme deux mitraillettes, cherchant à le transpercer comme elle peut. Elle n'a rien d'une guerrière et pourtant elle veut mettre le soldat à terre. « Moi j'ai des gens qui m'aiment. Toi tu peux crever demain, qui c'est qui l'verra ? » Tout ce qu'elle veut c'est creuser un fossé entre eux, prouver qu'ils n'ont rien à voir, qu'elle n'est pas comme lui et qu'elle ne le sera jamais. Elle veut pas devenir ça, cette coquille vide, cynique, ce cœur noirci qui n'attend plus rien de la vie. « Tu m'saoules. Continue d'te plaindre aux macchabées, c'est les seuls qui veulent bien t'écouter t'façon. » Elle s'écarte de la tombe sans le quitter des yeux, air méprisant collé à la gueule, prunelles qui lancent des éclairs.
L'air est irrespirable, elle peut pas rester là.
Elle se met en marche mais s'arrête à sa hauteur, juste le temps de cracher à ses pieds dans un énième affront, iris qui brûlent dans les siens une seconde. « Pauvre mec va. » Puis elle reprend sa route et s'éloigne sans se retourner, un arrière-gout d'inachevé en fond de gorge, l'amertume qui tapisse sa langue. Elle aimerait croire que la couronne est pour elle mais au fond elle sait qu'y a pas de gagnant. Elle vient de comprendre – c'est trop dur d'avoir le dessus sur un mort-vivant.
( RP TERMINÉ ) |
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