Sujet: shadow of men, (novarthur ; intrigue) Dim 18 Fév - 6:33
shadow of men
novak & arthur
I am flesh and I am bone, Our eyes ting ting like glitter and gold. I've got fire in my soul; Rise up. 'Cause everybody in the backroom's spinning out, And everybody in the front room's tripping out, You left your bottle at the door.
Il a perdu le compte. Ça pourrait faire trois, quatre ou quarante, et il ne serait bien incapable de faire la différence. L'organisme engourdi par les trop nombreux verres avalés, le cerveau finalement trop embrumé pour lui laisser la capacité de se relever et de retourner écumer les tréfonds de Savannah. Son sang a arrêté de trembler, et sa température semble retomber avec la rage. Diluée par l'alcool, la colère a finalement reculé, et il sent progressivement le calme revenir. Respire, Novak. Respire.
Malgré ça, les restes de sa hargne continuent de lui picoter le bout des doigts. Réaction immédiate — le verre est vidé et le barman interpellé d'un coup d'œil appuyé. L'homme ne met pas longtemps avant de revenir le servir, et le géant porte aussitôt le scotch à ses lèvres. Ça n'aidera pas les choses à s'arranger, et c'est un fait. Mais pour la soirée, ça aiderait le sentiment d'impuissance à se faire moins pesant. Et c'était tout ce qui comptait.
Il y avait plusieurs jours, désormais, que Bran avait disparu. Les derniers messages échangés brûlaient l'écran de son téléphone, et le manque flagrant d'indices sur le lieu de sa captivité avait forcé le serbe à prendre encore moins de sommeil qu'à l'accoutumée. Il écumait les rues dès qu'il le pouvait, à la recherche de la moindre trace du gamin. Le gang le tolérait — Lazar le tolérait. On savait qu'il était efficace, et on savait son désir de le retrouver. Pas par crainte qu'on ne puisse le blesser, ou le tuer. C'était autre chose qui l'animait. Une rage protectrice à laquelle il n'avait jamais été capable de trouver un nom. Une hargne bienveillante dont le loup avait toujours enveloppé le chien, et qui se dévoilait aujourd'hui dans toutes les limites de son potentiel. Ou presque.
Y avait beau y avoir des disparitions par-dessus la tête, et des proches déprimés et chagrinés à ne plus en compter, Savannah n'était pas une zone de guerre. Ça prenait le regard sec de Lazar pour le lui rappeler, parfois. Ça prenait quelque chose qu'il cultivait depuis des années — l'effort de s'adapter à une vie civile, et à l'abandon des mœurs sauvages dont l'armée l'avait affublé. D'ordinaire, personne n'avait besoin de le lui souligner. T'es plus au front, et tu le sais. Mais les circonstances exceptionnelles avaient réveillé les réactions qui les accompagnaient. Et malgré l'effort de volonté du serbe, le nerf qu'il avait cru endormi à jamais était sorti de sa longue léthargie. Pas le choix, alors, d'essayer tant bien que mal de contrôler cette facette de lui qu'il ne pouvait montrer. Pas le choix de prendre sur soi, pas le choix de jouer sans se dévoiler. Pas le choix de faire comme si la guerre était terminée.
Il avait frappé. Grogné, menacé, planté son couteau dans des mains, dans des épaules, dans des genoux un peu trop agités. Personne n'avait rien eu à lui dire, mais le message était passé : Si t'apprends que'que chose, t'as plutôt intérêt à v'nir me trouver. Pigé ? La liste des pistes potentielles tirait pourtant à sa fin, et le contrecoup était arrivé. La fatigue de vivre dans l'œil de la tempête - la fatigue d'avoir la hargne au bide, et de ne pas être capable de se débarrasser des relents d'adrénalines qui l'accompagnaient. Ça lui avait pris toute sa volonté pour laisser tomber son errance nocturne. Ça avait pris le regard terrifié d'un gamin un peu insolent, qui s'était laissé aller à l'insulter dans la rue alors qu'il passait — ça avait pris la conscience qu'il avait bien failli le tuer. Il avait finalement lâché prise, et il avait atterri dans ce bar trop miteux, trop décrépit. Un verre après l'autre, il avait fait passer les minutes et les furieuses émotions avec. Bien loin d'être ivre, il sentait pourtant que l'alcool avait fait son effet. Qu'il trouverait peut-être une ou deux heures de sommeil, avant que le jour ne pointe le bout de son nez.
L'énième verre vidé, la bête se sent finalement calmée. Le barman lui demande s'il en veut un autre, et le serbe acquiesce. Pas besoin de mots pour se faire comprendre. Le type connaît son boulot. Les silencieux font autant partie du lot que les bavards, et il n'essaie nullement de lui tirer les vers du nez. À croire que ces derniers temps, personne ne veut s'approcher des buveurs solitaires. À croire qu'on a trop peur de les entendre raconter qu'ils ont perdu quelqu'un, et qu'eux perdent peu à peu l'espoir de le retrouver. On ne veut pas s'apitoyer. On ne veut pas avoir à compatir. On veut pouvoir oublier. Se dire que ça n'arrive qu'aux autres, et foutre sa tête dans le sable en espérant que croiser des proches ne nous attirera pas la malchance qu'ils traînent dans leur sillage. Ça rend l'ambiance des soirées lourde, quel que soit l'endroit où on s'arrête pour respirer.
Mais pour ceux qui ont eu les poumons arrachés par cette épidémie incongrue, y a pas le choix de trouver une solution pour ne pas se noyer. Boire est un bon début de solution. Novak l'a compris. Et le gamin assis un peu trop près semble l'avoir pigé aussi. Il a les yeux aussi vides que lui — un morceau de cœur arraché, et rien pour l'aider à le retrouver. Il a la misère au fond de son verre, le poids du monde, de la ville, de la vie sur ses épaules trop frêles. Le serbe l'a remarqué, mais le serbe ne dit rien. Les habitudes sont tenaces, et l'alcool n'a pas encore suffisamment dilué la misanthropie pour qu'il ne fasse autre chose qu'observer. Un verre après l'autre, les épaules se voûtant davantage à chaque minute qui passe. Le scotch ne sera bientôt plus suffisant, mais la soirée ne s'arrêtera pas là. Dressée sur l'étagère, la vodka lui fait de l'œil, elle. Il lui jette des coups d'œil de plus en plus insistants. L'impression que ça ne sert à rien de lutter. L'impression que la nuit ne se termine jamais vraiment, ces derniers temps. Qu'il n'est pas capable d'en sortir, et que boire ne la rend pas vraiment plus pénible, contrairement à ce que certains pourraient penser. Et quand le gamin se fait resservir, un peu plus loin, le géant se décide finalement à récupérer le barman au rebond. Pourquoi pas, après tout.
Un marmonnement, et son verre vide disparaît pour être remplacé par un propre. Quelques glaçons, une bonne dose de vodka. Un toast muet aux âmes écorchées.
Sujet: Re: shadow of men, (novarthur ; intrigue) Mar 27 Fév - 12:05
Y a ce bar sur le trajet pour rentrer de l’hôpital. J’y passe à toutes les heures. À cinq ou six heures du matin, après une garde, à 18h après une journée, à 14 h quand je fais simplement les visites du matin, ou bien même à 22 h quand une urgence m’a retenu un peu trop tard. J’y passe tous les jours quasiment, je change de bus à cet endroit là pour gagner quelques minutes sur mon trajet. Et aujourd’hui comme un autre jour, je suis assis à l’arrêt de bus, je fume une mentholée et y a une vieille qui me jette un drôle de regard parce que la fumée la dérange, mais je ne la vois pas. Je suis en train de faire défiler mes photos dans la galerie de mon téléphone. Les photos de la coloc, les photos de Bo. Ca fait combien de jour maintenant ? Je sais plus. Trop de jours. J’arrive pas à réaliser, non j’y arrive pas. C’est pas possible, ça ne peut pas nous arriver. Bo ne peut pas avoir été kidnappé par un psychopathe. Bo ne peut pas disparaître. Bo ne peut pas mourir. Et merde, je suis déjà en train de pleurer. Je jette ma clope par terre en ignorant les remontrances de la vieille, et alors que mon bus arrive, je fais demi-tour.
J’ai jamais fréquenté le bar et quand j’y entre j’ai l’impression de ne pas être à ma place. J’ai passé ma vie à fréquenter les boîtes de nuit à la mode et les lounges branchés où ils te servent des Mojito à 14 dollars. Tant pis, je m’en fous, ils sont bons leurs Mojito. Ici, ça ressemble plus à un repère de mauvais gars qu’à un bar où je pourrais trouver une soirée. Tant mieux. Pas de risque de croiser qui que ce soit de connu en fait. J’ai juste envie de faire une pause. Sans le regard abattu de mes colocs, les appels incessants de mon père. D’ailleurs, putain, il est ENCORE en train de m’appeler. J’ignore l’appel et envoie un message automatique “occupé, j’te rappelle” pour éviter qu’il n’appelle la police (mon père est devenu parano, je savais qu’écrire des thrillers ça finirait par lui monter à la tête). Et je m’approche du comptoir (sale). Y a des têtes qui se tournent vers moi, comme si j’étais un bleu en prison, un nouveau petit gars qui n’a rien à faire là. Je fais un sourire tordu et m’installe sur le tabouret le plus proche. J’commande un Cuba Libre.
J’ai mélangé les alcools. Et au bout de 4 verres je suis déjà complètement pompet’, avachi sur le comptoir je montre la photo la plus récente de Bo au barman en le suppliant de me dire s’il ne l’aurait pas déjà croisé. Ce qui est idiot. Je finis par croiser les bras sur le comptoir humide d’alcool et enfoncer ma tête dedans pour soupirer un grand coup. Depuis que Bo n’est plus là, j’ai plus envie de rien. J’ai plus envie de rire. j’ai plus envie de parler aux colocs. J’ai plus envie de bosser. J’ai plus envie de Fanny. J’ai même plus envie de Nur. De NUR. C’est comme si Bo c’était ma batterie de rechange, la part de moi qui a envie d’être marrant, de s’amuser, de sortir. Et pourtant Bo, il est pas toujours marrant, et il me fait même sacrément chier la plupart du temps. Il refuse quasi tout le temps de me suivre dans mes délires. Mais il est là. Je me réveille le matin et je vois ses bouclettes dépasser de sa couverture, il me sort une connerie avant même que j’ai posé le pied à terre, et quand on déjeune ensemble, j’ai l’impression de retrouver nos douze ans. Maintenant qu’il n’est pas là, chaque putain de matin depuis sa disparition je vois son lit fait, et y a un grand silence. On discute pas avant de s’endormir, on fait pas de bataille de polochon. Je redeviens juste un interne en médecine angoissé. Et bordel, j’ai pas envie d’être ce type. J’ai pas envie que cette situation s’éternise. J’ai pas envie de finir par m’y habituer. Pas envie que son dossier soit classé sans suite et que…
Petit, tu reprends quelque chose ou… tu veux que j’appelle un taxi ? Je me lève d’un coup sec, les cheveux en bataille puisque j’ai oublié d’aller à mon rendez-vous chez le coiffeur d’hier et que mes bouclettes deviennent légèrement trop longues (c’est ignoble). Je regarde le barman les yeux mi-clos et l’air vague, je le pointe du doigt et je parvins à articuler : J’vais reprendre un truc.. j’vais prendre… comme ce gars-là. Je me tourne vers mon voisin de tabouret, qui me lance des oeillades depuis quelques minutes, je l’ai vu. Il boit une boisson de vrai mec lui, de mec viril, et il a l’air de plutôt bien gérer sa peine. Pourquoi j’pense à ça ? AH OUI. Son visage me revient en pleine face. On s’est vu chez les flics non ? Ma voix est toujours vague, comme si j’allais me mettre à vomir d’un moment à l’autre. Je tente de me rapprocher de lui mais mon tabouret menace de d’écrouler, au final je me raccroche à l’époque du type et lui donne même deux coups fraternels. Toi aussi ton pote a disparu hein ? Le même jour que mon pote ? Putaaain je suis dégouté j’ai fais tout ce que je pouvais pour le chercher, TOUT. Et... Le barman nous apporte nos verres, je sors ma carte de crédit gracieusement offerte par papa (une toute nouvelle, pour me changer les idées quand je l’ai appelé en pleurs le jour de la disparition de Bo). Ca va je paie. J’ai la main qui tangue quand il faut insérer la carte dans la machine, et au bout de quelques tentatives ça marche enfin. Je me retourne vers le gars. Tu sais quoi mon pote ? J’ai même plus envie d’en parler, parce que.. Parce que tu sais, ça va rien changer hein.. Vraiment rien. Je vais te demander si y a des nuvelles, tu vas me dire que non, tu vas me demander si j’ai des nouvelles tu vas me dire que non.. Et puis on va se regarder, on va chialer et se prendre dans nos bras et puis… et puis on sera toujours bourrés après. Moi j’suis bourré ? T’es bourré toi ? Je suis, comme souvent quand j’ai un coup dans le nez, pris d’une diarrhée verbale irrémédiable. Je prends le vers de scotch qu’on a posé devant moi, je lève mon verre et je bois une grande gorgée… Avant de tout recracher sur le comptoir. MAIS QU’EST CE QUE C’EST QUE CETTE MERDE ? Que j’hurle avant de partir dans un fou rire incontrôlé.
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Sujet: Re: shadow of men, (novarthur ; intrigue) Mar 13 Mar - 5:19
J'vais prendre... Comme ce gars-là.
La voix résonne à ses côtés, et Novak n'a pas besoin de tourner la tête pour le savoir : c'est de lui qu'on parle. C'est lui qu'on désigne, lui qu'on veut imiter. Il tourne le menton de quelques centimètres. Suffisamment pour pouvoir vriller ses prunelles noires sur le gamin assis un peu plus loin au comptoir. Pas assez pour que le regard n'invite à la conversation, ou à une quelconque forme de rapprochement. Mais l'autre s'en moque. L'autre enfonce la porte à demi-déverrouillée, continue sur sa lancée.
« On s’est vu chez les flics non ? » C'est une drôle de question. Le genre de question à laquelle le serbe n'aime pas répondre, et qu'il évite, la plupart du temps. Mais y a pas la moindre trace de suspicion dans le ton du gamin. Ça le pousse à manifester un peu moins d'hostilité que d'ordinaire. Ça, et l'alcool qui fait finalement effet. Il ne lui répond pas vraiment, pourtant. Pas du genre bavard, même avec quelques scotchs dans le corps. La vodka avait encore du travail pour que la conversation ne prenne vraiment, si c'était là l'intention du p'tit. P'tit qui, à tout bien considérer, semblait être parfaitement capable de soutenir la tension de la discussion à lui seul. Pas besoin d'interférer, pas besoin d'en rajouter. Visiblement, il avait besoin de parler. Et il continue sur sa lancée. Parle de son pote disparu, pense comprendre que son interlocuteur encore anonyme en a égaré un, aussi. Et Novak doit le lui donner : il n'a pas tort. Pas sur toute la ligne, à tout le moins. La pensée de Bran le frappe à nouveau, de plein fouet. Rien qu'il ne puisse faire pour l'empêcher. Rien qu'il ne puisse faire pour diluer la culpabilité qui empoisonnait ses veines, depuis l'instant où il avait reçu le premier texto du clébard kidnappé. Il sent la colère qui remonte, le besoin de dévisser une tête s'insinuer pernicieusement dans ses os. Il sait que l'alcool empire les choses, et que continuer de boire n'arrangera rien. Pourtant, quand on pose les verres devant eux, c'est le soulagement qui le fait porter sa main à sa poche pour sortir de quoi payer. La promesse d'une brûlure dans le fond de la gorge. Promesse d'une étincelle d'oubli liquide, et d'une soirée peut-être moins pénible.
Mais encore une fois, le p'tit l'interrompt. Il a décidé qu'il allait payer, le dit, et sort pour le prouver une jolie carte de crédit. Ça a au moins le mérite de lui attirer le regard du géant, et une once d'intérêt supplémentaire. S'il paie, pas d'raison d'l'envoyer chier. Les manières n'avaient jamais été sa grande spécialité, mais il savait reconnaître un geste de gratitude lorsqu'il en voyait un passer. Il savait l'honorer — et il n'était plus question de partir comme un sauvage, sans même lui avoir parlé, une fois le verre de vodka avalé. Alors, il hoche la tête. Simple signe de remerciement, histoire de ne pas l'ignorer. Simple manière de lui montrer qu'il appréciait ce qu'il avait fait. Y a pourtant fort à parier pour que le gamin ne l'ait qu'à peine remarqué. Enflammé, lancé dans sa soirée ivre, il s'est à nouveau tourné vers lui, et il s'est remis à parler. Il est parti dans une tirade, et le serbe ne l'écoute que d'une oreille. Enregistre chacun de ses mots, tout en essayant de se souvenir de son visage, au milieu de l'étrange foule du commissariat. Le p'tit avait visé juste : il était passé là-bas, et son pote avait bel et bien été enlevé. Les deux incidents n'avaient néanmoins rien en commun, et il était hors de question de confier la gestion du kidnapping de Bran aux mains des autorités. Pas quand on savait dans quoi le chien fou trempait. Pas quand on avait quelques paires de bras bien mieux placées à utiliser. Pas quand on avait déjà les mains qu'il fallait, salement enfoncées dans les entrailles de la ville. Il n'est pourtant pas question de lui péter sa bulle, au p'tit. Ce dont il avait besoin, c'était de parler. De trouver quelque chose à quoi se raccrocher. Et bien qu'être la chose en question ne ravissait pas Novak, il se prêterait au jeu s'il le fallait. Il lui devait bien ça. Qu'est-ce qu'on f'rait pas pour un verre de vodka.
« Et puis on va se regarder, on va chialer et se prendre dans nos bras et puis… et puis on sera toujours bourrés après. Moi j’suis bourré ? T’es bourré toi ? » Tu parles trop, petit. On t'l'a jamais dit ? Les yeux du géant se posent sur le gamin trop ivre pour son propre bien. Y a la petite lueur, au fond de ses prunelles. Celle qui dit, j'ai bu, et qui ajoute, mais j'suis pas bourré. Celle qui laisse entendre, toi oui. Celle qui assène, t'avise pas d'dégueuler sur mes pieds. Et il n'a pas besoin de répondre que l'autre a continué sa vie. Porté le verre à ses lèvres et pris une gorgée, sous les yeux impassibles du serbe à la vodka encore intacte. Et il ne peut pas dire qu'il soit surpris, quand il le voit tout recracher. C'est davantage le hurlement que l'autre pousse qui lui rigidifie l'échine, et qui le fait détourner à nouveau les yeux. Mais quand il entend le beuglement se transformer en fou-rire, il ne peut pas empêcher ses épaules de se décontracter. Ses traits taillés dans la pierre de s'adoucir. Et il attrape son propre verre pour le lever, alors que le mot se détache lentement, fermement, au milieu des gloussements de l'autre. « Vodka. » Et, ponctuant ses mots, Novak avala son verre d'un trait. « Vodka pure. » La brûlure familière, et le microscopique sourire, inconnu dans ses origines, qui s'accroche à ses lèvres. Peut-être est-ce la réaction du gamin face à ce petit lait qu'on lui a servi depuis ses plus jeunes années. Peut-être est-ce la paix qui l'avait saisi, à l'instant où la vodka lui avait brûlé la trachée. Ou peut-être encore était-ce un mélange des deux. Chimie surprenante, et tout à fait inattendue, qui lui faisait lentement mais sûrement prendre la décision de se laisser aller. D'arrêter d'ignorer ce gamin. De lui répondre, et peut-être même de l'encourager. Après tout, il avait au moins raison sur un point : quoiqu'ils fassent, son pote et Bran ne réapparaîtraient pas. Pas ce soir. Pas dans leur état. Autant se donner la chance de respirer, rien que pour un petit morceau de soirée. Respirer, pour pouvoir redémarrer le lendemain. Péniblement, fatalement. Se remettre à chercher avec d'autant plus d'acharnement, après une nuit à décider que la vie ne s'arrêtait pas. Pas vraiment. Pas totalement.
Le verre retrouva le comptoir, et le serbe le poussa vers le barman. Un petit signe de tête pour attirer son attention. « La même pour moi. Pour le p'tit... C'qu'il veut. » Il hausse les épaules. Pas son genre de décider pour les autres. Surtout quand les autres venaient d'un monde visiblement à l'opposé du sien. Qu'il se serve, le gamin. Qu'il prenne ce qu'il lui plaisait — Novak paierait. Et, joignant le geste à la pensée, il sortit son portefeuille pour en tirer un billet, avant que l'autre n'ait eu le temps de faire quoi que ce soit. « Ma tournée. » Et ce n'était pas clair, qui du p'tit ou du barman s'était vu jeter ces deux mots. Les deux, sûrement. Habile moyen d'exprimer au gamin sa détermination à payer ce coup-ci. À rembourser ce qu'il prenait pour une dette. S'il voulait s'occuper de lui payer la traite pour le reste ce la soirée, grand bien lui fasse. Le géant aurait sûrement assez bu pour accepter, rendu à ce stade de la soirée. Mais pour le moment, mieux valait accepter son remboursement. C'était bien la moindre des choses, après lui avoir fait recracher de la sorte son dernier verre.
Ses yeux se reposent finalement sur le petit, alors qu'il remet son portefeuille usé dans sa veste. Et il se demande comment il a bien pu faire pour en arriver là. Pour s'arrêter dans un endroit pareil, et décider de s'asseoir au milieu de types qui ne lui ressemblaient pas. Il sait le désespoir de la perte ; à en écouter le gamin parler, il comprend le poids que la disparition de son ami exerce sur sa vie. Mais l'espace d'un instant, l'esprit adouci par l'alcool, Novak se demande ce qui pourrait pousser un gamin visiblement de bonne famille à se perdre là. Au milieu de types qui convoiteront sa carte de crédit d'ici la fin de la soirée. Types qui n'auront pas de scrupules à proposer de le raccompagner, dès que le barman aura le dos tourné. Types qui pourraient essayer de le détrousser, au moment où il irait pisser. Et ça rebondit lentement dans la tête du serbe. Les questions s'y ancrent, progressivement. Au même rythme s'implante dans ses pensées la responsabilité de veiller à ce que rien de cela ne se produise. Maintenant que le gamin s'était adressé à lui, tout ce qui lui arriverait par la suite lui retomberait également dessus, si les choses en venaient à dégénérer. Ou pire, encore : si lui aussi en venait à disparaître.
Et même s'il n'avait pas encore assez bu pour exprimer une quelconque inquiétude, il y avait son regard pour l'exprimer. Ok, gamin. J'sais pas quel diable t'a piqué pour que tu t'perdes dans un endroit pareil. Mais si j'peux pas te donner la compagnie qu't'as besoin, j'vais au moins m'assurer qu'tu rentres entier.
Histoire que, si un jour ton pote refait surface, tu puisses au moins en profiter.
Sujet: Re: shadow of men, (novarthur ; intrigue) Dim 25 Mar - 1:46
J’aurais dû m’en douter. Je veux dire, plus l’alcool est translucide, plus c’est mauvais signe. Mais j’ai pensé, bêtement, que mes quatres précédents cocktails m’avaient préparé à la brûlure de l’alcool à 90 % que j’ai l’impression d’avaler. Parce que c’est ce que j’ai l’impression de boire : du putain de désinfectant. En fait, j’me dis que le désinfectant a meilleur goût que ça, j’en suis presque sûr. J’le vois qui se moque un peu, surtout parce que lui, on a l’impression qu’il boit de l’eau, il me répond rien de particulier, le barman quant à lui essuie sur son visage les postillons reçus en me foudroyant du regard. Aloooors, c’est pas dégueu hein.. C’est juste.. Juste que… la Manzana c’est bien aussi. C’est comme si je lui parlais en chinois, à ce type, à tout le monde idée. Je ne suis pas vraiment dans mon élément naturel, faut l’avouer, je fais tâche ici. Mais, pour dire la vérité, je fais tâche partout où je vais en ce moment. Comme si tout le monde avançait plus vite que moi, comme si j’étais pas sur la même vitesse que les autres et que je regardais tous les autres, paralysé. Ouais, je suis paralysé depuis des jours. Parce que j’ai pas mérité ça, c’est pas ma vie, je suis pas ce gars-là. Je suis un mec sans histoire, qui a vécu une vie plus que banale. Alors pourquoi le monde passe son temps à m’envoyer des kick en pleine face hein ? Pourquoi mon frère est devenu toxicomane ? Pourquoi mon meilleur ami s’est fait kidnapper ? KIDNAPPER. J’ai l’impression d’avoir été projeté dans un putain d’épisode des Experts contre ma volonté. Et là, la seule idée que j’ai pour m’en échapper, c’est de boire de la “vodka, vodka pure” avec mon nouveau compagnon de galère, pas bavard du tout. Tant pis, la conversation je sais la faire tout seul.
La même pour moi. Pour le p'tit... C'qu'il veut. Je me tourne vers lui avec un sourire ému du type bourré. Ma tournée. Qu’il précise avec son accent de l’est que je ne reconnais pas. J’ai jamais été très bon en géographie. Là, je tombe tout bonnement dans ses bras, ça le paralyse complètement. J’entoure ses larges épaules de mes bras de freluquet et je pose ma tête contre son épaule. J’ai besoin de contact humain pour vivre, j’ai besoin de me sentir aimé, et là tout de suite, ce gars se rapproche le plus de mon nouveau meilleur copain. Merciiiii… euh.. comment t’as dit que tu t’appelais ? Que je demande vaguement devant le regard blasé du barman qui attend ma commande, une main lasse sur la pompe à bière. J’vais prendre de la vodka aussi. Il lève ses yeux au ciel. Me prend sans doute pour un de ces gamins en mal d’adrénaline, cherchant à s’encanailler un petit peu. C’est pas ça, vraiment pas. C’est juste qu’en ce moment, je préfèrerais être dans n’importe quelle autre peau plutôt que la mienne. J’ai envie de l’arracher, ma peau. J’ai plus envie d’être celui qui a perdu son frère, ses frères. J’ai pas envie non plus de parler avec Fanny, pas envie de croiser Nur. Tout est trop compliqué dans ma tête, et j’ai beau être premier de ma promo, quasi systématiquement, c’est pas pour ça que je suis un type intelligent. Alors que mon fond de verre de désinfectant se remplit, je regrette et d’une petite voix, un peu honteuse, sur la pointe de mes pieds, je me penche vers le barman pour lui dire, sur le ton de la confidence : C’est possible d’avoir des glaçons ? Je me tourne vers mon nouveau meilleur copain et lui fait un sourire timide. Oui, bon, j’ai beau vouloir le prendre comme modèle, c’est pas pour ça que ma traché va supporter deux fois la même agression.
Je regarde le liquide glisser sur les glaçons. Je tiens le large verre entre mes doigts et le secoue nerveusement, le regard vague. Et on reste comme ça quelques temps, juste à regarder le fond de nos verres sans trop échanger de mots. Parfois, je commente les scénettes qui se déroulent sous mes yeux, comme si j’étais dans le fond de mon canapé, le coude sur le comptoir, la joue contre la paume de ma main, je finis par observer ce type. J’me dis, qu’on a rien en commun. Déjà, il a au moins cinquante ans -heureusement, je ne le pense que dans ma tête. Il a le visage marqué, sans qu’on sache si c’est l’âge ou bien simplement les épreuves de sa vie. Il a les yeux tellement noirs qu’on ne peut même pas y voir le fond, l’air rustre d’un type qui sait aligner deux mots et pas plus. Les sourcils froncés, les gros bras. Jamais j’aurais pu parler à un type comme ça normalement. Sauf s’il se retrouvait à l’hôpital et moi de garde. Mais là, dans un bar, entrain de se payer mutuellement des verres. Y a que la tragédie qui réunit les hommes. Enfin ça, et le football américain.
T’aime le football américain ? que je demande soudainement avant de me mettre à rire. On s’en fout, clairement. Et ça ne sort de nulle part. Enfin, dans ma tête, c’est logique. Il cille à peine, des fois, j’me demande s’il est pas sourd. Il répond à aucune de mes questions. J’vais le rendre bavard. Autant que moi. Je demande au barman plusieurs shooters et donne un coup de coude au type. J’ai envie de m’occuper de lui, de le sortir de son silence, persuadé que c’est le deuil de son ami disparu qui le fiche dans cet état. Ce soir, j’ai vraiment envie qu’on arrête d’être nous. Qu’on arrête d’avoir perdu quelqu’un. Qu’on s’amuse. Puisque de toute façon, on ne se reverra jamais. Ou peut-être pour une émission spéciale “les disparus de Savannah, un an plus tard”. Cette pensée me glace, mais heureusement le type nous apporte cinq shooters chacun tandis que je lui donne un pourboire exorbitant sans m’en rendre compte. [color=darkcyan]Bon, j’ai l’impression que t’es un peu trop à l’aise avec la vodka. Du coup, j’ai commandé de l’absinthe. Je lui souris. Mon petit corps fragile de jeune interne ne supportera pas le choc, le pire, c’est que je suis sans doute le seul ici à savoir réagir en cas de coma éthylique. Dommage, je vais être le premier à en faire un. Je lui lance une oeillade et compte jusqu’à trois, je sais même pas s’il me suis, mais moi je commence le premier shooter. Pour resituer le contexte, j’ai jamais bu d’absinthe de ma vie. Enfin, si, une fois quand j’avais dix ans, sans faire exprès. Et j’ai vomis. Du coup, avec onze ans de plus au compteur, j’ai pas tellement évoluer et je recrache tout sur un autre type, un gars qui passait à côté à ce moment-là. Pas d’bol, il semble pas tellement aimer l’absinthe et m’empoigne sévèrement par le col en m’insultant dans un langue que je ne reconnais même pas. Je lève aussitôt les bras en l’air d’un air innocent et ferme un oeil pour accuser le coup que j’le vois déjà me donner. Un pouffement l’arrête en pleine action. Non, c’est marrant, c’est la première fois que j’me bats dans un bar, c’est tout. Vas-y continue. Ca a au moins le mérite de me changer les idées.
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Sujet: Re: shadow of men, (novarthur ; intrigue) Mer 28 Mar - 1:03
Il n'était pas méchant, le p'tit. Il avait juste un peu trop bu. Il avait juste la causette un peu trop facile, et une nette tendance à s'ouvrir trop sincèrement au premier venu. Rien de grave. Rien à déplorer. Mais ici, ça avait des risques de le mettre en danger. Le monde avait l'air de commencer à le remarquer, et il ne faisait rien pour arranger son cas. Fallait dire que l'alcool frappait sérieusement, à en juger son regard voilé. Le serbe le voyait, et ses yeux s'étaient mis à guetter les conneries que pourraient amorcer le p'tit. Vodka qui l'amadouait, vodka qui faisait pousser des responsabilités qui ne lui seraient, d'ordinaire, même pas venues à l'idée. Et alors qu'il commande deux nouvelles boissons et qu'il les paie, il s'attend tout au plus à un remerciement. À une boisson extrêmement sucrée, et à la suite des babillages surexcités. Mais pas à ça. Certainement pas à ça.
Les deux grands yeux émus auraient dû l'y préparer. Mais quand les bras du gamin se referment sur lui, Novak se raidit. Surpris. C'est une drôle de grimace qui passe sur ses traits, et le barman hausse les sourcils d'un air soudainement plus étonné qu'irrité. Au moins un point de gagné. Et il reste là, le serbe. Les bras ballants, une main posée sur le comptoir, l'autre coincée entre son propre corps et celui de l'autre. Et comme si ce n'était pas suffisant, y a la tête du p'tit qui vient se poser sur son épaule. Les sourcils de Novak qui se froncent, ses mâchoires qui se serrent encore davantage. Pas friand du contact — et encore moins quand il s'agit d'un inconnu. Il ne le repousse pourtant pas. Sent que le gamin en a besoin, et n'a ni la détermination ni l'envie de briser sa bulle et de devoir s'expliquer. Mieux valait laisser le mauvais instant passé. Ce serait vite terminé.
Les secondes sont trop longues, mais l'autre finit par s'éloigner. C'est un léger soulagement, mais il n'est que de trop courte durée. Rapidement, y a les mots qui viennent l'alpaguer. Lui demander son nom. L'accrocher, et le forcer à parler. Il n'a pas envie de répondre. Pas envie d'avoir à décliner son identité au plus parfait des inconnus — qu'il soit ivre ou non. Il a laissé passer l'étreinte, mais il ne laissera pas passer ça. Il cherche comment se défiler, mais le regard courroucé que le barman lance au gamin fait le boulot pour lui. Ça attire son attention, et ça permet au serbe de se faire momentanément oublier sur son tabouret, sans avoir répondu à la question. Le p'tit commande une autre vodka, et son compagnon de bar hausse un sourcil. Se passe de commentaires, pour ne pas ramener l'attention sur lui — mais n'en pense pas moins. Qu'est-ce qui t'fait dire que tu vas pas la recracher, cette fois, hein ? Les glaçons. Ce sont les glaçons. Les glaçons qu'il commande timidement, se hissant sur la pointe des pieds pour les demander au barman visiblement irrité à l'idée de le gérer. Et alors que l'homme lui sert le verre, le gamin jette un regard au serbe, toujours assis à ses côtés. Regard honteux, regard désolé. L'autre ne lui répond même pas. S'en moque. T'as bien fait, si ça peut t'éviter d'encore tout r'cracher. Il y a une seconde de suspens, durant laquelle il se demande si le p'tit va se rendre compte qu'il ne lui a jamais répondu. Mais ça n'a pas l'air de lui remonter à l'esprit — et Novak laisse couler. L'alcool a fait sa magie, et l'autre a l'air d'avoir oublié. Tant mieux. Même si ce n'est que partie remise, le temps qu'il a gagné l'aide à se détendre et à profiter de la vodka qu'on lui a resservie. Rester anonyme, pour encore un moment. Se laisser aller à la boisson et se faire oublier, sans que personne ne sache par quel nom le tirer à la réalité.
Les choses se calment, et le gamin ne semble pas vouloir revenir le coller. Il reste assis sagement sur son tabouret, sa vodka avec glaçons entre les mains. De temps à autre, il jette quelques mots au serbe. Celui-ci grogne ou acquiesce — seules réponses qu'il est capable de formuler, à ce moment précis de la soirée. Ça s'éternise, et il commence à se dire que le p'tit s'est calmé. Que les choses ne vont pas dégénérer, et qu'il s'est peut-être inquiété trop tôt. L'autre va finir son verre, se lever, s'en aller. Lui va pouvoir s'éterniser, invisible dans cet environnement misérable et malsain. Ombre parmi les ombres, sans risquer de devoir se retrouver éclairé par une personnalité bien trop lumineuse pour ce genre de trou.
Et finalement, le gamin éclate de rire. Novak relève à peine la tête, imprimant la question absurde et pour le moins impromptue que l'autre lui a posée. Il hausse à peine un sourcil, retrousse à peine la lèvre en une moue blasée. C'est un éclair sur son visage avant que ses traits ne redeviennent impassibles, et qu'il ne retourne vider son verre. Une dernière gorgée, et le tour est joué. Il est prêt à en recommander une. Prêt à refaire les niveaux, et à se laisser bercer par le flot brûlant qu'il ingurgitait régulièrement. Trop tard. Le coup de coude attire son attention, et il écarquille légèrement les yeux de stupeur. D'énervement, aussi — un peu. Faut vraiment qu'il arrête de le toucher. Faut vraiment qu'il arrête de penser que les bêtes sauvages peuvent être dressées à coups de caresses et de sourires étoilés. Tu sors d'où, au juste ? « Bon, j’ai l’impression que t’es un peu trop à l’aise avec la vodka. Du coup, j’ai commandé de l’absinthe. » C'est une mauvaise idée. La pire qu'il aurait pu avoir, en cette soirée déjà trop avancée. Ça va mal tourner, et Novak le sent venir sans avoir besoin de se l'expliquer. Y a qu'à regarder l'état d'ébriété du p'tit pour se rendre compte que les shooters ne lui feront aucun bien. Qu'aucun alcool ne lui en fera. Ce qu'il lui faut, c'est du calme. De la paix. C'est se détendre et laisser la boisson faire son effet. Lui vider la tête. L'entraîner. Pas le faire dégueuler. Mais c'est trop tard pour décliner, et les shooters se posent déjà devant eux. Le géant les regarde un instant, alors que l'autre, à ses côtés, se met à compter. Sans suivre le rythme qu'on essaie de lui imposer, Novak tend la main pour attraper le premier verre. Après tout, pourquoi pas ? Avec un peu de chance, ça lui fera plus de mal que la vodka. Avec un peu de chance, ça l'aidera à oublier pourquoi il est là.
Le gamin a déjà fini de compter, et le gamin a déjà avalé le contenu du premier shooter. Tenté. C'est un échec lamentable, et alors que le serbe lève l'absinthe vers ses lèvres, il voit du coin de l'oeil l'autre qui recrache tout sur les pieds d'un autre des ivrognes du quartier. Un de ceux qui ont la patience émoussée au moment même d'avaler le premier verre de leur soirée. Faut jamais grand-chose pour les faire sortir de leurs gonds — et Novak le sait. Il a l'habitude de les surveiller, l'habitude de les attraper et de les balancer à l'extérieur sans que les gars ne soient en état de protester. Il a l'habitude, et il sait déjà comment ça va tourner. Mal. C'est inéluctable, et quand le type empoigne le gamin par le col, les muscles du serbe se tendent. Il entend les insultes, langue étrangère. Hispanique, à en juger par les intonations roulantes et la ferveur avec laquelle les jurons s'échappent d'entre ses lèvres. Le géant, lui, n'a pas bougé. Il a toujours le verre en main, et il s'est figé. Il voit le p'tit lever les bras en l'air, il voit le coup qui se prépare. Il entend le rire, et son visage se crispe à nouveau en une moue d'incompréhension. « Non, c’est marrant, c’est la première fois que j’me bats dans un bar, c’est tout. Vas-y continue. » C'est une blague ? Visiblement non, mais ça a au moins le mérite d'interrompre le gars dans son mouvement. Le poing reste suspendu en l'air, prêt à s'abattre. Et le serbe le regarde avec l'alcool qui le paralyse toujours. Absinthe dans la main, les yeux détaillant la scène en suspens. Il sait le barman soudainement tendu, malgré la distance qu'il avait mise entre eux et lui avant même que l'altercation ne démarre. Et le temps semble s'être arrêté. Juste pour quelques secondes. Juste pour se remettre de l'absurdité de la réaction que l'autre avait affichée.
Ce n'est pourtant pas long avant que les choses ne dégénèrent à nouveau. Et ce n'est que lorsque le poing tombe que Novak réalise qu'il ne s'est pas levé. Qu'il a oublié de boire, oublié de se dresser, oublié d'intervenir avant que le mal ne soit fait. « Мора да ме зезаш... » Ça sort dans un serbe qu'il n'a pas médité, et c'est plus sincère qu'il ne le sera jamais. Marmonnement ponctué du shooter d'absinthe vidé dans le fond de son gosier, et de sa carcasse qui se lève pour arrêter le poing qui s'est à nouveau levé. Sa main puissante stoppe le type dans son élan, et ses doigts se referment sans crier gare autour de son poing. Son autre paume se saisit violemment du bras qui retient le gamin. Prise soudaine autour du poignet, le pouce enfoncé au niveau du nerf pour le forcer à lâcher. L'autre a poussé un léger glapissement de surprise, aussitôt suivi d'un juron en espagnol. Et il essaie de se dégager de la prise féroce qui empêche ses bras de bouger. Il n'est pas grand, et loin d'être aussi puissant que le monstre qui vient de s'interposer. Quelques secondes durant lesquelles il essaie de riposter, avant d'abandonner et de simplement essayer de reculer. Lorsqu'il comprend que son adversaire a perdu l'intérêt de se jeter à sa gorge, Novak le relâche finalement. Lui faire encore face, une seconde, tandis que le type recule. D'autres injures qu'il ne comprend pas. L'agresseur refuse de tourner le dos, mais s'éloigne tout de même. Suffisamment pour que le serbe reporte son attention sur le gamin. Sa main attrape sa veste, entre le col et l'épaule, et il le remet sur pieds sans le moindre effort. « Ça va ? » Sourcils légèrement froncés, il le détaille quelques instants. Rien de cassé, à première vue. Mais le coup qui est tombé va laisser sa trace, sans l'ombre d'un doute. Fais chier. Ça lui apprendra, à diluer ses réflexes dans la vodka.
Ça lui apprendra, à trouver le courage de se lever dans l'absinthe, et à ne pas faire attention à ses arrières.
Il aurait dû le voir venir, mais il l'a manqué. À croire que l'alcool a rétréci son champ de vision. À croire, aussi, qu'il était le seul à penser que c'était terminé. Personne n'avait bougé, et le barman n'avait pas pris la peine de s'approcher. Sentant que ce n'était pas terminé, et qu'il valait mieux rester un peu plus loin au cas où les choses dégénèreraient. Et c'est assez rapidement qu'elles le font. Une épaule puissante qui percute le géant, un élan qui le fait frapper sans préavis le comptoir. « Курвин сине. » Trop bu pour s'exprimer autrement. Trop bu pour retenir la fureur d'avoir été pris en traître, et l'insolence qu'il fallait pour revenir se heurter à lui. Mais t'es pas l'videur, ici. T'es qu'un connard comme un autre, trop soûl pour calmer une situation sans froisser de fiertés. Et il a beau prendre une grande inspiration, ça ne passe pas. L'envie d'arracher la tête de ce type lui tiraille le bout des doigts, et y a que la présence du p'tit qui l'empêche de se laisser aller à ses pulsions. Ça, et les trop nombreux témoins. Mais le gamin, il est déjà traumatisé. Le gamin, il n'a pas besoin d'être forcé à assister à une autre couche d'horreur. Pas si on peut l'éviter.
Alors ses mains se contentent d'empoigner fermement les épaules de son agresseur. Il sent les poings marteler ses côtes, tenter de le briser. Cailloux jetés contre un mur d'acier. Y aura peut-être des bleus pour en démentir, venu demain. Mais pour le moment, l'absinthe a rempli son rôle — et Novak ne sent plus rien. Il repousse son adversaire, donne un coup de reins pour se décoller du comptoir. L'autre continue de le frapper, continue d'insister. D'essayer de le repousser. Mais il n'a plus l'élan en sa faveur, et c'est peine perdue. Les bras qui se contractent, la force qui se déploie dans ses épaules. Il colle l'autre contre lui pour envoyer son genou dans son estomac, puis le repousse violemment. Le type titube, et c'est le poing violemment écrasé contre sa pommette qui le fait finalement tomber. « И остани доле. » Il a oublié de traduire, quand les mots lui sont venus. Et faut croire que le type ne comprend pas ce qu'on lui dit, du coup. Faut croire qu'il n'a pas fini, et Novak se retient à grand peine de lui balancer son pied dans le nez pour l'achever. Il voit la main du gars tenter de lui attraper la Ranger, et il se contente d'écraser ses doigts, l'anglais revenant finalement se frayer un chemin entre ses lèvres. « J'ai dit : te r'lève pas. » Il écrase un peu plus, se moque des os qui craquèlent et de la peau que sa semelle va déchirer. Une seconde, bien appuyée, et il retourne vers le gamin. Retourne vers le comptoir, et attrape un autre shooter d'absinthe pour le vider. Cul-sec. Ses yeux se reposent sur le p'tit. « Novak. » Il renifle. Dire son nom, c'était peut-être pas la meilleure des idées. Mais il ne voyait pas ce qu'on aurait pu lui reprocher — hormis la prise de défense d'un gamin en mauvaise posture, et la répartie des coups qu'on lui avait infligés. Il ne voit pas pourquoi on appellerait la police pour l'embarquer, et personne n'a de toute manière l'air surpris de comment l'incident s'est déroulé. On devrait lui foutre la paix. Et il n'avait de toute manière pas l'intention de continuer à gâcher la paisible soirée du reste des ivrognes. La colère refluait doucement sous les relents de l'alcool. Alcool qui le frappe de plein fouet, lui tire une grimace et un vertige léger. Le troisième shooter devrait peut-être rester plein, et sagement où il est. T'en penses quoi ? « C'est comme ça que j'm'appelle. » Mots patauds, accent serbe qui continue de se laisser deviner. Bientôt, la syntaxe et la grammaire vont se faire la malle. Il le sent. Mais avec un peu de chance, il aura terrifié le petit, et l'autre ne s'attardera pas à ses côtés.
Avec un peu de chance, plus personne ne viendra l'ennuyer pour le reste de la soirée.
(c) blue walrus
hors jeu :
du coup le premier truc en serbe que Novak dit c'est « You gotta be kidding me... » ; le deuxième, « Son of a bitch. » ; et le troisième, « And you stay down. »
A la réflexion je crois que je ne me suis jamais battu tout court. Dans les films, ils passent leurs temps à se prendre des droites à la Mike Tyson, quand vous travaillez aux urgences vous comprenez qu’en général, ce genre de droite pète non seulement la cavité oculaire, mâchoire ou arcade de la victime, mais également les phalanges proximales de les métacarpes de l’agresseur. Du coup, on les envoie en ortho. Je sais pas pourquoi je pense à ça, alors que le poing du type s’avance vers moi comme au ralenti, déformation professionnelle, sans doute. Résultat de quatre années à faire du par coeur en cours d’anatomie, peut être aussi parce que hier soir y avait deux types bourrées aux urgences, l’un avait la main pété et l’autre pissait le sang par l’arcade. Et enfin l’impact. J’entends un crac quand sa main s’écrase contre mon oeil, projeté par l’impact je m’effondre contre le comptoir, puis par terre et y a un bourdonnement sourd qui siffle dans mes oreilles, j’perd conscience une seconde ou deux, entre deux tabourets. Quand j’ouvre mon oeil valide je tombe avec une nuée de jambes qui s’entremêlent, j’entends crier mais je ne comprend rien, sans savoir si c’est à cause du trauma crânien ou parce qu’on me parle dans un autre langue. Bruit de verres brisés qui vient s’ajouter au sifflement incessant. Tout est au ralenti, j’entends de très très loin. Ayant perdu ma capacité de réflexion au fond du verre de vodka avec glaçon, je tente de me mettre à quatre pattes et tends la main vers le ciel pour m’accrocher à un tabouret et me relever. J’ai la tête qui tourne et qui me fait affreusement mal. Et pourtant, j’me sens bien.
Vous saviez que le cerveau humain est programmé pour ne retenir que la dernière douleur ressentie ? Moi si, j’ai vu ça en neuro. Et la douleur d’un coup de poing, c’est rien comparé à celle d’avoir perdu mon meilleur ami.
Je finis par retomber sur les fesses, lamentablement assis par terre à me tenir l’oeil qui enfle en direct sous mes doigts. Soudain j’sens quelque chose sur mon épaule et je sursaute, ce sont en réalité les grandes mains de mon nouveau pote qui me demande si je vais bien, par réflexe j’hoche la tête de bas en haut, sans trop avoir récupérer ma capacité à parler. Il m’aide à me relever, je titube sur deux pas et m’échoue sur le comptoir, complètement abasourdi. Oh putain. Que je laisse échapper, la gueule déformée par mon œil gonflé. Le barman me tend, presque avec lassitude, des glaçons enveloppés dans un torchon, je le place sur mon oeil et me tourne vers le type, qui a tout simplement l’air d’avoir écrasé une mouche qui l’emmerdait. Rien de nouveau sous le soleil pour lui. Mer- Merci c’est ça que j’allais dire, mais y a un type qui débarque de nulle part pour reprendre leur baston. MERDE ! Que j’crie comme une gonzesse en me décalant sur le côté. Ni l’un, ni l’autre n’a envie de me toucher finalement, ils sont très bien à se taper dessus mutuellement. En deux temps trois mouvements c’est plié et j’entends jusqu’au plus petit os de la main de l’agresseur craquer sous la chaussures rangers de mon sauveur. Je me mets une main devant la bouche, pas tellement parce que je suis choqué, non, surtout parce que je suis secoué d’un rire déplacé et que j’ai pas tellement envie d’attirer l’attention sur moi.
Novak. Je quitte des yeux le type au sol, fasciné. Comme ces gosses dans les films de super héros qui regardent Spiderman grimper aux immeubles, superman décoller dans les airs ou bien Batman faire un créneau sans monter sur le trottoir : j’suis fasciné. Mais j’ai pas compris ce qu’il m’a dit. Il parle encore dans son dialecte de super héros ? C'est comme ça que j'm'appelle. Ah. Ok. Je secoue la tête pour me remettre les idées en place, j’suis encore un peu bouche-bée, et clairement bourré, quand je réponds, dans un souffle : Arthur. D’une petite voix effrayée. J’vois bien que ce type n’est pas du genre à se faire des nouveaux amis, mais j’aimerais lui dire qu’il est clairement entré dans mon top 5. Mais j’ose pas. Je prend l’un des shooters d'absinthe qui reste sur le comptoir, et avec toute la virilité qu’il me reste -c’est à dire pas grand chose- je le vide d’un coup sec. Cette fois, l’alcool glisse dans ma gorge. À croire que d’avoir enfin vécu une baston -enfin, si on peut dire ça comme ça, je me suis pris un coup de poing et j’ai même pas répliqué- ça vous forge. De toutes mes forces, je tape le shooter contre le comptoir et me mets à rire. Putain je… Je commence, m’arrête, me tourne vers lui, vers Novak. J’ai le visage rayonnant. Merci t’es… beaucoup trop cool. Gosse, superhéros, tout ça. Je retire le torchon de mon oeil, le considère avec un peu de dégoût, à la réflexion je n’ai aucune idée d’où a trainé ce truc. Je vois cependant Novak et surtout la main égratignée posée juste à côté. Trop bourré, j’pense même pas à le prévenir quand j’attrape sa main d’un coup.
Il la retire d’un coup sec, en me lançant un drôle de regard. J’écarquille l’oeil. Quoi ?... Ah non, non ça… j’suis médecin et ça… et ça semble un peu enflé c’est tout, tu.. devrais mettre de la glace. Je tends le torchon et lui fait un sourire tordu par mon faciès abimé. Enfin, j’suis presque médecin. J’peux pas mentir à mon héros.
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Sujet: Re: shadow of men, (novarthur ; intrigue) Ven 18 Mai - 5:22
« Arthur. » Il a une petite voix. On dirait presque qu'il a peur, mais Novak ne s'en formalise pas. Plus du genre à s'y attarder, avec les années. Il s'est un peu trop habitué à l'idée. Pas l'habitude d'être jaugé autrement. Pas durant les premières rencontres, à tout le moins. Alors il se contente de reporter son regard vers le comptoir, vers le barman, vers les bouteilles toujours alignées sur les étagères. Le type derrière lui gémit toujours en se tenant la main. Pas l'air de vouloir se relever — ou pas capable, peut-être. Et Novak le sait : sous peu, le barman risque de lui demander de foutre le camp. D'un simple regard, sûrement. Il pourra pas lui en vouloir. Mais il ne sait pas non plus s'il pourra laisser le gamin là, ivre et seul. D'ordinaire, il s'en foutrait. Mais ce petit est dans un environnement qu'il ne connaît pas, ne maîtrise pas. Où il n'a clairement pas sa place. Et il n'avait pas envie d'avoir un cadavre de caniveau sur la conscience, en apprenant les nouvelles le lendemain matin. Pas s'il pouvait l'en empêcher.
Le gamin attrape le dernier verre d'absinthe et le vide d'un trait. Le serbe l'aperçoit du coin de l'oeil, et s'attend presque à essuyer la prochaine vague de vomi sur ses propres chaussures. Mais il n'en est rien. Faut croire que le coup violent qu'il a pris a réglé quelque chose en lui. Son corps encaisse l'alcool aussi mal que le poing, mais ne proteste pas davantage. À la tienne, gamin. « Putain je… » Et les yeux du loup restent posés sur le petit. Le dévisage. Il rayonne. Il a la gueule qui rougit à vue de nez, l'oeil qui sera probablement gonflé demain malgré la glace qu'il essaie d'y appliquer, mais il ne peut pas s'empêcher d'avoir cet air stupide collé aux traits. « Merci t’es… beaucoup trop cool. » Novak ne lève pas les yeux au ciel. Ne sourit pas, ne cille pas. Ne dit rien. Les lèvres ne bougent même pas. Un roc immobile face aux petites vagues de bonne humeur et de gratitude qui le frappent. Si tu l'dis.
Et puis, le petit repose le torchon. Et sans que le serbe ne comprenne vraiment la suite logique de ses gestes, il se retrouve avec sa main blessée entre les pattes d'un gamin soudainement préoccupé. L'alcool qui lui fait serrer les dents, et il ne peut empêcher son corps de réclamer brusquement la main qu'on lui a volée ; en un geste bref, il la retire d'entre les doigts d'Arthur pour la ramener contre lui. Sans violence, mais avec fermeté. Touche pas à ça, petit, tu veux ? Mais l'autre insiste. Bien sûr, qu'il insiste. Tente de s'expliquer. « Quoi ?... Ah non, non ça… j’suis médecin et ça… et ça semble un peu enflé c’est tout, tu.. devrais mettre de la glace. » Il ne répond pas. Se contente de ramener sa main contre lui, ignorant le torchon rempli de glaçons toujours posé à ses côtés. Pas la première fois que ses doigts morflent, et sûrement pas la dernière. Il voudrait juste qu'on lui foute la paix. Qu'on le laisse boire en paix. Oublier que Bran ne répond pas à l'appel. Tout oublier. « Enfin, j’suis presque médecin. » Mais il sait qu'à côté de lui, Arthur n'arrêtera pas. Y a l'air d'avoir cette étrange admiration qui s'est frayée un chemin au travers de la peur. Et il ne veut pas l'entendre lui rappeler tout le reste de la soirée qu'il devrait faire quelque chose pour sa main. Alors il attrape le torchon de sa main valide, et pose le petit sac de glaçons ainsi formé sur ses phalanges égratignées. Ça aura servi à l'oeil du petit, et ça lui servira à lui. Une pierre deux coups — et avec un peu de chance, ça fera taire son nouveau fan.
Derrière eux, des habitués sont venus ramasser le pauvre type un peu trop éméché qui s'était frotté au mauvais cheval. Qui n'avait pas compté le loup en s'attaquant à l'agneau, et qui avait payé cher de son affront. On l'a foutu dehors. Le problème est réglé. Mais Novak sent le regard du barman sur lui, et le sait : c'est l'heure pour lui aussi de dégager. Les gens ne redeviendront pas tranquilles tant que l'homme qui s'était avéré être le véritable danger de la soirée n'aurait pas débarrassé le plancher. Alors, lentement, le géant commence à se redresser. Attrape le sac de glaçons pour le redonner au barman. Celui-ci s'en empare sans un mot, observant le serbe qui tend la main pour aider le gamin à se relever, lui aussi. « Allez viens. » Il ne sait pas comment lui expliquer qu'il ne peut pas rester. Il espère que l'autre comprendra, malgré son esprit embrumé. Et malgré le fait que ça ne lui soit probablement jamais arrivé. « J'te raccompagne chez toi. » Ce n'est pas un ordre, mais à voir les grands yeux brillants d'alcool et d'admiration d'Arthur, il doute que la proposition le dérange vraiment. Et il ne rajoute rien. S'assure que l'autre tient debout. Que personne n'essaie de se mettre en travers de leur chemin, alors qu'ils se dirigent vers la sortie.
Tout comme il s'assurera que personne n'intercepte le gamin en chemin. Que personne n'essaie de profiter de son état d'ébriété pour le racketter. Pour le frapper. Le malmener. L'enlever.
T'en fais pas, petit. T'en fais pas. Ton pote est p't-être plus là, mais toi t'es en sécurité. Pour ce soir au moins, j'laisserai rien t'arriver.