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 je ne te demande pas d'être sincère (dairih)

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Samih Scully

Samih Scully
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MessageSujet: je ne te demande pas d'être sincère (dairih)   je ne te demande pas d'être sincère (dairih) EmptyLun 9 Oct - 12:11

La porte claqua violemment, l’écho se répercuta sur tous les murs du loft, contre chaque briquette poussiéreuse, sur chaque meuble de récup’, de la table en rouleau de câble aux étagères de travers jusqu’au canapé troué. Seul au moyen du silence, Samih, les muscles tendus, les poings serrés, le cerveau qui carburait à dix mille à l’heure. Tout avait été comme une petite morsure anodine : la morsure de la vérité. Un vicieux serpent avait glissé jusqu’à lui pour croquer sa cheville, et le poison se répandait lentement dans ses veines. Paralysant. Ce poison remontait jusqu’à sa tête, son coeur, et bientôt chaque battement en propagerait davantage. Tout devenait insupportable chez JJ, tout. Jusqu’à la plus petite des réflexions stupides qui autrefois l’aurait fait rire. Samih n’avait plus envie de rire. Ça faisait d’ailleurs un moment que ça n’avait pas été le cas. Le ton était monté crescendo, jusqu’à atteindre son paroxysme, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus que deux solutions : l’explosion ou l’arrêt pur et simple du conflit. Sam n’avait pas encore les couilles de s’en prendre à JJ. Il savait que le jour où tout éclaterait, ça serait la fin. De quoi ? De tout. Il n’était encore prêt à commettre un fratricide. pas encore prêt à m’écouter. Alors il faisait comme il pouvait, il tentait d’apprivoiser ce sentiment qui grandissait en lui, nécrosait ses cellules, une part une. Jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien de vivant. Jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien de lui. Jusqu’à ce qu’il ne reste que moi.

Si le silence avait pris possession de la grande pièce principale, l’enveloppant de ses bras étouffant, dans la tête de Samih, le même vacarme faisait toujours rage. Des cris, de plus en plus fort, crevait ses tympans, de plus en plus forts, de plus en plus vrais, quasi impossible à ignorer. Sam se frotta la tête de ses deux mains, boucha ses oreilles, ferma les yeux. Rien à faire, le vacarme continuait de cogner contre son crâne. Dans un mouvement d’humeur incontrôlé, il passa son bras sur la commode la plus proche et envoya tout balader. Le bruit de verre brisé, et de tous les autres objets qui s’écrasaient dans tous les coins de la pièce se mêlaient aux cris incessants. Il criait aussi Sam, essayait de couvrir le bruit. Mais ça ressemblait plutôt à des suppliques. Tais-toi ! LA-FERME ! Qu’il hurlait, et chaque syllabe lui arrachait les cordes vocales. Il dû faire tomber un lampadaire, et quelques conneries de plus, son portable aussi, pour qu’enfin, le silence commence à s’infiltrer dans ses oreilles. La paix, putain. Il voulait la paix.

Pour s’assurer le coup, quinze minutes plus tard, avachi sur le canapé, les pieds sur la table basse de récup, il tenait entre ses mains son bang artisanal. Il l’avait chargé, ça et le cachet de morphine sniffé un peu plus tôt, servait à l’anesthésié complètement. Amorphe, il tirait une nouvelle taffe, laissait ses poumons se remplir de la fumée, la gardait en lui jusqu’à ce qu’il ne puisse même plus respirer avant de la souffler, la tête vers le plafond, pour se noyer dans un nuage opaque. Ses jambes étaient trop lourdes, plus aucune connexions ne se faisait dans sa tête. Plus, aucune.

La porte d’entrée, Sam ne l’entendit même pas. Il continuait à fumer à son bang, un bras le long du corps, le bang reposait sur son bas-ventre, ses yeux étaient vitreux. Il ne s’aperçut de la présence de la rousse qu’une fois qu’elle se posta juste devant lui, à deux mètres, tout au plus, les bras croisés sur son débardeur destroy avec sans doute un message très profond inscrit dessus. Un message que Sam ne parvenait même pas à lire tant sa vision était trouble. Elle s’imposa à sa vue, comme elle s’imposait partout ailleurs en fait. Daire, cette tornade qui débarquait d’un coup. Magnifique, terrifiante, détruisait tout sur son passage avant de partir détruire quelque chose d’autre. Partir, ouais partir. Elle était partie elle aussi. Comme Assia, comme Trixia, comme JJ pas plus tard que quinze minutes plus tôt. Il y eut quelques secondes, très longues, où Sam se contenta de la regarder. Ses yeux trop grands scotchés sur le t-shirt qu’elle pouvait bien porté sous sa veste en cuir. Il aurait aimé pouvoir lire le message qui y était inscrit en lettres gothiques. Mais non, rien. Il remonta doucement son regard vert-bousillé, injecté de sang, jusqu’à son visage. Elle voulait toujours les sourcils froncés. Elle finirait par être ridée avant lui. Elle parlait, en tout cas ses lèvres se mouvaient. Il ne comprenait rien. En plein milieu d’une phrase qu’elle venait de prononcer, Sam ouvrit enfin la bouche, enhardi par la weed trop fumée, le cachet sniffé. T’es comme un putain d’radar à emmerdes. Qu’il fit remarqué. Daire débarquait toujours là où y avait des cris, de l’agitation. C’était en tout cas sa remarque, suspendue dans le vide, qui voulait tout et rien dire à la fois. Sam reprit une taffe de son bang avant de se redresser avec tout l’effort du monde pour la poser sur la table basse devant lui et de s’avachir à nouveau dans le canapé le seconde d’après à bout de force. ’tention où tu marches, y a du verre par terre. Qu’il fit remarqué, comme si ça ne crevait pas déjà les yeux. Il avait dit ça, avec son air paternel. Et dans la bouche de chacun des Kids, ça ne voulait rien dire : un air paternel. Aucun d’entre eux n’en avait eu, ou alors un mauvais, ou alors un mort. Un air paternel de mauvaise humeur, cet air qu’il ne quittait plus en présence de Daire, depuis trop longtemps maintenant. Un air qu’il n’aurait jamais eu avant ça. En fait, il ne se serait pas retrouvé dans cet état, pour une simple dispute comme il y en a eu tant d’autres avec JJ avant ça. Il l’aurait appelé, elle. Il aurait appelé Daire pour qu’elle le calme, avec son humour noir, ses phrases pince-sans-rire. Ils se seraient apaisés tous les deux. Et maintenant, quoi ? Maintenant ils replissaient la pièce d’électricité chaque fois qu’ils étaient ensemble. Y avait comme un faux-contact entre eux. Que tu saches, j’me suis embrouillé avec JJ. Il dormira pas là ce soir. Les autres non plus, ils ont des trucs de prévus. Qu’il fit remarqué, indifférent, et froid. Le regard dans le viide. Si t’as envie d’en faire autant, tant mieux, je m’en fiche. Qu’il ajouta, comme s’il cherchait le conflit, encore une fois. En fait, il n’avait pas envie que ça se passe bien, tout simplement. Il cherchait la merde, délibérément. Non, rectification je cherchais la merde. C’était comme faire une bonne saignée pour que ça aille mieux ensuite. J’ai b’soin d’calme. Qu’il marmonna, la bouche pâteuse d’avoir trop fumée. Le coeur en vrac.
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Daire Méalóid

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MessageSujet: Re: je ne te demande pas d'être sincère (dairih)   je ne te demande pas d'être sincère (dairih) EmptyLun 9 Oct - 22:48


Les feuilles glissèrent entre ses doigts pour s’éparpiller sur la table au bois rongé par l’humidité, la crasse, la négligence. Daire s’affaissa contre le dossier de sa chaise bancale, sa tête s’échouant en arrière jusqu’à ce qu’elle rebondisse mollement dans ses limites. Elle observa les moisissures du plafond, silencieusement, un peu trop peut-être. Un peu trop calme, très certainement. Délaissant quelques instants ces problèmes de l’instant présent, son ouïe se concentrant sur les bruits de la maison. De sa maison, techniquement parlant, mais elle ne l’avait jamais considéré comme telle. Les tâches de moisissure se profilaient au plafond maculé, comme un rappel du toit quémandant d’être entretenu, peut-être même réparé. Les craquements du bois de l’escalier s’inquiétaient du temps qui passait et de la vieillesse qui se dessinait dans ses rides, les cendres incrustées dans les murs grisâtres attestaient qu’il y avait trop de cigarettes consumées entre ses murs sans qu’une brise d’air ne vienne rafraîchir l’habitacle ; et la simple poussière accumulée partout, sur les meubles, sur les rideaux, et même sur les personnes, signifiait un manque flagrant d’entretien.

Un soupir s’échappa d’entre ses lèvres, profondément lassée, épuisée mentalement, physiquement, ne serait-ce que par sa présence ici. Une clope s’échappa énergiquement de son paquet bien entamé, et une flamme embrasa ses tâches de rousseur le temps qu’elle l’allume, afin de prendre cette première inspiration si salvatrice. La fumée qu’elle relâcha ne s’envola guère loin, s’accumulant au plafond afin de camoufler naïvement la misère. Faisant glisser le briquet entre les doigts de sa main libre, sa tête roula sur ses épaules et son regard bleuâtre survola la pièce dans laquelle elle se trouvait. La cuisine ruisselait de désolation : vaisselle négligée, conserves accumulées, cartons de pizza entassés. Un écosystème pouvait s’y être développé que personne n’en saurait jamais rien. Sa tête roula de l’autre côté, une aspiration de nicotine de plus. Dans l’embrasure de la porte, le salon était le coup fatal de la bassesse d’une famille à la gloire d’autan, la disgrâce des Méalóid d’une Irlande chérie, lointaine. D’une famille désunie dans les trahisons, les convictions enfiévrées. Dans les assassinats, les disparitions. La pièce était tout autant encombrée que la cuisine, que le reste de la maison – trop grande pour deux âmes éteintes, trop silencieuse pour des amants maudits. Sur le canapé abîmé, la détresse d’un corps abandonné à la désolation d’un monde auquel Daire n’avait pas accès.

Une profonde inspiration d’exténuation ébranla le corps de la rouquine qui se secoua, de la tempête qui bouillonnait dans ses veines chaque fois qu’elle mettait les pieds ici, de la rage qui menaçait d’exploser dès qu’elle croisait le regard éteint de sa mère ou celui emplit de défi pitoyable de son beau-père – de ce connard qui était responsable de la déchéance de sa génitrice. Peut-être pire était la hargne qui lui retournait l’estomac si elle avait le malheur d’être en présence de son demi-frère, des coups qu’ils échangeaient souvent, des ecchymoses qu’elle avait sur son corps par sa faute. Cette bâtisse ne pouvait être l’exutoire des ravages de son esprit, mais elle était la principale source de sa colère, de sa haine contre le monde, contre elle-même. Incapable d’avoir pu préserver sa famille, impuissante devant les derniers vestiges qui se détruisaient d’eux-mêmes sous ses yeux. Bâton cancérigène coincé entre les lèvres, Daire referma les enveloppes pleines de factures qu’elle glissa furieusement dans son sac à dos, coinça quelques billets de sa maigre fortune sous le cendrier, et s’éclipsa rapidement de la maison comme si le diable y habitait. Non sans avoir déposé au préalable un baiser sur le front de sa mère endormie, éteinte, ailleurs. Un baiser d’accablement, plein de tristesse et d’abandon – le baiser d’une petite fille qu’on avait oublié, d’une enfant qui avait grandi trop vite.

La frénésie de ses pas martelant le bitume l’éloigna de la déchéance dans une délivrance amère ; et plus elle s’éloigna de ses fantômes, mieux elle se sentit. Mieux la fièvre s’empara de son pauvre cœur abîmé, abandonné, alors que le reste sa cigarette se consuma d’un claquement de doigts. Un grondement vrombissait en elle, étendant ses tentacules dans la moindre de ses veines, manifestant de cette même et unique fureur qu’il lui était si caractéristique. De l’explosion de son cerveau qui fonctionnait trop rapidement, se heurtant inlassablement à des silences, des non-dits, des incohérences. De l’irascibilité de cette incompréhension, de ce corps qui ne parvenait pas à vivre avec lui-même. « Fais chier ! » le cri de rage s’échappa de ses poumons dans le fracas d’une poubelle qu’elle envoya valser sur la route d’un coup de pied ravageur, sous le regard inquiet des passants qui changèrent de trottoir.

Daire, la tempête.
Daire, le vacarme de l’inconscience.
Daire, le hurlement d’un corps déchiré par la fièvre de la violence.

La journée avait été clairement merdique. Les heures au garage s’étaient enchaînées dans l’indignation de pièces manquantes, d’outils disparus, de l’impossibilité de mener à bien un travail, de la journée terminée trop tôt en l’absence de clients. Alors Daire avait ramené sa bécane à l’appartement, avant de repartir aussitôt s’acquitter d’une besogne dont elle se passerait bien. De cet affrontement brutal entre sa raison et son cœur. Entre l’impossibilité de laisser sa mère se faire éjecter dans la rue, et l’envie irrésistible de la laisser se détruire toute seule sans emporter la loyauté de son dernier enfant dans sa tombe. Elle ne savait que trop bien ce que cela signifiait pour une camée de son espèce de vivre sans toit, d’être à la merci de la rue. Enfant, elle avait su s’y adapter, s’y faire une place. Qu’en serait-il pour un corps décharné ne méritant que la poubelle ? Mais Daire, c’était aussi la loyauté d’une môme qui se pensait redevable, qui portait le monde sur ses épaules. Et cette putain de famille savait en profiter.

La journée avait été pourrie, et elle était loin d’être finie.

La porte d’entrée claqua pour la énième fois de la journée, protestant silencieusement contre cette maltraitance accumulée, et le même écho se percuta sur les murs poussiéreux du loft. Elle était là, sa maison. En mille morceaux visiblement, constata la rouquine en s’avançant dans la pièce alors que les débris se faisaient de plus en plus nombreux à mesure qu’elle s’approchait du noyau de la violence qui avait éclatée. Un calme étrange planait dans l’appartement, de ce silence qui n’avait rien de rassurant. L’accalmie suivant la tempête, la plénitude mystique qui en précédait une autre. L’exaspération lui secoua la poitrine, alors qu’elle jeta son sac dans un coin, envoyant valser les bris de verres, d’objets divers, et même un téléphone. Elle avait soudainement envie de hurler, contre le responsable, contre les murs, quand cette lampe échouée au sol. Elle transpirait de la même colère qu’elle avait entretenu toute la journée, qu’elle avait accablée chez sa mère, et qui avait présentement envie d’exploser pour accompagner le carnage déjà présent.

Ce n’était jamais une bonne journée pour Daire, celle-ci ne faisait pas exception à la règle. Pourtant, elle se retint d’éclater, la rouquine, alors qu’elle contournait un peu trop lentement le canapé. Comme redoutant ce qu’elle y trouverait, comme retardant le moment où elle affronterait le regard de celui qui déchirait le reste de ses pensées qui n’étaient pas déjà malmenées par ses tourments. Elle s’exprimait à coups de rage, à coups de gueule, Daire. À coups de poings, à coups de sang. Elle n’était pas faite pour ce genre d’affront, ça ne finissait jamais bien. Ça ne commençait jamais bien, à vrai dire. Quelque part, c’était pire avec Samih. Samih le leader d’une bande de bras cassés, Samih le silencieux, le tourmenté, jusqu’à l’implosion, et l’explosion. Jusqu’à ce qu’il déverse une violence qu’ils ne lui connaissaient que rarement, et dont le loft avait été le théâtre ce soir.

Samih qu’elle observait, sourcils froncés et bras croisés sur la poitrine, fulminant par tous les pores de sa peau à en devenir belle indigène, inquiétante dans sa rage. Putain, ça l’enrageait encore plus de le voir dans cet état amorphe, complètement anesthésié par le bang qu’il tenait encore dans ses mains et dont il avait certainement trop abusé, et par dieu seul savait quoi d’autres. Oh, elle le toisait Daire, de tout son mépris, de ses prunelles céruléennes au fond desquelles tintait pourtant la flamme vacillante d’une inquiétude, d’une douleur. De celle qui l’accompagnait depuis des mois, face au silence, au mépris, face aux remarques cinglantes qu’elle avait essuyées sans en comprendre le fondement, face au froid qu’il lui témoignait sans que jamais cela ne cesse. Et ça la tuait, Daire, de ne pouvoir en trouver le sens, même si elle se doutait que son départ précipité en Irlande avait engendré cette situation. Samih était une équation qu’elle ne parvenait pas à résoudre, et ça la bouffait de l’intérieur.

Elle serra un peu plus fort les poings contre elle, si fort qu’elle aurait pu éclater le moindre bout de béton qui lui serait passé sous la main. « T’es complètement éteint, t’es pi- » « T’es comme un putain d’radar à emmerdes. » « -toyable, là. » Et toi, t’as un putain de problème, mais tu continues de faire comme si tout allait bien. Mais les mots ne sortirent pas, se contentant de se bousculer au bord de ses lèvres, dans l’interdit. Son regard en disait bien assez, peut-être un peu trop. Ça se bousculait sous son crâne, de cette journée de merde, d’observer Samih dans cet état, à déposer son bang sur la table comme s’il s'agissait de l’ultime effort qu’il pouvait donner. « ’tention où tu marches, y a du verre par terre. » Elle avait envie de le secouer, fort, trop fort, de lui arracher la tête, de le frapper jusqu’à ce qu’il sorte de cette léthargie – bordel ça la démangeait dans la moindre parcelle de son corps.

Elle venait de quitter sa camée de mère pour retrouver Sam complètement défoncé, même position, canapé différent.

Et puis, c’en fut trop. Les mots de trop, la rancune de trop. « Tu m’fous dehors ? » Au fond, tout au fond, derrière la fureur flamboyante, peut-être pouvait-on apercevoir la blessure béante. Là, abritée au chaud dans sa poitrine, au côté d’une balle perdue d’un autre temps, la tristesse d’une amitié abîmé – perdue ?. Elle ne savait pas y faire avec les relations, Daire, elle se contentait juste de détruire un peu plus ce qu’on lui tendait. « Ça t’arrangerait que j’dégage pour que tu t’anesthésies le cerveau en paix ? » Sous la question, l’affirmation brûlante, à laquelle il répondit en réclament le calme. Alors que tu te déchires avec ton meilleur ami ? Que tu bousilles la loyauté de la môme devant toi, déchirée entre vous deux ? « Ça suffit, Sam » D’un geste rageur, la rouquine attrapa le bang sur la table basse pour l’éloigner encore plus du corps échoué dans le canapé – et lorsqu’elle l’eut entre les mains, l’envie irrésistible d’en profiter également lui démangea le palais. Elle le posa un peu trop fort sur la commode débarrassée de ses objets initiaux, si fort qu’un craquement plaintif lui répondit entre les doigts. « J’suis pas d’humeur à te voir faire le légume sur ce putain d’canapé pour le reste de la soirée » râla-t-elle, un peu trop fort, encore une fois. « Tu vas m’expliquer c’qui se passe. » Ça l’arrangerait bien, elle aussi, d’éteindre son cerveau, mais ce serait fermer les yeux sur la situation, sur ce problème.

Daire revint se poster devant le canapé, les muscles tendus sous la colère, sous l’envie d’exploser, de libérer le cataclysme, de tout détruire, une fois de plus. Elle lui attrapa le bras, trop fermement, pour le redresser sur le canapé, trop vivement. Ses doigts s’attardèrent une seconde de trop, accroché à lui comme à une ancre, mais il était certainement trop amorphe pour s'en rendre compte et elle l’avait secoué bien trop fort pour qu’il réagisse si vite – si bien qu’il ne vit peut-être pas le léger tremblement de sa main alors qu’elle croisait à nouveau les bras. Droite, le regard furibond, surplombant de sa maigre hauteur celui qui avait été jusqu’à quelques temps son confident, comme un défi.

« Tu veux du calme ? » Un ricanement étrange s’échappa de ses entrailles, entre la rage et le désespoir, de cette plainte de ceux qui n’avaient rien à perdre. L’affrontement d’un océan bleuté ravagé et d’une prairie d’un vert orageux, à s’en brûler la rétine – à s’exorciser peut-être des démons intérieurs, tout au plus des non-dits et des secrets. « Vraiment, Samih ? Tu l’auras quand je serais morte »

Il y avait quelque chose d’inquiétant, de désolant, dans ces paroles suspendues dans l’air crépitant.
Quelque chose de doucereux, de perdu.
Une défiance.

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MessageSujet: Re: je ne te demande pas d'être sincère (dairih)   je ne te demande pas d'être sincère (dairih) EmptyJeu 19 Oct - 18:31

Tu m’fous dehors ? Il était fatigué d'avance, Sam. Fatigué d'avance du démarrage au quart de tour de Daire, et pourtant c'était lui même qui avait craqué l'allumette, celle qui ferait griller la mèche. Les étincelles remontaient doucement, bientôt elle atteindrait les charges chimiques instables, tout finirait par péter. Masochiste ou pas, Sam ne savait même plus pourquoi il provoquait Daire. Peut-être qu'il en avait besoin pour s'occuper l'esprit. Autant être torturé par la rouquine que par son double diabolique qui vivait tapis dans un coin de son crâne. Peut-être aussi que cette relation bancale, ce malaise qui s'était établi entre eux, c'était une preuve : la preuve que ça avait compté. Cette nuit, son départ, son retour. Il n'en savait rien, mais il n'arrivait tout simplement pas à passer au-dessus. Il n'en avait pas envie. Moi non plus.. Enfin, l'égyptien roula des yeux et soupira bruyamment - trop - avant de dire d'une voix extrêmement lente : J'ai pas dis ça… J'ai dis que si… Coupé en pleine phrase, quand bien même elle s'étirait sur de longues secondes, la rouquine aurait au moins pu le laisser la finir. Mais non, elle le coupa, la voix chargée d'une émotion complexe, un genre d'inquiétude mêlée à une profonde envie de l'éventrer sur place : Ça t’arrangerait que j’dégage pour que tu t’anesthésies le cerveau en paix ? Il remonta ses yeux, ses énormes yeux de poisson jusqu'à elle et arqua un sourcil. Il fit un sourire en coin, les idées pas trop claires. J'ai pas b'soin de ta bénédiction pour me défoncer, que je sache. J'ai pas b'soin de toi tout court, qu'il aurait dû ajouter, mais il n'y pensa qu'une seconde trop tard, son cerveau désespérément anesthésié, comme elle venait clairement de le souligner. Et puis ça serait mentir. Daire était un pilier si énorme dans sa vie qu’il ne pouvait imaginer sa vie sans elle. Oh, en fait si, puisque c’était déjà arrivé. Les mensonges semblaient être devenus monnaie courante au sein des Kids. La nouvelle façon de communiquer, si on pouvait appeler ça comme ça. Communiquer de toute manière Sam n’était plus en mesure de le faire à l’heure actuelle. Et devant le ton autoritaire d’une Daire à bout de nerfs il sentit le besoin de prendre une taffe de calme supplémentaire, manque de bol, elle fut plus rapide que lui. Ça suffit, Sam ! qu’elle ordonna tout en éloignant le bang, l’intéressé soupira longuement; il n’avait pas le courage d’aller le récupérer. Mais fiche-moi la paix… maugréa-t-il tout en se laissant tomber à nouveau dans le fond du canapé. Il n’osait même pas la regarder, Daire. Il n’osait pas affronter son regard enflammé, sa mâchoire crispée. Il n’osait pas non plus contempler ce gouffre autour d’eau, ce trou noir qui aspirait tout ce qui avait existé un jour, et grandissait en se nourrissant de la rancoeur qui s’auto-entretenait. Le claquement du bang contre la commode attira son regard, en coin.

J’suis pas d’humeur à te voir faire le légume sur ce putain d’canapé pour le reste de la soirée Enfin, leurs yeux s’accrochèrent une seconde, quand Sam remonta son regard sur elle, amorphe. Il fut secoué d’un petit rire embrumé de fumée toxique et se passa une main dans ses cheveux pour se les ébouriffer. Puis, il balança sa tête en arrière contre l’un des coussins miteux récupérés on-ne-sait-où. J’viens de te dire que tu pouvais te barrer… Sa voix était vague, autant que ses idées. Tout se cassait la gueule, tout. Ça faisait un moment que tout se cassait la gueule, comme s’il était dans une putain de partie de Jenga et qu’enfin l’une des pièces principales venait de faire s’écrouler toute la tour. Alors qu’elle se casse, hein. De toute façon, les Kids, le groupe, la famille, tout ça n’était plus qu’une vaste arnaque. Tu vas m’expliquer c’qui se passe. Expliquer quoi ? Sam plongea la main dans la poche de son jean, faute du bang il se rabattait sur ses marlboro, ayant désespérément besoin de quelque chose à qui se raccrocher, pour fuir le contact visuel. Pour occuper ses mains, éviter de faire un scandale et de récupérer ce bang. Elle comprenait pas Daire, elle comprenait pas que c’était pour leur bien à tous, ces calmants, cette weed ingérée trop fréquemment. Pour faire taire l’autre, pour, faute de pouvoir garder le contrôle, se rendre impotent, inapte, atone. Car dans sa tête tournoyait encore les flashs dont il ne se rappelait qu’à moitié, les bribes d’informations que l’autre lui avait laissé entrevoir. Sur ses jointures les égratignures avaient fait office de preuve, et le visage tuméfié de Trixia, et le sang sur ses vêtements, et le tremblement dans la voix de la blonde, quelques jours plus tard. Il avait pété les plombs, ce n’était pas la première fois, mais cette fois il avait déconné grave, et plus le temps passait, plus l’autre prenait du pouvoir, le poussait à faire ce qu’il ne voulait pas. Non, rectification : ce que tu n’oses pas faire. Et tout qui se pétait la gueule n’aidait forcément pas à garder son calme. Alors qu’elle le laisse se défoncer, qu’elle arrête de lui demander des explications. Mais puisqu’elle insistait avec son regard foudroyant. Vous m’cassez tous les couilles, voilà ce qui se passe. Marmonna-t-il la voix pâteuse.

Elle s’approcha, il fut bien obligé de la regarder. Elle attrapa son bras et un frisson parcouru tous ses muscles car il sentait l’autre s’agiter sous la tonne d’anesthésiant qu l’enterrait. Sam serra la mâchoire. Lâche putain, lâche Daire. Qu’il pensait tellement haut qu’il espérait seulement qu’elle puisse entendre, qu’elle puisse comprendre, d’un regard flou, comme avant. Se comprendre sans ce parler, cette complicité qui avait autrefois rendu folle de jalousie Trixia, ce lien entre eux, inexplicable, qui avait flambé un beau matin. Mais non, rien elle s'agrippait et les forces entravées par la drogue de Sam ne lui permettait pas de se dégager à temps. Il se laissait couler contre le canapé et grognait des phrases incompréhensible. Jusqu’à ce qu’elle lâche la première. Tu veux du calme ? Vraiment, Samih ? Tu l’auras quand je serais morte Leurs regards rentrent en collision, l’impact est tel qu’il donna une poussée d’adrénaline à Sam. D’un coup, dans un sursaut, le voici debout sur ses jambes, tellement collé à elle que ça ressemblait presque à une menace. Il ne la quittait plus des yeux désormais, noyés dans l’océan instable de cet ouragan permanent. Ou bien j’ai juste à attendre que tu te barres sans rien dire comme la dernière fois. C’était comme crever un abcès, mais le mauvais. Parce que Sam savait pertinemment que ce n’était pas ce qui lui avait fait le plus de mal, pas complètement en tout cas. Là, tentant de la contourner, sa démarche peu assurée et complètement à coté de ses pompes le fit tomber à moitié sur elle, elle le retint par réflexe, il la poussa sans ménagement la seconde d’après. Lâche-moi. articula-t-il lentement du mieux qu’il pu, et le voici qui tanguait jusqu’à la commode, laissant ses semelles raser le verre brisé. Il attrapa d’une main lourde le bang, le serrant si fort entre ses doigts, qu’il était presque sûr de le fissurer. Qu’est-ce que tu veux ? Qu’est-ce que tu cherches ? J’te…j’te préviens que j’veux être tranquille et toi…toi tu fais chier… comme d’hab. La tête qui tourne, les mots qui ne venaient pas, il était en train de s’aventurer sur un terrain miné, il le savait, et son état n’arrangeait rien. J’ai pas envie d’parler putain, surtout pas à toi. T’as compris faut que… que j’te l’écrive sur un de tes t-shirt pourri pour que… ça rentre ? Il s’adossa contre la commode pour ne pas tomber lamentablement en avant et pris une grande inspiration, sous sa peau, le feu renaissait dans les braises.
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Daire Méalóid

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MessageSujet: Re: je ne te demande pas d'être sincère (dairih)   je ne te demande pas d'être sincère (dairih) EmptyMar 31 Oct - 21:28

« Rien ne dure et pourtant rien ne passe.
Et rien ne passe justement parce que rien ne dure. »


Le néant, avide, partout autour d’eux. Dans les morceaux de verre brisés au sol, dans la léthargie d’un corps sur le canapé, dans une mâchoire crispée à s’en faire grincer les dents. C’était comme ça désormais, entre eux. Vide, engourdi. Dénudé de sens, ou au contraire saturé de non-sens. Des tas de paroles balancées sans grande conviction, ou peut-être pleine d’accusations feulées. « J’viens de te dire que tu pouvais te barrer… »  Elle était usée, Daire, lassée de ce combat vain avant même qu’il n’ait réellement commencé. Depuis trop longtemps, déjà. Depuis tous ces mois qui se sont succédés dans les non-dits et les silences, dans l’indifférence et les remarques acerbes, actrice même de cette dissolution sans le vouloir, comme toujours, comme jamais. Une équation insolvable dont les inconnues n’avaient cessé de se multiplier jusqu’au dysfonctionnement de ses neurones. Elle était blasée, Daire, fleur sauvage fanée sur l’éloignement, pétales arrachées par le rejet de celui au creux des mains duquel elle aurait pu y laisser sa vie sans une once hésitation. Autrefois, car aujourd’hui elle n’en était plus si certaine. C’était ainsi entre eux, désormais. Instable, bancal, un trou noir vorace dans lequel ils pouvaient être en mesure de voir à la fois le commencement de leur relation et la dissolution de leur lien pourtant si solide un temps, en raison de la dilatation de leurs esprits pour une guerre tacite qu’aucun ne saurait dire lequel des deux l’avait commencé. Lui, sur sa défense agressive ? Ou elle, de par son absence et ses secrets ? « J’reviens d’un autre canapé qui serait ravi de t’accueillir, parce que j’compte pas bouger. » Un rictus s’étendait ses lèvres d’une grimace excédée, de celle qu’on pourrait prêter à ces personnes qui se retenaient que trop vivement de ne pas s’éclater les phalanges sur un mur, ou dans le visage de quelqu’un. L’univers était insipide, trop fade, d’un humour douteux ou d’un complaisance malsaine à lui mettre des fantômes de chair et d’os sur sa route. Sa mère l’irlandaise au cœur de sel, son visage grisâtre, ses cheveux ternes, tout en elle avait été aspiré par un autre néant – celui des drogues dures. Jusqu’à ses dernières résistances, jusqu’à la dernière flamme. Elle n’était que trop morte, fusionnée à son canapé miteux duquel elle la retrouvait sans cesse. Aujourd’hui, il avait fallu que cette image se transplante à celle, que trop vivante, de Samih échoué pour les mêmes causes, même si cette vision restait moins violente que celle d’une mère pour son enfant. Et putain que ça la bouffait, que ça la rendait amèrement triste. Et putain que ça la rongeait, que ça la mettait dans une colère sans commune mesure. Ils en avaient partagé si souvent, pourtant, de ces instants d’oubli dans les vapeurs de la drogue fumée. D’ordinaire, elle n’aurait même pas réagi, Daire, elle l’aurait laissé s’anesthésier l’esprit dans le plus grand respect, et surtout dans la plus grande indifférence. Elle l’aurait même accompagné, pour éteindre ses pensées, mettre en pause son existence l’espace de quelques heures. Ce n’était jamais assez, ce silence tant chéri mais bien maigre en comparaison du chaos de son quotidien. Mais ça, c’était avant. Avant que Samih ne nourrisse ses insomnies de regrets, que ses nuits ne s’emplissent d’une douleur exécrable.

Elle le regarda s’agiter imperceptiblement, à ne reconnaître que trop bien ce besoin de s’occuper les mains, enfoncées frénétiquement dans ses poches comme dans un manque, à défaut de pouvoir étendre leur emprise sur autre chose. Elle-même n’avait-elle pas les jointures blanchies sur ses poings tendus, tant l’envie de faire quelque chose de mal, d’inutile, d’irréversible lui martelait les tempes. Quand est-ce qu’elle avait commencé, cette pulsion de violence à l’égard de la personne qui était censée être celle dont elle était la plus proche – meilleur ami exempté ? À quel moment le karma s’était-il dit qu’il allait fracasser deux âmes, déjà en proie à leurs propres démons, entre elles ?
Au fond, peut-être bien quand elle avait pris cette putain de balle. Parce qu’il n’avait pas été là, Sam, parce qu’il n’avait pas pu la protéger. Contre quoi exactement ? Son frère, son propre dérapage, ou la mort ?
Trop aveugles pour se rendre compte qu’ils ne se rejetaient pas pour les mêmes raisons.

« Vous m’cassez tous les couilles, voilà ce qui se passe. » Du coton dans l’intonation, balbutiement presque inaudible ; et trop de rage en face, trop la nécessité de secouer, de réveiller, de rallumer la flamme – ou d’allumer les ténèbres. Elle laissa échapper un ricanement grossier, Daire, tant la remarque aurait presque pu l’amuser dans d’autres circonstances. « T’as signé pour ça » Ils avaient tous signés pour ça, ces mômes qu’on avait recueillis dans la rue, dans les familles malfamées, ces âmes éperdues en quête de la grande aventure. Même toi, t’as signé pour ça Daire, et tout le monde ici sait que t’es dans les premières à foutre la merde, à toujours te prendre la tête avec les autres. Quelque part, ça lui faisait mal à la rouquine, que l’aîné de tous dise ainsi ce qu’il pensait pourtant tout bas. Il mettait à mal sa loyauté, à lui cracher ainsi dessus, dans l’indifférence ou dans l’accablement. Parce qu’ils étaient tout pour elle, les Kids, et qu’elle avait toujours été si prête à faire tant pour eux. Qu’elle pouvait même aller en enfer pour eux – mais qu’elle pouvait tout autant les traîner dans son fardeau sans s’en rendre compte.

Quelque chose se passa lorsqu’elle l’attrapa avec trop de force pour qu’il se relève. Quelque chose de suspendu, d’incertain, d’interdit. Le choc entre l’envie irrésistible de déverser sa tempête, et la résistance inattendue dans le corps d’en face. L’électricité ambiante embrasa tant l’air que ses muscles, et Daire s’en mordit les lèvres, de retenue, de doute, face à la silhouette massive de Samih désormais debout devant elle. La proximité la fit tressaillir, et pourtant c’était bien ce qu’elle avait recherché, qu’il s’éveille et qu’il lui fasse vraiment face. Leurs regards accrochés comme des feu follets, dans l’un l’abîme sombre de tout un monde auquel elle n’avait jamais réellement eu accès, et dans l’autre l’éclat de tout un univers trop fracassé qu’il connaissait si bien. Qu’il avait connu, si bien. Parce qu’il y avait des mois de distance, dans cette confrontation, des mois de retard dans les tourments de chacun. Des mois suspendus dans le temps présent à attendre la collision suivante. La sentence tomba implacable, écrasant la défiance de la rouquine d’une vérité trop brutale. « Ou bien j’ai juste à attendre que tu te barres sans rien dire comme la dernière fois. » Premier pas dans la rancune amassée au fil des saisons, et la flèche la toucha à même dans ses fondations. Parce qu’elle était bien partie sans rien dire, Daire, à peine un mot griffonné sur un bout de papier déchiré, et qu’elle n’était pas revenue aussi vite qu’elle l’avait annoncé. Elle tiqua, la pauvre âme blessée dans son orgueil, dans son secret, et le frisson qui lui secoua le corps en disait long sur le cataclysme qui se déversait dans ses veines. « P’tain, ça c’est vraiment bas. » Ouais, elle était bien partie sans rien dire Daire, et elle était revenue à moitié morte, pas vraiment vivante.

D’aussi loin qu’elle s’en souvenait, elle n’avait jamais levé la main sur lui, si ce n’était les tapes amicales dans tout son entrain perpétuel trop mouvementé. Mais en cet instant, elle avait tellement, trop, envie de recouvrir sa peau de ses coups de rage, de ses coups de regrets. Parce que le frapper lui semblait plus simple que de lui avouer. Que de lui dire qu’elle avait une balle perdue dans la poitrine, que son frère était mort, qu’elle voyait son fantôme partout. Qu’elle avait trahit sa promesse à peine l’avait-elle faite, qu’elle n’avait jamais cessé d’être sous l’emprise de l’IRA, et qu’aujourd’hui ils la pourchassaient tous. Qu’elle était morte à Belfast, tout simplement. Que c’était pas contre lui, mais que c’était quand même un peu de sa faute aussi. T’étais pas là, Sam. T’étais pas là, à son réveil à l’hôpital. T’étais pas là pour apaiser ses démons. Seule, confrontée à elle-même, mais elle n’était pas là non plus pour lui, après tout ce qu’ils avaient partagé, et surtout après sa rupture compliquée, et après cette nuit non-voulue – ou bien tant désirée ? Putain elle ne savait pas, ne savait plus, qui de son cœur ou de ses pensées voulaient désespérément s’enfuir de son corps, qui de son âme ou de ses points voulaient accabler Samih de tous les maux dont il n’avait même pas conscience.

Incapable de se défendre face à l’accusation, Daire se contenta de ravager un peu plus sa lèvre jusqu’à en faire perler le sang – les nerfs bien plus à fleur de peau que c’en était permis. « J’ai pas besoin de ton autorisation pour aller voir mon frangin. Tu veux m’accompagner et me tenir la main comme à une gosse la prochaine fois ? » Mais il n’y aura jamais de prochaine fois, c’était déjà trop tard. C’était craché sans aucune conviction, avalé presque aussitôt par le mouvement irrégulier d’un corps anesthésié en mouvement. Comme un retour de bâton à ce trop-plein d’énergie si soudain, Samih se heurta contre elle en voulant seulement la contourner, les deux corps se cognant légèrement contre le semblant de table basse sous le recul. Elle l’attrapa sans hésiter de ces réflexes qui caractérisaient tant un cerveau qui fonctionnait trop rapidement. Elle l’attrapa et elle s’accrocha à lui, Daire, pour ne pas qu’il tombe, pour ne plus qu’il s’éloigne. Comme si sa vie en dépendait, comme si elle pouvait canaliser toute sa colère dans ce geste, pour ne pas déraper, pour ne pas exploser. Pourtant, il se défit facilement de son emprise, le ténébreux, alors qu’il s’éloigna en chancelant pour récupérer son précieux. « Arrête » qu’elle murmura, comme un avertissement impuissant, le regardant seulement faire sa manœuvre. Dans l’attente de quoi exactement ? D’une excuse pour éclater ? « Qu’est-ce que tu veux ? Qu’est-ce que tu cherches ? J’te…j’te préviens que j’veux être tranquille et toi…toi tu fais chier… comme d’hab. » Le temps qu’il parvienne à formuler sa pensée correctement, la tempête frémissante s’était de nouveau dressée face à lui, les mots plus virulents, le ton trop calme – celui du silence assourdissant avant que la catastrophe naturelle ne vienne tout ravager. « Arrête j’t’ai dit. T’as pas besoin de faire ça » Sa main s’accrocha à son poignet, parce qu’il était évident qu’elle ne pouvait pas lui arracher le bang des mains tant il le serrait fort. Alors elle fit pareil, Daire, elle serra trop fort de sa main trop frêle qui avait connu bien des sévices. Les ongles dans la peau, la rage au ventre, et tout se déversa. C’était trop tard, toujours trop tard. « Lâche-le ! » Elle l’avait souvent entendu, cet adage, celui de détruire ce qui nous détruisait. Il était comme un écho à sa propre existence, comme un malentendu sur sa naissance, sur la façon dont elle devait vivre. Parce que c’était ce en quoi elle excellait, Daire, détruire. Corolaire du mal incessant qui la rongeait dans les miettes d’une existence ballotée dans le chaos, indissociable du monstre de colère qui engloutissait tout et rien d’un battement de cils, tout le monde et personne à la fois, surtout elle-même. « J’ai pas envie d’parler putain, surtout pas à toi. T’as compris faut que… » « Que quoi putain ??! » Vas-y, crache-le. Elle étouffait, la rouquine, elle avait chaud, trop chaud, et elle avait mal, si mal. Ça l’excédait qu’il ne parvienne pas à s’exprimer sans buter sur les mots, sans galérer à aligner ses pensées. « que j’te l’écrive sur un de tes t-shirt pourri pour que… » Expiration exaspérée, impatiente. « ça rentre ? »

Daire était l’explication même du pourquoi donnait-on des noms aux tempêtes.

Elle l’était, quand elle bouscula Samih pour le pousser en arrière d’un geste ravageur. Elle l’était d’autant plus, lorsqu’elle haussa la voix dans ces grands éclats qui avaient déjà tant secoué les murs de leur appartement miteux. « Tu veux que j’comprenne quoi, hein ? » Elle fulminait par tous les pores de sa peau, brûlante d’une rage abîmée par les regrets, par une tristesse mélancolique aussi. Elle était l’ouragan, Daire, parce que son garde-fou, celui qui l’avait toujours apaisé, avait cessé de le faire depuis des mois. Alors elle s’était perdue dans le jour comme la nuit, sous les étoiles ou dans les bars, dans les ecchymoses et le sang d’inconnus, dans les caresses étrangères et les désirs enfiévrés, dans une cellule ou sur ce canapé, derrière eux, à maudire tout un monde. « Tu veux que j’comprenne quoi ! » Qu’elle lui répéta, toujours plus fort, en le repoussant, toujours plus violemment. « Alors que tu m’parles même pas, putain ! Ça fait des mois que tu nous évites tous, que tu m’évites. » Dans un soubresaut de conscience, son poing s’écrasa dans la commode pour ne pas s’abattre sur lui – comment pouvait-elle se résigner à lui faire du mal ? Elle voulait hurler au monde entier le mal qui la ravageait, Daire, elle voulait qu’il comprenne, lui aussi, qu’il l’apaise à nouveau, qu’il fasse taire les démons, qu’il éteigne le feu qui brûlait trop fort, qui lui calcinait les veines, les muscles, la conscience. Samih et ses grands yeux, comme elle le taquinait si souvent sur ça. Samih et ses demi-sourires qui suffisaient à eux-seuls à éteindre bien des tourments. Samih et son regard si profond, et ses cigarettes magiques, et ses histoires, et ses paroles, et ses mains dans ses cheveux, et son corps contre le sien. « Fais-toi plaisir j’t’en prie, écris-le sur mon t-shirt pourri ! » Mais c’était son vêtement à lui, auquel elle s’agrippa de ses deux mains, tremblante, le menton levé haut. « Vas-y, explique-moi. Dis-moi c’que j’t’ai fait. Dis-moi pourquoi tu t’es pris la tête avec JJ pour la énième fois ? » Un ricanement. « Parce que ouais, j’te rappelle qu’on vit tous sous l'même toit et qu’on le subit aussi » Elle le lâcha, recula de quelques pas. C’était le brouillard, c’était la tempête. C’était trop confus dans sa tête, dans ses mouvements. « Mais merde Sam, c’est quoi ton problème ?! » Le hurlement se percuta contre les murs, contre leurs corps, dans les recoins oubliés, dans les silences.

Ils étaient seulement le dommage collatéral de leur bataille respective contre eux-mêmes.


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MessageSujet: Re: je ne te demande pas d'être sincère (dairih)   je ne te demande pas d'être sincère (dairih) EmptySam 11 Nov - 19:04

Ca tournerait pas bien. En fait, ça ne pouvait que tourner mal. Toutes les planètes étaient alignées pour une catastrophe nucléaire. Y avait la dope, y avait Daire. Ouais en fait, que Daire soit là suffisait amplement pour déclencher n’importe quelle guerre nucléaire. J’reviens d’un autre canapé qui serait ravi de t’accueillir, parce que j’compte pas bouger. Sam inspira profondément, déjà excédé. Fiiiine. Qu’il soupira longuement, avachi dans le canapé. Très bien, qu’elle reste alors. Qu’elle lui fiche la paix aussi. Parce que là, le courant ne passait plus. Tout ce qui était vrai autrefois, elle qui réussissait à le faire parler, lui qui arrivait à l’apaiser. Tout ça c’était fini depuis bien longtemps. Qu’elle arrête de faire comme si c’était encore le cas. Ça ne l’était pas. Il serait bien resté là à s’anesthésier chaque putain de parcelle de son corps qui hurlait encore de poursuivre JJ et de le tuer sur place, mais c’était mission impossible. Daire était un produit inflammable. À tout moment, l’appartement allait s’embraser. Elle n’était plus capable de supporter ses défonces, plus capable de le voir comme un ami avec qui partager la fumée du bang, non. En fait, plus rien n’avait la même gueule qu’avant, leur “famille” appelez cette association d’hypocrites comme vous le voulez avait la gueule castagnée maintenant, peu reconnaissable. Trixia était partie, Assia aussi, et tout avait commencé à se péter la gueule à partir de là. De ses bras tremblotant Sam avait tenté de garder tout le monde soudé, le fait est qu’il n’y arrivait pas. Il avait perdu la force, perdu la foi. Maintenant le voici, défoncé au dernier stade aux médocs et à la weed, en train d’observer les morceaux de verre éparpillés sur le sol, jolie métaphore.

T’as signé pour ça Sam releva doucement la tête, pas sûre de qui, entre Daire et la voix dans sa tête, avait parlé. Il ne comprit que trois secondes plus tard qu’il s’agissait bien de la rousse, se contenta de la considérer longuement, et, acerbe, il siffla : J’ai rien signé du tout, vous m’êtes tous tombés dessus. Mauvaise foi, mauvais tout court. Sam, t’es mauvais. Il crachait sur sa famille, il crachait sur tout ce qui l’avait maintenu en vie jusque là. Ces satellites qui s’étaient mis à tourner autour de lui, comme s’il avait une quelconque attraction. Pourquoi ? C’était la grande question, y avait rien de rassembleur chez l’égyptien, chez cet angoissé social. Et pourtant. Au départ il n’y avait que lui, puis JJ et lui. De deux ils étaient passés à trois, Daire avait rejoint le mouvement, puis six, puis sept, puis six à nouveau. Et maintenant quoi ? Fallait qu’il reste le pillier de cette cahute pourrie ? Fallait que lui n’ait pas le droit à l’erreur ? On lui remettait le pouvoir entre les mains quand bon leur semblait. Tout le monde ici n’en avait plus rien à foutre. Même Daire. Rappela l’autre, l’instant d’après, Sam le rappelait à la rousse. P’tain, ça c’est vraiment bas. Il ne commenta pas, se contenta de la regarder par en dessous avec ce regard vide, qui voulait tout et rien dire à la fois. C’est bas, ouais. Te barrer juste après qu’on ait couché ensemble aussi. Qu’il avait envie de dire, si la rousse ne s’était pas remise à parler, sans doute que ça aurait débordé de ses lèvres. Sans doute qu’il l’aurait regretté la seconde d’après aussi. L’autre ne l’aurait pas laissé dire ça. Il avait scellé ses lèvres. J’ai pas besoin de ton autorisation pour aller voir mon frangin. Tu veux m’accompagner et me tenir la main comme à une gosse la prochaine fois ? Il secoua sa tête de gauche à droite, sans croire un mot de ce qu’elle venait de dire. Egocentrique ou pas, il restait persuadé que son départ précipité, prolongé, sa disparition si on pouvait le dire comme ça, ça le concernait. Elle l’avait fuit. Fuit ce quelconque truc qui était né entre eux cette nuit. Cette osmose trop naturelle et improbable à la fois pour être réelle. Avait-elle été vraiment réelle, en fait ? Comment ça s’était passé ? Comment c’était arrivé ? Ca faisait tellement longtemps maintenant, c’était avant tout ça. Et c’était enterré profondément sous trois couches de faux-semblants, d’hypocrisie et de reproches. T’fais c’que tu veux Daire. Lâcha-t-il d’une voix vague et désintéressée, et enfin il détacha son regard d’elle, le temps de prendre l’élan nécessaire pour se relever.

Elle lui barra la route bien sûr, elle tenta de le retenir et le contact de leurs corps, c’était comme un coup d’jus qui se propagea dans tout son muscle sans qu’il ne puisse l’exprimer autrement qu’un regard appuyé. Il la contourna sans mal, se détachant d’elle, comme il avait appris à le faire au bout de tous ces mois de silence. Exercice qu’il réussissait à la perfection maintenant, vous savez, faire comme si rien ne s’était passé. Mais cette proximité soudaine, provoquait autre chose, comme un genre de souvenir qui entremélait ses entrailles. Il attrapa le bang, fallait noyer ça. Arrête Il ferma les yeux, tenta de l’ignorer le temps de retourner sur le canapé, tenta également de lui faire comprendre pour la dernière fois qu’il avait besoin d’espace. Foirade totale. Pour info, si, il en avait besoin. Terriblement. Elle comprenait pas, elle comprenait mal en tout cas. Le mal qui le rongeait, qui prenait de plus en plus de place. Cette voix qui se remettait à parler dès qu’il laissait son esprit vagabonder. Dès qu’il n’était pas assez amorphe pour, ne serait-ce que réussir à l’ignorer. Cette colère qui, comme un virus, infiltrait ses veines, devenait de plus en plus brûlante dans son organisme. Ce n’était pas la même colère qui animait Daire. Cette colère flamboyante qui vous donne ce petit quelque chose que personne d’autre n’a. Cette colère révoltée, insoumise. Non, l’âme de Sam n’était qu’un grand chaos, une sorte de trou noir qui aspirait tout autour de lui, contaminait tout aussi. Nouveau choc. Elle s’agrippa à lui si fort qu’il était presque sûr qu’elle allait percer sa peau. Il serra les dents. Laisse-moi, barre-toi. Criait toutes les particules de son corps. J’ai pas envie de parler. Qu’il réussit à articuler. Surtout pas avec toi. Le coup d’massu sur le visage parsemé de Daire.

C’était comme être dans une salle sombre, uniquement éclairée par un stromboscope. Sam avait l’impression de manquer une image sur deux. L’instant d’après, Daire le poussait en arrière avec sa force de guerrière. Le Sam atone qui lui faisait face n’avait pas anticipé, le bang s’écrasa sur le sol, fendu, l’eau se propageait au milieu du verre déjà brisé et de l’herbe. Son regard suivit l’objet. Pas le temps de parler Daire le faisait pour deux. Tu veux que j’comprenne quoi, hein ? Le mal que t’as fait en partant. L’état déplorable dans lequel je suis. Combien notre putain de famille est entrain de se consumer. Que tu comprennes tout, sans qu’on ait besoin de parler. Comme tu es censée le faire depuis toujours. Mais la communication ne passait plus. Une image sur deux. Encore une fois elle le poussa en arrière, il recula de quelques pas, soupira. Alors que tu m’parles même pas, putain ! Ça fait des mois que tu nous évites tous, que tu m’évites. Sourire cynique. Tais-toi… prévint-il à voix basse, presque pour lui. Arrêtes tout de suite Daire, tu sais pas à quoi tu joues. Tu sais plus. T’as pas envie qu’il t’explique, non, t’en as pas envie. Et pourtant elle hurlait. Elle s’agrippait à lui, le secouer, froissait son t-shirt stupide. Arrête, arrête, arrête.

Y a comme un loquet qui sauta dans le crâne de Sam. Trop rapidement, si rapidement, d’un coup, lui qui semblait complètement dans le gaz, il passa ses deux bras entre ceux de Daire et les écarta violemment pour qu’elle le lâche. Elle recula de quelques pas, Sam s’avança. Tu veux des explications. Génial, ouais, comme ça on pourra faire comme si on était encore des supers copains. Non sérieux, c’est parfait. Il s’avança d’un pas de plus. Copains ils ne l’étaient plus. Ils avaient cessé de l’être cette nuit là, allongés tous les deux dans les draps blancs de Sam, leurs peaux à nue. La main café de Sam qui caressait chaque petites étoiles qui parsemaient le dos de Daire. Maintenant ils étaient paumés quelque part entre la rancoeur et quelque chose d’autre dont aucun des deux n’avaient osé parler. Et depuis tous ces mois où je t’évites, tu t’es jamais demandé pourquoi ? C’est maintenant que t’as envie qu’on en parle ? Alors si t’en as envie, c’est ce qu’on va faire. On peut pas dire non à Daire, n’est-ce pas ? Sourire mauvais. Sam était si proche d’elle qu’il sentait son souffle saccadé, à la rousse, survoltée en permanence. Qu’est-ce que ça pourrait te foutre que j’ai envie qu’on me fiche la paix ? Hein ? Personne n’en a rien à foutre de ce que j’peux vouloir, tant que je suis là pour réparer vos pots cassés. Il se recula d’un coup après avoir approché son visage si près qu’il n’était plus très sûr de ce qu’il voulait faire ensuite. Marchant au reculons au milieu de l’appartement, il ne quittait plus le regard chaos de la rousse. Il heurté un fauteuil et se retourna enfin, il entamait une course folle à travers l’appartement. Alors, par où je commence ? JJ qui se tape Trixia et envoie Eanna à l’hôpital.. Ah non, parlons de Seven Popescu, ça devrait te plaire. Les mots débordaient de ses lèvres, sans même qu’il sache qui les prononçait. Lui ou l’autre. Il semblait que ces derniers temps, on ne faisait pas très bien la différence. Mais non, toi ce qui t’intéresse c’est ce qui se passe entre nous. Alors, Daire, qu’est ce qui se passe entre nous ? Vas-y on parle si t’as envie de parler. Un silence de mort tomba sur la pièce pendant une seconde. Peut-être bien que j’t’en veux de t’être tiré un mois sans nous prévenir. Et s’il te plait me dit pas que tes vacances chez ton frère se sont prolongées, j’commence à en avoir marre qu’on se foute tous de ma gueule ici. Sa phrase fut ponctué par un objet qui traversait la pièce pour s’écraser à un mètre de Daire. Mais, ouaaais, ça doit être moi qui a un problème, t’en penses quoi ? J’en pense qu’on va se prendre une droite.
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Daire Méalóid

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MessageSujet: Re: je ne te demande pas d'être sincère (dairih)   je ne te demande pas d'être sincère (dairih) EmptyLun 4 Déc - 16:14

Sous l’imprévisibilité et la violence du heurt, Samih lâcha prise et l’objet qu’il tenait pourtant si fermement s’échoua au sol pour ne devenir qu’un tas de débris supplémentaires, emmêlant de l’eau et de l’herbe aux morceaux de verre brisé. Belle métaphore de l’état actuel de leur relation, de leur famille, de tout ce qu’ils avaient pu construire auparavant et qui avait été balayé dans le chaos de chacun pour ne devenir que poussières emportées par les tempêtes. Des bouts morcelés d’existence que le temps avait élimés, que les colères avaient malmenés, que les collisions avaient morcelés en un amoncellement de ruines. De la ferraille à la place du cœur, des ossements à la place d’une famille. « Tais-toi… » si faiblement prononcée que la mise en garde se trouva engloutie dans le coup de colère éclatant de la tempête qui prenait place, dans les cris les remords, les accusations les provocations. Dans le poing abattu dans la commode à défaut de ne pourfendre la décence et l’épiderme de l’autre, dans les jointures blanchies à s’agripper sur un bout de tissu comme si le monde allait s’écrouler sous leurs pieds. Mais dans le fond, il l’était déjà leur monde. Démoli dans leurs souffles saccadés, dans leurs âmes abîmées. Terrassé par les violences à répétition, par les rancunes qui n’avaient plus de fondements, qui s’étaient perdues à n’être que trop nombreuses sans même pouvoir reconnaître quel en avait été le déclencheur. Abandonné dans une lutte acharnée entre des silences ne pouvant mener qu’à des querelles d’incompréhension, des malentendus à s’en brûler les veines et la patience, un putain de quiproquos enlisé dans le piédestal de leur fierté parsemée de leurs secrets. Hostilités des éperdus oubliés, lorsque Samih renversa le rapport de force en sa faveur avec tant de véhémence soudaine dans le geste que sa victime en resta interdite. Flottements de l’hésitation l’espace d’une poignée de secondes, frémissements de la tempête détournée de son chemin le temps d’un obstacle. Il écarta ses bras avec bien assez de force pour qu’elle ne recule sur la maigre distance qu’elle venait de parcourir, les tessons de verre jouant de leur musicalité arrachée sous leurs pas à mesure qu’ils piétinaient dessus. « Tu veux des explications. Génial, ouais, comme ça on pourra faire comme si on était encore des supers copains. Non sérieux, c’est parfait. » Comme si on était encore des supers copains. Les mots s’entrechoquèrent sous son crâne, s’immisçant au travers du brouillard opaque comme une pluie de flèches d’acier, s’enfonçant dans les tissus les neurones et les pensées éparses pour s’infiltrer dans les veines et atteindre le myocarde ébranlé, pour étouffer les poumons de béton. De trahison en disgrâce, leur amitié avait fauté, échouée sur le tas fumant de toutes ses relations qu’elle avait malmené au sein des Kids. Copains ils n’avaient jamais cessé de l’être, à ses yeux. Daire était de ces personnes bien trop loyales pour l’entendement, bien trop seules pour se permettre de perdre un pilier de son existence. Elle était de ceux qui s’abîmaient dans ce qu’ils n’avaient plus, mais qu’ils ne pouvaient accepter. Peut-être trop sauvage, jamais assez raisonnable, elle n’en restait pas moins dévouée. Pour Samih, pour les autres, sous les grands éclats et les leçons de morale. Pour son frère, pour sa famille, qui l’avaient tous très bien saisi à en user la rouquine au point de n’en faire qu’un ensemble de pièces détachées. Loyauté irréprochable, fidélité questionnable, elle se perdait elle-même dans ce qu’elle pouvait accomplir pour les autres. Peut-être à en devenir stupide, aveugle de tout un tas de sentiments qu’elle n’avait jamais appris à comprendre sur le seuil de son esprit trop vaste pour un corps trop étriqué. Copains elle n’aurait jamais voulu que cela cesse, mais les non-dits en avaient déclaré le contraire, l’égyptien en avait décidé autrement. Sur les miettes de leur affection, ils étaient le roi et la reine des abrutis. « Et depuis tous ces mois où je t’évite, tu t’es jamais demandé pourquoi ? C’est maintenant que t’as envie qu’on en parle ? Alors si t’en as envie, c’est ce qu’on va faire. On peut pas dire non à Daire, n’est-ce pas ? » Ça tambourinait entre ses tempes à lui en donner le vertige, de ce trop-plein de mauvaise foi, de cette absence de volonté à accepter ce que l’autre lui disait, de cette colère sourde qui ne demandait qu’à lui déchirer les veines à lui arracher la peau et la conscience avec. Son visage bien trop près du sien manqua de faire détaler ses certitudes, ébranlant les battements effrénés d’un cœur au bord de l’implosion. Si près que s’il n’avait été qu’une façade vitrée, elle en aurait laissé une trace embuée. « J’ai jamais cessé d’me le demander depuis tous ces putains d’mois » qu’elle souffla plus dans un grognement que dans une parole distincte, tant le contraction de sa mâchoire menaçait de la faire céder. Samih hantait ses nuits d’insomnies, ses journées maussades, ses moments perdus à rendre visite à ce qu’il restait de sa mère, à se perdre dans l’alcool pour ne devenir qu’un pantin en offrande à cette chienne de vie. Il avait cette esquisse mauvaise sur les lèvres, de celles de mauvaise augure qui ne pouvait qu’annoncer l’entrée en scène d’un nouveau cataclysme pour se heurter au feu ravageur de l’irlandaise. « Qu’est-ce que ça pourrait te foutre que j’ai envie qu’on me fiche la paix ? Hein ? Personne n’en a rien à foutre de ce que j’peux vouloir, tant que je suis là pour réparer vos pots cassés. » Ses prunelles céruléennes ne décrochèrent pas du trou noir, l’observant s’éloigner d’elle tout restant à sa place, ressentant l’électricité statique se déplacer entre leurs corps dans l’élasticité de la distance. « J’m’en fous des autres » Son pied envoya valser un bout d’objet indistinct au sol, mais elle ne bougea pas, préservant cet éloignement qu’il avait instauré. « Mais en c’qui m’concerne on peut pas dire que j’t’ai vraiment fait chier ces derniers temps » Tiraillée entre ses instincts soucieux à l’égard des autres membres de leur bande bancale et son besoin impétueux d’attention brisé dans cette solitude qui n’avait de cesse de prendre un peu plus de place chaque jour, Daire étouffait. Elle voudrait pouvoir être un meilleur exemple, être une personne plus fiable, avoir la solution pour bien plus que leurs problèmes qu’ils ne prenaient même plus la peine de lui partager. Elle voudrait, mais elle ne voulait plus. Pour une fois, rien que cette fois, elle ne voulait pas endosser la responsabilité des autres, avoir la permission de se délester de son manteau de charges qui lui encombrait les épaules à lui en faire courber l’échine. Rien que pour cette fois, elle ne voulait pas se soucier des autres, elle voulait seulement se concentrer sur les miettes éparpillées de ce que qu’était devenue sa relation avec Samih, de cette amitié trop fusionnelle qu’elle s’était calcinée. Ses pots cassés ça faisait bien des mois qu’il ne les réparait plus. Quand bien même elle avait toujours été assez indépendante pour remédier aux problèmes qu’elle attirait sans cesse, ces derniers mois elle avait tout simplement cessé de lui quémander son aide, sous peine de se heurter au silence au mépris ou à l’indifférence. Daire ne prenait plus la peine de le prévenir lorsqu’elle passait une nouvelle nuit au poste de police, de lui partager ses doutes quant au bien-fondé de la situation à l’égard de sa mère et de son beau-père, de lui demander de venir la chercher quand elle n’était plus apte à conduire sa bécane pour tout un tas de raisons diverses. Après tout, la tempête n’avait besoin de personne pour se faire une place dans ce monde, ou pour n’en faire qu’un bûcher géant afin de pouvoir danser sur ses cendres. Samih s’épuisait sur les dérapages et les problèmes en pagaille des autres, mais il n’était plus là pour elle. Pas lorsqu’elle rentrait à l’appartement les ecchymoses sur le corps, les pommettes fracturées et les mains en sang, à déverser sa haine sur tout le monde ou à s’enfermer dans sa chambre en faisant trembler les murs de leur appartement miteux. Elle n’avait besoin de personne, Daire, surtout pas lorsqu’il était question de tout détruire autour d’elle.

À l’obstacle contre le fauteuil, la pression entre leurs regards ancrés l’un dans l’autre dans ces univers si sombres se disloqua pour que ne raisonne dans le vide plus que le chaos de ce qu’ils étaient devenus. « Alors, par où je commence ? JJ qui se tape Trixia et envoie Eanna à l’hôpital.. » Putain de bordel de merde. « QUOI ? » Quelque chose implosa en elle, de cette colère survoltée lui hérissant le poil, chair frémissant à l’entente de l’interdit. Daire porta une main à son visage, se massant les yeux dans une lassitude croissante, éreintée dans les conneries incessantes de JJ qui semblaient n’avoir de cesse que de prendre de l’ampleur. Comme s’il testait les limites de chacun, de sa conscience, de son meilleur ami. Si peu d’informations mais à la fois beaucoup trop, bien assez pour que la rouquine ne soit plus qu’un être fumant d’une rage fatiguée. Au fond de ses entrailles, au creux de ses pensées, la promesse de s’occuper de son cas venait déjà de s’y faire une place, et ne manquerait pas de prendre consistance dès qu’elle aurait l’occasion de lui mettre la main dessus. « Ah non, parlons de Seven Popescu, ça devrait te plaire. » Sa main glissa de ses yeux à sa tignasse flamboyante pour les repousser en arrière, se crispant un instant entre les mèches comme pour s’arracher les cheveux plutôt que de s’abattre sur autre chose. « Qu’est-ce qu’il a fait ? » Elle aurait aimé prendre le temps de panser les maux, de l’écouter pour réduire les blessures, comme elle le faisait avant, bien avant, lorsqu’elle n’était pas partie et qu’ils étaient encore capables de mettre le monde à leurs pieds dans une symbiose sans équivoque. À ses yeux, Samih ne méritait rien de ce qui lui tombait dans le coin de la figure. Il ne les méritait peut-être pas eux, et encore moins que son meilleur ami ne se fasse son ex, quand bien même elle avait été exécrable à son égard. Daire n’avait jamais porté Trixia dans son cœur malgré les efforts des premiers temps, elle ne supportait pas qu’un deuxième mâle de sa famille ait succombé à ses plaisirs charnels. Elle acceptait d’autant moins qu’il s’agisse d’une attaque pour ébranler Sam, celui qui était très certainement le pilier le plus respectable d’entre eux, si ce n’était le seul. Sans même évoquer l’adversité dont la simple mention du Yobbo avait suffi à l’excéder, comme s’il n’y avait plus de seuil à sa contrariété, ni son courroux. Ambiance chargée d’une multitude de particules inflammables alors que l’égyptien scandait de nouvelles accusations sous-entendues. « Mais non, toi ce qui t’intéresse c’est ce qui se passe entre nous. Alors, Daire, qu’est ce qui se passe entre nous ? Vas-y on parle si t’as envie de parler. » Un trop lourd silence lui percuta les tympans, incapable de mettre les mots sur ce qu’elle voulait vraiment. Sur ce qu’elle ne comprenait pas, sur ce qu’elle ne parvenait pas à exorciser. Dans le chaos ambiant, remettre un peu de consistance entre eux lui semblait être de prime abord une étape indispensable avant d’affronter le reste du monde, et les problèmes des autres. Parce qu’elle était peut-être forte, Daire, mais elle était surtout épuisée, dans ses silences, dans ses esquives, dans cette absence de compréhension qu’il ne lui témoignait plus. Parce qu’il n’y avait plus personne pour l’apaiser, et qu’elle partait dans beaucoup trop de sens dont aucun n’était le bon. Parce qu’elle ne se doutait pas vraiment de ce qui se tapissait dans les entrailles de Samih, au fond de sa tête dans le venin de ses pensées. Et que si elle en avait eu conscience, nul doute ne ferait qu’elle aurait tout fait pour l’aider, à s’en abîmer l’âme sur l’asphalte s’il le fallait. « Peut-être bien que j’t’en veux de t’être tiré un mois sans nous prévenir. Et s’il te plait me dit pas que tes vacances chez ton frère se sont prolongées, j’commence à en avoir marre qu’on se foute tous de ma gueule ici. » Survoltage dans l’air, dans ces paroles entremêlées au projectile qui traversa la pièce pour s’écraser non loin d’elle. Le cendrier, victime de l’esclandre, ne s’était pas brisé au choc mais son contenu s’était déversé sur le sol, emplissant l’air d’une odeur de tabac froid dans un nuage de cendres éparpillées. Une poignée de seconde s’entrechoqua dans le silence, alors que Daire avait momentanément quitté le Kid du regard pour ramasser l’objet entre ses mains tremblantes. De ces agitations légères démontrant le trop-plein bouillonnant dans ses veines, jusqu’au voile sombre apposé sur son regard, les sourcils froncés comme si ses traits étaient incapables de s’apaiser à nouveau. Œil pour œil, dent pour dent. C’était l’essence-même du cataclysme irlandais, qui avait survécu jusqu’à présent de cette manière. La dernière phrase qu’il lança s’évapora dans l’air sans atteindre la bête révoltée, orgueil embrasé dans l’agacement tonitruant. Le cendrier traversa à nouveau la pièce en sens inverse, d’une rage à peine mesurée. Que le projectile atteigne sa cible ou s’échoue plus loin, qu’il l’esquive ou qu’il l’explose, tout lui importait. Le temps se dilapida dans l’action insensée, dans l’explosion des sens, dans l’immolation de la rouquine. « Tu sais quoi ? » J’pense surtout qu’on a tous les deux un problème. « T’as raison ! » Et son poing s’écorcha contre la mâchoire de Samih dans une violence encore maîtrisée, mais que personne ne lui connaissait sur lui. Il lui en voulait d’être partie sans prévenir, si seulement il savait. Qu’elle n’avait jamais voulu l’inquiéter, qu’elle n’aurait jamais pu revenir. Dans l’effervescence du geste, Daire le repoussa une nouvelle fois avec toujours plus de véhémence pour le bloquer contre quelque chose ou le mur, elle ne savait pas, ne savait plus. L’espace et ses repères s’étaient dissous dans le brouillard de sa rage, et sa main lancinante ne quémandait qu’une chose : que cela ne cesse pas. Ses jointures s’explosèrent à nouveau, cette fois-ci à côté de son visage, bien assez près pour qu’il en ressente le souffle du mouvement. « J’ai jamais respecté ma promesse » Elle n’en pouvait plus de ses accusations à demi-teinte, de ces non-dits éparpillés dans trop de rancune accumulée depuis des mois. Il voulait de bonnes raisons pour l’accabler ? Il n’allait pas être déçu. « C’était pas des vacances. C’était pour l’Ira. » Ses prunelles s’accrochèrent dans celles de Samih, dans une défiance sans pareille, à quémander une réaction face à cette révélation, à chercher sous la surface l’apparition de la déception, de la colère, tout sauf de l’indifférence, elle ne le supporterait pas. Un ricanement ébranla sa cage thoracique, rien n’avait plus de sens, ses états d’âmes sanguins la consumaient comme un bûcher qui ne s’éteindrait jamais. Elle bouillonnait tant de colère que d’exaspération, sans jamais accepter qu’il puisse remettre en question ses pensées sa parole sans en connaître véritablement le fond. C’était l’insoumission du bout des doigts, dans les frémissements de la chair, dans la chaleur accablante autour d’eux. C’était le choc des titans, des éraflés, des bousillés. « Qu’est-ce que tu vas faire maintenant que tu l’sais ? » Son corps était si près du sien qu’elle le ressentait à travers le tissu de ses vêtements, à travers les battements effrénés de son myocarde s’explosant dans sa poitrine à en déverser son venin dans les vaisseaux sanguins. La pièce étrangère dans son tissu pulmonaire se faisait plus pesante à la simple évocation de l’Ira, dans ce corps surchauffé prêt rendre poussières tout ce qui lui passerait entre les doigts. « M’engueuler comme si j’étais une gosse ? M’éloigner comme si j’étais JJ ? » Dans le chaos de ses pensées, un semblant de lumière tumultueux clairsema l’orage quelques instants pour assembler les bribes de révélation. Pour que l’équation prenne enfin place, maintenant que l’égyptien était sorti de son état comateux et avait déversé tout son ressenti. « C’est bête de coucher avec une meuf qui n’sait que trahir » Ricanement indécent débordant entre ses lippes, âme en lambeaux dans toute sa peine tous ses regrets. Elle avait besoin qu’il l’étreigne, elle voulait le frapper de nouveau. Besoin qu’il éteigne les ravages de son existence, alors que ses mots se faisaient provocation. Crachés tels du poison à ne plus savoir comment extérioriser son mal-être, de ces personnes incapables d’entretenir des convenances sociales. Daire l’inadaptée des sentiments qui ne savait s’exprimer autrement qu’à coup de rage, dont le cerveau se consumait dans ce monde qui ne tournait pas assez vite. Pas assez bien, pour elle. « J’aurais jamais dû rentrer » Elle était morte à Belfast, et aurait pu demeurer en cet état sans que personne ne les prévienne jamais. Elle avait pris une putain de balle au niveau du cœur, et elle n’aurait pu ne jamais revenir à la maison. « C’est c’que t’aurais préféré hein ? » Mais les mots se bataillaient au bord de ses lèvres sans en traverser le barrage, délaissant ces dernières remarques se perdre dans tout le malentendu qu’elles allaient susciter. La volonté éteinte dans le brasier, le cœur piétiné dans les tourments, et si sa place n’était pas auprès d’eux ? Auprès de Sam ?

Soyons des monstres ensemble, tu veux bien ?


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MessageSujet: Re: je ne te demande pas d'être sincère (dairih)   je ne te demande pas d'être sincère (dairih) EmptyMer 20 Déc - 8:52

Alors t’aurais dû le dire Daire. T’aurais dû en parler avant. T’aurais dû sauté par dessus la brèche avant qu’elle ne grandisse. Ce fossé qui les séparait maintenant, il s’était nourri de leurs rancoeurs, de leurs non-dits, de cette passion inavouée de désir refoulé, cette trahison ou ce qui avait semblé comme tel, trop visible, qui éclatait parmi la pénombre de ces sentiments ravalés. T’aurais dû parler, toi qui ne sait faire que crier, puisque tu sais bien que Sam est incapable de ça. Mais non, le temps avait passé, et le froid qui soufflait entre eux c’était transformé en gel. La situation semblait être bloquée, et puis Sam il n’écoutait rien de ce qu’elle disait. Il enchaînait, frappé par cette soudaine envie de parler. Tu veux savoir Daire, tu vas l’savoir.

Le monologue s’acheva sur le sifflement du cendrier qui perçait l’air pour s’écraser quelques part vers la rousse. Il y eut quelques instants d’un silence polaire pendant lequel on n’entendit que l’expiration fatiguée de l’égyptien. Même s’il l'observa ramasser l’objet avec des mains tremblantes d’émotion, il ne vit pas le coup venir, presque au tac au tac. Il n’évita qu’à moitié la colère renvoyée de Daire puisque le cendrier d’éclata contre son épaule, faisant faire à Sam un demi tour. Il serra la mâchoire. Il empêcha l’autre de lâcher un juron tout haut. Et quand il arrêta de fixer le parquet avec cet air de détraqué, ce fut pour s’apercevoir que Daire n’était plus qu’à deux centimètres et son poing, tout droit vers sa mâchoire. T’as raison ! qu’elle crachait pendant que la joue de Sam prenait feu, embrasée par la main enragée de Daire. Le coin de ses lèvres rougissait, du sang tâchait ses dents et son menton. Son coeur tabassait contre sa cage thoracique, et ça ne s’arrangea pas quand elle se jeta sur lui pour le pousser en arrière. Trois pas derrière. Arrêtes ! vociférait l’autre, cadenassé dans le crâne de Sam. Daire n’arrêtait pas, elle n’arrêtait jamais à temps. Et quand elle balança son poing à deux doigts de son oreille, Sam attrapa le poignet de la rousse avec un réflexe d’expert qui ne lui ressemblait même pas. Sa main pressait autour de la peau clairsemée de Daire. J’t’ai dis d’arrêter ! ragea-t-il, autoritaire. Non tu l’as pas dit, c’est moi. rappela l’autre. Et la main se scella d’avantage. Il la tenait et ne voulait plus la lâcher, jouant de ce rapport de force qui n’avait rien de naturel entre eux. C’était pas des vacances. C’était pour l’Ira. ça claquait dans l’air si fort qu’on avait presque l’impression que les murs avaient tremblé. Ces mots résonnaient bien trop fort entre eux, et à mesure que le silence se réinstallait, les conséquences de cet aveux qu’il avait autant attendu que redouté se diffusaient dans sa tête. C’était pour l’Ira. On aurait dit qu’elle était illuminé d’un éclairage différent. C’était pour l’Ira. C’était encore pour eux. Elle complotait encore avec eux. Elle jouait encore les kamikazes. Elle leur était encore fidèle. Plus peut être qu’aux Kids. Plus qu’à nous.. Le regard de Sam s’était perdu une seconde. Il n’y avait même pas pensé, à cette possibilité. Même pas. Trop centré sur sa déception, ses sentiments bousillés par Trixia, ravagés par Daire ensuite et cette nuit partagée qui ne voulait rien dire, et tout à la fois. Est-ce qu’il devait être rassuré que son départ prolongé n’ait rien à voir avec lui, ou au contraire, est-ce que le picotement dans ses doigts et le noeud dans sa gorge témoignaient d’une sorte de déception. Tout se mélangeait. L’inquiétude pour elle, la colère de son mensonge. Elle et ses activités illicites, et Sam, en bon père de famille, qui se dit qu’encore un autre de ses Kids est en train de déconner. Il ne savait plus quoi penser, en fait il en était incapable. Alors il se contentait d’être là, de presser ses doigts contre le poignet de la rousse, si fort maintenant qu’il aurait pu briser ses os. Qu’est-ce que tu vas faire maintenant que tu l’sais ? Qu’elle ajouta, le défiant du regard, et balayant la douleur de son poignet par la même occasion. Elle était comme ça Daire, elle débordait la révolte, dans tout ce qu’elle faisait. Mais sa loyauté sans faille réussissait à contrebalancer cela la plupart du temps. Mais à qui allait sa loyauté aujourd’hui ? Sam ne savait plus. Qu’est-ce qu’il va faire ? L’engueuler, l’ignorer ? C’était ce qu’il avait essayé de faire ces derniers mois, un foirage complet si vous voulez mon avis. Et y avait un crépitement qui se créait sous sa peau. L’autre comme dérangé par quelque chose, il s’impatientait dans sa cage.  Laisse-moi faire... Suppliait-il pendant que Sam tentait minablement de le retenir. Il lâcha Daire.

C’est bête de coucher avec une meuf qui n’sait que trahir. Il y eut un rictus qui s’étira sur ses lèvres, et c’était presque douloureux de sourire. Peut-être pas autant que ce pic acerbe envoyé en pleine carotide. Pas autant que ce triste constat. Ils ne font que de trahir, elle a raison. Trixia, Daire, et tous les autres. Même Assia t’a laissé tomber, tu le sais. c’était ce qu’il répétait, encore et encore. Du matin jusqu’au soir. Moi j’peux pas te laisser tomber. Consola-t-il, et ça sonnait plutôt comme une menace. J’suis toi, on est coincé ensemble tous les deux. C’est comme ça que ça finira. Seul avec lui. Non, putain, non, Sam n’en avait pas la moindre envie. Et pendant ce débat intérieur, y avait un silence glaçant, encore. L’égyptien avait levé ses yeux sur Daire, et son insolence. Elle avait brisé la glace, quelque chose comme ça. Elle avait crevé l'abcès. Ils n’en avaient jamais parlé de cette nuit, plus jamais. C’était comme si ça ne s’était pas vraiment passé. Comme si Sam l’avait halluciné quelque part - ça c’était déjà vu. Mais non, elle s’en souvenait. On s’en était juste pas occupé. Parce que ça ne voulait rien dire, trop dire ? C’était une question de mauvais timing ou mauvaise alchimie ? C’était quoi le truc ? Comment on peut le savoir si on en parle pas ? Jamais ça n’aurait pu aller plus loin. Si ? Putain il n’en savait rien. Et ça le paniquait ce genre de chose, vraiment. Son coeur tambourinait contre sa poitrine. Il avait la sale impression qu’il n’y avait que lui qui avait été atteint par ça. Que lui que ça avait torturé l’esprit, pendant que Daire partait pour une nouvelle mission-suicide de l’Ira. Et, d’une voix tremblante d’émotion, il répondit simplement : L’habitude, tu sais… tout plein d’un cynisme douloureux. Comme pour Trixia. Daire, t’es comme Trixia. Tu me feras autant de mal. Parce qu’à la fin, vous me quitterez tous. Il se répétait ça comme on cite une leçon. A la fin y aurait plus de famille, plus de JJ, plus de Trixia, et même Daire, la fidèle Daire, elle finirait par partir. Ou par mourir. L’un ou l’autre, la trahison serait la même. Et c’est ce qu’elle confirma, la seconde d’après. J’aurais jamais dû rentrer qu’elle commença et ses mots comme des lames percèrent Sam de part en part. C’est du tac au tac, sans réfléchir, qu’il plongea sur elle dans un mauvais d’humeur non contrôlé. Il l’attrapa par les épaules et la plaqua contre le mur le plus proche, la cognant contre ce mur de béton sans se mesurer. Non, t’as pas le droit de dire ça, t’as pas le droit. Tu peux pas, me lâche pas maintenant, je te l’interdis. Qu’il gueulait intérieurement pendant que ses lèvres restaient scellées, là à quelques centimètres seulement de celles de Daire. Ses lèvres serrées, pincées par l’énervement qui bouillonnait dans ses entrailles, la déception qui les faisaient légèrement trembler d’émotion, et puis quelque chose d’autre, qui naissant dans le fond de son bide, un genre d’envie. Un genre de désir de la posséder entièrement pour ne pas qu’elle lui échappe. Daire, son feu non maîtrisé qui embrasait tout autour de lui. Embrasait même sa mémoire, encore aujourd’hui. Il pencha doucement la tête sur le côté, et plongeait ses yeux immenses dans les siens. C’est c’que t’aurais préféré hein ? Il fronça un peu les sourcils et étira son silence inquiétant une seconde de plus. Le temps de ramener une main vers elle, vers sa joue parsemée d’étoile. De sa main froide, engourdie par la drogue ingérée, il caressa sa peau du bout des doigts. Dans sa tête se mélangeait les souvenirs délicieux et interdits, ces souvenirs dont il n’était plus très sûr. C’est vrai quoi, ça c’était vraiment passé, tous les deux ? La prochaine fois que tu pars Daire… Commença-t-il en chuchotant pendant que ses doigts glissaient le long de la mâchoire volontaire, quasi masculine, qui lui donnait cet air déterminé, de la rousse. Il était délicat, vraiment, il la frôlait à peine, et ça lui foutait les frissons à chaque coup d’jus qu’ils s’échangeaient. Et puis ses doigts glissèrent jusqu’au cou de la rousse, jusqu’à sa carotide. Et puis comme un sursaut, il emprisonna sa main autour de sa gorge, avec juste assez de pression pour l’empêcher de bouger, pas trop pour que l’air s’infiltre encore, difficilement, dans ses poumons. Là il approcha son visage de la rousse et comme une confidence, il termina : ... ça sera pas la peine de revenir. Le chuchotement doucereux, quasi sensuel ne matchait pas avec cette menace, ça s’en était clairement une. Il se faisait autoritaire. C’était un ordre : tu ne partiras plus. Tu n’en as plus le droit. De quel droit il faisait ça ? Il se l’accordait ce droit. Lui qu’on avait mit sur le trône sans trop de raison. Lui qui se donnait toute la peine du monde à maintenir ensemble cette famille disloquée. Lui maintenant qui s’accordait le droit de vie ou de mort sur les Kids. Daire ne partira plus. Ni avec l’Ira, ni avec personne. Non personne, il refusait. Et ses pensées complètement tabassée par la drogue, par l’énervement et par tout en même temps n’arrivaient pas à faire le point. Il avait toujours sa main contre sa gorge, et il remonta son regard jusqu’à ceux de la rousse, si proches à la fois. Il entendait son coeur battre contre ses côtes, comme s’il allait l’exploser, bondir de sa poitrine, se jeter sur le sol. De toute façon, j’te laisserais plus partir. Ajouta-t-il à demi-mot, même pas sûr de l’avoir dit à voix haute en fait. Et sans prévenir, ses doigts ressérèrent l’étreinte de sa gorge, et ses lèvres s’écrasèrent contre celle de Daire, presque obligeant. Le contact fit tout exploser en lui, il ferma les yeux si fort qu’il en avait presque la tête qui tournait. Lentement il la libéra de son étranglement pour faire s’abattre la paume de sa main contre le mur. T’as raison Daire, Sam a un faible pour les traîtres.
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Daire Méalóid

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MessageSujet: Re: je ne te demande pas d'être sincère (dairih)   je ne te demande pas d'être sincère (dairih) EmptyLun 15 Jan - 23:03


C’était pour l’Ira, mais si tu savais Sam, que ça n’a jamais réellement dépendu de sa propre volonté. Temps suspendu dans l’irrémédiable, à attendre que jugement ne s’en suive, voire même une condamnation. Celle de n’avoir été que mensonges, de ne jamais avoir cessé les manigances avec les révoltés de sa terre natale aux idéaux démesurés, de s’être enfermée dans cette putain de machine infernale dont elle ne parvenait plus à se défaire. Quelque chose se fissura dans la caverne emplie demagma qu’était son corps de pulsions, comme un morceau brisé de plus sur le tas des lamentations, des regrets qu’elle n’admettrait jamais de vive voix, alors qu’elle observait l’hémoglobine naissante entre les lèvres de Samih. Ses paroles menaçantes n’avaient été qu’un sombre écho dans le tumulte des pensées éclatées de la rouquine, alors qu’elle prenait conscience de ce qu’elle venait de faire, sans pour autant s’empêcher de lui balancer l’assaut suivant sans une once de répit. Il lui maintenait le poignet d’une force qu’elle ne lui avait jamais connu à son attention, aussi bien que lui-même n’avait jamais été la cible d’une telle violence de la révoltée infernale des Kids. Elle attendait dans le souffle oppressant de ce rapport de force bancal, dont le désavantage ne cessait de s’échanger entre chaque camp. Dans ce choc des âmes égarées, il ne pouvait y avoir de vainqueur. Daire clamait toute son insolence par les moindres pores de sa peau, le goût insipide du regret naissant s’immisçant sur son palais alors que sa poigne de fer était toujours une entrave autour de sa peau, comme si elle pouvait recommencer. En l’instant, elle n’était plus certaine de ce qu’elle redoutait le plus, dans le fond, d’entre la déception d’avoir commis l’irréparable à son égard par la violence ou par la trahison.

Dans la pression se faisant besoin tempétueux de la contenir à son emprise, ricochaient les conséquences de cet aveux indésirable. Dans le silence de l’échauffourée entre leurs corps électrifiés, clamait l’injustice de la situation malmenée par ces deux êtres dans l’incapacité de renouer un dialogue clair, et surtout sain. Daire avait fauté, de cet écart qu’il ne lui pardonnait certainement jamais, lui qui l’avait tant mise en garde contre la menace que représentait l’Ira, au-delà pour autrui mais surtout pour elle-même. Samih avait toujours été la raison quand elle n’était que désordre, aussi cabossée qu’était son âme, il avait toujours été la pièce manquante pour équilibrer son propre esprit furibond. Cependant, il était le bon sens qu’une révoltée ne pouvait réellement accepter, comme toutes ces règles qui ne demandaient qu’à être bafouées. Elle avait piétiné ses mises en garde et pactiser avec le Diable, et c’était certainement ce qu’elle savait faire le mieux dans son existence. Le problème, c’était qu’elle ne savait plus vraiment, la tempête, s’il s’agissait du fait de son besoin impétueux de révolution ravageuse ou de l’œuvre malsaine de son frère aîné à la manipulation si aisée. Peut-être même un acidulé mélange saccagé des deux, la volonté dissoute dans ses pulsions entretenues par les vices d’un autre.

Je suis désolée Sam.

Désolée de n’être qu’un ramassis de conneries de plus dans leur famille bancale, d’être un poids supplémentaire pour celui qui n’avait jamais demandé à en être le chef alors que personne ne lui avait laissé le choix, d’être aussi encline au mensonge sous le couvert des interdits. Un amas d’excuses incertaines qui ne franchiraient jamais la barrière de ses lippes, s’étouffant à mort dans les silences et les non-dits, car Daire n’était jamais réellement navrée. Dans le désordre de ses pensées d’un esprit accablant de logique, elle agissait toujours en dépit des autres, mais en leur faveur dans un certain sens. Dans cette incroyable incohérence du paradoxe de son existence, elle était le chaos qui détruisait les fondations les plus sûres avec ses proches dans un sens de justice égaré et dans un instinct maternel cabossé.

Désolée, mais pas assez, ce n’était jamais suffisant, alors que les fourmillements incontrôlables de sa colère assenaient le coup suivant tandis qu’il relâchait son emprise captive. Le coup bâtard, Daire. De ceux qui se cumulaient difficilement avec la trahison, qu’on martelait dans la nécessité d’ébranler les restes de poussières. Dans le fond, ils n’étaient peut-être que destruction, ensemble. Toutes ces années à se maintenir à flots, dans cette amitié jamais inégalée par d’autres, pour n’être réduit qu’à néant dans une passion éclatée aux confins d’une nuit lointaine. Dans une autre forme exutoire à ses colères et lorsque sa chair se faisait fusion de ses pulsions, la rouquine se perdait dans les histoires d’un soir. Bien moins qu’Ailish la jeune libertine, mais bien assez pour qu’elle ne fréquente jamais le même visage. Jamais réellement de relation durable, parce que personne n’avait pleinement conscience de la catastrophe à la fois naturelle et nucléaire qu’elle représentait, et que lorsqu’enfin compréhension se faisait lumière, la tempête avait tout ravagé et il était trop tard.

Puis, il y avait eu Samih.

Samih et ses pensées malmenées, à l’esprit bousillé par Trixia, les regrets et l’amour qu’ils avaient fracassés dans les insanités contre le vide contre leurs cœurs amochés. Il y avait eu cette nuit doucereuse, où quelque part ils avaient chacun pansé les plaies invisibles de l’autre, peut-être la rouquine révoltée un peu plus que l’égyptien pour une fois. Comme une tension qui se délivrait entre deux corps qui n’attendaient qu’à se correspondre, Daire aurait pu le jurer, avec lui c’était différent des autres. Peut-être parce qu’ils se connaissaient depuis presque la moitié de sa maigre existence, peut-être parce qu’au cumul de leurs conversations infatigables ils avaient entretenu une intimité qui ne demandait qu’à être explorée. Peut-être parce qu’il était certainement le seul à savoir la canaliser comme nul autre ne parvenait à le faire, à avoir assez d’énergie et de cran pour tempérer une tempête. Il en était ressorti de cette nuit, une plénitude qu’elle n’avait plus connue depuis. Dans le désordre de tout un tas de choses, Daire était partie rapidement par la suite et était revenue émiettée, sans que jamais ils ne parlent de ce qui s’était passé entre eux. « L’habitude, tu sais … » La poignée de mots fatigués s’ébranla dans son être, s’entrechoquant dans sa cervelle chaotique, lui laissant l’amertume des blessures ouvertes. Elle n’aurait jamais dû être de ces personnes qui le blessaient, pourtant elle venait encore une fois de le faire – et c’était peu dire ces derniers mois.

Au-delà du désordre, c’était l’anarchie. Dans ses pensées, dans son comportement, dans leurs échanges. À la fois piégée dans les tourments qu’il lui inspirait à chacun de ses assauts, et dans la pleine conscience de cette colère impérieuse qu’elle ressentait autant contre l’incohérence de la vie qu’à l’égard de Samih. Comme un cumul de toutes ces semaines d’incompréhension, de mépris, de silence, d’indifférence, la contenance était telle que tout devait éclater à présent. Jamais j’aurais dû rentrer. Un tas de lettres dans des paroles soufflées à demi-mots, par nécessité d’ensevelir la vérité, qui débordèrent de la contenance cette fois-ci du patriarche des Kids. Abasourdie par la violence soudaine qu’il lui témoigna, au-delà des gestes qu’ils avaient échangés, Daire n’eut d’autres choix que d’encaisser sans se débattre la collision de son corps contre le mur. Dans cet étau de fer au mutisme empoisonné, la douleur passagère du coup s’estompa rapidement dans ses veines bouillonnantes de colère et parsemées d’une stupeur camouflée. Dernier éclat de rage de la bataille et le rapport de force s’en retrouva définitivement inversé. Dis-lui qu’elle n’aurait jamais dû partir, qu’elle a toujours eu sa place à vos côtés, à tes côtés. Le cerveau consumé entre l’envie de se défaire de son emprise, de le frapper à nouveau, de s’en mordre l’âme de regrets, de l’accuser de tous les maux, de le repousser, de clamer leur injustice, de le désirer encore plus ardemment. Est-ce qu’il y aurait une chute entre eux, finalement ?

Parle, putain.

L’absence de paroles emplissait pourtant la pièce d’un vacarme assourdissant, ou bien étaient-ce leurs myocardes qui ne savaient plus comment fonctionner dans leur cage thoracique oppressive. Le sien, tout du moins, manqua de cohérence dans ses battements lorsque la main de Sam vint effleurer sa peau, projetant en elle autant l’inquiétude de ce contraste avec son silence menaçant, que l’étourdissement d’un flot de souvenirs qui remontèrent à la surface. De ses sensations qu’elle avait fait taire dans le tumulte de ses problèmes perpétuels, de ses inquiétudes, et ses éclats de hargne contre le monde. Le geste était égaré entre la présence assommante des drogues ingurgitées et le vestige d’une tendresse lointaine, alors que tout son être sommait la crispation et les traits de son visage clamaient l’incandescence de la colère que l’irlandaise avait engendré. « La prochaine fois que tu pars Daire… » Quelque part loin de toute conscience, son instinct de survie s’éveilla avant que l’emprise de la violence ne survienne, mais la caresse soudaine le maintenu éloigné de tout éveil. Une insulte s’étouffa sans pouvoir franchir la commissure de ses lèvres tandis que la main se fit de maître autour de son cou en lui laissant que peu d’alternative entre tenter de se débattre ou respirer difficilement. Merde merde merde. Et ce fut l’éclat des sens, la bousculade des pensées. Jamais ils ne s’étaient comportés ainsi l’un à l’égard de l’autre. Daire avait toujours fait en sorte de préserver Samih de ses éclats de violence, mais bien aussi parce qu’il parvenait à l’apaiser avant qu’elle n’atteigne cette limite. Quant à lui, il n’avait jamais fait d’elle le réceptacle de ses dérapages qu’il se gardait bien de dévoiler aux Kids, si ce n’était certainement à JJ. Pourtant, c’était bien son poing à elle qui s’était écrasé contre sa mâchoire, et bien sa main à lui, désormais, qui s’était échouée au niveau de sa carotide. « ... ça sera pas la peine de revenir. » Il n’y avait plus de cohérence dans le corps fulminant de la rouquine, entre son instinct de survie qui clamait vengeance, sa colère ravageuse qui se satisfaisait outrageusement dans cette violence comme une pierre supplémentaire à son piédestal de destruction, et les mots les insultes les questions qui se bataillaient sans ne pouvoir être prononcés. Elle ne pouvait qu’attendre le jugement dernier, l’acte suivant, peut-être l’éclat final. Ses mains s’étaient naturellement renfermées autour de son poignet et de son bras tendu, mais si ses ongles faisaient pression dans la chair, elle n’essaya pas de se dégager. Elle savait pertinemment que ce serait vain. En cet instant, elle avait pleinement conscience qu’aussi robuste était-elle, Samih lui faisait preuve d’une force qu’elle ne parviendrait jamais à défaire facilement, notamment parce qu’elle n’en avait ni le courage ni l’envie. Aussi révoltant que cela pouvait l’être dans son esprit d’insoumise, elle était totalement à sa merci.

« De toute façon, j’te laisserais plus partir. » Daire ne fut pas vraiment certaine d’avoir entendu ses mots, alors qu’égarée dans les sombres prunelles de l’égyptien, celui-ci vint s’échouer contre ses lèvres dans une brutalité nouvelle. Il n’y avait plus de débris au sol ou dans leur vie, de cendrier abandonné par terre, de mur froid contre ses omoplates ou entre eux. Il subsistait seulement l’étau se refermant encore plus fort autour de sa peau, de son souffle avalé autant dans la violence que dans le baiser, et surtout, surtout, de ses lèvres contre les siennes. En une fraction de seconde, Samih venait de mettre en sourdine la tempête, comme il ne l’avait plus fait depuis bien longtemps. La colère de Daire s’enlisa dans le baiser qu’elle lui concéda naturellement, comme si son corps n’avait attendu que ça. Il y avait un goût de fer dans cet échange, vestige de la mâchoire qu’elle avait cogné. Tout comme il y avait une absence d’air dans ses poumons, comme s’ils étaient capables d’en contenir encore avec tout le goudron dont ils étaient emplis. Au lieu de les apaiser, elle lui répondit dans tout son éclat enflammé, vitalité brûlante à l’effleurement de sa chair, tandis qu’une main resserra son emprise sur le poignet de l’égyptien tandis qu’une autre vint se faire pressante à l’aveugle contre sa joue puis sa nuque. Le temps s’était égaré aussi bien qu’effréné, et aucun d’entre eux n’aurait certainement pu dire si cela faisait seulement une seconde ou bien une éternité. Mais lorsque Samih relâcha l’étreinte sur sa gorge, la bouffée d’oxygène salvatrice apporta avec elle la réapparition d’une conscience révoltée, dans laquelle résonnèrent soudainement les dernières paroles qu’il avait profanées. Dans un geste d’abord incertain en plaquant ses mains contre son torse duquel elle ressentait les pulsions de son cœur sous ses paumes, elle parvint à le repousser avec assez de force pour ne pas s’avouer vaincue aussi facilement.

Daire, la tempête tonitruante.

Déboussolée par la brutalité du contact et le regret d’y mettre un terme, sa naturelle insurrection revint à la charge, alors qu’elle croisait les bras et fronçait à nouveau les sourcils. « Qu’est-ce que tu crois ? » Froncement des sourcils à nouveau, alors qu’elle croisait les bras comme pour établir une certaine distance avec l’égyptien et le dissuader de recommencer. Dans l’air aussi bien que dans les frémissements de sa peau, persistait encore l’électricité de leur échange. « J’t’appartiens pas, à personne ! » Colère à peine essoufflée, il en restait bien assez pour clamer ce qu’elle ne pouvait lui concéder. Dans le fond, peut-être bien que si, elle pouvait lui accorder, au moins un peu, il pouvait devenir celui pour lequel elle accepterait de se laisser un tant soit peu captive. S’il n’y avait pas son caractère récalcitrant, les menaces de l’Ira dans l’ombre, et surtout le fantôme de son frère à la moindre dédale de ruelles ou de souvenirs. « Tu peux pas … » Hésitation inconsistante au bord des lippes, dont elle était peu accoutumée, alors qu’elle en vint à se mordre légèrement les lèvres. « Tu pourras pas m’empêcher d’partir parce que la prochaine fois se sera sûrement trop tard » Leurs corps étaient toujours aussi proches et la tension bien plus que palpable, alors que dans le tombeau de son âme siégeaient le désir, le doute, peut-être même la peur. Devait-elle lui avouer ? Elle ne pouvait pas savoir comment il réagirait, surtout pas après ces dernières minutes. Pourtant, Daire avait besoin de Samih, plus que jamais, parce qu’elle ne serait plus en mesure de garder ce secret encore longtemps. Et que malgré tous ces mois de silence et de colère, ces derniers instants de violence méconnue entre eux, elle ressentait enfin la nécessité de lui avouer. Peut-être bien aussi parce que, quelque part, elle lui en voulait de ne pas avoir été là pour elle dans ce moment bien trop difficile. Mais qu’aurait-il pu faire ? Personne n’avait jamais été en mesure d’arrêter une balle, à moins de la recevoir.

Doucement, elle relâcha ses bras dont les muscles s’étaient contractés plus que de raison sans qu’elle ne s’en rendre réellement compte, et elle vient poser les mains sur le bas de son propre t-shirt misérable qu’il avait offensé plus tôt. Pour une la première fois de sa vie, Daire manqua de courage. « C’est pas c’que tu crois .. » qu’elle lâcha dans une esquisse face au nouveau quiproquos qu’elle pouvait susciter, le ton soudainement plus calme, et elle souleva son haut dans un geste incertain sans toutefois l’enlever complètement. Bien assez pour révéler ce qu’elle avait tu pendant des mois, pendant que ceux qu’elle considérait comme sa famille et qu’elle aimait sincèrement lui crachaient son absence à la figure et qu’elle n’était pas fichue de réagir autrement qu’en ripostant rageusement. Sur sa poitrine, entremêlée à l’encre de ses tatouages, la marque de la chair pourfendue. Une cicatrice impossible à ignorer, à peine dissimulée par son soutien-gorge, bien assez ignoble au regard de celle qui l’observait tous les jours dans le miroir, témoignait de ce qu’elle avait enduré en silence, seule. « J’ai pris une balle à Belfast, Sam » Dans une lassitude naissante, elle porta une main au niveau de son cœur, pour ne laisser aucun doute quant à l’emplacement de l’impact, de celui qui lui avait été fatal. « Elle est encore là » Daire aurait pu être de ces brindilles fracassées à la moindre bourrasque, de ces personnes qui fléchissaient dans les larmes lorsqu’il n’était plus possible d’encaisser, de faire semblant. Sauf qu’elle n’était qu’une âme desséchée, à l’instar des terres arides où ne siégeait qu’une chaleur étouffante. De la colère vrombissant dans ses veines, elle en avait beaucoup trop, mais des larmes, elle n’en avait plus. Ses faiblesses se dissimulaient naturellement dans ses coups de rage sans ne jamais courber l’échine, dans l’accent changeant de son intonation, dans les éclats de lassitude s’entrechoquant au fond de son regard. Dans ces quelques miettes de peur au fond de ses entrailles, semant les graines d’une douce psychose. Daire ne ployait guère souvent, mais elle n’était pas une conquérante. Esprit aliéné par ses propres pensées et par sa famille, par ce même sang partagé avec l’immondice, vestige d’une volonté capricieuse d’un frère qui l’avait menée à la chute. Son regard bleuâtre tenta de d’accrocher à celui de Samih, dans une nouvelle quête de réponse, dans cette même attente face à l’irréparable. « L’Ira m’a déjà tuée. »

Ne m’en veux pas.

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MessageSujet: Re: je ne te demande pas d'être sincère (dairih)   je ne te demande pas d'être sincère (dairih) EmptyLun 22 Jan - 18:34

Sam ne connaissait pas le silence, il ne le connaissait plus. Il avait tenté de se souvenir de la dernière fois où ses pensées n’étaient que les siennes, où personne ne parlait et où il pouvait fermer les yeux sans devoir s’expliquer avec un double diabolique qui donnait son existence à pourrir la sienne. L’autre. Depuis quand l’autre était-il arrivé dans sa vie ? Depuis l’enfance ? Ses souvenirs de Cork, de la petite maison, de ses parents et d’une Assia souriante étaient trop lointain maintenant. Tout ce dont il se rappelait c’était les sandwich que sa mère lui faisait pendant qu’elle parlait, inlassablement, en arabe, du pays d’où elle venait, l’Égypte. Un arabe doux, rond, chantant, un arabe que Sam avait apprit par mimétisme, même s’il n’avait plus personne avec qui le parler maintenant, même si cela ne faisait pas échos dans sa mémoire, ses origines arabes, il n’en avait jamais vraiment eu conscience. Il se souvenait aussi des bières que sirotait son père, ce nabot d’un mètre cinquante, pas plus, rouquin, et tout le bordel irlandais qu’on imagine. Et plus rien. La mort de ses parents, il ne s’en souvenait qu’à moitié, juste d’un flic qui sonne au milieu de la nuit et de l’ambulance qui débarque. À cette époque, il ne pense pas que l’autre était déjà là. Alors peut-être était-il arrivé plus tard, chez pat, dans la maison en préfabriqué du terrain vague en banlieue irlandaise miteuse. Là encore, ça semblait tellement loin qu’il ne s’en souvenait qu’à moitié. Le chat percuté par la balle de plomb de la carabine, l’enterrement, ses larmes juvéniles, et Assia, un beau matin, qui lui annonçait qu’ils prendraient le premier avion au matin pour les Etats-Unis. L’autre était-il avec eux dans l’avion ? Il ne s’en souvenait plus. S’en suivait des années de galère où deux adolescents avaient cohabités et survécus, émigrés clandestins, zonards, voyous, crevards. Et puis JJ qui s’était ajouté à cette belle dynamique. L’autre était-il arrivé en même temps que JJ ? Sam ne s’en souvenait plus, mais le silence lui semblait un concept si lointain qu’il n’était plus très sûr de savoir ce que c’était. Alors, quand ce silence s’installa entre eux, quand ils n’y avaient plus que leurs coeurs pour battre la rythmique de ce moment, lui entendait un vacarme terrible dans sa tête, un vacarme qui crispait tous ses muscles, et sa main autour de la gorge ouverte de Daire, cette gorge qui lui tendait les bras et le poussait presque à la faute. Son emprise se serra, se serra, jusqu’à ce que les joues de Daire se teintent un peu de rouge. Et puis, enfin : le silence.
Dès que leurs lèvres se touchèrent, ce fut un blast encore plus puissant qu’aucune drogue. Tout remua dans son corps, tout explosa, et enfin ses pensées étaient vides. Entièrement vide, plus rien pour lui parler, pour parasiter son cerveau. Un grand silence. Il n’y a que leurs soupirs qui partaient dans les airs, leurs respirations saccadées, et leurs mains qui se cherchaient. Daire lui rendit son baiser avec la même fougue, la même envie vitale, viscérale presque. C’était comme de sortir des profondeurs après avoir touché le fond, comme de s’échapper de la pression de l’eau, du manque d’oxygène. Embrasser Daire fit tout basculer dans son cerveau malade. Sam pourtant, se voulait encore autoritaire, encore en dominant cet échange. Il ne lâchait pas encore sa gorge, se collait contre elle, la bloquait contre le mur. Et il y avait un côté encore plus satisfaisant que de la sentir totalement sous l’emprise de sa force masculine, une force qu’elle n’avait pas malgré sa tête brûlée. Elle se soumettait à ce désir, le partageait même et les entrailles de Sam se retournaient à chaque impact. Et les doigts qu’elle glissa dans sa nuque, les autres qui tenaient fermement sa main vengeresse, chaque contact était comme une petite explosion. Dès que leurs corps se décollèrent, ce fut comme un grand coup de gong dans les oreilles : y avait un sifflement insupportable qui refit surface. Sam recula de quelques pas, assommé.

Qu’est-ce que tu crois ? Qu’elle balança, mais il ne l’entendait qu’à moitié. Le sifflement dans ses oreilles étaient trop puissants, trop fort. Sam se passa une main dans les cheveux en fixant désespérément le vide. Et puis, l’autre refit surface, recommença à crier. Il avait le tournis. J’t’appartiens pas, à personne ! La tempête revenait, plus virulente encore. Sam plissa les yeux en la regardant, tout plein d’une rancoeur qu’il n’assumait qu’à moitié. Il ne retint cependant pas la remarque qui déborda de ses lèvres : Ah oui, même pas à l’Ira ? C’était une jalousie déplacée. Il se donnait un droit qu’il n’avait pas. Daire avait raison, elle ne lui appartenait pas. Mais ça rendait tout ça encore plus douloureux. Elle qui lui avait donné cette loyauté, avait tout simplement changé ses couleurs, hissé de nouvelles. Et le regard qu’il lui lançait était si dur que ça en brûlerait sa peau. Sam était en colère, dans une colère noire, si noire Daire, tu te rends pas comptes. Te laisse pas avoir par ce calme, par son silence. Son silence, c’est mon cri. Et plus Sam se taisait plus l’autre gagnait du terrain. Car il n’arriverait pas à gérer cette situation seul, il n’arriverait pas à tenir le coup, il n’arriverait pas à la retenir, non. Foutu raté qu’il était. Daire l’avait quitté une fois, elle le ferait encore. Et c’était comme pour confirmer ses peurs que la voix de la rousse tendit à nouveau l’atmosphère. Tu pourras pas m’empêcher d’partir parce que la prochaine fois se sera sûrement trop tard. Sa mâchoire se contracta complètement. Et son coeur loupa un battement. Non, en fait, il ne battait plus. Tout s’était éteint en lui. Il s’approcha à nouveau d’elle contre ce mur de béton. Il leva le menton. Il avait l’air si grand d’un coup, lui qui ne la dépassait que de quelques centimètres. Et ses yeux étaient si déçus, tellement furieux que ça électrisait l’atmosphère. Il la regardait comme si elle était déjà perdu. Comme s’il l’avait déjà perdu. Donc, y aura une prochaine fois. Ce n’était pas une question, juste une constatation. Ça semblait très clair, comme elle comme pour lui. Et tout son estomac semblait rempli d’acide, d’un coup. Sa gorge brûlait. Pourquoi elle faisait ça. Pourquoi elle. T’étais censée le sauver Daire. Mais plus rien ne pouvait le sauver. Daire n’entendait pas l’autre rugir, elle ne voyait pas la détresse de Sam, non. Elle était déjà ailleurs, déjà trop loin. Sam regarda le plancher sale des débris de leur altercation. Il avait le souffle court et pas assez de courage pour la faire partir. Sam n’aimait pas les menaces en l’air. La prochaine fois qu’elle partirait, elle ne reviendrait pas. Il s’en assurerait. Autant qu’elle parte maintenant pour éviter un autre coup fatal à son coeur déjà plein d’ecchymoses. L’autre lui criait une réplique, lui offrait toutes les portes de sorties dont il avait besoin, mais Sam réussit à l’ignorer, juste assez longtemps pour qu’encore une fois, elle brise le silence d’elle même, offrant enfin un petit bout de vérité, une vérité égoïstement cachée, une vérité qui avait failli rendre Sam fou - plus qu’il ne l’était déjà en tout cas.

C’est pas c’que tu crois .. Sam ne croyait rien en la voyant relevé son t-shirt à message stupide qu’il avait en horreur. Il ne croyait rien du tout, il prit simplement un pas de recul pour la voir en entier, pour admirer ce corps qu’il avait aimé une nuit, ce corps qui ne lui avait jamais rien évoqué d’autres avant ça. Jusqu’à ce moment perdu dans un espace temps dans lequel ils n’arrivaient manifestement pas à revenir. Cette peau si blanche, tâchée par l’encre de ses tatouages trop nombreux. Daire avait besoin que ses convictions s’inscrivent jusque dans sa chaire pour se sentir vivante, utile. Sam le savait. Elle avait besoin de donner corps et âme. Elle avait besoin de se déchirer. Déchirer. en plein centre de son torse, entre ses seins, à peine dissimulée par son soutien-gorge, la déchirure était trop visible, elle crevait les yeux. Sam ne vit que ça. Il fronça les sourcils sans comprendre, sans vouloir comprendre et pourtant le message était trop clair. J’ai pris une balle à Belfast, Sam. On ne peut plus clair. Un grand froid. Un frisson. Ça le foudroya tout entier.

Il fit un pas en avant, sans trop se préoccuper de ce qu’il faisait, sans même réfléchir, il leva la main et la plaça sur celle de Daire, celle qui pointait vers son coeur, vers sa peau mal cicatrisée, encore brûlante d’une douleur, peut-être pas physique, mais visible. Il posa ses doigts sur les siens, comme pour palper sa peine, appréhender sa douleur, mieux comprendre. C’était ça le grand secret alors. C’était ça qui s’était passé. Les un mois de silence radio. La semaine qui s’était étirée. C’était comme si d’un coup, on rallumait la lumière. Et la trahison, aussi tenace soit-elle, semblait un petit peu moins atroce. La colère laissa un tout petit peu de place à une inquiétude paternaliste. Elle est encore là Il la sentait presque. Cette balle, ce bout de métal froid au milieu du coeur qui accélérait de Daire. Sam fit passer ses doigts entre ceux de Daire, pour prendre sa main, avec une délicatesse qui ne pardonnait rien cependant. Il était simplement rassuré d’être mis dans la confidence. Rasssuré qu’elle puisse encore se confier, qu’il puisse garder ce statut un peu particulier pour elle. Leur relation, cette dynamique basée sur beaucoup d’échange, beaucoup de dialogue, et des secrets échangés, cette relation n’était donc pas totalement morte. Même si plus rien ne serait jamais comme avant. Je m’en assurerais. affirma l’autre. Il lui tenait la main donc, avec une douceur qui ressemblait un peu plus à qui il était en la présence de Daire. Un douceur, enveloppante. Sous sa main, l’impact de la balle, le relief de la chaire qui se reconstruit. Tout ça passe dans ses doigts et remonte jusqu’à son cerveau. Il sentit presque un décharge électrique. Soudain, la colère revint en rafale. Pas contre elle. Contre l’Ira.

L’Ira m’a déjà tuée.

Les doigts qui emprisonnaient ceux de Daire se resserrent sous l’émotion. Enfin, il s’éloigna de sa peau, il ne voulait plus sentir cette balle, non. Il ne voulait plus, car il serait capable de plonger sa main à l’intérieur juste pour la retirer, pour qu’il ne reste plus rien de cette sale influence dans le corps de Daire. Et tu vas devoir mourir combien de fois avant d’arrêter ? Enfin, il retrouvait sa voix, une voix dure, intransigeante. Son regard, qui percuta celui si désemparé de Daire était tout aussi dur. Sam n’avait pas de pitié à lui offrir. Il lâcha ses doigts dans un mouvement d’humeur, leurs mains retombèrent dans le vide. T’as raison Daire, tu m’appartiens pas. T’es assez grande pour faire tes propres choix. Il parlait comme un père qui disputerait une adolescence. Il avait la même posture, un peu dominatrice, il était toujours tout prêt d’elle, et son regard était encore bouffant. Il se fondait dans ceux de Daire qui venait de déchirer sa peau pour montrer son âme. Sam n’avait pas aimé ce qu’il y avait vu. Parce que la peur le paralysait complètement. Je supporterais pas que tu disparaisses à nouveau. Daire, c’était toi, la numéro deux. Pas JJ, c’était toi. En toi que Sam avait une confiance si aveugle, toi qui allait maintenir les Kids ensemble, parce qu’elle avait une honnêteté trop brute, trop franche. Daire tu peux pas abandonner, tu peux plsu maintenant. parce que Sam perd un peu la boule il a besoin de toi. Sam approcha son regard, encore une fois. Son visage, si près de celui de Daire. L’envie revenait, si forte. L’envie d’elle, l’envie de baiser maintenant que tout est clair, qu’il n’y a plus de mensonge. Reprendre l'ascendant d’une certaine façon, racheter sa confiance, retrouver une connivence dans tout ça. Mais il ne pouvait pas. Pas encore, pas avant de savoir. Alors il se recula brutalement d’elle, malgré l’envie qui lui démangeait tout ses organes. Il recula largement, retourna dans le centre du salon pour récupérer son paquet de cigarettes et en mis une entre ses lèvres. T’es loyale envers l’Ira, ou t’es loyale envers nous. Mais y a pas de juste milieu. Il alluma la clope. Tu repartiras pas en Irlande, tu le feras pas, parce que je supporterais pas que tu te prennes une autre balle, je supporterais pas que tu meurs pour une cause stupide aux côtés d’extrémistes, t’as compris ? Son débit s’accélérait, Sam n’était plus très sûr de qui parlait. Lui ou l’autre. Il faisait les cent pas dans l’appartement. Alors tu pars, ou tu restes. Mais dis-le moi maintenant. Parce que sinon j’deviendrais dingue. Il ne pourra pas vivre en ayant peur qu’elle ait disparu le lendemain. Et enfin, il s’arrêta de marcher et se tourna vers elle, toujours contre le mur de béton. T’es loyale envers l’Ira, ou t’es loyale envers moi. Moi. lui. Nous.
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Daire Méalóid

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MessageSujet: Re: je ne te demande pas d'être sincère (dairih)   je ne te demande pas d'être sincère (dairih) EmptyDim 28 Jan - 3:24


Temps dilapidé dans les éclats assourdissants qu’il n’avait étouffé qu’un instant, retour à l’amère réalité d’une confrontation de cendres sans aucune saveur. À défendre des débris de rien des brisures de vie, à se percuter contre les conflits de l’autre dont ils n’avaient aucune idée. Retour à cette constance infernale qui n’en finissait jamais malgré les fluctuations et les détournements, cette même continuité dans la désagrégation de tout ce qui pouvait compter. Bestialité de l’être humain en combustion dans ses propres défaillances. Samih n’avait aucun droit de clamer la possession de sa personne, même si elle en ressentait une certaine jouissance satisfaisante – elle n’était pas de ces corps dont on pouvait se targuer d’en avoir la propriété. Esprit trop libre dans un étau de chair étroit, à clamer l’indépendance de tous et de chacun, certainement en avance sur son temps, mais indéniablement bien positionnée dans la liberté d’autrui de n’appartenir qu’à soi-même. La résonance de ses remarques lui martelait les tempes dans une castagne incessante face à l’impossible capitulation de son insoumission, et ça lui démangeait les neurones les veines la patience que de se retrouver dans ce nouvel étau. Non, elle n’appartenait à personne. Pas même à ce monde peut-être, flamme qu’on ne pouvait éteindre dont les braises se laissaient porter par les brises les bourrasques vers d’autres horizons. Elle était instable, comme tous les Kids, et personne ne lui ôterait jamais cet esprit vagabond vindicatif. « Ah oui, même pas à l’Ira ? » Daire pencha la tête sur le côté dans un de ses froncements de sourcils dont elle avait le secret, et qui ne manquaient jamais d’avertir l’interlocuteur d’un air avisé t’aventures pas sur ce chemin, fais demi-tour. « Tu dis de la merde » d’une brutalité sans fard, parce qu’elle lui avait toujours donné toute son honnêteté plus qu’à quiconque et ces derniers mois de distance imposée n’avaient en rien essoufflé cette dynamique durant tout ce temps. Non, elle n’appartenait à personne, mais sa loyauté était des plus sincères – si ce n’était même la seule authenticité qu’on ne pouvait lui reprocher. Le cœur dans les mains de sa bande espiègle, tout le reste ailleurs, jamais bien loin dans le fond, mais toujours voué à d’autres causes également. La rancune percutante dans cette remarque déplacée ne la trompa pas, Samih n’était pas d’une humeur à la discussion sur l’éthique de ses propos et les écarts de conduite de la rousse agitée. Ça ne l’intimidait en rien, cependant. À d’autres le recul et l’abandon, elle n’avait jamais apprécié qu’on lui enlève son dernier mot. Peut-être était là toute son imprudence, comme pour d’autres, que de sous-estimer les silences quand son propre monde n’était constitué que d’un vacarme insatiable. Lorsqu’elle lui assena sa remarque suivante dans une hésitation qui la révulsait elle-même, la décharge qui détona dans l’air fut tel un cataclysme sur sa conscience. La déception qu’elle retrouva au fond des prunelles de l’égyptien lui retournèrent les tripes alors qu’il avait de nouveau réduit la proximité entre leurs corps en surtension. La déception de ceux qu’elle aimait avait toujours été sa plus grande hantise, mais ça ne l’avait jamais empêché de la provoquer encore et encore, comme à en tester les limites sans aucune barrière, comme à chercher lequel cèderait l’abandonnerait. Mais elle le savait, si Sam partait, elle chutait. Danse infernale de l’autodestruction que d’appréhender ce qu’on provoquait sans cesse, telle était la névrose des tempêtes insoumises. « Donc, y aura une prochaine fois. » Sa poitrine se gonfla de manière exagérée pour se délester d’un soupir exaspéré. Ce n’était pas ce qu’elle voulait dire, pas de cette façon, pas de celle qui laissait entendre qu’elle recommencerait, que le même schéma se reproduirait. Mais oui, il y aurait une prochaine fois, plusieurs même. C’était une putain de constatation insipide qu’elle ne pouvait pas démentir, ses idéaux et ses guérillas personnelles l’avaient toujours fait dériver.

Elle sentait bien que c’était une vérité inacceptable pour Samih, qu’elle était déjà en train de le perdre un peu plus au-delà de ce fossé qu’ils avaient creusé mutuellement. Elle avait terriblement envie de lui prendre la main, de le maintenir de force auprès d’elle, de lui dire qu’elle sera toujours là alors qu’elle-même n’en était pas certaine, qu’elle savait très bien que sa révolution lui causerait d’autres peines. Alors au lieu de l’attraper de s’accrocher à lui, lorsque ses muscles se relâchèrent ce fut seulement pour ouvrir la boîte de pandore. Comme si par la simple action de soulever son tee-shirt, elle libérait tous les maux qui la constituaient elle, réceptacle de bien des disgrâces. Une absence douloureuse de courage pour cet acte de pudeur, pour repaître les non-dits d’une raison valable de cet éloignement. Entre les bouts de verre et les bouts de vie, Daire se mit à nue pour celui qui avait auparavant affrontés vents et marées pour la maintenir sur la terre ferme sans qu’elle ne s’écorche trop l’âme. Dans la cicatrice d’une peau meurtrie, dans la marque d’une balle logée dans la chaleur de son corps, l’irlandaise révoltée mais saccagée lui dévoila ses faiblesses comme elle ne l’avait jamais fait encore. Elle n’était pas invincible, et c’en était que plus amer. Ce n’était pas tant cette nudité soudaine qui la déstabilisait, en réalité elle n’avait aucune gêne devant lui, alors qu’il connaissait déjà la moindre parcelle de son épiderme – mais bien la balafre de sa trahison qui ne la quitterait jamais. Daire était littéralement marquée par ses combats, mais cette marque-là différait de ses encres comme un fardeau beaucoup trop lourd à porter. Il y eut un silence interminable, pesant dans la grande révélation de l’année, alors qu’il prenait l’ampleur de ce qu’elle avait vécu, et qu’elle lui annonçait la suite – pire encore. Son myocarde déjà baladé dans une valse infernale à la mention de l’intrus de la ferraille qui siégeait à ses côtés, s’affola d’autant plus lorsque la main de Samih vient prendre la sienne en entrelaçant leurs doigts. Dans un sursaut de conscience, Daire eut comme le sentiment qu’il endossait une partie de sa peine, un bout de sa douleur, bien qu’il ne pourrait jamais panser véritablement ses maux. Il y avait comme une incohérence douteuse entre son comportement et son regard, entre cette douceur oubliée qui lui avait tant manqué et ce courroux dévastateur au fond de son regard. On disait que les yeux n’étaient que le reflet de l’âme, et ces mots prenaient tout leur sens en cet instant. Elle était comme une spectatrice muette d’un conflit auquel elle n’avait pas son mot à dire, elle se doutait bien que le pardon ne serait pas acquis d’avance. Lui révéler ce terrible secret n’effaçait en rien sa trahison, et elle était certaine que c’était ce à quoi l’égyptien pensait tout en découvrant les vestiges d’une mauvaise guerre.

Lorsqu’elle fit une nouvelle fois mention de l’Ira, ce fut la décharge de trop entre leurs âmes bousillées. Il y eut une étreinte brève, puis le néant. Il s’éloigna d’elle d’une manière assez abrupte, et la main de Daire retomba mollement dans le vide en même temps que son tee-shirt s’affaissa de lui-même sur sa peau. Entre eux, ce fut son cœur qui s’échoua à son tour dans les débris les miettes, pour n’être qu’un tas de rien, des morceaux supplémentaires piétinés dans les rancunes. « Et tu vas devoir mourir combien de fois avant d’arrêter ? » Ils n’auraient jamais de répits, peut-être qu’ils ne le méritaient pas après tout. « Combien sont morts pour défendre leur cause ? » La riposte fusa avant même que sa matière grise ne l’intercepte, comme si quelque part elle pouvait se faire porte-parole de ceux ayant donné leur vie pour leurs idéaux. Mourir était un risque qu’elle avait toujours encouru et qui avait fini par la rattraper, pour lui rappeler que sa colère enflammée n’était qu’un moteur et un bouclier comme les autres, loin d’être impénétrables. « Moi j’suis encore là. » C’est une chance que je n’aurais pas deux fois. Elle n’était pas dupe, elle pouvait réchapper à une balle dans la poitrine mais pas deux. La prochaine ne manquerait pas son cœur – au contraire de sa consœur.  

La chute ne fut que plus brutale. « T’as raison Daire, tu m’appartiens pas. T’es assez grande pour faire tes propres choix. » L’intonation ingrate qu’elle exécrait, dans cette impression d’être sermonnée comme une enfant. Comme tous les autres, elle n’avait jamais supporté ça, ce sentiment d’être réduite au statut d’une enfant inconsciente alors que son âme lui semblait lourde d’une vieillesse centenaire. Ça l’exaspérait tellement qu’il n’y avait plus qu’un tumulte désordonné au creux de son ventre, dans le chaos de son existence comme dans ce qu’était devenu leur relation. Les soupçons de peur qui lui entaillaient son bon sens se bataillaient avec la rage vindicative de celle qui avait encore tout à prouver. Ce qui n’en fut que plus redoutable lorsque l’émeraude de ses prunelles percutèrent les siennes dans un voile de ténèbres, assez déstabilisant pour qu’elle se fasse muette face aux réflexions désobligeantes. « Je supporterais pas que tu disparaisses à nouveau. » Reprendre consistance alors qu’elle venait de lui révéler son tourment le plus grand de ces derniers mois, n’était pas chose aisées tandis qu’il faisait naître en elle les traces insalubres de la culpabilité. Elle n’avait jamais voulu blesser Samih, elle n’avait jamais cessé de s’en mordre la conscience. Non, elle n’avait jamais voulu le faire, pourtant elle savait pertinemment que c’était ce qu’il adviendrait en continuant ainsi ses affaires dans son dos alors qu’elle lui avait promis depuis trop longtemps qu’elle avait cessé. On récolte ce que l’on sème, même les tempêtes comme toi. Incapable d’émettre un son une contestation, elle se contenta d’inspirer doucement pour remettre à la normale les battements effrénés de son cœur à la dérive. Ouais, même toi t’as tout repris dans la gueule.

Samih s’écarta une nouvelle fois d’elle et ce fut comme si tout son âme se fracassa dans la secousse. S’il n’y avait pas eu le mur derrière elle, peut-être qu’elle aurait réellement titubé. À chaque distance imposée, son corps réagissait comme en état de manque, comme s’il attendait depuis toujours de retrouver son ancre. Daire était toujours passée outre le champ de bataille que le grand brun provoquait en elle, comme si sa raison se faisait hermétique à tout ce qui pouvait la déstabiliser la mettre au sol la faire ployer. Pourtant en cet instant, dans leur taudis misérable, Samih avait réussi : il l’avait fait chuter de son piédestal, briser les convenances et les silences pour abattre ses barrières. Si la tension était palpable et bourdonnante dans les veines de l’irlandaise, elle n’en fit rien verbalement, suivant du regard cet homme qui était sans nul doute le seul pilier tangible de son existence chaotique. « T’es loyale envers l’Ira, ou t’es loyale envers nous. Mais y a pas de juste milieu. » La flamme du briquet illumina le visage du Kids, en écho au brasier qui s’intensifia dans les entrailles de la révoltée. « Tu repartiras pas en Irlande, tu le feras pas, parce que je supporterais pas que tu te prennes une autre balle, je supporterais pas que tu meurs pour une cause stupide aux côtés d’extrémistes, t’as compris ? » Putain, il est sérieux là, il lui donne … des ordres ? À peine le temps d’ouvrir la bouche que ses propres paroles s’échouèrent en silence à la commissure de ses lèvres face au flot discontinu de Samih. « Alors tu pars, ou tu restes. Mais dis-le moi maintenant. Parce que sinon j’deviendrais dingue. » Les deniers mots s’entrechoquèrent dans l’abîme de ses pensées, soufflant toute volonté sur ces hostilités insensées. Tu sais Sam, je crois que j’suis déjà devenue dingue dans ton indifférence. « T’es loyale envers l’Ira, ou t’es loyale envers moi. » Il avait provoqué un putain d’ascenseur émotionnel comme un ouragan déversé sur ses fondations mises à mal. Il avait abattu la carcasse le masque pour mieux raviver sa colère foudroyante la microseconde suivante. « Ça se résume à ça alors ? » Ses bras balayèrent la pièce, la poussière, les débris de tout et de rien. « J’manque de crever et la seule chose qui t’importe c’est d’remettre en question ma loyauté ? » Déjà morte, en réalité. Macchabée de pacotille, indigne d’une survivante. Quelque chose se fracassa au fond de son regard céruléen, balayé par la hargne la rancune, certainement pour rejoindre les miettes d’elle, d’eux, par terre avec le reste. Daire secoua la tête en levant les mains en l’air comme si ce qu’elle s’apprêtait à dire relevait d’une telle évidence que c’était indécent de le répéter. « J’ai pas besoin de ta pitié. » Ni de celle de personne. « Et j’ai pas besoin que tu m’traites comme une gosse irresponsable. » Un mauvais rire s’échappa de ses lippes comme pour applaudir cette fatalité misérable, le clou du spectacle. La sentence tomba, irrévocable, le grain d’une tristesse réprimée dans l’intonation de l’amertume. « Mon frère n'est plus là. » Présumé mort, personne n’avait jamais retrouvé le corps. Mais il n’était pas obligé de le savoir, à quoi bon lui préciser un fait qu’elle-même n’acceptait pas. Scène finale, dernière révélation. Celui pour lequel elle s’était envolée à Belfast, celui pour lequel elle avait pris une balle perdue, n’était plus là. Celui pour lequel elle s’était brûlée les ailes et brisée l’insoumission, n’était plus de ce monde. Dans un soupir las, elle porta ses mains à son visage pour se masser les tempes, et ainsi faire taire la nécessité envahissante de casser quelque chose de faire du mal de se faire saigner les phalanges. Ses relations familiales avaient toujours été chaotiques, celle avec Hael encore plus avec la distance et son absence silencieuse pendant plusieurs années. Daire pensait en avoir fait le deuil ces derniers mois, mais son fantôme n’avait jamais cessé de la hanter. Pourtant, elle n’avait pas envie de s’attarder sur lui, pas envie de flancher une nouvelle fois devant Sam. Alors elle balaya l’espace vide entre leurs corps d’un geste ravageur pour chasser tout ça, comme une môme égarée sur la conduite à prendre. Elle avait l’impression de sombrer dans la folie, alors que les secousses d’un rire nerveux ébranlèrent sa cage thoracique. « Ça fait chier ! » Elle ravala la distance qu’il avait de nouveau imposé en un claquement de doigts « Tu fais chier ! », lui arracha sa cigarette des mains sans lui demander la permission – il pouvait toujours s’en prendre une autre, à défaut de se prendre la main de la rouquine dans la figure s’il lui venait l’idée de protester – et s’échoua dessus comme si c’était de l’oxygène qu’elle inspirait et non du béton. Daire était en roue libre, entre la colère et la rancune, l’amertume et la tristesse, les tourments et les douleurs. Elle tourna le dos à Sam pour se mettre à faire les cents pas, comme essayant de mettre de l’ordre dans ses pensées sa volonté alors que ce n’était plus qu’un chaos opaque et fulminant. Elle se passa une main dans sa tignasse désordonnée avant de lever les yeux vers le plafond « Ptain mais t’es aveugle ! » Elle se retourna à nouveau vers lui, le regard certainement furibond, elle n’était plus très sûre d’être en maîtrise parfaite d’elle-même. « Comment tu peux me demander ça ? » La révoltée revint vers lui, bien assez proche pour sentir la proximité de son corps à travers le tissu de ses vêtements. La tête levée haute mais les yeux d’un océan dévastateur accrochées sur les siens, relâchant la fumée d’une énième latte entre leurs deux visages. Ce n’était pas l’insolence d’un enfant défiant l’autorité parentale qui lui écorchait les poumons, mais celle de se faire une place. D’égal à égal. « Tu sais très bien qu’ma famille est ici, que sans vous j’suis rien » Ça la tuait littéralement de l’admettre à haute voix, elle qui n’était guère une habituée des sentiments révélés comme des confessions. Mais s’il fallait mordre la poussière pour qu’il comprenne qu’elle serait toujours là, alors elle le ferait. Encore et encore. J’veux juste que tu éteignes les doutes les mensonges les incertitudes et cette peur viscérale encore quelques instants. J’veux juste que tu fasses capituler cette foutue colère avant qu’elle ne me consume encore une fois. Sa loyauté, Samih l’avait toujours eue, depuis toujours. Qu’il en doute lui mettait une épée de Damoclès au-dessus de la tête, et rendait encore plus lourd ce fardeau qu’elle portait depuis autant de temps. « Et puis merde » qu’elle grommela en soufflant, avant de balancer la clope consumée à l’aveuglette. Son corps se percuta contre celui de l’égyptien peut-être un peu trop violemment, comme une âme à la dérive en quête de la terre ferme, à l’image de tout ce conflit dans son être qui lui paralysait les sens. Ses mains se glissèrent à son cou pour lui attraper la nuque dans une ferveur refoulée depuis trop longtemps, dans cette nécessité pressante de l’emprisonner le consumer dans sa haine son désir. Ses lèvres vinrent enfin chercher celles qu’elles n’auraient jamais dû quitter, en quête de la délivrance de l’absolution.

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Samih Scully

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MessageSujet: Re: je ne te demande pas d'être sincère (dairih)   je ne te demande pas d'être sincère (dairih) EmptyVen 2 Fév - 18:17

Il suffit de pas grand chose pour provoquer chez elle le souffle d’un agacement. Les réflexions mornes de Samih la piquaient comme le ferait une méduse. Il tombait trop juste, c’était clair pour l’égyptien. Daire se sentait déchirée, piégée, arrachée entre ce qui avait été toute sa vie hier et ce qui l’était aujourd’hui. Et quand il lui fit doucement remarqué, avec l’intonation pleine de déception de dé dégoût qu’il y aura bel et bien une prochaine fois, une prochaine mission-suicide. Elle ne trouva rien d’autre à faire que soupirer bruyamment. Elle ne répondit rien. Elle qui surenchérissait en permanence. Sam lui avait cloué le bec, et, depuis le temps qu’il en rêvait, et il s’était jamais dit que ça aurait un goût de cendre dans sa bouche. Il aurait préféré avoir tort, tout simplement. Ça fit encore plus mal quand elle découvrit sa poitrine perforée par la balle de Belfast. Les yeux gris-vert de Sam ne pouvaient plus se détacher de la marque qu’elle lui avait caché si longtemps. De cette blessure de guerre qui l’avait renvoyé avec un mois de retard au bercail. Sa bataille perdue. Avait-elle perdu autre chose dans ce combat ? Y avait un truc de cassé dans son insoumission. Quelque chose d’amer dans son engagement. Mais Sam était trop aveuglé par sa propre colère pour comprendre la sienne. Aveuglé par cette idée qu’il aurait pu la perdre, littéralement. Qu’un autre a tiré sur elle. Il imaginait la scène sans le vouloir, dans ses pensées. Ou peut-être que c’était l’autre qui lui imposait ses images. L’impact sourd de la balle qui transperce les côtes, la déchirure hémorragique dans son myocarde et l’expression figée sur son visage et enfin le cerveau qui ne contrôle plus le corps, le corps qui tombe sur le bitume humide de la pluie irlandaise. Sam vivait la scène sans la connaître. Et ça le mettait dans une rage folle, rien que de penser qu’on lui avait fait du mal. Qu’elle aurait pu y rester, les yeux voilés face au ciel orageux. Daire aurait pu ne jamais rentrer, et Sam serait resté en colère contre elle, persuadé qu’elle les avait trahi. Il recula, électrifié par cette idée. Combien de fois tu vas devoir mourir Daire, pour comprendre que ce combat ne mène nulle part ? Sam n’avait pas la moindre empathie pour la lutte que menait l’Ira. Il ne comprenait pas les revendications de Daire et de sa famille. Une bande de justiciers slash terroristes dans sa tête, voilà ce qu’ils étaient. Voilà pourquoi il lui avait dit, il y a trop longtemps maintenant, qu’il était bien content qu’elle se soit éloignée de ce milieu. À l’époque elle n’avait rien répondu de spécial. Elle agissait encore pour eux ? Depuis combien de temps Daire s’égrénait entre ses deux familles ? Combien sont morts pour défendre leur cause ? Sam secoua la tête de gauche à droite, les lèvres scellées par son énervement. Dis-lui. Dis-lui à quel point tu la trouves stupide. Dis-lui que c’est idiot, que ce n’est même plus sa cause, qu’elle a fuit l’Irlande et qu’elle n’a plus rien à revendiquer. Vas-y. Dis-lui qu’elle n’est qu’une gamine formatée par ses parents extrémistes, puisque c’est ce que tu penses. Mais il garda le silence, ayant trop peur de provoquer chez elle un instinct de contradiction naturel. Aussi radical était l’ultimatum qu’il lui lançait, Sam craignait qu’elle ne s’échappe, ne serait-ce que pour lui donner tort. Moi j’suis encore là. Il lui lança une œillade rongée de fiel. Pour combien de temps ? Demanda-t-il, fataliste. Il haussa même les sourcils, comme s’il connaissait déjà la réponse. Entrelacée à sa rancune, la peur lui en faisait un beau manteau. Et devant le silence qui s’installa, son coeur ankylosé, ne pouvait tout simplement plus battre. Il s’était prit un genre de balle lui aussi, qui s’était logé en plein dans son âme. Daire, celle sur qui il pourrait toujours compter, sa valeur sûre. Celle qui occupait beaucoup trop de place dans son cerveau malade, elle était elle aussi prisonnière de ses démons, entravée par les barbelés de son anarchisme. Daire avait ses propres monstres à combattre, les mêmes qui pourraient un jour la tuer. Non, il ne le supporterait jamais. La solution s’imposa d’elle-même. Il ordonna.

Au centre de la pièce, Samih gesticulait perdu dans le nuage de fumée de sa Marlboro. C’était l’Ira ou les Kids. C’était l’Ira ou lui. Parce qu’il semblait que le coeur du débat se situait là, juste là, entre leurs deux corps vibrant d’une émotion trop forte, si forte que Daire ne pouvait même plus parler et qu’elle se retenait à ce mur avec toute la force brute qui lui restait. Sam n’y faisait pas attention, trop occupé à poser ses conditions jusqu’au bout. C’est l’Ira ou moi. Ça se résume à ça alors ? Cria-t-elle par-dessus le chaos qui les opposait. Sam se contenta de reprendre une taffe, sans détourner son regard. J’manque de crever et la seule chose qui t’importe c’est d’remettre en question ma loyauté ? Il serra les dents. Pas sûr qu’elle ait compris son message. Pas sûr qu’il n’ait envie qu’elle comprenne non plus. C’était trop dur d’avouer ce qui se tramait derrière tout ce tas de reproches qu’il sortait, parce que c’était facile. Facile de demander à Daire de rester pour les Kids. Lui demander de rester pour lui le terrifiait complètement. Parce dans ce cas, si elle part à nouveau, ce n’est pas l’Ira qu’elle rejoindra, c’est toi qu’elle quittera. Comme les autres l’ont déjà fait. Et Sam était trop en vrac pour supporter une énième trahison. Certainement pas assez fort pour vivre dans un monde où Daire s’était fait sauter, pris une balle ou ruée de coups dans l’espoir de défendre une cause déjà perdue. J’ai pas besoin de ta pitié. Et j’ai pas besoin que tu m’traites comme une gosse irresponsable. Il arqua un sourcil. C’est pourtant ce que t’es. C’était faux, mais pour le simple plaisir de la voir se taire il laissa déborder cette remarque acerbe. Il le regretta la seconde d’après, quand elle ouvrit son coeur à la force de ses griffes, déchira ses entrailles pour lui présenter ce qu’il y avait de cacher. L’autre chose qu’elle avait perdu dans ce combat, l’éclat brisé au fond de ses yeux, vous savez. Mon frère n'est plus là. Ça résonna quelques instants avant que Sam ne puisse trouver un sens à ces mots. Avant qu’il ne percute, comme il se ferait percuter par un train. Ses lèvres se décollent légèrement, dans la surprise. Mais il ne veut rien montrer. Pas pour gagner le bras de fer qu’ils sont en train de faire depuis tout à l’heure, simplement parce que c’est ce qu’elle lui a demandé : pas de pitié. Sam restait donc aussi impassible que possible, malgré l’acidité qui venait grignoter son cœur déjà au bord de la rupture. Il ne comprenait que trop bien ce halo terrifiant qui l’enveloppait. Ce froid qui s’infiltrait dans ses veines et la faisait frissonner. Sam ne savait pas ce qui s’était passé avec le frère de Daire. Il était mort ? Ça semblait logique. Il avait disparu ? Tout aussi logique. Mais Sam compatissait à sa peine sans trop le vouloir. Assia avait disparu elle aussi. Elle s’était tirée, elle l’avait quitté. Sa grande soeur, celle qui savait tout, celle qui s’occupait de tout, celle qui l’avait materné depuis tout petit, celle qui pensait pour deux. Assia n’était plus là elle non plus, et Sam connaissait ce sentiment d’être orphelin à nouveau. De perdre père et mère, tout d’un coup. Pourtant, il la savait encore en vie, quelque part, loin de lui, comme s’il était toxique. Il comprenait sa détresse et resta muet, aussi bien par respect que parce qu’il n’y avait rien à dire. Ses yeux d’un vert mélancolique et déchiré répondaient pour lui. Daire balaya le sujet avec la colère qui revenait et lui donnait un nouveau souffle. Ainsi que son rire, qui ricocha sur tous les murs. Sam attendait.

Ça fait chier ! Qu’elle balança si fort que ça résonna jusqu’au plexus solaire de l’égyptien qui ne bougeait plus. Il reporta la clope à ses lèvres, mais avant même que le bâtonnet ne les touche, Daire surgit devant lui pour lui arracher des mains, avec un geste brusque. N’ayant même pas eu le temps de parer l’attaque il se contenta de rester quelques secondes avec la main dans le vide alors qu’elle lançait un autre juron et partait dans une course folle au milieu du salon. Elle était comme débordée par sa propre hargne, dirigée par ses sentiments sans savoir où les canaliser. Sam la regardait l’air vide, la vision trouble des drogues qui éclataient encore ses pupilles. Elle gesticulait la rousse dans tous les sens, passait ses mains dans ses cheveux de feu, et parlait avec une animosité plus grande qu’elle. Elle était belle, la rousse, quand elle était submergée. Belle dans la colère, belle les sourcils froncés, la voix éraillée, les muscles crispés. Ptain mais t’es aveugle ! Comment tu peux me demander ça ? Et elle fit volte face d’un coup, tombant nez à nez avec Sam, une nouvelle cigarette encore éteinte entre ses lèvres. J’le fais, c’est tout. Il ne trouva rien de peu à répondre. Craignant sans doute que cette mascarade ne serve qu’à marchander. Marchander un passe-droit. Marchander la permission de retourner sauver on-ne-sait-qui. La permission de se prendre une autre balle, si besoin. La permission de mourir pour sa cause, puisque ça semblait être ce qu’elle voulait. Mourir comme ses parents, mourir comme son frère, arme au poing. Il n’en démordrait pas. Il se montrait intransigeant, et la colère était encore trop présente dans son organisme, comme une seconde drogue, celle qu’il partageait tous les deux. Celle qui emplissait la pièce de son parfum de revanche - ça et celui de la fumée du tabac qui s’écrasa comme une vague sur le visage de Sam, si bien qu’il dû fermer les yeux une seconde. Tu sais très bien qu’ma famille est ici, que sans vous j’suis rien. Le coeur de Sam s’accéléra immédiatement, il battait si vite, tellement vite, que ça lui donnait presque le tourni. Il fit voyager la clope éteinte de haut en bas avec sa langue, l’intensité du moment, l’intensité de cette promesse faite à demi-mot le paralysait complètement. Complètement. Non, j’en sais rien. Qu’il aurait aimé répondre, mais rien, c’était bloqué dans sa gorge. Doucement, il prit la cigarette même pas entamée. Il s’approcha un tout petit peu plus d’elle, et son regard était tellement acéré qu’il la bouffait complètement. J’veux que tu le jures. Comme s’il avait besoin de garanti. Besoin de l’entendre pour le croire. Besoin de se rassurer. Daire, j’ai besoin de savoir que tu me quitteras pas demain. Pas comme la dernière fois. Il n’eut pas le temps de réagir. Après une énième insulte, Daire se jeta littéralement sur lui.

C’était comme la collision de deux comètes. Une grande explosion. Sam laissa tomber sa deuxième clope sur le sol et ses deux mains vinrent encercler le visage de la rousse pour la retenir contre lui. Elle s’agrippa à lui aussi. En fait ils s’accrochaient, pour être sûrs de ne plus avoir à se lâcher. Dépassés par cette peur qui leur avait fait vriller leurs entrailles, cette peur que les fautes soient irréparables. Ils s’accrochaient l’un à l’autre, leurs lèvres collées, fondues les unes sur les autres, en train d’échanger un nouveau moment incompréhensible, bouffés par une envie qu’ils ne comprenaient même pas, qui survenait, comme ça. Sam laissait ses doigts basanés se perdre dans la chevelure rousse, s’y accrocher aussi, quitte à les tirer avec une violence non maîtrisée, symptomatique de sa passion trop grande qui naissait en lui. La fougue de Daire était contagieuse, elle passait d’elle à lui, de lui à elle. Leurs baisers mouillés faisaient battre son coeur trop fort, son sang circulait trop vite, ses entrailles s’emmêlaient, les papillons dans le ventre le faisait presque trembler d’émotion. Il avait du mal à respirer, et pourtant il en avait besoin. Daire lui avait couper le souffle. Elle avait tout balayé, tout détruit en lui, pour lui plonger dans une paix nouvelle. L’autre s’était tut, ou en tout cas, Sam ne l’écoutait plus. Ils étaient seuls tous les deux. Dévorés par une envie plus grande qu’eux. Et ils se déplaçaient dans l’espace sans trop savoir où ils allaient, ils titubaient, ivres de ce désir ardent qui consumait tout maintenant. Sam trébucha à moitié sur les reste du bang qu’elle avait cassé, coupant leurs embrassades un moment, juste une seconde, sans même un regard, il se contenta de donner un grand coup de pied pour qu’il s’écrase ailleurs, dans un bruit de verre chantant. Bientôt, ils retrouvèrent la commode, la même de laquelle Daire avait débarrassé les objets exposés, un peu plus tôt. Quand les fesses de la rousse butèrent dessus, Sam laissa échappé un court petit rire et se baissa pour la porter afin qu’elle s’assoit dessus. Là, il leva ses yeux vagues sur elle, prit une pause, le souffle court. Il ne se rendait même pas compte de ce qui se passait, pas compte non. Y avait juste trop d’émotion entre eux, qui débordait de tous les côtés. La colère, la rage, l’envie de vaincre. Le rapport de force, enfin apaisé, une seconde seulement, le temps que Sam ne fasse glisser la chevelure de Daire sur une épaule, libérant la deuxième pour y enfouir son visage. Les papillons dans son ventre battaient vachement des ailes, quand même. Me quittes plus Daire… Qu’il chuchota, plus pour lui que pour elle, en fin de compte. J’ai trop b’soin d’toi. Ses lèvres glissèrent dans son cou, sa joue, retrouvèrent ses lèvres pour reprendre leurs embrassades passionnées, énervées, dévorantes. L’une de ses mains glissèrent sous le tshirt, le relevant jusqu’au creux de sa taille. Il avait besoin d’elle ouais. Besoin qu’elle reste son roc parmi la tempête, maintenant que tout autour s’effondrait. Et leurs passions au milieu du chaos qu’était le salon à l’heure actuelle ne pouvait pas en faire une plus belle métaphore. Les baskets dans les bouts de verre brisés, Ses mains sur la peau blanche de Daire le raccrochait à quelque chose de physique, quelque chose de réel. Il avait besoin d’elle, pour se rappeler qu’il n’était pas seulement ce type fou qui se parlait à lui même. Il avait besoin d’elle pour ne pas perdre la tête. Besoin d’elle pour ne pas avoir le coeur brisé. Il finit par lui retirer ce t-shirt, impatient dans son envie, animé par un désir qui prenait de plus de place. Il prit une seconde pour observer à nouveau son corps quasi nu. La balle le frappa à nouveau, cette cicatrice mal refermée. Mais elle ne faisait plus mal non, elle ne le plongeait plus dans une rage folle. Sam avait envie d’elle tout entière, de ses bavures aussi. De tout ce qui faisait d’elle ce qu’elle était, gamine irresponsable, kamikaze extrémiste, éternelle révoltée, coeur mitraillé. Il fit glisser l’une des bretelles de son soutien-gorge pour embrasser sa clavicule et descendit doucement jusqu’à sa poitrine, non pas pour dévoiler ses seins, pas encore, mais pour embrasser sa balle qu’il prenait maintenant comme pour la sienne. Daire, si t’es avec moi, je panserais chacune de tes blessures. Qu’il avait envie de dire, dans un coin de son crâne. Mais le silence vibrant parlait mieux qu’eux. Sam recula d’un pas pour retirer sa veste à capuche qu’il ne quittait jamais, ainsi que son t-shirt. Il la regarda un moment, sans trop d’expression sur son regard, ne serait-ce qu’un sourire essoufflé. Il plongea à nouveau sur elle pour prolonger le baiser. Et leurs deux corps animés, l’égyptien et la rousse, l’intrépide et le fou.
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Daire Méalóid

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MessageSujet: Re: je ne te demande pas d'être sincère (dairih)   je ne te demande pas d'être sincère (dairih) EmptyLun 26 Fév - 0:26


« C’est pourtant ce que t’es. » Son affirmation la déstabilisa plus qu’elle ne l’aurait voulu, s’encrant dans sa chair à l’instar de ses marques pour tracer sa toile dans un coin de sa tête. Cette remarque veillerait, longtemps, et viendrait la ronger doucement chaque fois que quelqu’un viendrait remettre en question son attitude. Elle se déclencherait certainement aux prochaines conversations avec Samih – s’il y en avait d’autres – à chaque fois qu’il douterait d’elle. Elle ne dit rien, s’étouffant seule dans son humiliation derrière les fortifications de son empire de braises. Daire ne supportait pas qu’on la réduise à des enfantillages, qu’on rabaisse ses causes et sa valeur morale à des caprices immatures. Elle avait abandonné l’enfant qu’elle avait été dans l’aéroport de Derry lorsque sa mère l’avait entraîné de force dans la conquête d’un rêve américain qui n’existait pas. Les bouts persistants étaient devenus des miettes sur le bitume d’un quartier pavillonnaire en décrépitude, et Saul s’en était bien assuré. Depuis, elle s’était forgée cette carcasse persuasive de responsabilités en deçà de sa spontanéité aux airs d’inconscience. Dans sa frustration, ce ne fut pas le surenchérissement qu’elle lui accorda, encore moins la pénitence. La bombe explosa sans aucune pitié, dans la nécessité de le désagréger dans ce qui la rongeait elle, de l’emporter dans son mal-être. Dans la fatalité d’un rire aux allures de pierre tombale, Daire y scella son dernier secret. De ces non-dits qu’elle pouvait expier, car ce qui se passait au plus profond de son être ne pourrait jamais être révélé de vive voix, ni même pouvoir être désigné par des mots. Son frère présumé mort, et avec lui la chute de ses dérapages pour un combat qui l’avait rendu parjure des siens. Dans cet aveu, Samih devrait y trouver l’apaisement, la preuve que tout avait pris fin en même temps que la balle qui avait percuté sa chair pour fusionner avec elle. Le malin n’était plus, alors son disciple n’avait plus raison d’être. Mais dans cet aveu, Daire y trouvait aussi la désolation d’un champ de ruines. De ce no man’s land qui lui lacérait le poids dans son estomac, comprimant sa cage thoracique de cette solitude nauséabonde. Dans la vendetta de sa première famille, ils avaient tous été déchus pour rejoindre un par un les grains de poussière d’un monde qui ne leur complaisait pas. Chaque part de son être avait vécu à travers un membre de sa famille, un bout déjà s’était éteint dans l’incompréhension et le déni avec le suicide de son père. Avant lui, une large partie d’elle s’était fracassée sur le corps brisé de sa grande sœur en emportant un pan de son insouciance. Les derniers morceaux de son âme s’étaient accrochés comme des désespérés à ceux qui restaient, et sa mère comme son frère avaient su profiter de cette loyauté pour en faire leur sûreté. Aujourd’hui, la moitié d’un de ces bouts d’elle s’était dissout dans sa disparition, tandis que l’autre moitié résistait dans le résidu étranger dans son corps. À travers cette déchéance d’un nom maudit, Daire subsistait, pour s’entrechoquer désormais dans une autre bataille. S’essoufflant dans les ruines qui ne cessaient de s’agrandir à travers le chaos des Kids.

Face au silence de Sam entaché par le sourire fantomatique de son frère qui lui torturait la conscience, elle ravala la distance de son air ravageur. La cigarette ne tarda pas à changer de propriétaire pour se faire salvatrice du deuil étouffant de la rouquine, dépendante d’une gangrène pour ses poumons à défaut d’avoir une meilleure ancre. Le désordre de ses émotions déferla dans toute la pièce sans que l’égyptien n’essaie s’y interposer, les muscles comme au ralenti d’avoir retrouvé les dernières traces des drogues encore présentes dans son système. « J’le fais, c’est tout. » Elle avait envie de lui arracher sa nouvelle clope juste pour contester ses paroles, mais elle se contenta de hausser les yeux au ciel en soupirant. Si ça l’excédait plus que tout, c’était aussi pour ça qu’elle l’avait toujours apprécié. Parce qu’il se permettait, justement. D’entrer en collision avec ses certitudes, d’éteindre les flammes le temps de quelques instants, de lui permettre de ne pas couler aspirée par sa propre conscience – et s’il lui avait demandé la permission à chaque fois, ils n’auraient jamais été très loin tous les deux. Défiance en errance, désespérance dans l’arrogance. Son regard s’accrochait au sien à la conquête d’une gloire fanée, d’une fierté abandonnée, mais d’un abri sûr également. À la recherche de la reconnaissance et non de la déception, des bouts de lui des miettes à brûler à rendre poussières dans les mêmes ruines que les siennes. « J’veux que tu le jures. » C’était scellé entre eux à peine l’avaient-ils récupéré dans la rue avec JJ. À partir de là, elle s’était vouée corps et âme pour d’autres que ceux de son propre sang. Elle n’avait pas à lui promettre de cette manière, ça lui paraissait tellement indécent de lui demander alors qu’au fond d’elle c’était bien plus une évidence. C’était le sang qui glissait dans ses veines, la lueur qui brillait au fond de ses prunelles, la contraction de ses muscles en mouvement. Chaque souffle leur était dévoué jusqu’à ce qu’elle les consume, faisant de cette évidence à ses yeux une incohérence pour les leurs. « Juré. » Un souffle brûlant, vibrant. C’était dit dans la puissance d’une conviction qui pouvait bien ébranler tous les empires des autres. Promis juré craché. Poids insistant sur les épaules, étau comprimant les deux êtres dans leur bras de fer dramatique. Entre le marteau et l’enclume, cœur ferraille contre cœur à la dérive.

Lorsque son corps percuta le sien pour sceller ses lèvres, tout son univers céda pour se mêler à celui de Sam. Il la happa toute entière entre ses doigts, de ses phalanges abîmées à son souffle lacéré, de son myocarde bancal à ses pensées esquintées. En cet instant, elle eut la certitude que sa place n’était nulle part ailleurs qu’entre ses mains. Nouvelle ivresse éphémère qu’au bord de ses lèvres, comme si en perdant le souffle elle en trouvait un nouveau, que le phare au milieu de sa tempête s’était de nouveau illuminé. Tumulte enfiévré entre les deux âmes en bataille dans cet enfer qui était le leur, à se perdre en suspension dans les débris de leur vie. Fougue dévastatrice qui circulait entre eux, en eux, calcinant chaque résistance avant de la souffler sur les récifs. La flamme était d’autant plus brûlante au fond de ses entrailles, la colère encore persistante au creux de ses veines donnait une dimension dévorante à la passion qu’elle lui partageait. De surtension à surcharge, son corps implosait littéralement entre ses bras, ses propres mains accrochées à sa chair quand celles de l’égyptien s’agrippaient avec force dans ses cheveux. Ils auraient pu disparaître instantanément dans la force de leur échange, s’échapper dans leur litanie comme une volute de fumée à la conquête de cette paix qui leur était due depuis trop longtemps. Elle avait à peine conscience qu’ils titubaient dans le salon, leurs semelles s’écorchant sur les tessons et autres brisures – jusqu’à ce que leur étreinte laissa entrapercevoir à nouveau la lumière de la pièce. Ce sont les éclats du bang envoyé contre le mur qui raisonnèrent dans le désordre de leur souffle haletant. Peut-être qu’elle allait devoir lui changer, c’était de sa faute après tout. Une broutille qui s’accrocha dans un coin de son cerveau alors que la situation ne s’y prêtait pas, comme un amas d’information qu’elle continuait de grappiller contre son gré. Son corps vint rapidement se heurter contre la commode ravagée de son contenu et Samih la souleva pour qu’elle s’installe dessus, tandis que ses jambes vinrent naturellement s’enrouler autour de lui pour l’entraver contre elle. Un rire clair s’échappa entre ses lippes quand son regard s’accrocha quelques secondes au sien, certainement sous l’euphorie de l’instant – de ces rires légers qu’on ne lui entendait plus vraiment depuis qu’elle était revenue d’Irlande. Ils étaient hagards dans leurs pensées, la fièvre dans chaque geste et le désir ravageur dans leurs baisers impatients. Un ex aequo qui se renversa inlassablement, et leur rapport de force précédemment amorcé au milieu des éclats de verre se transposa dans leurs caresses. Son cœur s’entrechoqua trop violemment dans sa poitrine quand le visage de Sam vint se perdre dans sa nuque et que ses mots effleurèrent sa peau dans son souffle chaud. « Me quittes plus Daire… » En l’enserra contre elle comme pour appuyer la force de sa réponse, de ce même chuchotement qu’elle n’était pas certaine d’avoir prononcé réellement. « Jamais » Comme une promesse à leur chaos, celle qui serait leur fardeau aussi bien que leur délivrance – de cette affirmation qu’elle serait toujours pour lui, avec lui. « J’ai trop b’soin d’toi. » Déflagration dans tout son être comme une myriade de flèches enflammées, la touchant dans tous ses points vitaux. Daire laissa échapper un soupir de satisfaction alors que les lèvres de son amant parsemaient son visage d’éclats avides. Pourtant au creux de la chaleur de son ventre, c’était aussi la crainte qui s’était immiscée sournoisement pour s’étouffer en attendant son heure. La peur de ces mots lourds de sens, de la signification qu’ils prenaient à haute voix – de cette prison qui s’enfermait sur elle. De ce serment tacite entre leurs âmes éperdues. Une de ses mains se raccrocha à ses cheveux sombres pour ramener son visage contre le sien, pour faire disparaître ses soupçons d’hésitation contre ses lèvres. Elle avait besoin de lui, c’était une évidence dévorante qui lui vrillait les veines aussi bien que chaque parcelle de son corps. Besoin de lui comme envie de lui, dans son intégralité et pour elle seule – de cet égoïsme de la tempête passionnée, de ce besoin de totalité dans son insoumission. Ses mains sur sa peau y déposaient des traces brûlantes qui la firent frissonner, alors que les lèvres de la rouquine vinrent s’égarer sur sa mâchoire et dans son cou, avant de remonter pour s’amuser avec ses lobes d’oreille entre ses dents et son souffle saccadé. Elle abandonna sa peau presque à contrecœur quand il lui ôta son t-shirt, souffle retenu lorsqu’elle l’observa la détailler du regard. Ce regard sombre pour lequel elle vendrait son âme vint s’échouer sur cette parcelle déchirée de son existence, ce secret qui l’avait étouffé trop de mois. La cicatrice en elle-même semblait se consumer sous ses yeux, comme si la balle qui résidait dans son tissu pulmonaire manifestait sa présence son affront. Lorsque ses lèvres vinrent l’embrasser sur sa peau endommagée, ce fut comme si tout son monde s’écroulait. Sa conscience bascula entre ses baisers et l’espace d’un instant, elle ressentit urgemment le besoin de ne plus quitter ses bras comme s’il était en mesure de la protéger du monde et d’elle-même. Comme s’il pouvait éteindre éternellement ses démons, comme s’il était le remède pour panser ses maux. Par ce geste, il l’acceptait pour ce qu’elle était, passé présent et futur l’espérait-elle – parce qu’un monde sans Samih n’aurait plus cette saveur de renouveau. Elle allait le dissoudre dans ses failles jusqu’à ce qu’il rejoigne les cendres de son royaume, elle le savait quelque part au fond d’elle. Elle l’entrainerait dans sa chute aussi bien qu’il essaierait de l’en préserver, car dans cette étreinte farouche elle avait la certitude qu’il était la pièce manquante pour que son tout soit un peu moins bancal. Ses mains encrées vinrent effleurer sa peau mise à nue en caressant chacun de ses muscles tout en pressant sa peau incendiée contre la sienne. Avant de s’y accrocher plus profondément dans la chair, à marquer sa rage son envie sur son épiderme jusque dans ses lèvres qu’elle vint mordre dans son désir calcinant. Elle avait toujours été éparse, Daire, la violence pour mieux exprimer les batailles au creux de son âme. Et puis, elle donna enfin une impulsion pour les mettre en mouvement, pour renverser véritablement le rapport de force. Elle glissa de la commode pour guider Sam de ses baisers aveugles jusqu’au canapé sur lequel elle le poussa, avant de s’installer à la califourchon sur lui. Elle enleva doucement son soutien-gorge avant de le laisser s’échouer au sol, ses prunelles orageuses dévorant celles de l’égyptien comme le bûcher dans leurs corps. Elle se pencha vers lui dans une esquisse amusée avant d’effleurer ses lèvres sans jamais vraiment les capturer, avant de déplacer ses baisers le long de son nuque et puis de son torse. En même temps, ses doigts s’éparpillèrent le long de sa peau pour venir défaire son pantalon et le faire glisser le long de ses cuisses avec son caleçon. Enfin, ses lèvres vinrent s’attarder à son intimité dans la même fièvre qui les ravageait, faisant de Samih sien dans cette même promesse que l’un appartenait à l’autre sans équivoque. Cette nuit ils ne seraient plus qu’un, de cette alchimie dévastatrice et pourtant si évidente qui les unissait aussi bien qu’elle les écorchait. Cette nuit seulement, car demain les incohérences reprendraient leur place dans la matrice et les âmes éperdues se heurteront de nouveau dans leurs conflits incessants.

Sens-tu nos consciences qui brûlent autour de nous ?


RP TERMINÉ

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