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 this house don't feel like home (merlasher)

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MessageSujet: this house don't feel like home (merlasher)   this house don't feel like home (merlasher) EmptyDim 14 Jan - 14:41

Y a la musique de la station de radio qui grésille doucement. Il est pas sûr de ce qui passe, pas sûr de connaître de toute façon et il se redresse sur le siège de la voiture, tend les mains au-dessus de sa tête, se contorsionne à la recherche d’un Cd, sans gêne et sans remord. Il est pas sûr qu’Asher lui pardonnera de foutre le bordel dans ses Cds, en vérité, mais le pauvre peut pas trop réagir de toute façon parce qu’ils sont sur la route, parce qu’il y a des voitures autour, parce qu’il a les deux mains sur le volant, parce que Merle lui dédie son plus beau sourire de « je sais que t’aimerais râler mais garde les yeux sur la route bébé » qu’il a sans doute parfait exprès pour lui, exprès pour le faire chier, exprès pour l’amadouer, personne sait trop, c’est Merle, après tout, la plupart du temps ses intentions sont bien gardées. Il finit par mettre la main sur ce qu’il cherchait, avec un petit « AHA » victorieux, presse le Cd dans l’autoradio, se laisse retomber sur son siège avec un petit sourire satisfait. Il a le soleil de Floride dans les yeux, quelque part, quelque chose de trop lumineux, quelque chose de trop brillant. Quelque part, il aurait préféré de la pluie. Ça aurait été bien, de la pluie, lorsqu’il met le pied à nouveau à Jacksonville, ça aurait été parfait, de la pluie, ça aurait été dans le ton, au moins, ça aurait étouffé ses envies d’avancer et cultivé son besoin de revanche, ça aurait tué dans l’œuf ses envies d’ailleurs. Ça aurait été parfait, mais y a jamais rien de parfait chez Merle, alors il regarde le soleil droit dans les yeux et il sourit.

Il sait pas comment il a réussi à embarquer Asher là-dedans, en vérité. Il sait pas trop ce qui l’a convaincu de venir, si c’était les yeux baissés de Merle ou ses mains qui tremblaient un peu alors qu’il mettait du vernis sur ses ongles de pied d’une couleur qui lui rappelait Jael, si c’était le ton de sa voix ou l’air léger qu’il avait, si c’était ça, ou autre chose, des milliers d’autre chose, si c’était juste par affection ou par besoin de prendre l’air. Il sait pas trop ce qui a convaincu Asher, lorsqu’il a dit « Viens on va faire un tour en Floride demain », ce qui l’a poussé à faire des plans avec lui plutôt qu’avec le reste de son cercle d’amis. Il sait pas et il s’en fout, en vérité, le front contre la vitre alors qu’il fredonne la chanson qui passe, bat le rythme du bout des doigts sur le tableau de bord. Y a quelque chose de serein, dans la voiture, quelque chose d’un peu trop paisible, presque, alors qu’il a la tête pleine de meurtre, alors qu’il a l’esprit enfermé derrière les barreaux. Il l’a pas dit, ça, quand il a proposé la Floride. Il a pas parlé de Jacksonville, évidemment, et de ses bâtiments, pas parlé du rond-point, pas parlé des lapins. Il a rien évoqué de tout ça, bien sûr, et il étend les jambes, profite du vrombissement du moteur.

« C’est la prochaine sortie. » Il signale, gentiment, et tourne les yeux vers Asher, lui sourit plus largement. C’est le même trajet que le bus, en réalité, la route sur la côte et puis la sortie et il cherche des yeux le bâtiment gris de la prison, redressé sur son siège, la gorge un peu serrée, les doigts un peu crispé. « J’espère que y a des trucs sympas à faire, j’ai pas vu les meilleurs côtés de ce bled, je t’avoue. »

Il parle pour noyer le poisson, pour noyer ses yeux qui scannent chaque conducteur, qui analyse, qui interprète, qui demande à chaque passant s’il connaît Frank, s’ils sont sa femme, ses enfants, ses frères, ses cousins, s’ils savent, s’ils aurait pu empêcher ça. Il n’y a pas de réponse, dans le regard des inconnus, pas de réponses et ils ne comprennent pas la question de toute façon. Peut-être qu’il traînera Asher à la plage, plus tard, lorsqu’ils se seront arrêtés sur le parking de la prison, lorsqu’il aura réussi à sortir de son organisme ses envies de meurtre et le couteau papillon qui gît dans la poche de son pantalon et qu’il touche comme un talisman. Peut-être qu’il l’embarquera sur le sable, pour profiter de la mer, peut-être qu’ils seront deux abrutis aux pieds trempés en plein milieu de Janvier, peut-être que ça convertira tout ça en autre chose qu’un crève-cœur, autre chose qu’un mauvais souvenir.

« J’ai trouvé Bob ici, tu sais. » Et il pointe du doigt le rond-point qu’ils viennent de passer. « Je crois que sa mère est morte et qu’il a trouvé que j’étais la source de chaleur la plus avantageuse. » Ou autre chose, il sait pas trop comment ça fonctionne dans la tête d’un lapin, il a jamais eu que des chats. « C’est toi qui choisis la destination la prochaine fois qu’on part faire un tour, d’ailleurs. » Et y a tous ces mots qui veulent dire quelque chose, qui donnent à la phrase un sens neuf, quelque chose en plus, quelque chose que Merle ne dira jamais clairement. La prochaine fois et y a les yeux de Merle qui croisent ceux d’Asher. La prochaine fois et les doigts de Merle jouent nerveusement avec le couteau. La prochaine fois, parce qu’il faut qu’il y en ait une, parce qu’il faut qu’il en ait la possibilité, parce qu’il peut pas ruiner sa vie pour un type qui l’a jamais mérité. « Je suis pas doué pour ça. »

Personne est doué pour planifier le trajet parfait pour enterrer ses traumas, il suppose. Personne sait faire ça. Personne est préparé. Personne a la science infuse de l’assassinat. Quand l’ombre de la prison se dessine sur le macadam, Merle frémit.

« On est arrivé. » Il lance, et ça ne veut rien dire.

Il peine à respirer.
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Asher Bloomberg

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MessageSujet: Re: this house don't feel like home (merlasher)   this house don't feel like home (merlasher) EmptyLun 15 Jan - 18:49

Y la radio qui joue trop fort, ça lui casserait presque les oreilles. Ça l’empêche de réfléchir, surtout, de comprendre le pourquoi, le comment, de réfléchir à la raison pour laquelle ils ont pris la route à dix heures du mat pour rejoindre la Floride. Merle n’a donné aucune piste, lui a juste demandé de l’amener, il s’est dit que pour une fois ça serait l’occasion de se faire un road-trip autrement que pour l’escorter au poste de police et il a acquiescé, bêtement, il a fermé les yeux sur tous ses doutes, toutes ses questions. Et pourtant ça se bouscule parce qu’Asher ne croit pas à une requête innocente, à une simple envie de prendre l’air, il est persuadé qu’il y a davantage, qu’il y a des larmes et du sang derrière tout ça, des coups et des cris, parce que l’histoire de ces derniers mois à Jacksonville a fendu l’air lorsqu’il est revenu mais qu’il n’a pas développé, qu’il a laissé une foule de choses en suspens dans l’espoir, peut-être, qu’ils aborderaient le sujet plus en profondeur un jour. Sauf que c’est pas arrivé, sauf qu’ils se retrouvent à prendre la route un jeudi matin à bord de la Mustang d’Asher, le moteur qui vrombit gentiment pendant que la musique joue, ils ont mis la radio et c’était pas une bonne idée, y a que des conneries sur les ondes. C’est Merle qui les libère du supplice, qui lui jette un regard rassurant comme pour lui assurer qu’il ne choisira pas de la merde, de toute façon y a que des albums de qualité dans sa boîte à gants, et il l’observe discrètement alors qu’il fourre un CD dans l’autoradio et que Sympathy for the Devil se déverse soudain dans les enceintes, arrachant un sourire au conducteur. C’est une belle journée pour faire de la route et écouter les Stones, pas forcément pour affronter le passé, surtout pas pour se foutre dans la merde, pour tracer des sillons écarlates sur la peau. Or, Asher connait ce regard, il connait cette appréhension, les doigts de Merle qui tapotent nerveusement le rythme sur le tableau de bord, ses yeux rivés droit devant lui, il l’a trop vu faire, l’a trop connu, trop appris, pour ne pas s’apercevoir des moments où ses faiblesses le rattrapent. Il aimerait lui demander, vraiment, crever l’abcès avant qu’il ne soit trop tard, avant qu’ils n’aient trop avancé sur la route, mais ça fait quasiment deux heures qu’il conduit et la seule halte qu’il a faite, c’était pour enlever son sweatshirt et pisser, cinq minutes à peine. Ça veut dire qu’ils sont bientôt arrivés, ça veut dire qu’il aura enfin droit aux explications, ça veut dire qu’il ne pourra pas y échapper peu importe ce qu’il fera, même en montant significativement le volume de l’autoradio comme il le fait maintenant, les pensées qui redoublent, la panique qui gagne du terrain mais les mains fermement agrippées au volant.

Il dit rien, Merle. Il donne juste des directions, lui fait prendre une sortie, parle de son lapin et Asher n’écoute qu’à moitié, essaie de trouver sur les panneaux une indication, une information, n’importe quoi qui lui montrerait la direction qu’ils prennent, qui l’aiguillerait du mieux possible. L’évidence surgit devant ses yeux trop vite, trop tard, lorsque l’ombre de la prison se dessine un peu plus loin, lorsqu’il voit les quelques signes d’avertissement sur la zone de haute sécurité près de laquelle ils se trouvent, et il se range brusquement sur la bas-côté sans prendre la peine de foutre son clignotant, déclenchant un concert de klaxons à sa suite. Il est pas prêt. Il est pas prêt pour ça, voir l’endroit où il a été retenu pendant de trop longs mois, penser à ce qu’il a pu subir, là où tout le monde l’appelait Camille, là où un garde a rendu le cauchemar encore pire. Il sait pas, il veut pas savoir, y a ses yeux qui bifurquent sur Merle et l’observent, les lèvres qui hésitent parce qu’il voit à quel point ça lui fait mal, à quel point il se retient de fondre en larmes, et y a pas grand-chose d’autre qui pourrait autant lui briser le cœur, pour être totalement honnête. « Merle. » Son regard qui cherche quelque chose dans les iris céruléens, une réponse, des questions, les doutes qu’il sème sur son passage comme le petit poucet. Il a l’impression qu’il a douze ans, Merle, recroquevillé dans son siège, la mâchoire serrée, on dirait un gosse à qui on a dit que c’était la rentrée et qui refuse d’aller à l’école parce qu’il préfèrerait rester jouer dans la boue. C’est un peu ça, pas tout à fait. Pas tout à fait parce qu’il y a les larmes qui ne coulent pas mais qu’il voit poindre dans ses yeux, parce qu’il y a ses longs cils qui battent trop vite, ses lèvres qu’il mord presque. « On fait quoi ici ? » Il pose froidement la question, comme un médecin légiste demanderait des infos sur le cadavre qu’il est en train de scier en douze, il prétend ne pas savoir, ne pas reconnaître, comme si toutes ces années à bosser au cabinet de sa mère n’avaient jamais existé, comme s’il n’avait jamais vu une prison de ses propres yeux alors qu’il en a visitées des paquets de fois. Il aurait préféré autre chose, qu’il lui demande d’aller à Disneyworld, qu’ils fassent le tour des endroits les plus insolites du coin, qu’ils foutent leurs orteils sur une plage et prétendent se baigner alors que l’air est à dix degrés et l’eau à moins qu’ça. Il aurait aimé se dire que ce n’était qu’un voyage ordinaire, rien de tellement surprenant, rien de tellement inattendu, il aurait aimé mais y a Merle traumatisé sur le siège passager et lui incapable de comprendre vraiment, démuni face à sa détresse. Démuni et du coup terriblement distant, la peur de mal faire, de trop faire, de ne pas assez faire, de laisser faire, de laisser rouler ce système terriblement ingrat, profondément injuste, de ne pas défendre suffisamment Merle et les autres gosses qui auraient besoin d’un adulte responsable dans ce monde de requins. Y a sa main qui attrape la sienne, la serre doucement, les yeux qui le regardent avec une sollicitude toute nouvelle. « Merle », le prénom répété, de nouveau, les doigts de sa main libre qui tripotent maladroitement l’autoradio pour couper la musique, c’est malsain, malsain, malsain, il veut pas se trouver là, pas avec lui, pas maintenant. Il est encore temps de faire demi-tour, de rebrousser chemin, tant pis pour l’essence et les deux heures de route, tant pis pour les souvenirs liquoreux dont il aurait sûrement pu s’enivrer et tant pis pour ce qu’il prévoyait de faire. Allez, Merle, arrête, t’es pas drôle, c’est ce que ses yeux racontent, ce qu’ils hurlent, alors qu’il le regarde sans détour, allez Merle, déconne pas, il implore sans même le dire.


Dernière édition par Asher Bloomberg le Ven 26 Jan - 18:44, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: this house don't feel like home (merlasher)   this house don't feel like home (merlasher) EmptyJeu 25 Jan - 5:14

C’est difficile, de cacher des choses à Asher. Difficile de pas tout lui dire, difficile de pas passer à table, de pas tout avouer. C’est difficile, de lui cacher des choses et pourtant Merle sait bien que y a des choses qu’Asher préfère pas savoir, des détails sordides qu’il a pas envie d’entendre, des choses qu’il peut pas imaginer, pas tolérer, pas envisager. C’est difficile, de pas tout cracher à Asher comme c’est difficile de respirer sous l’eau, compliqué de s’étrangler soi-même, titanesque de se laisser tomber du haut d’une falaise. C’est difficile et ça le tient éveillé, certaine nuit, roulé en boule sur l’oreiller voisin de celui d’Asher, les yeux mi-clos et le cœur qui bat entre les côtes, incapable de se résoudre à fermer les yeux. C’est difficile, mais c’est faisable, en réalité, parce qu’il a gardé tout scellé, jusque là, la prison et les sévices, a laissé deviner les formes sans en dévoiler les détails, a tout passé sous le sceau de la pudeur pour ne pas le choquer, pour ne pas le laisser entrevoir l’horreur, pour ne pas lui laisser l’occasion de réaliser à quel point il avait sa place à la déchetterie, avec tous ces objets cassés auxquels on retrouvera jamais d’utilité. C’est fini, ce jour-là. C’est fini parce qu’Asher pile, avant d’arriver au parking, parce qu’il a compris, quelque part, qu’il sait déjà et que Merle a pas besoin de parler. C’est fini, ce jour-là, mais pas complètement, parce qu’Asher le connaît bien mais qu’il ne peut pas lire dans sa tête, parce qu’Asher le connaît par cœur mais qu’il y a des terreurs qu’il ne peut pas envisager.

Y a ses doigts contre les siens et il prend une inspiration un peu tremblante. Y a ses doigts contre les siens et il a les yeux rivés sur le bâtiment. Y a ses doigts contre les siens et il se sent un peu moins fragile, un peu moins sur le point de s’effondrer, un peu moins comme une poupée de paille sur laquelle il suffirait de souffler pour la faire s’envoler, pour la faire s’évaporer. Y a ses doigts dans les siens et il serre en retour, pour lui signifier que ça va aller même si on dirait pas du tout, que ça va aller, parce qu’il lui dit, que ça va aller, qu’il a quelque chose à terminer, à demander, un au revoir à prononcer, un dernier doigt à faire avant de ne plus jamais se retourner. Il lui serre la main parce que c’est la chose la plus naturelle du monde, tourne la tête pour observer les voitures, le ballet incessant des bagnoles qui vont et qui viennent, qui ignorent les hurlements des détenus de l’autre côté du macadam. Merle, il l’appelle, et il réapprend à respirer. Merle, Merle, Merle, et il baigne dans ce prénom qu’il porte comme un étendard, une marque de fierté, Merle, et c’est ça l’identité qu’il a choisi.

« On reste pas longtemps. » Il promet et ses yeux tracent les contours des fenêtres. « C’est juste que. J’avais l’impression que c’était plus réel, quand je suis rentré à Savannah. Comme une hallucination. Mais c’est pas le cas. » Il décortique sa douleur comme on fait une autopsie, se montre froid et méthodique comme l’exigeait la question, comme l’ordonnait son ton. « C’est pas le cas, Asher, je suis vraiment passé par là et y a ce mec que j’ai pas buté quand j’aurais dû et qui sera jamais puni, parce que j’étais pas le premier et que je serais pas le dernier et je trouve ça intolérable. » Et c’est le retour de la colère, la bonne vieille rage, l’amie singulière, c’est la fin de la terreur, pour un instant peut-être, le retour de l’incendie dans les pupilles, du feu de forêt dans les os. C’est une chaleur familière, dans la voix et dans les doigts, une vieille amante, une vieille couverture de survie qu’il a usé et utilisé, encore et encore jusqu’à ce qu’il n’en reste plus rien, ou plus que des filaments, des braises qu’il attise et auxquelles il se raccroche. « Si je l’avais tué, Asher, j’aurais pris quoi, tu sais, toi ? » Il le cherche des yeux. « Je veux dire, est-ce que ce que j’aurais risqué aurait été contrebalancé par toutes les vies qu’il pourra pas détruire après ? »

Merde, c’est trop flou, trop philosophique et il secoue la tête, fronce les sourcils, passe sa main libre dans son visage et dans ses cheveux, les joues un peu rouge et l’embarras sous la peau. Il l’a pas tué et il aurait dû, c’est vrai. Il l’a pas tué et il l’aurait pu, ce soir-là, après sa sortie de prison, alors qu’il était resté, roulé en boule dans un buisson, pour accuser le coup, s’habituer à l’extérieur qui lui paraissant beaucoup trop grand. Il aurait pu lui enfoncer un couteau dans la gorge, devant sa voiture, retendre les poignets juste après pour être à nouveau enfermé. Il aurait pu. Il a pas pu parce que son téléphone a vibré. Il a pas pu parce que le mec a décroché, parce que y avait une voix de gamine à l’autre bout du fil, une voix d’enfant qu’attend son père, une voix de gamine qui sait pas encore qu’elle a l’ADN pourri du méchant. Il a pas pu. Il regrette, il regrette pas, il sait plus, il sait pas. Il sait juste qu’il a pas arrêté le cycle, qu’il a pas brisé le cercle, il sait juste qu’il faut que ça se termine.

« Tu peux me laisser retourner rayer sa caisse et on a fini ici, sinon. » Il murmure, presque sur le temps de la plaisanterie. « Je t’emmène manger une glace, après. J’ai bossé un peu dans un truc en bord de mer pour me payer le bus, en sortant. »

Il secoue la tête, sourit, lâche sa main après l’avoir serrée une dernière fois :

« La plage s’étend à perte de vue. C’était presque effrayant, quand je l’ai vue. »

Presque terrifiant parce qu’auparavant il n’avait jamais eu peur de l’infini.
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MessageSujet: Re: this house don't feel like home (merlasher)   this house don't feel like home (merlasher) EmptyVen 26 Jan - 19:50

Ça s’aligne, ça se compte, les dizaines de bâtonnets grattés sur un vieux mur de briques et le ciel bleu de Floride entrecoupé de barreaux, ça se fige sous la peau comme de la gélatine, le sentiment tremblant, translucide, la peur au creux des tripes et l’envie de s’envoler par la fenêtre. Combien de fois avait-il rêvé d’être de nouveau à Savannah, de retrouver ses amis, d’avoir simplement quelqu’un pour lui parler, l’écouter, quelqu’un d’avant, quelqu’un qui n’aurait pas connu ce qui l’a poussé au fond de ce puits nauséabond, quelqu’un de profondément attaché à lui sans aucune arrière-pensée, sans aucune attente. Ça s’aligne, les erreurs, la culpabilité qui s’entasse dans la gorge d’Asher et qui lui fait murmurer des mots stupides comme Merle, le prénom qu’il a choisi, le prénom qui le définit, ça sonne creux avec le recul, Merle, ça a les accents de toutes les promesses qu’il n’a pas tenues, de tous les je t’aiderai, les je ne te lâcherai pas qu’il avait lâchés dans la fièvre d’un instant, une voiture, des menottes, le tableau de bord poussiéreux de sa Ford de fonction et le soleil qui crame le cuir tanné du volant, la musique qui se déverse dans les haut-parleurs et les sourires aux coins des yeux. Asher et Merle, Merle et Asher, comme ç’aurait toujours dû être si la vie n’en avait pas décidé autrement, si elle n’était pas une foutue garce colérique qui s’empresse de reprendre ce qu’elle a tantôt donné. On reste pas longtempsMens pas – l’ordre qui se presse dans la caboche du flic, les yeux plantés dans les siens en attente d’explications, d’une raison d’être là, il aimerait qu’il lui ordonne d’enclencher la marche arrière, de planter son pied dans la pédale, de faire tourner le compte-tours, de rouler plusieurs miles avant de trouver la mer et finalement se foutre les pieds dans l’eau. Et s’embrasser. Beaucoup.
Pourtant c’est pas ça. Pourtant c’est autre chose, c’est moche et vulgaire, il veut pas en parler, comme un gamin qui boude, les sourcils froncés et les lippes serrées, s’il l’avait tué il aurait pris quoi ? Il le sait, putain, bien sûr qu’il le sait. Mais ça fait mal de le dire, de s’imaginer, d’envisager ce qu’il aurait pu advenir de Merle s'il avait fait ça. « Si tu l’avais tué, ça aurait été qualifié de meurtre au premier degré. » La gorge serrée, craque pas putain craque pas, c’est difficile de rester crédible quand y a ses yeux qui dévient vers l’autoradio, n’osent plus se poser sur Merle, il a trop vu ça au Tribunal pour que ça lui soit inconnu. Il humidifie ses lèvres, comme si ça pouvait aider alors qu’il y a la main trop froide de Merle dans la sienne, alors que la question est stupide, alors qu’elle fait mal. « La peine dépend du jury, la plupart du temps. » Faux. Faux et archi faux, il a trop de bouteille dans le métier pour prétendre que ça se passe comme dans les films, qu’un jury peut vraiment retourner le cours d’un procès, c’est jamais arrivé du temps où il était avocat. Ça n’arrive jamais. « Mais si tu étais incarcéré au moment des faits, c’est considéré comme une circonstance aggravante. Même s’il y a des choses qui pèsent de l’autre côté de la balance. » Ce qu’il t’a fait, par exemple. Et le regard noir qui se pose de nouveau sur Merle, guette une réaction. Tu voulais me faire du mal, t’as putain de réussi, félicitations. « T’aurais pu être condamné à mort. » C’est lâché les yeux dans les siens, sans détour, y a presque la fatigue qui se lit sur les traits d’Asher, les pourquoi, pourquoi tu fais ça, pourquoi tu me demandes, pourquoi tu perces mon bide avec tes godasses, pourquoi tu m’achèves quand je suis déjà au sol. Silence. « Enfin si tu m’avais pris comme avocat j’aurais fait de mon mieux pour qu’tu crèves pas. » Essaie de blague, loupé incroyable, le rire en boîte qui se fait à peine entendre, qui donnerait presque envie de pleurer. C’est dur de blaguer quand on ne sourit pas, en même temps, quand le regard reste trop sombre, trop cérémonieux, les pardons au bout de la bouche qui veulent pas sortir, qui veulent pas se manifester, fous et sourds et sordides. C’est pas à lui de s’excuser, c’est à la vie, aux étoiles. Pas à lui.

Il veut rayer sa caisse, là il peut pas s’empêcher de rire, ça paraît tellement disproportionné par rapport à ce qu’il lui a fait, c’est tellement pas adapté, tellement gentil, tellement inoffensif, ça pue la vengeance de gamin qui n’a pas grandi, comme les yeux rivés sur la plage et la dernière pensée qui s’envole et frappe le plafond de la bagnole, se cogne au plastique. « Ou alors », il commence, attrape de nouveau le volant d’une main, passe la marche arrière de l’autre. « On pourrait aller se balader sur la plage et rentrer. » Rentrer à la maison, chez toi, chez nous, rentrer et bouffer des guimauves, boire un chocolat chaud, regarder Doctor Who à la télé et papouiller nos bestioles. Rentrer et oublier. Ou bien… « Et tu pourrais venir avec moi au poste et déposer une plainte au cul de cet enfoiré. » C’est soufflé, promis, imploré, tout à la fois, c’est la promesse d’écouter et d’écrire, de ne pas en rester là, de laisser la justesse mettre son putain d’imperméable et faire son boulot. Une manœuvre, il recule, l’arrière de la voiture qui bascule presque sur le bas côté. Marche avant de nouveau enclenchée, il ose un regard dans sa direction, « s’il te plait », il souffle, s’il te plait fais pas de connerie, te fais pas buter, pas pour quelqu’un qui n’en vaut pas la peine. Il attend pourtant, un ordre, une directive, un accord. C’que tu veux, Merle.
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MessageSujet: Re: this house don't feel like home (merlasher)   this house don't feel like home (merlasher) EmptyVen 2 Fév - 3:52

Peine de mort, lâche Asher, à demi-mot, et Merle se frotte les poignets, consciencieusement, comme pour réveiller la douleur, tirer quelque chose des cicatrices qui zèbrent ses bras. Peine de mort, et il essaye de se rappeler l’envie de mourir qui lui cramponnait le ventre et les échappées belles qui le fuyaient, le besoin d’arrêter, de tout stopper, la lame contre ses veines et le temps qui s’arrête et sa respiration qui s’arrête et son sang qui coule à gros bouillon sur le carrelage, un magma de poussière, de saleté et de lui, le retour aux origines, peut-être, il sait pas, il sait plus, il veut plus. Il est rentré à Savannah et depuis, il a envie de vivre, et il aimerait lui dire, à Asher, lui dire que ça va, que ça va aller, qu’il y croire, qu’il recommencera pas, plus, plus jamais, qu’il attrapera sa main plutôt qu’un cutter, qu’il lui achètera des glaces plutôt que de tirer des bagnoles, qu’il a envie de le tuer, Frank, parce qu’il a fait trop de mal et qu’il en fait encore, parce qu’il a la vengeance comme une ombre, la vengeance comme une seconde peau, qu’il a envie de le crever mais qu’il a dépassé la date, maintenant, passé le moment, qu’il peut plus, plus maintenant, parce qu’il a reposé les briques, parce qu’il refait les fondations, parce qu’il a beaucoup trop à perdre et pas assez à gagner, parce qu’il sait, lui, qu’il y a d’autres moyens, d’autres façons, qu’ils peuvent commencer autre chose, parce qu’il le sait et que les yeux d’Asher le hurlent, parce qu’il le sait et que y a quelque chose qui lui confirme, parce qu’il le blesse et qu’il déteste ça, mais qu’il a besoin de poser des questions, besoin de savoir, besoin qu’on lui réponde. Lorsqu’Asher attrape le volant pour faire demi-tour, Merle sait que c’est la bonne décision. Il lutte pas, il proteste pas, mais il se tord, se penche, pour presser un baiser contre sa tempe, murmure tout bas un merci avant de se rasseoir, plus paisible, moins à fleur de peau, moins hors de lui.

« T’es pas obligé, tu sais. » Ça veut dire oui. Oui, évidemment, tout ce que tu veux. Il a pas envie de se rebeller, pas envie de lui dire qu’il a la trouille, pas envie de lui dire que s’approcher d’un commissariat lui tord l’estomac, que s’approcher de gens qui ont du pouvoir sur lui lui donne envie de mourir. Il veut pas lui expliquer tout ça parce que c’est pas juste, parce qu’Asher pousse déjà ses limites en le lui proposant. « Tu fais toujours de ton mieux. » Il explique, tout bas, le regard perdu au loin parce qu’il est embarrassé, un peu, parce qu’il a peur d’en dire trop, d’en dire pas assez. « T’es toujours à te mettre de côté et à penser aux autres et ça me tue parce que je veux pas te faire ça mais que c’est ce que je fais aussi, finalement, tu vois. Je sais que ça te rend malade de m’entendre parler de tout ça. » Il le voit, dans les lignes tirées de son visage et dans ses yeux et sur sa peau et ses mains serrées. Il le voit et il le sait, que son histoire est insoutenable et que ça lui retourne l’estomac, à Asher, qu’il en sait suffisamment mais qu’il peut pas tolérer plus, pas tolérer autant. C’est effrayant, quelque part, parce qu’il a peur que le regard d’Asher change, parce qu’il a peur de devenir un nom de plus sur la liste des victimes qui défilent au commissariat, une affaire et plus quelqu’un qu’il aime, un cas de plus à faire passer au tribunal, une horreur de plus dans les fichiers. C’est cruel, de danser comme ça sur la corde raide, cruel parce qu’il veut tout, la justice et l’affection et les yeux d’Asher sur lui, parce qu’il réclame tout et qu’il ne donne rien en retour, qu’il lui impose ses casseroles sans arrêt sans le laisser respirer. « Si tu as un collègue à qui tu fais confiance, je lui parlerais. T’es pas forcé de t’imposer ça, d’accord ? » Il déglutit, doucement, parce que c’est une main tendue, un sacrifice, parce qu’il fait un pas vers lui. « Je vais porter plainte. Je vais me ranger. Je vais recommencer à vivre pour de vrai. »

C’est une liste de résolutions en retard. Un Nouvel An dans une caisse en pleine journée à Jacksonville avec Asher comme personne à embrasser lorsque minuit viendra et il lui adresse son plus beau sourire, le sourire qui hurle j’essaye, le sourire qui hurle je te promets, le sourire qui hurle plus de conneries, celui qui hurle je t’aime aussi, tout bas, presque un murmure, un cri dans la nuit et personne pour l’écouter et ses yeux qui brillent un peu plutôt que de pleurer. Il a pas envie de rester, finalement, pas envie de rayer la caisse, pas envie de confronter. Il a pas envie de faire quelque chose qu’il va regretter et lorsqu’Asher s’engage à nouveau sur la route, il hurle « Ciao, losers » penché par la fenêtre et le vent dans les cheveux et quelque chose comme la paix dans le ventre. Ca va pas être facile, il sait, c’est jamais facile, il veut pas espérer parce qu’il a déjà trop donner, il peut pas espérer, mais il a envie de faire confiance, mais il a envie de se dire que le système c’est plus de gens comme Asher, que le système c’est moins de gens comme Peadar, que le système c’est pas que des types comme Frank. Il a envie de croire, même une minute, qu’on pourra faire quelque chose pour lui. Il a envie de croire, même une seconde, que tout finira bien.

« On va se promener ? » Il murmure, finalement. « T’as deux jours de repos, non ? On ira au poste à ce moment-là. C’est pas pressé. On a pas roulé jusque là pour pas profiter. »

Il espère, en tout cas, et il fredonne, doucement, les cheveux ébouriffés alors qu’il tend la main vers la radio pour la rallumer, se renfonce dans son siège, les yeux rivés sur Asher parce qu’il est la réponse à beaucoup trop de ses questions, parce que c’est devenu un réflexe, une habitude, parce qu’il lui a beaucoup trop manqué.

Parce qu’il aimerait lui dire de se garer sur le bas-côté et l’embrasser.

À la place, il se tait.
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Asher Bloomberg

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MessageSujet: Re: this house don't feel like home (merlasher)   this house don't feel like home (merlasher) EmptySam 3 Fév - 23:41

Ils sont stupides, les mots de Merle, ils percutent l’habitacle de tous les côtés, s’échouent dans les tympans d’Asher mais ne trouvent aucun sens entre temps, aucune portée, phrases perméables, pathogènes, ridicules, qui ressemblent un peu trop à une ode à sa gloire. Il n’est pas comme il le prétend et il le sait, c’est douloureux d’avoir l’impression qu’il devrait contrer le moindre de ses arguments, lui expliquer la raison pour laquelle il n’est pas aussi bien qu’il le prétend, aussi altruiste, aussi généreux, le cœur et les mains toujours ouverts pour ses amis. Ce n’est pas le cas et Merle ne voit pas ça, Merle ne voit que ce qu’il veut bien voir, le flic qui ne l’a jamais enfermé dans une cellule, l’homme qui l’abrite chez lui, l’ami qui lui a prêté une oreille attentive, l’amant qui l’a embrassé dans la tiédeur d’une nuit d’hiver, il ne voit pas tous les à côtés, tous les autres petits détails, les gens qu’il a délaissés faute de pouvoir se faire une place dans leurs vies, ceux qu’il a ruinés, le cœur passé à la moulinette, les autres qu’il a oubliés. Trop nombreux, ceux-là. Il ne voit pas tout ce qu’il fait de mal, de pourri, de gangréné, parce qu’il a été habitué à passer sa vie avec des salauds, à ne jamais espérer plus que ce qu’on voulait lui accorder, à ne jamais désirer davantage par peur de ne pas le mériter. Il aimerait lui hurler qu’il n’est pas si bon que ça, si bien que ça, qu’il est toujours ami avec Peadar alors qu’il lui a parlé de toutes les saletés qu’il lui avait faites, qu’il avait passé l’éponge parce que c’est son ami et parce que Merle n’était plus là donc à quoi bon, la volonté qui fout le camp c’est devenu une habitude, une mélodie familière, c’est devenu sa manière de gérer tout ce qui l’emmerde, et les soucis des Lost Boys en font malheureusement partie. La vérité, c’est que Peadar a été le seul à être vraiment présent quand il a passé une corde autour de son cou, et c’est égoïstement qu’il a occulté les saloperies dont il l’avait su coupable à une époque, y a trop longtemps. Pas si longtemps que ça, en réalité. Non, il n’est pas quelqu’un de bien, pas autant que ce que Merle prétend, il essaie tout juste et il le fait mal, de façon désordonnée, pas tout à fait réfléchie, les deux pieds devant sans se préoccuper des conséquences, il le fait maladroitement avec la manière de l’homme qui a trop perdu et qui lutte pour ne pas être dépossédé de plus de choses, qui sélectionne les vérités pour qu’elles ne le noient pas, ne fassent pas couler son corps. « On s’en fout que ça me rende malade », il souffle, c’est vrai qu’on s’en fout, ce qui compte c’est que les choses qu’a vécues Merle ne restent pas dans la pénombre, qu’elles soient révélées même si ça doit causer un séisme, même si ça doit briser des vies, celle d’un putain de tôlier violeur ne vaut pas grand-chose de toute façon. On s’en fout que ça le rende malade, y a mille choses plus importantes, la possibilité que ça sorte de sa poitrine, que ça ne s’enferme pas dans une petite case au creux de sa tête. Il a les deux mains agrippées au volant, les yeux figés sur la route ou pas vraiment, juste en apparences, ses idées vagabondent trop pour qu’il puisse se concentrer sur sa conduite.
Ça le débecte, les mots que continue de vomir Merle, la possibilité de laisser un autre que lui coucher l’impensable sur une feuille de papier. Y aurait que Sidney qui serait digne de confiance, éventuellement, mais il ne le connait pas assez pour en être sûr, pour coller la vie de Merle entre ses paumes et s’éloigner, y a trop d’inconnues, trop de probabilités qu’il soit lui aussi un pourri, un sale type. Il ne tentera pas le sort cette fois-là, n’essaiera pas de faire de nouveau confiance à une personne qui n’appartient pas à son cercle proche. Même celles-là, elles arrivent à le bousiller. « Y a personne, mes collègues sont des connards. C’est moi qui prendrai ta plainte. Sauf si » tu veux pas, t’as plus envie, t’as honte, sauf si t’as quelque chose à dire contre ça, si c’est un truc devant lequel t’as mis un veto sur ta to-do list. « C’est moi qui prendrai ta plainte », il rectifie définitivement, le pied qui se presse sur l’accélérateur et un feu grillé, c’est lui et personne d’autre, parce qu’il n’est peut-être pas quelqu’un de bien mais qu’il aime Merle et qu’il ne ferait jamais rien qui pourrait le blesser, particulièrement sur ce sujet.

Sourire, ça sonne faux, c’est difficile de le croire alors qu’il vient de revivre les pires moments de ces derniers mois rien qu’en regardant les barreaux lointains d’une prison pour femmes. Il arque un sourcil lorsque ses yeux se posent sur lui brièvement, une demie seconde, l’air de lui dire de ne pas se foutre de lui, il n’est pas dupe, ne l’a jamais été. Les dents en avant, c’est quand on n’a rien à regretter, quand on n’a pas fait des sillons dans la peau de ses poignets, quand on n’a pas passé une corde autour de son cou un soir de juin, c’est quand la vie a encore tout à promettre et pas assez à se faire pardonner, les mains jointes comme pour prier, c’est pour les optimistes et les joyeux, les gens qui portent le bonheur en étendard. Pas pour eux, bousillés, délaissés, bouts de tissus abandonnés sur le trottoir, pas pour eux qui ont déjà pensé à ne plus jamais respirer, à ne plus jamais rouvrir les yeux, pas pour eux dont les blessures sont encore trop fraîches, l’odeur de poudre encore trop respirable, la guerre trop douloureusement ancrée dans leurs mémoires. Ça semble sur-joué pour Asher, le ciao losers, la requête qui suit. Il aimerait lui répondre qu’il ferait tout ce qu’il veut, aller jusqu’au bout du monde, refiler tout ce qu’il a, oublier le reste de l’univers, absolument n’importe quoi et plus encore, mais ce serait mentir, ignorer le drôle de sentiment qui traverse son cœur, qui lui susurre que Merle ne va pas bien, pas vraiment. Et ça ne lui ressemblerait vraiment pas. « Je t’aime. » Les yeux rivés sur la route, confession qui n’en est pas vraiment une. Il sait qu’il l’aime, Merle, il n’a jamais eu besoin de le dire vraiment mais ça se comprend, ça se devine, dans ses actes et dans ses mots, ses promesses, ses toujours. Dans tout ce qu’il a pu lui offrir depuis qu’il a refait apparition dans sa vie. « J’ai envie que tu n’ailles plus jamais mal, que ton sourire ne te quitte plus, que tu gardes tes baskets au chaud chez moi et que t’en décolles pas. J’ai envie d’être là pour toi dans les bons comme les mauvais moments. Et c’est pas une putain de demande en mariage, c’est juste », les mots qui se coupent, il les cherchent, ça mouline un peu dans son cerveau pendant qu’il replace les phrases dans le bon ordre. Soupir. La voiture qui décélère, se range de nouveau sur le bas côté. « J’suis là dans les mauvais moments aussi. Et si t’as pas envie de t’amuser, si t’as envie de rentrer, ça me va aussi. Je m’en fous d’avoir roulé jusqu’ici pour y rester deux minutes. J’veux pas que tu te forces à faire semblant d’aller bien si ça va pas. » Il sait trop bien ce que ça fait.
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MessageSujet: Re: this house don't feel like home (merlasher)   this house don't feel like home (merlasher) EmptyDim 4 Fév - 15:39

Y a pas grand-chose qui prend Merle par surprise, en général. Y a le temps, parfois, la pluie qui lui tombe sur la gueule ou le ciel qui s’éclaircit, les arc-en-ciels qui dessinent des rêves entre les nuages ou la chaleur qui lui donne envie de crever. Y a les voitures, de temps en temps, quand il traverse les mains dans les poches et qu’il a oublié de regarder, la peur, de temps en temps, parce qu’il oublie qu’elle dort tapie à l’arrière de son cœur, parce qu’elle est invisible, comme la face cachée de la lune, parce qu’il s’en souvient que lorsqu’elle se manifeste, quand elle étend ses griffes, lorsqu’elle se transforme en autre chose qu’un frisson familier. Y a pas grand-chose qui surprend Merle, de façon générale. Parce qu’il est rôdé, un peu, parce qu’il s’attend au pire, souvent, parce qu’il se laisse pas prendre par surprise, aussi, parce qu’il est sur ses gardes et prêt à filer, parce qu’il a fait de la fuite sa Maîtresse et qu’il est toujours paré à décamper. Y a pas la place pour la surprise dans ce genre de configuration. Pas la place pour se laisser avoir, pas la place pour se laisser surprendre, parce que c’est un danger, un risque de se faire niquer, un risque de se faire chopper. Il s’était relâché, à une époque, et le prix a été trop élevé ; il refuse de laisser cela se reproduire. Merle refuse de se laisser surprendre par les gens et puis y a Asher qui le fout au pied du mur, Asher qui est là où il s’attend pas, Asher qui voit, Asher qui sent, Asher qui le prend au dépourvu et le sourire qui meurt sur les lèvres de Merle et quelque chose qui se tord, quelque chose qui se noue, quelque chose qui lui donne envie de pleurer, quelque chose qui l’étrangle. C’est pas la douleur, c’est pas la peur, pas la tristesse ou la solitude, pas cette fois, plus jamais, c’est quelque chose d’autre et il sait pas à qui se fier pour le lui expliquer. C’est quelque chose d’autre et c’est presque trop, brûlant et incandescent et impossible à regarder dans les yeux, absolu et terrible et définitif, pas une demande en mariage mais tout comme au bout du compte, parce que le coeur de Merle boit la tasse, parce que son front rencontre le tableau de bord, parce qu’il est incapable de contrôler le rougissement qui lui bouffe le visage et ses émotions qui tournent, virevoltent, changent trop vite pour qu’il s’y accroche, colère, tristesse, solitude, joie, rebelote, tout trop fort, tout exacerbé, et Asher qui chuchote des choses qui lui donnent envie de pleurer jusqu’à s’en crever les yeux parce qu’il aurait tué pour les entendre plus souvent, parce que ça sonne vrai, parce que ça sonne juste, parce qu’il a eu peur de lui faire confiance tellement longtemps mais qu’il n’a pas pu s’empêcher, parce que c’est la pente raide, parce qu’il lui a tout confié et qu’il peut faire ce qu’il veut, parce qu’il a l’infini certitude qu’Asher ne fera jamais rien d’autre que son mieux.

« Je t’aime aussi. Moi aussi je veux tout ça. » Il murmure, et peut-être que c’est un peu trop solennel, peut-être que c’est un peu trop tendu, peut-être que c’est stupide, parce qu’il a toujours le front contre le tableau de bord, parce qu’il est incapable de mettre de l’ordre dans ses pensées s’il doit le regarder. Il veut tout ça et plus encore et ça le tue de mettre des mots dessus, sur l’envie qui lui disloque le cœur et sur le besoin de l’avoir à ses côtés, sur tous les matins du monde qu’il veut passer avec lui et sur l’appartement qu’il appelle chez eux, quelque part dans un recoin de sa tête, qu’il appelle sa maison, son foyer. « J’ai peur que tu sois écœuré si t’entends tout. » Il se racle la gorge, se redresse, profite d’être à l’arrêt pour se détacher, s’asseoir de travers, pour mieux le regarder. « J’ai peur que t’aies plus envie de m-, de ça. » Et ça, c’est un peu tout, ça c’est lui, ça c’est tout ce que décrit Asher et qui le fait rougir, ça c’est une promesse, quelque part, la promesse de plus être seul, la promesse de pas le laisser, la promesse de tendre la main s’il a besoin de la saisir, d’avoir toujours une place, dans son lit ou sur son canapé, un bout du monde auquel il aura le droit de revenir. Il a peur de perdre Asher, avec sa confession sale, peur de le perdre, s’il entend tous les mots, ceux qu’il a dit et ceux qu’il n’a pas prononcé, s’il sait qu’il a dit non, au début, et qu’il n’a plus eu la force après, qu’il a craqué, cédé, qu’il est fêlé, pété, même pas capable d’être stable maintenant qu’il s’est enfui, l’humeur pleine de fantômes, la tête pleine de spectre. « J’ai pas été là pour toi et je reviens et je suis toujours pas capable d’être un bon ami. » Il a la joue appuyée contre le siège, les yeux rivés sur sa bouche, parce qu’il se demande si ce ne serait pas mieux de se pencher et de l’embrasser plutôt que de parler, parce qu’il a l’impression que chaque mot signe son arrêt de mot, que chaque mot finira par l’éloigner, que chaque mot finira par l’écarter. « Je te mérite pas. Tu mérites mieux que ça. » Ça, encore une fois. Ça, lui, ça, son amitié, ça, son amour, ça, ça, ça, parce qu’il a foutu le camp quand c’était important, parce qu’Asher méritait mieux que ça, mieux qu’un type qui vient et qui repart, qui l’abandonne quand il a une marque rouge autour du cou et qui revient avec des plaies ouvertes sur les poignets et les intérieurs ravagés, mieux que lui. Il se passe une main sur le visage, les doigts tremblants, le regard fatigué. « Est-ce que tu m’en veux ? »

Il veut la vérité toute nue, la vérité sans la pitié, sans ce qu’il a vécu. Est-ce que tu m’en veux, il demande, et il se doute que oui. Est-ce que tu m’en veux, et ça le brûle, et ça le crame, est-ce que tu m’en veux et il a besoin qu’il crache, qu’il admette, qu’il lui balance ses fautes à la gueule pour pouvoir les rattraper, pour pouvoir panser les plaies, recoudre le temps passé. Il peut pas effacer, il veut pas effacer, parce que ce serait pas juste de gommer, de faire comme si la peine cessait d’exister, pas juste de lui imposer ça, pas juste de lui coller ça sur le dos. Est-ce que tu m’en veux et c’est pas une accusation, pas l’espoir qu’on lui dise non, c’est l’occasion de tout foutre à plat, l’occasion de s’excuser parce qu’il l’a jamais fait, parce qu’il lui a jamais dit à quel point il s’en voulait, parce qu’il lui a jamais dit à quel point il avait honte, à quel point il s’en voulait, combien il aurait donné pour n’avoir jamais mis les pieds dans cette caisse, combien il voudrait pouvoir rembobiner, remonter le temps, tout changer, se cramponner un peu plus fort à sa main et plus jamais la lâcher. Il lui a jamais dit parce que ça a jamais été le moment, il lui a jamais dit parce qu’il a jamais eu le courage. C’est pas le moment, ce jour-là, dans cette caisse, sur le bas-côté, pas plus qu’avant, pas plus qu’à un autre moment. C’est pas le moment mais ça n’a plus d’importance et si la trouille lui bouffe le ventre alors il a besoin d’avancer et c’est peut-être pour ça qu’il a quitté sa bouche des yeux, qu’il a ancré ses yeux dans les siens, qu’il le lâche plus du regard, peut-être pour ça qu’il attend, patiemment, les phalanges un peu blanchies à force d’agripper un peu trop fort le siège pour se retenir d’avancer vers lui.

Il peut pas. Pas comme ça. Pas tout de suite.
Après, peut-être. Après, s’il peut. Après, s’il a la permission.
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MessageSujet: Re: this house don't feel like home (merlasher)   this house don't feel like home (merlasher) EmptyDim 4 Fév - 19:28

C’est bizarre, la façon qu’a Merle de lui répondre, bizarre parce qu’ils ne sont presque rien, pas des amis, pas un couple, bizarre parce qu’on dirait pourtant que c’est ce qu’ils sont, à se balancer des mots d’amour et à se regarder trop longtemps les lèvres, bizarre parce que ça ne l’est pas tant que ça, pas autant que ça devrait l’être. Il a le sentiment qu’il devrait clarifier les choses, Asher, désembuer l’atmosphère tant qu’il est encore temps, lui redire à quel point certaines parties de lui bataillent pour lui faire comprendre que Merle est davantage qu’un ami et comment d’autres, plus ténues mais tout aussi vigoureuses, s’escriment à lui faire comprendre qu’y a juste à ravaler les sentiments, les refouler au plus profond de son cœur pour ne blesser personne. Il y a assez de choses. Assez de choses dans sa vie, assez de perturbations dans son système. Y a Toad et y a aussi Caïn, y a des émotions qui se pressent trop souvent contre son cœur et contre lesquelles Merle ne peut pas lutter, pas combattre, ce serait du suicide parce qu’il perdrait au final, neuf chances sur dix, il perdrait et ça fait chier, vraiment chier, mais c’est la vérité brute et crue qu’il devrait lui livrer s’il était suffisamment honnête et s’il n’avait pas autant peur de lui faire mal. Parce qu’il le dit, parce qu’il le répète, parce que les mots s’inscrivent au burin dans un coin de sa tête, il a déjà mal, mal à en crever, y a qu’à voir ses joues qui rougissent brutalement, ses yeux qui se paument partout autour d’eux, échouent sur sa bouche, y a qu’à remarquer la façon qu’il a de masser ses poignets lacérés de sillons roses, ses doigts qui se tordent dans tous les sens pour bloquer les mots qui frottent contre sa gorge. Il a déjà mal, beaucoup trop, parce que ces choses écoeurantes dont il parlent lui sont vraiment arrivées, parce qu’il culpabilise, se croit responsable, parce qu’il a ce truc qu’ont tous les survivants de penser qu’ils auraient pu faire davantage pour stopper l’hémorragie, pour arrêter le massacre, appuyer sur le frein tant que le train n’avait pas quitté les rails pour s’écraser au pied de la falaise. Il n’y a rien qu’il pourrait dire pour arranger les choses, rien qu’il pourrait promettre, ce serait trop hasardeux, trop imprécis, ce serait dessiner des choses pour un futur hypothétique, pour un avenir incertain, envoyer des baisers à des étoiles lointaines, ce serait gommer un peu la souffrance comme s’il passait de la pommade sur une brûlure, ç’aurait un effet temporaire mais certainement pas définitif. Pansement sur une jambe de bois. Si on reprend du début, la seule conclusion est qu’il faut se taire, définitivement, ne plus rien dire et repartir, reprendre la route vers Savannah, pousser la porte du commissariat et taper le récit des mois d’horreurs qu’il a vécus en fermant la petite écoutille de l’empathie. Juste le temps de quelques phrases cognées sur un clavier, de mots étalés sur un écran trop brillant.
C’est pas comme ça que ça marche, malheureusement.

Est-ce que tu m’en veux ?

Il y aurait beaucoup d’aveux à faire et pas suffisamment de temps, pas assez pour admettre, pour avouer, pour digérer. Pour parler de Caïn, de Lenny, de Minnie, de l’avant, de l’après, plus aucun après, de l’absence de tous, la présence de personne, presque personne, des nuits à se demander s’il n’aurait pas mieux fait de réussir, de suffoquer, ne plus jamais revenir à la surface, s’inscrire définitivement aux abonnés absents. Le douloureux sentiment de tu feras mieux la prochaine fois, l’indifférence générale, les 10 000 dollars balancés régulièrement sur son compte en banque, à croire que l’argent récupère tout, lave même les pêchés les plus dégueulasses, pardonne les actes les plus froids, dénués de la moindre humanité, le gosse qu’on fout à la porte juste parce qu’il a déconné, qu’on prive du boulot qu’il aime, du mec qu’il aime, de la ville qu’il aime. Sans se demander si c’est pas à cause de ça qu’il a tendu le nœud coulant. « Je t’en ai voulu. » Les yeux qui se posent sur Merle, ce serait injuste de lui mentir, injuste de lui faire croire que son absence a glissé sur sa vie comme un patin sur la glace, sans qu’il ne ressente un seul instant le sentiment de manque. D’abandon. « Tu dis que tu ne me mérites pas, mais j’ai eu le même sentiment pendant des mois. A propos de tout le monde. » Il l’a toujours, ça flambe quelque part sous l’épiderme, ça stagne, ça pique, ça menace de le faire cramer complètement, combustion nette sans cadavre ni squelette. Juste un sale flic rongé par l’impression de n’être rien. Par la certitude que c’est effectivement le cas. « Y a eu personne quand j’ai vraiment émergé. Juste mon chien. Personne d’autre. » Alors oui, il lui en a voulu. Des jours, des nuits, des semaines et des mois, il lui en a voulu comme il en a rarement voulu à quiconque, comme il n’a jamais vraiment osé se l’avouer, même à voix basse, même en secret. Faut qu’il se trouve dans une bagnole au beau milieu de la Floride pour qu’il parvienne à verbaliser les mots, les prononcer. Les entendre. « Presque personne. » Le nœud dans le fond de la gorge et le prénom qui ne sort pas, il n’a pas envie de réveiller de vieilles plaies chez Merle, ça sert à rien. Il apprendra bien assez tôt qu’il sait pour Peadar, qu’il lui a même pardonné, qu’il ne l’échangerait pas pour tout l’or du monde même si ça déchire, même si ça déroute, même s’il devrait normalement confronter les versions, redemander à Merle de lui raconter à quel point Peter était une ordure et faire les comptes avec l’Irlandais. Ça ne servirait à rien maintenant, comme ça, à part raviver une vieille flamme jusque là éteinte. « J’t’en ai voulu et j’aurais pas dû. J’aurais dû savoir qu’il y avait sûrement une bonne raison pour que tu disparaisses du jour au lendemain. Et j’aurais dû chercher. » Faire davantage, ne pas rester toute la journée à l’appartement à pianoter du Chopin et à écouter des vinyles. Être un véritable ami, en somme. « Donc t’as autant de raisons de m’en vouloir, au final. » Et il se tort pour attraper un paquet de clopes posé sur la banquette arrière, en plaque une entre ses lèvres avant de jeter le paquet qui atterrit mollement sur les genoux de son ami. Il presse l’allume-cigare – dieu qu’il avait eu raison de garder cette bagnole de collection -, attend un instant avant de coller la cigarette contre le métal incandescent. « Et arrête ce truc du je te mérite pas. On n’est pas ensemble. » C’est soufflé derrière une volute de fumée, avec un petit sourire, comme s’il était possible de relativiser sur un sujet aussi délicat que celui-là, surtout dernièrement. Surtout après la fameuse nuit. Et ses mains viennent plaquer ses cheveux en arrière avant de le laisser échouer son crâne contre l’appui-tête, les yeux fermés et la cigarette pendant négligemment au coin de ses lèvres, œuvre d’art moderne dans toute sa splendeur.
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MessageSujet: Re: this house don't feel like home (merlasher)   this house don't feel like home (merlasher) EmptyDim 4 Fév - 20:14

Arrête, dit Asher, et quelque chose se vide dans le coeur de Merle. Arrête, répète Asher et il sait qu’il aurait dû sentir le truc venir, sentir la connerie arriver, savoir que ça pouvait pas durer. Arrête et ça tourne et ça tourne et ça tourne, arrête t’en fais trop, arrête, ça sert à rien, arrête, arrête, arrête, parce que ça sert à rien, parce que ça mène à rien, parce que y a trop de trucs planqués derrière ce arrête mais que Merle est pas capable de tout voir, pas capable de tout deviner, qu’il entend juste les mots pour ce qu’ils sont : un avertissement. Arrête, dit Asher et ça aurait pu s’arrêter là. Peut-être que ça lui aurait brisé le cœur quand même, peut-être que ça l’aurait fissuré un peu plus, peut-être qu’il aurait eu envie d’hurler quand même. Et arrête ce truc du je te mérite pas, et il aurait pu stopper là, point final, basta, plus rien, lâcher de rideau. Mais il en fait toujours trop Asher, il essaye très fort et puis il fait le pas de trop, dépasse la ligne, fait le pas de trop, écrase entre ses doigts le cœur en cendre de Merle pour regarder les lambeaux s’envoler. Oh, c’est pas volontaire. Pas fait exprès. Sans doute pas. Évidemment pas. Ça fait mal quand même. Ça fait mal tout seul mais ça fait encore plus mal quand les mots claquent dans l’habitacle. On n'est pas ensemble, il lui balance, comme si Merle savait pas, comme si Merle avait pas compris, comme si Merle avait pas deviné qu’il était même pas sur la très grande liste des choix romantiques pourris d’Asher, qu’il faisait pas parti du très long défilés de ces gens sans visage qu’il a deviné mais qu’on lui a pas raconté, qu’il était pas dans sa ligne de mire, qu’il rentrait pas dans les comptes, comme si Merle se doutait pas déjà qu’il l’aimait mais, comme si ça lui avait jamais traversé l’esprit malgré les jolis mensonges qu’il s’est raconté, malgré tout ce qui tintait, malgré l’envie et l’amour et l’affection, malgré tout ce qu’il a toujours bien voulu se raconter. Il m’aime, il m’aime pas, il effeuille une marguerite quelque part dans sa tête. Il m’aime, il m’aime pas, il m’aime mais. Il est pas un de tout ceux qui l’ont déjà bousillé, il fait parti de la liste des gens qu’il regarde du coin de l’œil, des cassés, des sales, des pas assez bien, de ceux qu’on peut balader, de ceux à qui ont peut faire des promesses pour ensuite leur balancer ça, de ceux qui valent pas mieux que ça. Enfin il suppose. Dans le fond, il sait pas. Ce qu’il sait, en revanche, c’est que lui aussi a besoin d’une cigarette et il en extirpe une de la poche de son jean, plus blanchâtre que rouge à présent, fait rouler la molette du briquet qu’il fait apparaître presque magiquement, ouvre sa fenêtre pour pas coller de cendres l’intérieur. Il reste silencieux. Il a rien à dire, après tout, et y a les clopes qui se consument et la fumée contre le toit et le bruit des bagnoles. Il a rien à dire parce qu’il est pas sûr d’avoir envie de donner de la dignité à ça, rien à dire parce qu’il est furieux, rien à dire parce que c’est pas juste, rien à dire parce qu’Asher donne, reprend, tient pas en place et qu’il sait plus à quel distance il doit se tenir de lui, parce qu’il suffit de trois mots pour tout bousiller, de pas grand-chose pour tout foutre en l’air, d’un bout de phrase pour que le peu de confiance qu’il a se retrouve par terre. Y a la cendre qui s’échoue dans l’herbe et il se racle la gorge.

« Tu sais quoi, Bloomberg ? » Il est calme, trop calme, calme comme avant un orage, calme comme avant d’exploser et ses yeux cherchent à nouveau ceux d’Asher parce qu’il est curieux, parce qu’il se demande si c’est une vengeance, s’il l’apaise pour mieux l’écraser, s’il se transforme subitement en tout ce qu’il a toujours craint qu’il soit, comme une malédiction, un nouveau crève-cœur à ajouter à sa collection. « T’as le droit de m’en vouloir mais t’as pas le droit de jouer avec moi. »

Parce que c’est ça, non ? Un jeu. C’est Asher qui dit un truc puis son contraire, qui le fout en vrac, qui le mène en bateau et il se tourne, s’enfonce dans son siège, serre la mâchoire parce que c’est pas juste, parce que ça fait mal, parce qu’il a envie de pleurer comme un gosse mais qu’il peut pas se le permettre, pas maintenant, pas tout de suite, parce qu’il a suffisamment pleuré devant Asher pour toute une vie, parce que c’est une maladresse, peut-être, une erreur de formulation, sans doute, parce que c’était pas censé être cruel, il espère, mais que ça blesse quand même, que ça s’enfonce et que ça tord, que ça lui donne envie de gerber.

« J’ai besoin de pisser. » Il lui balance, à lui, ou à l’air, il sait pas, il le regarde même pas. « Je t’aurais bien proposé de prendre le bus pour rentrer chez toi mais j’ai pas un rond, je veux bien que tu m’attendes. » Il a la main sur la clenche de la porte qu’il ouvre et, un bras appuyé sur le toit de la voiture et penché vers l’intérieur, il déglutit : « Qu’on soit bien d’accord, je suis pas en colère parce que t’étais furieux après moi. T’avais raison de l’être. J’aurais jamais dû partir. T’avais pas de raisons de me chercher même si j’ai cru que si. C’était pas ton rôle parce que, t’as raison, on n'est pas ensemble. C’est pas à toi de faire tout ça. C’est à personne. » C’est même pas à Jael parce que Jael aussi l’aimait mais. « Je suis furieux parce que t’es pas clair et que ça me fait chier. » Et il s’écarte, claque la porte de la voiture un peu trop fort, dévale le bas-côté et l’herbe en friche, pour s’éloigner suffisamment de la route. Il a même pas envie de pisser, putain, il a juste pas envie de lui hurler dessus, pas envie de lui montrer à quel point il est déstabilisé, pas envie de lui montrer à quel point il a de l’emprise sur ses émotions, comment il arrive à tout faire accélérer, à tout faire bouger, comment il arrive à le coller en petits morceaux sans même essayer.

Les poings serrés, il shoote dans un caillou, finit par se laisser tomber assis en tailleurs sur le sol.
Peut-être que c’est ça, sa place, par terre. Il sait pas. Il veut pas savoir.

Dans le ciel, la fumée de sa clope dessine des signes qu’il pige pas.
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Asher Bloomberg

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MessageSujet: Re: this house don't feel like home (merlasher)   this house don't feel like home (merlasher) EmptyDim 4 Fév - 21:24

Le voilà, le raz-de-marée, le séisme, la revoilà la boule au ventre trop familière et les secondes qu’il compte en espérant disparaître derrière la fumée de sa cigarette. Comme à chaque fois il y a la petite voix qui revient, le nargue, pourquoi t’as pas fermé ta grande gueule, pourquoi t’as laissé les mots dépasser ta pensée, pourquoi tu pouvais pas tourner sept fois ta langue dans ta bouche avant de parler. Parce qu’il est bête, peut-être, parce que c’était plus facile de faire comme s’il n’avait pas vu, pas compris, comme si les yeux de Merle soufflaient des mélodies moins sirupeuses et comme si rien de tout cela n’était réciproque. Il y a quelque chose de plus simple dans le fait de s’accrocher à un fantôme, à un autre inaccessible, à Elena ou Caïn ou Toad, à des restes de sentiments disséminés aux quatre vents, à des souvenirs d’un cœur qui bat trop fort, trop vite, à un regard imprimé dans sa rétine et une peau trop marquée sous ses doigts. C’est plus simple parce que ça ne laisse pas de place à un futur dont il ne veut pas, dont il a peur, qu’il a connu et qu’il a déçu, le futur, la mariée. Peur. Peur panique, tétanie lorsque Merle l’appelle par son nom de famille, lorsqu’il sort de la voiture pour aller pisser, des conneries, un ramassis de conneries et Asher enfoncé dans son siège, les yeux qui ont quitté son ami pour se poser n’importe où sauf sur lui, la honte qui lui glace le sang, lui donne envie de redémarrer à l’instant où la portière claque derrière la silhouette de Merle. Ça serait plus simple, l’abandonner là, faire ce que plein d’autres salauds ont fait avant lui, laisser l’opportunité à Merle de l’ajouter sur cette fameuse liste qu’il semble tenir avec l’assiduité d’un bon écolier, et soudain la cigarette lui brûle la gorge, lui pique les yeux, se confond avec la colère et la tristesse qui lui enserrent le cou, pires qu’une corde, pire qu’un échafaud. Ils avaient tous les deux promis de ne pas se bousiller mutuellement, de ne pas se faire ce que d’autres leur avaient fait avant. Et ils se plantent royalement, ils se plantent, les dents dans le gravier, le menton râpé, ils se plantent comme des couteaux dans de la chair tuméfiée, se plantent et remuent, tournent, triturent.
« Putain », murmure qui résonne dans l’habitacle atrocement vide, cette fois il sait qu’il a déconné même s’il ignore à quel moment, l’autre nuit ou maintenant, les deux peut-être, les deux sans doute, il n’a jamais rien su faire correctement et surtout quand ça porte sur ce qui palpite dans sa cage thoracique. Il écrase sa cigarette dans le cendrier du tableau de bord, ouvre la portière à la volée, manque de percuter une voiture qui passe. Putain de cerveau qui ne cogite plus correctement, putain de jambes qui l’amènent au bas de la petite pente, le cul bientôt posé à côté de Merle, à un petit mètre à peine. La peur qui ressurgit, lui tord les boyaux, l’empêche de formuler la moindre pensée cohérente quand tout ce qui l’agite, c’est Merle, Merle qui se sent mal à cause de lui, Merle qui pense qu’il n’est que le pion central d’un jeu cruel. Pic dans le cœur. Merle qui pense qu’il se fout de lui. Cœur baudruche crevé, en morceaux, bon à jeter. Y avait une personne à ne pas bousiller, à ne pas flinguer, et y a fallu que la roue s’arrête sur son nom et les oblige à se foutre en l’air, à se donner des coups dans l’abdomen jusqu’à ce qu’ils aient le souffle coupé et plus suffisamment de forces pour se redresser. « On n’a pas reparlé de l’autre nuit. » Comme s’ils avaient délibérément occulté l’évènement, l’avaient glissé sous une énorme couverture à l’abri des regards, les baisers, la promiscuité et les mots doux murmurés dans le noir. Ils dorment toujours dans le même lit mais c’est plus pareil, ça fait des jours qu’ils ne se sont pas vraiment touchés, pas du tout embrassés, gestes trop lointains et yeux trop fuyants, les sourires et les blagues qui fusent pour éviter le sujet, le contourner avec habileté. « J’regrette pas, Merle. J’regrettais pas, en fait, parce que c’était bon et c’était simple, y a même eu un moment où je me suis dit que pour une fois, ça se passerait bien. Et j’t’ai… putain, je t’ai expliqué, pourtant. Je t’ai expliqué. » Regrettais, ça donne un sens douloureux à sa phrase, à ce qu’il veut lui faire dire en sous-texte, derrière les syllabes alignées en rang d’oignon, maintenant il regrette et c’est la pire chose qui soit, la pire chose qui aurait pu arriver. Comme à chaque fois, ça a merdé, comme avec Sam, Elena, Caïn, Toad, comme ça merdera avec Niamh, mauvais alignement des planètes ou coup du sort, y a trop de théories qui se succèdent, s’enchevêtrent, trop de miroirs possibles mais une seule terrible réalité qui le laisse sur le carreau quoiqu’il arrive. « T’es injuste. » Ça fend l’air brutalement, avec la rapidité d’un sifflement, la balle qui perfore l’atmosphère et vient se loger dans le cœur de son ami. La colère lui brûle les veines, s’insinue comme une maîtresse jalouse, absente depuis trop longtemps. Fallait que ça tombe sur Merle, aujourd’hui, entre toutes les personnes qui l’ont déçu depuis des mois. Fallait que ça tombe sur la seule qui ne lui fait pas défaut, quasi jamais, la seule qui se foutrait sûrement devant un train pour lui sauver la vie, qui lâcherait tout pour sauter dans le même wagon que lui. « J’suis pas prêt. J’continue de ramener des plans culs à la maison quand t’es pas là, je saute la sœur de Peadar, j’regarde désespérément mon téléphone toutes les cinq minutes en espérant un message de Caïn, et j'attends comme un pauvre connard que mon ex largue son mari et revienne vers moi, tu veux franchement te mettre en plein milieu de tout ça ? Tu veux devenir un fusible dans ce grand festival de merde absolue qu’est ma vie sentimentale ? » La voix tremblante, son regard s’est désormais planté férocement dans ses iris pâles, il n’a rien compris, Merle, rien compris du tout, il n’a pas vu à quel point y a plus grand-chose pour le tirer vers le haut, à quel point il recherche moins l’amour que les sensations, le grand-huit vertigineux qui le fait descendre vers les enfers. Ses doigts arrachent des bouts d’herbe, grattent nerveusement le sol, et il ramène ses genoux contre son buste, les yeux désormais fixés en direction du ciel. « J’suis désolé si t’es pas foutu de comprendre que j’veux pas être avec quelqu’un en ce moment, que j’en ai pas envie, que j’suis comme un putain d’animal en cage qui attrape la viande et recrache les os, que j’veux pas que ça t’arrive. J’pensais que c’était suffisamment clair de te dire que je t’aime et que j’veux ton bonheur, mais si tu veux tellement qu’on s’embrasse et qu’on baise et qu’on s’foute en l’air alors ainsi soit-il, fais-toi plaisir, j’t’en empêcherai même pas. » Il ne peut pas savoir, Merle, pas savoir comme il lutte, comme y a tout son corps qui réclame la présence de quelqu’un, sa présence, la moiteur du lit et leurs baisers, la sensation de son corps sous ses doigts et le son de sa voix à son oreille. Il ne peut pas savoir et Asher en crève alors qu’il se relève et qu’il remonte la côte, les joues trop rouges, le souffle trop court, alors qu’il rouvre la portière pour s’écraser de nouveau sur le siège, remettre le contact. Et ne surtout plus bouger, pas d’un cil, pas d’un muscle.
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MessageSujet: Re: this house don't feel like home (merlasher)   this house don't feel like home (merlasher) EmptyLun 5 Fév - 2:34

C’est ridicule. C’est ridicule, c’est le premier truc qui lui vient à l’esprit, ridicule, ridicule, ridicule. Il est ridicule parce qu’il prend à coeur des trucs qu’il devrait pas prendre à coeur, Asher est ridicule parce qu’il est pas clair, ils sont ridicules, tous les deux, parce qu’ils savent pas comment se comporter, parce que lui a besoin qu’on lui explique quand Asher préfèrerait tout planquer. C’est débile, absurde, complètement grotesque, mais y a quelque chose de bêtement soulagé qui éclot dans son bide lorsqu’Asher se laisse tomber à ses côtés. Il a pas besoin de le connaître pour voir qu’il est en colère, pas besoin d’être devin pour savoir pourquoi, il garde les mains contre ses cuisses, se demande, une seconde, s’ils vont se battre, mais le coup vient pas, bien sûr, évidemment, le coup vient jamais, parce que ce mec est pas comme ça, parce que c’est pour ça que Merle l’aime, parce que c’est pour ça qu’il lui fait confiance même quand c’est compliqué, même maintenant. Le coup vient pas mais les mots pleuvent, par contre, et il encaisse sans sourciller, parce qu’Asher a fait la même chose, avant, parce qu’il l’a laissé appuyé où ça faisait mal et presser ses doigts sur les boutons qui risquait de le faire enrager, parce qu’il l’a laissé faire sans moufter, sans hurler et que même maintenant qu’il parle, qu’il parle, qu’il parle, il hurle pas. C’est peut-être pire, en fait, parce que Merle est cloué au sol, parce qu’il est désolé, parce qu’il sait qu’il a merdé, qu’il pèse pas ses mots, parce que c’est pas son truc de toute façon, les mots, c’est trop chiant et trop compliqué et trop difficile à manier et il aimerait être plus fort avec ce truc pour pouvoir lui dire qu’il a la trouille, que c’était la phrase de trop, celle qui met le feu au poudre, celle qui lui dit qu’il est pas aimable de toute façon, qu’il est sali, définitivement difforme, parfaitement informe, qu’il est paumé, de toute façon, parce qu’il a pas compris, lui, ce qu’Asher pensait apparemment clair, qu’il a pas pigé, lui, que c’était pas possible, de toute façon, que c’était pas un mais, que c’était un non, que c’était pas un jeu, qu’Asher jouait juste sur un autre plan. Il a pas compris et il se prend tout ça dans les dents, tactactactactac, la mitraillette entre ses lèvres et la cible contre son torse. Il a pas compris et il bouge pas, tétanisé, avec sa clope qui se consume entre ses doigts et l’envie de hurler parce que le nom de Peadar germe dans la conversation, parce que la soeur de Peadar apparaît dans la conversation et qu’il comprend pas ce qu’elle fout là, et qu’il comprend pas ce qu’Asher fout avec, qu’il pige pas pourquoi. Il a pas le droit de demander. Pas maintenant. Pas comme ça. Jamais, sans doute. Y a un trait qu’il faut qu’il tire, pas un truc définitif, mais de quoi se protéger, non, c’est non, c’est tout, c’est comme ça, il veut pas être un nom en plus, il veut pas se retrouver dans cette situation-là, c’est pas ça qu’il veut, et il le savait déjà, tout ça, mais il avait pas réalisé que c’était définitif, pas réalisé que y avait pas d’ambiguïté, pas réalisé que tous ses capteurs avaient été faussés. Il avait pas compris.

Maintenant, il contemple les pots cassés.

Enfin, non, il observe la voiture dans laquelle s’est reglissé Asher, écoute le ronronnement du moteur, attend une seconde, deux, avant de se lever et de courir vers la voiture de se glisser sur son siège, soudainement effrayé qu’il parte sans lui. Il est plus en colère, il est fatigué et puis il se sent coupable, parce que dans le fond, c’est de sa faute, il avait juste à fermer sa gueule, juste à serrer les dents pour éviter l’incident. Il l’a pas fait, bien sûr, évidemment. Il a jamais été fort pour ça, Merle, serrer les dents. Ca lui a toujours attiré des ennuis et il a jamais appris parce que c’est une tête de nœud et qu’il retient jamais rien, parce qu’il serait temps qu’il comprenne, pourtant, avant de créer des blessures chez les gens qu’il aime qui se refermeront pas, avant d’esquinter Asher alors qu’il s’est promis de jamais le faire. Lentement, il attache sa ceinture, pianote sur bout des doigts sur ses genoux, cherche par quel bout reprendre la conversation, par quel bout l’attraper, par quel angle y répondre. Il attaque pas. Il peut plus, pas, il est vidé, de toute façon, parce qu’il a poussé Asher au-delà de ses limites et que c’est pas beau à voir, parce qu’il a dépassé les bornes et qu’il avait jamais pensé y arriver.

« Je suis désolé. » Il lance, piteux. Il s’excuse beaucoup. Faut croire qu’il est souvent pas juste. « Si t’es trop subtil je pige pas, tu vois. C’est pas un reproche. » Peut-être un peu, en fait, il sait pas, il avait plein d’espoir, cette nuit-là, qui sont niqués aujourd’hui, il veut pas y penser, il suffit de rayer un trait, de barrer proprement. Il sait faire ça avant de s’y briser le cœur. « J’ai compris, d’accord ? Je te demande rien. Promis. Juste ce qu’on a, là. Ni plus, ni moins. » Il est nerveux, y a ses doigts qui jouent avec son poignet et ses yeux rivés quelque part au lointain et il essaye très fort de se contrôler, très fort de se raisonner. « Je suis désolé que tu traverses tout ça. On boira un verre en rentrant si tu veux. Ou ce que tu veux. Peu importe. » Il a la sensation d’être minuscule, subitement, d’attendre le verdict, d’attendre qu’il lui demande de sortir de la voiture, d’attendre qu’il lui dise qu’il regrette de l’avoir laissé rentrer dans sa vie. Ça vient pas, évidemment, parce c’est Asher, ça vient pas et Merle le sait mais il peut pas s’empêcher de patienter, parce qu’il a parlé de Peadar et que ça lui donne envie de hurler.

« On peut rentrer chez toi, si tu veux. »

Il est plus très sûr que ce soit chez lui aussi, à ce moment-là. C’est irrationnel et c’est pas qu’il lui fait pas confiance parce que c’est pas le cas, parce que ça a jamais été le cas, mais ça lui grignote le ventre de l’intérieur et il frotte ses mains, se replie sur son siège, essaye de se faire plus petit encore alors que c’est pas possible, pas vraiment, parce que le siège peut pas l’engloutir, parce qu’il peut pas disparaître complètement. Il aimerait, pourtant.

« Si ça peut te rassurer, j’ai revu Jael. » Il fait cliqueter ses ongles sur la vitre côté passager, essaye de se détacher de tout ça, d’arracher son esprit de son corps, pour arrêter d’avoir mal, d’avoir une plaie béante à la place du cœur. « Elle me déteste, maintenant. »

C’est plat, presque tranquille, et il a le visage vide de toute façon. Il est faitguéfatiguéfatigué, apathique, subitement, parce que tout a tourné trop vite et qu’il sait plus comment se protéger, parce que y a que ça qui marche quelque part, parce qu’il peut pas pleurer, pas maintenant, pas tout de suite. Il sait même pas pourquoi il lui raconte ça, si c’est parce qu’il pense qu’Asher finira par le détester lui aussi ou si c’est pour illustrer à quel point il flingue les gens qu’il aime, si c’est juste parce qu’ils sont dans le même club des coeurs flingués anonymes. Il sait pas. Il arrête de parler de toute façon, se penche pour extirper une bouteille d’eau de son sac à dos, avale une gorgée un peu trop grosse pour noyer les larmes, donner une raison d’exister au nœud qu’il a dans la gorge.

« Merci de m’avoir expliqué clairement. » Il finit par ajouter, tout doucement, et il le regarde, pour la première fois. « Je sais que je suis stupide. »

Je sais que je suis plus comme avant.
Je sais que je suis fissuré.
Cassé.
Ébréché.

Pourri.
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Asher Bloomberg

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MessageSujet: Re: this house don't feel like home (merlasher)   this house don't feel like home (merlasher) EmptyLun 5 Fév - 19:09

Champ de ruines.

Les grosses bottes qui éclaboussent le cadavre de leur jolie amitié, de la belle illusion, les infirmières qui récupèrent les blessés et les amènent derrière, loin des lignes ennemies, les parfums de poudre et de sang qui se mêlent pour ne laisser d’une fumée putride derrière eux. Deux abrutis dans une voiture, sur le bord d’une route de Floride. Plus de musique, plus que les mots, les phrases débitées par Merle avec la trouille d’un gamin qui aurait été pris en train de faire une bêtise, le nez dans le pot de confiture, les yeux d’Asher rivés sur le tableau de bord, ne pas parler, ne rien dire, ne surtout pas rajouter quelque chose, une autre couche d’horreur trop âpre, quelque chose qui décaperait davantage ce qu’il reste d’eux. Il s’en veut, beaucoup trop, il s’en veut quand il entend Merle et quand il réalise qu’il n’a encore une fois pas tout compris, qu’il n’a pas saisi la difficulté de la situation dans laquelle il se trouve, le cul entre deux chaises, à se demander s’il ne ferait pas mieux de reprendre le premier avion pour New-York. Peut-être qu’il devrait faire ça, ouais, c’est à envisager, si rien n’arrive plus à tourner correctement, si tout ce qu’il entreprend doit irrémédiablement se solder par un échec. Il arrivait très bien à se planter quand il était là-bas, le faisait parfaitement, mais y avait moins de monde pour contempler le désastre, moins de gens pour se délecter, moins d’acteurs pour prendre part à la pièce. New-York n’était pas Savannah, moins grouillante, moins secrète, moins inexorablement pleine mais toujours suffisamment grande pour que l’on arrive à s’y perdre. Il pouvait être transparent, là-bas, ne pas exister lorsqu’il le souhaitait même si c’était trop rare, même s’il était souvent le centre d’attraction et qu’il appréciait ça, a priori, les regards sur lui, les compliments et les courbettes, l’hypocrisie sous-jacente à ce genre de démonstration sociale. Il aimait ça, la foule, le bruit, l’impression grisante d’être important, il adorait ça, sous ses airs de loup solitaire, d’étrange animal nocturne. Il n’a plus ça, la possibilité de profiter du monde pour disparaître, pour devenir spectateur, pour écouter, pour observer plus que pour toucher. Savannah est trop petite et lui trop amoureux. Les deux ne font jamais très bon ménage.
On dirait que Merle profite d’un temps de parole qui lui est accordé, comme s’il y avait une échéance, comme si Asher pouvait le dégager de sa vie comme on vire une poussière sur un meuble, comme s’il en avait l’envie ou le courage. Il n’a jamais été très brave, pas suffisamment pour se délester de ce qui lui fait du mal, c’est pour ça qu’il s’encombre de sentiments trop grands pour lui, éprouvés pour des gens trop bien pour lui. La vérité c’est que perdre Merle lui a fait suffisamment de mal la première fois, sans savoir ce qu’il était advenu de lui, pour qu’il puisse recommencer volontairement, rayer son nom de la carte, déchiqueter le papier et en faire des confettis. Il ne peut pas le perdre, mais il l’écoute sans pouvoir réagir, acquiescer à ses propositions, sans prononcer le moindre mot qui signifierait son assentiment, langue bloquée contre son palais et mâchoires serrées, il attend que le festival des excuses ait fini définitivement sa procession parce que c’est ridicule, parce que Merle est ridicule, parce qu’il l’est aussi. Mais Merle davantage, parce qu’il dit toutes ces choses incroyablement bêtes, l’affirmation que Jael le déteste et la supposition qui précède, si ça peut te rassurer, y a un soupir qui se bloque dans sa gorge, ses doigts qui viennent pincer l’arrête de son nez. Comment, comment il peut dire quelque chose d’aussi stupide, comment il peut le penser, comment il peut être aussi profondément certain que ça le rassure que Jael le déteste ? Gestes tremblants, il enclenche de nouveau la première, revient sur la route, vaut mieux rouler dans ces cas-là, vaut mieux rouler et éviter de rebondir sur les accusations sous-entendues, sous les supputations stériles, l’insulte qui couve sous les mots, est-ce qu’il est vile au point que Merle pense vraiment qu’il se réjouit de son malheur ? Est-ce que c’est l’image qu’il renvoie, l’image que le gamin perçoit, ou une nouvelle façon de lui montrer qu’il s’est planté quelque part, royalement planté, suffisamment pour qu’on le pense capable de ressentir ça ? Parce que si le résultat c’est ça, bien sûr que non qu’il n’est pas rassuré qu’il ait vu Jael. Y aurait mieux valu qu’il ne la croise pas, qu’il ne la croise plus. Qu’elle les déteste tous les deux, tant qu’à faire.

« T’es pas stupide. » Les mains s’accrochent au volant alors qu’il prend la sortie nord en direction de Savannah. Il baisse le pare-soleil pour ne pas être ébloui, une manière comme une autre d’éviter soigneusement de croiser même un court instant le regard de Merle. « Et je suis désolé pour Jael. » C’est vrai, il l’est. C’est faux, il n’est pas rassuré. Histoire de clarifier les choses, on va dire. Y a ses ongles qui tapotent doucement le cuir du volant alors qu’il s’engage sur la nouvelle bretelle d’autoroute, soudain assidument appliqué à sa conduite, les yeux navigant entre le rétroviseur et la chaussée, pas certain de devoir parler encore même s’il le faudrait. Y a quelques secondes qui se passent, le temps de doubler une ou deux bagnoles, le rythme cardiaque qui s’accélère et les mains tellement moites que ça en devient douloureux. « Je sais pas ce que je ressens pour toi, Merle. C’est pour ça que j’suis subtil et que t’as pas compris, c’est parce que je suis perdu. J’ai plus envie de l’être. Et j’veux pas que tu le sois non plus. » Il sait ce qu’il ressent, pourtant, désir, envie, passion, regrets, un emballement de sentiments qu’il n’a que trop rarement connus mais qui ne signifient pas qu’ils s’aiment autant que Merle aime Jael, autant qu’Asher aime Caïn. Et il refuse de donner dans les fausses promesses avec lui.
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MessageSujet: Re: this house don't feel like home (merlasher)   this house don't feel like home (merlasher) EmptyJeu 1 Mar - 15:31

« T’es pas stupide » dit Asher et ça a le goût acidulé des mensonges. T’es pas stupide, Merle, mais mon dieu ce que tu piges rien. T’es pas stupide, Merle, ben non, c’est pour ça que tu fous tout par terre. Pas stupide du tout, c’est pour ça que tu comprends pas quand on est pas assez direct avec toi. Pas stupide, ben voyons, dans quel univers. T’es pas stupide, il dit, et ça va à l’encontre de tout ce qu’on t’a soigneusement vissé dans le crâne. Pas stupide et y a l’école qu’il a quitté et Peadar qui lui répète doucement qu’il est trop con pour mériter d’aller à l’école comme Lenny, trop con pour mériter mieux qu’une vie à tirer des caisses et à distribuer de la drogue, trop con pour faire quoi que ce soit de bien il suppose. C’est pas un génie, Merle. Il s’en cogne des maths ou de ce que voulait dire ce putain d’abruti d’écrivain crevé depuis cinquante ans qui a pas été assez malin pour s’exprimer clairement, il s’en cogne du droit ou de la politique ou de l’endroit où se trouve le Vietnam. Il s’en cogne parce que ça sert à rien quand tu crèves de faim. Il s’en cogne parce que c’est pas utile, à proprement parler. Il s’en cogne parce que c’est pas Pythagore qui va se radiner pour payer le loyer. Il s’en cogne et pas en même temps, parce que y a tout ce qu’il aurait pu apprendre et tout ce qu’il aurait pu connaître, parce qu’entre les excuses soigneusement tissées pour stopper le regret y a la curiosité et le deuil d’une adolescence qu’il n’a pas pu vivre, parce qu’au milieu des mensonges qu’il se murmure y a tout ce qu’on l’a empêché de vivre, le regret absurde des salles de classe et le sentiment terrible d’être un moins que rien, d’être bête, mal éduqué, stupide, l’amertume au bout de la langue. Ils sont tous plus intelligents que lui, les gens qu’il côtoie, pas forcément plus malin mais plus intelligent et y a un décalage, parfois, un infime pas de côté, et les yeux de Merle, un peu trop grands, un peu trop hébétés, parce qu’il ne sait pas ce dont on est en train de lui parler. Il dit pas, à Asher, le nombre de fois où il a fait semblant de connaître la musique qui passait parce que ça avait l’air tellement évidemment. Il dit pas, à Asher, le nombre de fois où il a hoché de la tête vaguement avant de chercher sur internet.

Il le dit pas, à Asher.
Il est pas stupide, visiblement.

« C’est mieux comme ça. » Il dit, plutôt, enfoncé dans son siège, les yeux perdus sur la route. « Elle mérite mieux. » Mieux qu’un mec qui disparaît, mieux que quelqu’un qui est pas là quand elle a besoin, mieux que quelqu’un qui lui reproche de ne pas l’avoir cherché, mieux que la colère qui l’envahit à chaque fois, mieux que le futur sans lendemain qu’il a entre les doigts. Mieux, mieux, mieux. Il a un sourire délavé sur la bouche et les paupières lourdes pour étouffer l’envie de pleurer. Mieux, mieux, mieux. Pas pour lui, mais pour elle. Il suppose que c’est ce qui compte, à ce moment-là. « Je mérite ça. » C’est vrai, quelque part. Il a bien cherché et peut-être qu’Asher devrait le haïr, aussi, et peut-être que ça couve, quelque part, parce que Merle dit tous les mauvais mots, prend toutes les mauvaises décisions. « J’ai compris, Asher. C'est la bonne décision. » Il ajoute, tout bas. Il est pas sûr d’être moins perdu mais il sait que les choses sont claires, que les choses ont été dites, qu’ils en sont là, qu’il a rien à espérer. j’ai compris, Asher, parce qu’il est pas stupide, hein, finalement. Il a compris, là. Il a envie de lui dire que ça va, que ça va aller, que ça va passer, mais tout meurt dans sa gorge et appuie sa joue contre la ceinture de sécurité, dans l’espoir vain de trouver quelque chose à dire, quelque chose à ajouter. Y a tout qui sonne creux, tout qui sonne faux, y a les mots qui roulent autour de sa langue, y a son cœur un peu fissuré. Il sait plus trop s’il ressent plus rien ou s’il ressent trop, à ce moment-là, comme une flamme si chaude qu’elle en paraît gelée. Il sait pas trop et il sait pas s’il a envie d’y penser.

Il sait juste qu’il a décidé d’arrêter de se sauver. Il pourrait faire comme toutes les fois d’avant. Il pourrait faire comme lorsqu’il habitait encore dans l’appartement trop grand d’Historic District, tout mettre dans un sac et aller dormir dans une poubelle, disparaître des semaines et pas l’informer, fuir, fuir, fuir à perdre haleine et à se perdre tout court. Fuir, fuir, fuir pour semer la douleur derrière lui. Fuir, fuir, fuir, et revenir comme si rien n’était arrivé. C’est difficile. C’est douloureux. C’est la bonne chose à faire, pourtant, et il tend les bras devant lui, pour faire craquer ses épaules, faire jouer ses muscles, se donner quelque chose à faire. Il a besoin d’espace, un peu. Il a besoin de réfléchir. Il a besoin d’encaisser. Il fuira pas, non, mais il a besoin d’une soirée loin, de deux journées ailleurs, de se vider les idées.

Sur le panneau qu’ils dépassent, il déchiffre Savannah.
Il suppose que ce sera un jour sans crème glacée.
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