J’crois que c’que j’préfère chez Penny, c’est sa maison qu’a l’air sortie de l’univers de la famille Addams, toujours un orage qui semble lui planer dessus et les corneilles qui s’posent sur le toit, le lierre qui bouffe tout et les marches un peu pétées pour atteindre le pas d’la porte. Y’a aussi la sonnette, qui fait un d’ces bruits qu’on entend plus qu’dans les vieux films d’épouvante, maintenant, alors ça me plaît d’appuyer d’sus à répétition. Penny est pas terrible, comme meuf, mais elle a des gros seins, et c’est c’qui importe quand on a qu’un trou entre les jambes. Elle a toujours son appareil dentaire puis un peu d’acné, mais c’est c’qui la rend assez désespérée pour avoir envie d’coucher avec moi. Moi j’proteste contre Clearasil et toutes ces merdes, laissez-moi sauter des gonzesses mal dans leur peau en paix, sérieux. J’ai fait un effort pour la Saint-Valentin, j’lui ai acheté une boîte de chocolats, j’ai tout bouffé sauf le dégueu à la vanille pour lui épargner le régime après parce que j’suis un p’tit copain prévenant, qu’a même pris la peine de décorer la boîte en forme de cœur. Repeinte en noir – couleur passion cramée – et rehaussée de quelques coups de cutter, ça donne bien mieux que les saloperies qu’ils vendent en magasin. « Bouh », je lance sans émotion quand elle ouvre la porte, vu qu’elle a déjà sursauté à cause du masque de Scream sur ma gueule. J’le relève et le cale sur le haut d’mon crâne, toutes dents dehors, mais Penny a pas l’air heureuse de m’voir (qui serait heureux d’me voir en même temps, j’sais pas). « Nemo ? Qu’est-ce que tu fais là ? » Elle semble sincèrement surprise, pour le coup. J’réponds pas, pourtant, me fraie un passage à l’intérieur en lui collant la boîte de chocolats entre les mains, p’tit crachat sur le couvercle comme si j’lui faisais le plus beau cadeau du monde. « T’as qu’à lécher, j’ai pas envie d’t’embrasser avec ton bouton d’fièvre, là, c’est un peu dégueulasse. » Grimace de dégoût et je grimpe déjà les escaliers jusqu’à sa chambre sans écouter ses protestations, elle m’appelle plusieurs fois et j’l’entends qui s’élance à ma suite, mais c’est pas trop ça qui m’arrête. La porte est entrouverte et j’la pousse sans conviction, mon air blasé qui refait surface en me retrouvant nez à nez avec Shawn du cours de français, la gueule enfarinée et l’pantalon baissé. Oups. « Wow mec, range ton macaroni, ça fait pitié. » J’attends cinq secondes, le temps que Penny m’rejoigne en bafouillant des conneries, puis j’brandis le couteau coincé dans ma ceinture depuis tout c’temps. « J’LE SAVAIS, T’ÉTAIS BIEN TROP CONTENTE QUAND J’T’AI DIT QU’J’EN AVAIS RIEN À FOUTRE DE TA FÊTE À LA CON. » Acting skills : dix sur dix, sans me vanter, j’vois son visage s’affaisser, elle est encore plus moche que d’habitude, j’sais pas c’que Shawn lui trouve, franchement, on dirait un troll en décomposition. J’crois qu’elle a peur que j’lui plante le couteau dans ses nichons démesurés, mais la lame rejoint un d’mes poignets, incision nette, précise. Horizontale. Pareil pour l’autre, alors qu’elle hurle, et que j’me laisse dramatiquement tomber à genoux en fondant merveilleusement bien en larmes. J’ai toujours eu un don pour jouer le pathétisme. Seul regret : j’m’évanouis trop tôt pour profiter d’la fin du spectacle.

Le réveil à l’hosto est plus douloureux qu’prévu, toujours l’espoir de crever malgré tout, mais y’a Atticus et quand j’demande : « Penny a pleuré ? », la réponse est oui, alors j’ai pas trop d’rancune envers la Faucheuse qu’a pas voulu m’prendre dans ses bras pour la Saint-Valentin.