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 ultimatum - flashback (daul)

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Daire Méalóid

Daire Méalóid
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MessageSujet: ultimatum - flashback (daul)   ultimatum - flashback (daul) EmptyMer 24 Jan - 23:31


FÉVRIER 2010.


Elle guettait les allées et venues des passants auprès des étalages du marché, dans une certaine patience agitée. Daire avait les constellations de son visage parsemées de poussière, encadrées par quelques mèches d’un éclat terni échappées d’un vieux bonnet en laine – et des traces d’amertume au fond de son regard céruléen. Dans une heure de pointe, l’adolescente s’était aventurée dans l’enceinte du commissariat, alors qu’elle s’était soigneusement appliquée à l’éviter depuis plusieurs semaines. Lorsque quelqu’un avait daigné s’intéresser à cette adolescente aux apparences de misère et lui avait demandé si elle était venue accompagnée, Daire avait montré une femme occupée à l’accueil en indiquant que c’était sa mère. Le temps qu’on prenne la peine de vérifier ses propos, elle était déjà partie. Elle avait traîné auprès d’un panneau d’affichage, celui où s’étalaient des dizaines de visages juvéniles. Comme un mur des lamentations pour ces êtres qu’on ne retrouverait jamais, telle était la loi implacable de cette société bestiale. Il persistait un résidu d’espoir au fond de ses entrailles, un lien intangible envers celle qui l’avait amenée sur ce continent contre son gré, le souhait infime que sa mère se souciait encore assez d’elle. Pourtant, elle n’avait trouvé aucune affiche à son effigie, pas même l’ombre de son prénom ou de sa description dans la paperasse. Personne ne la cherchait. D’enfant maudite d’une lignée de cendres, elle était devenue à son tour l’enfant oubliée. Elle était certaine que l’affaire n’avait pas été classée comme relevant d’une fugue, car il n’y avait pas eu d’affaire, tout simplement. Pas de plainte, pas de dossier ouvert. Pas d’inquiétude. La mort dans l’âme et les ailes de l’indépendance brisées par son feu tapageur bousculé, l’irlandaise s’était à nouveau dissoute dans la foule des badauds en proie à leur quotidien morne. Carcasse d’ordinaire si désinvolte, elle se traînait en cette matinée grise dans la lassitude des laissés pour compte, des égarés dans leur existence. Des enfants qu’on ne voulait plus, de ceux qui étaient partis pour ne pas mourir – pour ne pas que la flamme ne s’éteigne à tout jamais. Des êtres parmi tant d’autres, écorchés sur le macadam, à attendre le moment propice pour subvenir un minimum à ses besoins. Un fruit, un portefeuille, une écharpe, une injonction. Quand ce n’était pas l’injustice de ce monde qu’elle blâmait sur les autres sur les murs sur son corps, de cette colère perpétuelle qu’elle n’avait su taire, c’était la survie de son corps en miettes qui s’imposait d’elle-même. Daire ne se faisait jamais prendre, seulement lorsqu’elle commettait ses autres troubles à l’ordre public. C’était d’une simplicité des plus banales : observer l’avidité des visages s’entrechoquer dans l’oisiveté, attendre une bousculade, une surcharge de demandes, et se faufiler au travers des corps comme une ombre silencieuse. Elle l’avait fait des dizaines et des dizaines de fois déjà, rien ne prévoyait un revers aussi cruel du destin. Fatalité des esquintés, que de trembler une nouvelle fois sans pouvoir en ressortir indemne. Ça devait être simple, efficace, une poignée de secondes tout au plus, et non une poigne ferme sur son avant-bras. Une secousse lui intimant de se retourner, tandis que le corps de la rouquine se heurta contre le buste du cauchemar, et que sa main lâcha de force le sac de provisions si tôt volé. Son regard s’éclata dans un autre océan semblable au sien, celui de Saul. « Lâche-moi ! » qu’elle lui ordonna naïvement en le poussant de sa main libre. « T’es chiant putain ! J’sais que je te manque mais t’es pas obligé d’me suivre comme ça » Daire leva le menton dans sa défiance naturelle, soucieuse de ne pas se laisser intimider. Une once d’hésitation au fond de l’âme devant ce demi-frère qui ne l’avait jamais acceptée. La décharge des enragés dans les traits de son visage, à n'attendre que le mouvement du pion adverse. Putain de gosse.
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MessageSujet: Re: ultimatum - flashback (daul)   ultimatum - flashback (daul) EmptyVen 26 Jan - 19:13

Ses pas pressés frappent le pavé mouillé. Il n'entend plus l'eau qui clapote sous ses souliers et le vent qui souffle dans son cou. Il n'y a que le bitume sous les semelles et la rage qui gronde sous sa frange brune. Les sourcils froncés, la glabelle marquée et les mots qui tonnent dans la tête.

///

« Where is Daire ? Oh my god, we need to find her ! »
« Don't worry sweetheart, I'm sure she's fine. »
« She's most likely dead ! »
« No she's not. She's a smart girl. »
« WE NEED TO FIND HER, ABEL. NOW. »

Gladys élevait très peu la voix, presque jamais. Il y a une sorte de douceur chez elle, ineffable et douloureuse. Un fond de bonté au creux de l'âme qui exaspère. Elle a quelque chose qui fait mal.

Saul écoute la conversation d'une oreille distraite, désintéressée, comme si le grabuge ambiant ne s'appliquait pas à sa personne. Les voix se chamaillent et s'en suit son prénom qu'on prononce un peu trop fort. Puis des bruits de pas sur le plancher et la silhouette menue de l'irlandaise fait irruption dans le salon. Gladys a les cernes creusés et le visage un peu amaigri. Sa beauté est altérée, une beauté tragique de vieille femme. Elle semble anémiée, comme usée par la vie et les soucis. Ses prunelles brillent un peu plus à chaque nouvel hématome qui se dessine dans le pli de son coude gauche. Pourtant, leur lueur s'estompe à la même allure, chaque jour un peu plus. Elle le scrute. Aujourd'hui, elle semble plus éveillée qu'elle ne l'a jamais été. Saul exhale bruyamment. Il est avachi sur le sofa avec l’œil torve des fonds de bouteille.

« Please Saul, bring her home. »
« No fucking way. »
« Saul ! Watch your mouth. »
« Why won't you ? »
« Because I'm not a baby-sitter and I don't give a fuck. »
« SAUL. »
« What ? We're better off without that nasty bitch. »

En un souffle, Abel est sur lui. Depuis le temps, au terme de ses dix-huit ans révolus, l'adulescent a commencé à s'y faire. Il ne peut pas émettre le moindre son à l'encontre de l'une des européennes sans que le courroux paternel ne frappe sa carcasse. Une gifle, puis deux s'étalent sur les angles de sa face avec fracas. Ça fait plusieurs années déjà que tout se passe comme ça. Une insulte fuse, une claque la ponctue ; c'est un rituel bien rodé chez les Hadley. L'insolence se décuple pourtant avec l'âge. Chaque nouveau dérapage entraîne la fureur de Abel. Rage qu'épongent les injections, petits fragments de rêve et de poésie. À chaque piqûre, Abel oublie. Saul s'en moque. À croire qu'il le cherche un peu. Et le père agrippe sa mauvaise graine de fils par le col de sa chemise. Le vêtement est froissé, un peu douteux, des tâches grasses émaillent l'épais tissu. Les arêtes de leurs nez se frôlent. Leurs respirations saccadées se donnent la réplique dans un silence bien lourd.

« You go find her. Right now. Am I clear ? »

Le père et le fils se dévisagent encore un instant. Le temps s'arrête. Cette fois, le fils ne bronche pas et baisse le regard. Enfin il s'exécute. Il repousse son aîné d'un geste brusque, redresse son col comme pour se donner la contenance qu'il n'a plu. Dans un juron, il s'empare de son blouson et se tire en claquant la porte, la fureur au fond du ventre.

///

Ses pas hâtés battent le pavé. Il ignore où l'irlandaise est allée se planquer. Il erre longtemps et ça l'exaspère plus encore. Ses pieds l'amènent au marché où les arômes de cuisine enivrent les sens et donnent le tournis. Il s'égare parmi les badauds, croisent des dames endimanchées et leurs paquets, les messieurs pressés. Enfin, il découvre un visage juvénile. Une bouille ronde qui s'efface sous le poids d'un florilège de tâches de rousseur. En quelques coups d'épaule, il la rejoint et l'attrape par le bras et la tire à lui ; alors elle se cogne promptement contre son torse et lâche son larcin. Quand elle lève les yeux, son regard d'enfant se craquèle.

« Lâche-moi ! »

Le plus âgé s'esclaffe. Un petit rire gelé, un peu forcé. Un bruit de casse qui glace l'air et le sang.

« Tu foutais quoi là ? »

« T’es chiant putain ! J’sais que je te manque mais t’es pas obligé d’me suivre comme ça »

Il déglutit. La réplique impudente le cingle comme une gifle d'Abel. L'américain se met à trembler et maîtrise avec difficulté le coup qui frémit entre ses doigts et le démange. T'es chiant putain. Petite conne qui fugue, sale môme immature. Sale gosse qui fuit et vole. C'est toi qui es chiante putain. Saul la secoue violemment et la détaille d'un regard furibond. Ses sourcils se froncent et ses traits se déforment sous la hargne qui l'assaille. Il a tout à coup irrépressible désir de cercler ses phalanges autour de sa gorge nue. Il se réprime.

« Tu fermes ta putain gueule. Ta détraquée de mère s'inquiète pour toi, connasse. Donc soit tu bouges ton cul pour rentrer soit tu restes ici crever. »

Il marque une pause. Il la toise toujours, le menton incliné vers celle que cette chienne de vie lui a infligé.

« Mais j'te déconseille de revenir. »

Sa voix de rocaille reste en suspend. Leurs regards d'azur s'accrochent. Les cieux de leurs iris s'interrogent et se répondent. Ils se ressemblent dans la grisaille de février, aussi sclérosés que l'asphalte et le béton. Les bonnets engoncés sur leurs têtes sombres, on ne devine que des minois en miroir parsemés d'éphélides ; deux paires de grands yeux bleus, tirant sur le vert pour le garçon et sur les tréfonds d'un océan pour la gamine, des peaux rougies et fragiles. Deux têtes fiévreuses, la même fêlure. Orpheline d'un père martyr, orphelin d'une mère dépressive. Deux âmes sinistrées, un tumulte de cœurs exsangues.
C'est bête. Ils auraient pu s'aimer.
La poigne de Saul se raffermit sur le bras chétif.
Un semblant de fratrie, excédé, sans amour et sans regret.
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MessageSujet: Re: ultimatum - flashback (daul)   ultimatum - flashback (daul) EmptySam 27 Jan - 18:19


Il s’esclaffa et elle se gela sur place, comme un souffle de glace effleurant sa peau son cœur. Quelque chose au fond d’elle voulut prendre la fuite, mais elle n’était plus l’enfant délaissée dans son Irlande du Nord. Elle n’avait rien à perdre ici, seulement des miettes de plus à donner au béton et aux charognes. « Tu foutais quoi là ? » Elle ne se laissa pas intimidée, Daire, elle lui répondit qu’elle n’avait rien fait dans toute son insolence juvénile, dans toute cette gloire des perdus de ceux qui se pensaient invincibles. Elle mena l’assaut suivant d’une vulgarité déjà trop présente, qui ne manqua pas d’atteindre sa cible. Les tremblements de son aîné ne trompèrent pas, encore moins son propre squelette qui s’entrechoqua dans la fraîcheur de février alors qu’il la secoua sans ménagement. Lueur mauvaise au fond du regard, des prédateurs en éveil face aux tourments. « Tu fermes ta putain gueule. Ta détraquée de mère s'inquiète pour toi, connasse. Donc soit tu bouges ton cul pour rentrer soit tu restes ici crever. » Échine qui se courba sous la violence verbale, et la peur qui s’immisça dans les entrailles pour ne faire que désordre avec cette rage au ventre qui vint lui vriller les tympans. Il avait insulté sa mère. À peine le temps d’ouvrir la bouche pour la défendre qu’il revint à la charge, et qu’il la coula. « Mais j'te déconseille de revenir. » Bêtes égarées à s’observer comme les conquérants d’un territoire à se partager. Tous d’eux en quête d’une attention qu’ils n’avaient plus, à blâmer l’autre pour cette irruption dans leur vie. Poignée de secondes éparpillées par le vent, dans l’hésitation dans le doute, à demander s’il n’allait pas la déchirer en deux, là, à même le bitume au milieu de l’indifférence. « Ah ouais ? » Esquisse des effrontés en perdition sur les lèvres parsemées d’étoiles. « T’as peur qu’il te remplace ? » Avec moi. Pensée soufflée sans être prononcée, dont l’écho percuta pourtant leur abyme.  « Tu devrais. » Menton levé haut dans cette inégalité du rapport de force, avant que le visage tacheté trop pâle ne plonge en avant pour mordre avec toute sa haine, la chair de la main qui lui maintenait toujours le bras. Dans l’espoir de s’échapper des ténèbres, de lui.

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MessageSujet: Re: ultimatum - flashback (daul)   ultimatum - flashback (daul) EmptyDim 28 Jan - 15:37

« T’as peur qu’il te remplace ? Tu devrais. »  « Qu'il me remplace ? Mais qu'est-ce que tu baves ? » J'en ai rien à foutre de mon père. La pensée crisse dans sa tête, ça écrase tout le reste. Il n'a pas le temps de réagir quand elle s'élance en avant vers la main qui la maintient. Un mouvement puis un cri étouffé s'échappe de ses lèvres. « Putain ! Mais quelle conne ! T'es complètement barge ! » Il ne distingue plus que les canines qui s'enfoncent dans son poing. Par réflexe, il lui assène un grand coup au visage. Il recommence, se démène avec de grands gestes jusqu'à ce qu'elle relâche son emprise puis dégage sa main meurtrie. Il replie aussitôt son bras contre sa poitrine et masse sa paume blessée. Il baisse le vert de ses yeux sur les marques bien dessinées sur sa peau ravagée. Les délimitations en arcade, le tracé rougi des incisives, tout en contraste et dénivelé, dans sa chair pâle. Par endroits, l'intensité de la morsure a lacéré sa peau et ça saigne, un peu. Il lâche un juron. La douleur irradie dans tout ses nerfs, comme si toute sa rage, toute sa fureur prenait naissance là où les dents avaient agressé sa peau. Il redresse brusquement le menton vers l'irlandaise ; son visage poupin s'imprime sur sa rétine. Sa mâchoire se met à trembler. Putain Daire, tu vas payer. Il ne se contrôle plus quand sa main valide attrape l'adolescente par le col de sa veste. Il ne pipe pas un mot quand elle esquisse un semblant de révolte. Il la traîne de toutes ses forces loin des passants, loin des gens, loin du monde et du temps. Peu importe si elle braille, peu importe si elle le tape, il n'y a plus ta mère pour te protéger, plus mon père pour me frapper. Tu vas payer. Les gens les ignorent ou peut être feignent juste de ne rien voir. Il la traîne jusqu'à une petite impasse, discrète ruelle sans allure et sans témoin. Il la plaque contre le mur, sa petite masse contre le béton humide. « Tu vas crever. Je te jure tu vas crever. » Il la secoue, cogne sa jolie bouille contre le plâtre crépi. Les aspérités de l'enduit grossier griffent ses traits fins. Il l'immobilise, ses phalanges contre la courbe de sa gorge. Il sent son pouls qui pulse au bout de ses doigts. « T'as pas pigé que personne ne t'aime ? Ta mère n'en a rien à foutre. T'as plus d'père, plus d'frère. T'as plus personne et tu vas crever seule ! » Il la frappe. Une fois, puis deux, peut être trois. « Alors arrête de faire chier ! Tu vaux rien t'entends ? RIEN PUTAIN. » Il est à bout de souffle. Il plonge ses yeux dans les siens et il ne sait pas trop ce qu'il souhaite y lire. Elle frissonne contre lui, ou peut être que c'est lui tremble. Il ne sait pas, il ne sait plus. Il ne sait pas non plus si c'est à Daire qu'il cause ou si c'est à lui. Sa paume lui fait mal encore. Alors il lui inculque un nouveau coup, directement sur la pommette. Déjà, des hématomes en filigrane sur sa peau diaphane. Leurs bonnets sont tombés au sol, étoffes oubliées à leurs pieds. Il la tient toujours par le cou ; le roux de ses cheveux s'emmêle et se mélange au brun des siens. Il devine son souffle chaud sur sa joue. Souffle coupé, souffle blessé.


Dernière édition par Saul Hadley le Sam 3 Fév - 14:48, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: ultimatum - flashback (daul)   ultimatum - flashback (daul) EmptyDim 28 Jan - 21:36


Les insultes fusèrent dans l’air sans l’atteindre alors qu’elle s’était résolue à lui arracher la chair de ses canines, pourtant elle fut bien obligée de lâcher prise lorsqu’il manqua de l’assommer à plusieurs reprises. Il y avait une esquisse qui se profilait sur ses lippes dans cet air des conquérants des victorieux, dans cette même ferveur qui animait ses veines à lui en brûler l’âme. Elle aurait voulu ne pas flancher, Daire, se maintenir digne le visage fier devant l’enragé. Mais c’était une mission impossible qui se dessinait dans son horizon incertain, soudainement bien assombri par l’ombre de la colère qui plongea sur elle la soulevant du sol. Ce n’était pas la sienne, et cette colère-là l’avait toujours effrayée depuis qu'elle avait débarqué dans savie. Pas moyen de se défaire de l’emprise sous l’impassibilité des passants, et pourtant elle gesticulait dans tous les sens, donnait des coups dans les cotes les sacs, criait à Saul de la lâcher au monde de pas l’abandonner avec lui. Rien n’y fut, en une poignée de secondes ils se retrouvèrent isolés loin de tout, loin de la vie. Son corps se heurta contre l’humidité d’un mur de pierres et ce fut comme si son squelette dans son intégralité s’en imprégna, alors qu’un frisson lui parcouru l’échine. « Tu vas crever. Je te jure tu vas crever. » Prunelles céruléennes assassines, qui tinrent bon, lorsque son âme se fracassa contre le plâtre en même temps que son corps. L’air s’engouffra dans ses cheveux et elle comprit que son bonnet s’était échoué à leurs pieds, peut-être même piétinés – comme elle n’allait pas tarder à l’être elle-même. C’était si prévisible qu’une crainte insipide s’immisça dans ses entrailles. Révoltée depuis son enfance et pourtant encore bien loin de la Daire qu’elle serait dans une dizaine d’années, déjà sûre d’elle mais encore trop fragile entre les mains des mauvaises personnes. Son estomac se retourna lorsque les doigts inquisiteurs vinrent se faire une place de maître autour de sa gorge, bras indésirable auquel elle s’agrippa de toutes ses forces dans lequel elle enfonça ses ongles. « T'as pas pigé que personne ne t'aime ? Ta mère n'en a rien à foutre. T'as plus d'père, plus d'frère. T'as plus personne et tu vas crever seule ! » À la merci du grand méchant loup, pas même le temps de se défendre de répondre. Le premier coup la percuta comme une masse, suivi de beaucoup trop. Ballet des Enfers où s’entrechoquèrent les coups des rages et les coups de mots. Les paroles qui raisonnèrent dans sa tête dans une spirale incessante en écho à la dérouillée qui lui martelait sa peau constellée. Sa mère l’aime. Elle lui manque. Il ment. Sa mère l’aime et elle ne va pas mourir seule. Il ment. Elle entendit à peine les derniers mensonges qui lui profana dans une vérité criarde, secouée par les tremblements de douleur de peine de froid de toute sa nervosité qui s’échappa dans un rire éreinté. Brisée. « Tu mens » Force inestimable dans les retranchements, lorsqu’elle lui cracha toute sa haine au visage. Une saveur métallique s’échoua sur son palais, la douleur irradiait dans chaque parcelle de son corps s’emmêlant avec sa rage de vivre de vaincre. Ses phalanges lui percutèrent la pommette et des larmes vinrent s’échouer à leur tour sur ses joues parsemées de tout de rien, des débris de leur vie de leur colère. Ces larmes qu’elles n’auraient plus des années plus tard, mais qui pour l’instant trahissait encore sa silhouette juvénile. « Tu mens » qu’elle répéta dans un hoquet saccadé, une main ayant lâché le bras de son adversaire pour venir essuyer son visage, tout en réprimant une grimace en effleurant la peau commotionnée. « C’est d'toi que tu parles » Les mots s’entrechoquèrent dans une voix éreintée, mais toute sa féroce volonté se bataillait au fond de son regard. « C’est ta mère qui en a rien eu à faire d’toi, sinon elle se s’rait pas fait sauter la cervelle » Lèvres légèrement étirées dans sa peine dans sa gloire fade de l’invaincue, et pourtant décimée.

Sa mère l’aime et elle l’attend

il ment.
 

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MessageSujet: Re: ultimatum - flashback (daul)   ultimatum - flashback (daul) EmptySam 3 Fév - 16:25

« Tu mens » La voix fébrile se dévoile dans l'air humide. Saul soupire bruyamment. Il balaye le visage tuméfié d'un regard plein de mépris. Symphonie de tâches de rousseur et de contusions sur l'épiderme. Ses yeux sont trop bleus, ses joues trop rouges sous le froid et ses doigts. Elle pourra être belle un jour, pense-t-il, peut être. Si elle vit jusque-là. « Tu mens » Les mots se répètent. L'américain lève les yeux au ciel et un rire franchit la barrière de ses lèvres. Le même son un peu cassé, un bruit sourd et sans joie. Il relâche son étreinte sur sa gorge. « Si je mens comment ça se fait que personne ne t'ait cherchée, hm ? Des jours que t'es partie, et quoi ? Hm ? » Il se recule et fourre ses mains dans les poches de sa veste. Il hausse les épaules et l'interroge du regard, un demi-sourire pendu à sa bouche, toutes fossettes dehors. « Pas la police, pas ta mère, personne. On s'en bat les couilles. » Le crachat le percute au menton. Il s'esclaffe et porte ses doigts sur le lieu de l'impact, phalanges sur la salive. Bien dégainé. Face à lui, Daire pleure en silence, peut être de rage, de douleur ou de chagrin, un peu des trois sans doute. Saul jubile et se rapproche. Il se penche vers elle et fait glisser un doigt le long de la courbe de sa joue moite d'adolescente. « Gladys est trop occupée à se défoncer pour penser à son petit bébé. Toute seule dans la rue. » Il marque une pause, comme pour la laisser digérer son venin puis il surenchérit. « Elle a même pas réalisé que t'étais partie, tu piges vraiment rien. » Il a les mots suaves, chauds et coupants, c'est jouissif. Il dépèce sa carcasse avec sa langue qui frappe chaque syllabe sur son palais. Lame trop affutée qui épluche la peau, pénètre les os. « C’est ta mère qui en a rien eu à faire d’toi, sinon elle se s’rait pas fait sauter la cervelle »
La jeune irlandaise esquisse un sourire froid. Il y a un silence qui dure un peu.
Une minute, sans doute deux. Saul cligne des paupières. Il est apathique. Le calme avant la tempête.
Puis il y a un déclic dans l'atmosphère.
Comme un coup de tonnerre.
Il se jette de toutes ses forces sur elle. Son torse vient s'écraser contre le sien, petite masse compressée entre un pan de béton et un buste qui frissonne. Il plonge ses mains tremblantes dans le roux en pagaille de sa tignasse. Il tire en arrière et plaque son front brun contre le sien, vert de ses yeux planté dans l'azur de ses rivaux.
« SALOPE. TU. PARLES. PAS. D'MA MÈRE. T'ENTENDS ? » Il hurle à leur crever les tympans. Son pouls se fracasse contre ses tempes, ça va vite, trop vite, ça lui fait mal. Il revoit Lydie dans la carlingue, ses longs cheveux châtains, ses poings misérables sur le verre. Le revolver, le bang! et puis plus rien. Son cœur pourrait imploser. Putain, pas ma mère. Lydie était taboue. On ne la mentionnait pas, jamais. Elle était comme un joyau, un gri-gri, un talisman. Pas Lydie. Non pas Lydie. Saul avait une hiérarchie bien définie de ce qu'il considérait comme autorisé et ce qui ne l'était pas. Tabasser sa demi-sœur se classait tout naturellement dans la case des choses admises. Évoquer sa mère décédée ne l'était pas. Jamais.
« SALOPE. » Les insultes fusent encore, plus fort encore que la première fois qu'elles ont dévalé sa bouche. « TU FERMES TA GUEULE. » Il l'attrape par les vêtements et la projette sur le bitume. Sa mâchoire tremble. Il n'en peut plus d'elle. Alors cette fois, c'est avec ses semelles qu'il l'agresse. Il prend son élan et lui assène un, deux, trois coup de pieds dans l'estomac.
Si il ne peut pas la faire taire, au moins il peut lui faire du mal.
Son cœur tonne. Sa tête le brûle.
Taper, taper, taper plutôt que d'avoir à penser.
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MessageSujet: Re: ultimatum - flashback (daul)   ultimatum - flashback (daul) EmptyLun 12 Fév - 9:28


« Si je mens comment ça se fait que personne ne t'ait cherchée, hm ? Des jours que t'es partie, et quoi ? Hm ? » Il avait l’air beaucoup trop satisfait de lui-même, le sourire de la confiance des vainqueurs des assassins sur le gueule. « Pas la police, pas ta mère, personne. On s'en bat les couilles. » Les mots trouvèrent un nouvel écho auprès de ses insécurités, d’une justesse qui la révulsait. C’était une douleur tout aussi réelle que les coups qu’il lui portait comme s’il voulait l’éteindre dans cette ruelle insipide. Paroles de misère dans un temps lapidaire, cratère des âmes esseulées des gosses éreintés. Dans sa tête ne cessait de raisonner de manière obsessionnelle une poignée de mots pour la rassurer vainement, des tu mens à la saveur de poussières au goût du fer sur le palais. Alors elle lui cracha tout son mépris sur son visage, en effleurant maladroitement le sien. Peut-être qu’elle parviendrait à recoller les morceaux de son adolescence fracassée si elle se maintenait fière devant lui. Fière dans sa gueule fracassée et son corps abîmé, entre le marteau et l’enclume. Les paroles blasphèmes qu’il prononça ensuite ébranlèrent toutes ces certitudes de gamine révoltée d’enfant toujours trop loyale envers sa famille. Elle ne l’acceptait, que sa mère puisse l’abandonner à son tour. Pas après tout ce qu’elles avaient traversé ensemble, pas après son père Enid Hael. Ils s’étaient tous fait la malle dans les oubliettes de la vie et il ne lui restait plus rien, qu’un tas d’os et de conscience désormais aliéné dans d’autres plaisirs que celui de son dernier enfant. Mais Daire apprenait vite, rendre les coups pour survivre. Ne pas mâcher les mots, cingler les esprits et les corps des paroles criardes emplie d’une vérité à vomir. Des années de pratique face à la cruauté d’un monde misère qui ne voulait pas d’elle. Sa remarque se fracassa dans l’air dans une déflagration des plus foudroyantes, suscitant un silence tout aussi plaisant qu’inquiétant. Puis, ce fut le soulèvement de l’apocalypse ; de celle d’un autre qui n’avait plus rien à perdre également. Dignité bafouée depuis trop longtemps, confiance usée jusque dans la moelle. Il ne valait pas mieux qu’elle, elle le savait. Mais en même temps, elle espérait d’une sincérité encore juvénile qu’elle serait toujours mieux que lui, toujours plus honorable plus forte. Daire y croyait encore lorsqu’il percuta son front contre le sien, tête basculée de force vers l’arrière contre le froid humide du mur. « SALOPE. TU. PARLES. PAS. D'MA MÈRE. T'ENTENDS ? » Touché, coulé. Victoire arrachée dans les larmes, mais victoire quand même. Aussi minime fut-elle dans ce chaos galopant. Il lui hurlait toute sa frustration sa propre haine à la figure, et elle tremblait misérablement entre ces doigts dans cet étau mordant. Pourtant elle avait toujours cette foutue défiance au fond du regard, de celui qui ne quittait pas l’autre sans même oser cligner des yeux. « SALOPE. » Il allait peut-être la tuer là, dans l’indifférence générale, seulement pour avoir profané son cadavre. Cette réalité présente au fond de ses entrailles depuis les prémices de l’altercation prit plus de consistance en éclatant dans les cellules de sa matière grise. Elle ne voulait pas mourir de ses mains d’une manière aussi malheureuse. Jamais réellement accrochée à cette putain de vie, mais ce n’était pas ce qu’elle pouvait lui concéder. On ne pouvait remporter une guerre en s’éteignant à la première bataille. « TU FERMES TA GUEULE. » Violence redoublée lorsque Saul projeta son corps contre le sol, et lui ôta le moindre souffle avant qu’elle ne puisse esquiver le moindre coup. Créature de cendres offerte aux charognards d’une simplicité écœurante. Douleur dans l’estomac dans les muscles dans les os, ecchymoses sur l’épiderme et mal à l’âme. Elle n’était qu’un tas de rien, mais un tas de rien qui n’aurait jamais fini de se battre. Un rire chaotique ébranla sa cage thoracique, alors qu’elle s’étouffait à moitié dans sa bile dans sa salive en sang. Dans la force du désespoir, elle s’accrocha à sa jambe bloquant le coup de ses bras, et elle s’agrippa de toute ses forces à ses vêtements pour se relever. La loi de la jungle mon gars. Ça aussi, elle l’apprenait, trop vite, trop bien. Elle avait envie de vomir, envie de pleurer, envie de fuir, mais certainement pas envie de lui accorder tout ça. De tout son corps commotionné, elle s’appuya contre lui si fort qu’elle lui entrava le moindre mouvement pour la déloger de là. Et Daire riposta, de toute sa gloire perdue des enfants de la rue. Elle lui sauta littéralement dessus pour qu’il bascule en arrière et lorsqu’il se retrouva à son tour le cul fracassé contre le bitume, elle s’installa à califourchon sur son torse. Et elle cogna, cogna, sur cette gueule d’ange laminée. « J’RECOIS PAS D’ORDRE D’UN CREVARD » J’reçois pas d’ordre de personne. Jamais. Le corps en miettes les certitudes en lambeaux, elle lui renvoyait toute sa douleur à la force de ses poings – alors que chaque parcelle de son corps la suppliait de cesser de ne pas bafouer ainsi les limites de la physique. Elle ne ressemblait à rien les joues baignées dans son sang et ses larmes, à rien si ce n’était à une tempête. Rage au ventre, rage au poings. Depuis les débuts et pour toujours. « TU T’CROIS FORT HEIN » Voix brisée dans les souffles écaillés, cage thoracique comprimée dans les coups qui l’avaient fait ployer. « MAIS T’ES RIEN » Elle lui cracha une nouvelle fois dessus, certainement pour éviter de s’étouffer toute seule. « TU M’ENTENDS ? » Aucune esquisse à la commissure de ses lèvres déchirées, mais toute une promesse dans le fond du bleu de son regard. « T’ES QU’UNE MERDE » Obligée de reprendre son souffle une seconde. « T’es qu’une merde qu’a besoin d’faire du mal aux autres parce que t’es pas capable d’encaisser c’qui te pourrit la vie »

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