Sujet: every wound will shape me (sevoan) Sam 18 Nov - 1:48
Y a la nuit qui tombe et qui l'avale, l'obscurité du ciel qui atténue les traces qui jonchent encore sa chair. Les points de suture sur sa joue, l'œil cerclé de noir, les hématomes planqués sous les couches de fringues. Seule la lumière des lampadaires le trahit mais il s'en fout – il joue au fier. Comme un soldat qui affiche ses trophées de guerre, survivant qui laisse sa peau gueuler vous avez toujours pas réussi à m'tuer.
Il s'enfonce dans les ombres, celles de la rue et celles qui le bouffent de l'intérieur, celles qui l'entourent et celles qui l'étouffent. Une énième soirée qu'il passera à se déchirer et il oubliera où, il oubliera avec qui. Sa soirée il l'a déjà démarrée seul, l'alcool qui brûle sa gorge, ses yeux qui commencent déjà à s'injecter. Il sait plus vraiment où il va, on l'a invité dans l'quartier ou peut-être qu'il en a juste entendu parler ; plus ça va moins il est demandé. Faut croire qu'on se lasse de sa gueule fracassée, ses poings déglingués. Faut croire que plus personne n'a envie d'le voir et dans le fond, peut-être que lui non plus. Du coin de l'œil il aperçoit son reflet dans les vitrines mais il refuse de regarder, il aime plus ce que ça reflète, il aime pas ce qu'il est devenu. Pourtant sur le chemin y a un truc qui attire son regard. Une affiche.
Délavée, froissée, un peu décollée. Mais toujours là. Il reconnaît la photo, arrive même à lire ce qui est écrit en-dessous.
Y a une putain d'affiche alors qu'il s'en croyait débarrassé et soudain son sang chauffe, ses poings se serrent. Il s'arrête brutalement et il est obligé d'inspirer expirer pour pas exploser. Ses mouvement sont rapides quand il se rue vers le mur, ses gestes sont enragés quand il plante ses ongles dans le papier. Il déchire, il tire, il s'écorche les doigts sur les briques. La peau qui cède aux jointures, le sang qui perle. Il s'acharne jusqu'à en faire du charpie, jusqu'à avoir un tas d'morceaux humides à ses pieds – certains tachés de rouge. Et il supporte pas de savoir que des traces subsistent encore quelque part dans les rues de Savannah, il digère pas de s'dire que c'est pas derrière lui, ça s'en va pas. Même quand les affiches auront disparu, ça sera toujours là, enfoui quelque part au fond d'lui. Ça l'insupporte et ça lui fout la gerbe, ça gratte ça brûle ça fait mal, ça l'fait grincer des dents. Et il a personne sur qui cogner, rien pour se défouler. Pourtant il a trop de haine à cracher, trop de mépris à dégueuler. Son nez se fronce, ses traits se déforment dans une moue hargneuse alors qu'il défait sa braguette. Il se met à pisser sur les morceaux de papier, là, en pleine rue, à la lueur des lampadaires. Il voudrait faire plus il voudrait faire pire, mais c'est la seule chose à sa portée pour l'instant alors il s'en contente, rêve d'une vengeance qu'il se promet d'accomplir un jour.
Puis dans son dos y a du bruit, une protestation dégoûtée qui remonte à ses oreilles, une voix juvénile qui cherche à l'interpeler. Il répond pas et continue son affaire, ne daignant se retourner qu'une fois qu'il a terminé. Il fait face à un môme, une quinzaine d'années tout au plus, un peu débraillé, gringalet mais torse bombé. Le sang bat déjà trop fort à ses tempes, il ne perçoit que la moitié de ce qu'il dit – le tu t'crois où et le gros dégueulasse qui claquent dans l'air, qui le font hausser les sourcils. P't'être que dans un autre contexte il aurait pu se marrer, se foutre du gosse qui cherche à le réprimander. Mais ce soir il a mal il va mal, ce soir il a envie de détruire mais rien pour se défouler.
Rien sauf un pauvre gamin.
« Répète p'tit con ? » Il se démonte pas le morveux, il répète et il se met à l'incendier mais Seven n'entend pas, Seven n'écoute pas. Tout ce qu'il voit c'est qu'on lui laisse même pas les victoires les plus minuscules, on vient le chercher jusqu'au fond du caniveau et putain c'est quand qu'il pourra respirer ? C'est quand qu'on arrêtera de le regarder, le blâmer, le malmener ? Si même les mômes s'y mettent, c'est où qu'il aura la paix ? Tout ce qu'il voit c'est lui et sa douleur, lui et sa haine et ses rancœurs, lui lui lui bordel il voit rien d'autre que son petit monde qui s'effondre, lui-même et ses travers. C'est p't'être pour ça qu'il se sent agressé par un gosse qu'il dépasse d'au moins vingt centimètres. L'ego tellement abîmé qu'un rien le fait s'écrouler, il arrive plus à parer les coups. Une étincelle et il s'embrase.
Il réfléchit pas quand il lui fonce dessus, quand il l'attrape au col et le plaque au mur tellement fort qu'il le sent vibrer entre ses doigts. Il réfléchit pas quand il fait valser son poing dans son nez, quand il crache : « J'VAIS T'APPRENDRE À FERMER TA GUEULE. » C'est qu'un gamin mais il a enfoncé ses doigts dans les plaies, il s'est trop approché du fauve blessé. Maintenant y a plus que la rage qui éclate, la violence qu'il est plus capable de contenir. Il a envie d'le briser, le fracasser, tout ça parce qu'il était au mauvais endroit au mauvais moment. Pourtant il en a pas l'temps – le garçon sait se défendre. Il récolte un coup de genou entre les jambes, se plie sous l'impact alors que l'autre en profite pour se dégager de son emprise et détaler à toute allure. Et quand Seven tourne la tête, c'est pas sa silhouette qu'il aperçoit. C'en est une autre, plus grande, plus sombre. Une qu'il connaît trop bien, qu'il a plus envie de croiser. « Dégage. »
C'est Ioan et il a les dents serrées, le cœur prêt à imploser. C'est Ioan et il a soudain envie de gerber.
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Sujet: Re: every wound will shape me (sevoan) Dim 19 Nov - 6:02
/ JUNGLE / won't you follow me into the jungle ain't no god onourstreets, in the heart of the jungle
Ça fait mal.
Ça fait mal au nez, ça fait mal à cette pommette où le poing a entamé sa peau. Ça fait mal. Mal au cœur, mal à l’âme. Mal de pas pouvoir passer ne serait-ce qu’une foutue soirée sans se manger un retour de flamme qu’il n’est pas certain d’avoir mérité. Mal de porter ces poids qu’il n’a pas demandé.
Il essaie de respirer, il essaie de se calmer. Mais y a rien à faire. Son pas reste rapide, sa main continue de venir trouver sa pommette pour la palper du bout des doigts, comme si cette foutue plaie allait disparaître d’une seconde à l’autre. Il essaie de se calmer, mais rien n’y fait. Le revers de sa manche est taché du sang qu’il a essuyé de son nez. En passant devant une vitrine, il a fait attention à faire disparaître les éventuelles traces qui pouvaient subsister. Mais ça n’empêche pas la douleur de lui donner l’impression d’avoir le pif enflé. Ça n’empêche pas sa frustration de rester entière, et ça n’empêche surtout pas la colère de se répandre dans ses veines à petites doses cruelles.
C’était pas son genre de se foutre dans les ennuis. D’ordinaire, il restait pas debout quand on l’insultait. Ioan, il continuait pas de fixer celui ou celle qui lui tombait sur le coin du nez — Ioan, il fuyait. Mais ce soir, il était resté planté là, comme un con. Peut-être à cause de l’alcool qu’il avait ingurgité, ou peut-être parce qu’il commençait sérieusement à être fatigué de devoir se courber et ramper. Mais au bout du compte, les faits restaient inchangés : quand on lui avait parlé, il n’avait rien fait. Il s’était contenté de fixer le type de ses grands yeux, sans répondre à l’affront qu’il lui faisait. Il l’avait ignoré, et le premier coup avait heurté son nez. Ça l’avait fait tituber, reculer — un pas, puis un deuxième pour se stabiliser. Va chier, qu’il avait répondu, une fois l’équilibre retrouvé. Mauvais réponse. Le genre qu’il ne prononçait jamais, le genre qui brûlait ses lèvres sans jamais les passer. Le genre qui faisait péter les plombs aux gens.
Un poing lui avait saisi le col, et l’autre l’avait cogné. Ça avait duré quelques secondes, jusqu’à ce que quelqu’un ne vienne les séparer. Il ne s’était pas défendu, et ça lui avait valu les marques qu’il était en train de se traîner. Les marques qu’Anca ne manquerait pas de questionner — les marques que Tereza allait vouloir panser. Y avait pas moyen d’échapper à leur douce pitié. Pas moyen de se cacher suffisamment bien, et suffisamment loin, pour fuir la famille qui lui agrippait les deux pieds pour le garder à leurs côtés. Jour après jour, il avait l’impression de s’essouffler. L’impression que l’air lui manquait, et que tout était en train de s’effondrer. L’alcool qu’il ingurgitait, le soir venu, réussissait pour le moment à le maintenir dans l’oubli. Mais il savait que ça ne durerait pas. Les coups qu’il accusait, depuis quelque temps, en étaient la preuve. La preuve que tout était condamné à glisser et à s’écrouler, encore et encore. La preuve qu’il n’y avait pas de paix, quelle que soit la ferveur avec laquelle il essayait de la trouver. Ain’t no rest for the wicked.
Ça lui bouffe les pensées, une à une. Il arrive pas à s’ôter les mots de la tête, n’arrive pas à se sortir le venin des idées. Tiens. Un message pour ton enculé d’frangin. Ça lui avait pas pris longtemps avant de comprendre de qui il s’agissait. Pas plus que ça n’avait pris de temps au type pour lui balancer son poing dans le creux de l’estomac. Après quoi, l’alcool s’était chargé d’aider les choses à dégénérer. Et maintenant, il errait, sans trop comprendre où ses pas l’emmenait. Il n’avait pas envie de rentrer. Pas envie de retrouver cette baraque qui le rendait fou, à mesure que les jours passaient. Il comprenait finalement les autres d’avoir dégagé. Il les comprenait — et pourtant, il ne pouvait se résoudre à faire de même. Trop loyal pour abandonner Anca et Tereza là-bas. Trop faible pour être capable de prendre ce genre de décision par lui-même.
Mais soudain, il s’arrête. Interrompu dans son errance par une silhouette familière, plantée un peu plus loin dans la ruelle. Une silhouette qui violente un gamin — qui le fracasse contre le mur le plus proche, avec toute la rage qui le caractérise si bien. Et Ioan, il reste là. L’idée que le morveux va se faire massacrer devrait le révolter, mais il ne cille pas. Il les observe. Ce drôle de duo enragé — son frère sur le point d’éclater la gueule du gamin, et le gamin qui lui envoie son genou entre les jambes. Ça lui tire même pas un sourire, même pas un rire. Ça lui fait ni chaud ni froid, à vrai dire. Et même si Seven s’était mis à cogner, il y avait fort à parier pour qu’il n’eût rien fait de plus. L’alcool dans le sang le rend brûlant. Brûlant de colère, brûlant de désintérêt pour l’humanité entière. Qu’ils aillent tous brûler en Enfer. Pourtant, y aurait d’quoi rire. C’était Ioan qui était censé porter le message pour Seven ; pas le gamin. Mais le microbe avait rempli sa tâche à la perfection, avant de s’enfuir sans se retourner. Laissant les deux loups dans l’arène — laissant les deux épaves face à face.
« Dégage. » Seven l’a vu, finalement. Seven l’a accueilli comme il s’y attendait — aucune surprise de ce côté. Et l’espace d’un instant, Ioan est bien tenté d’obtempérer. De baisser le nez et de vriller ses yeux sur les pavés. De foutre le camp comme le gamin l’a fait, et de laisser son frère cuver sa colère sans s’interposer. Il avait pris suffisamment de coups pour une soirée. Son âme était suffisamment amochée pour qu’il n’en rajoute une couche — suffisamment déchirée pour qu’il n’aille réclamer tous les crochets et toutes les insultes que Seven aurait à lui donner. Mieux valait se tirer. S’en aller sans demander son reste, et rester l’éternel lâche que son frère connaissait.
« Va chier. » Et ça r’commence. Pour la deuxième fois de la soirée, il peut pas s’empêcher de cracher ces deux mots, avec tout le mépris que sa voix lente et détachée peut contenir. Comme si Seven valait même pas la peine qu’on se mette en colère pour lui. Comme si Seven ne valait rien. Fratricide. « T’es vraiment tombé encore plus bas que c’que j’pensais. » Et il reste planté là, le gamin. Planté là à regarder son cadet, sans même un brin de peur au fond des tripes. Il sait ce dont l’autre est capable, mais ça ne l’effraie pas. Ça ne l’effraie plus. Seven a bousillé sa vie, le jour où il est parti pour la première fois. Bousillé le cœur, bousillé l’âme. Et il l’a regardé avec son air hagard, pendant toutes ces années. Espérant qu’un jour, le pardon se ferait. Espérant que l’autre arrêterait de jouer au con, et finirait par se reprendre. Mais fallait croire que les idiots étaient nés pour le rester. Fallait croire que, chaque jour qui passait, Seven cherchait un peu plus tous les surnoms qu’on pouvait lui donner. Et fallait croire que son frère avait décidé qu’il n’en avait plus rien à foutre. Si patauger dans le caniveau l’amusait, pourquoi l’empêcher ? Il l’avait cherché. Il le méritait. Et ce soir, Ioan ne se coucherait pas. Ce soir, Ioan ne partirait pas.
Ce soir, Ioan le regarderait dégringoler, et s’enfoncer plus bas qu’il ne l’avait jamais été. Et ce soir, peut-être, il lui dirait alors ce qui lui écorchait la gueule depuis des années. Glissé dans la peau du serpent, il le lui murmurerait.
Bien fait.
(c) blue walrus
Seven Popescu
il est gay
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Sujet: Re: every wound will shape me (sevoan) Mer 29 Nov - 19:37
« Va chier. » Il s'attendait pas à ça. Il est trop habitué à voir Ioan plier ployer ramper, il le regarde courber l'échine depuis des années. Il le regarde fermer sa gueule et accepter les coups sans broncher, il le regarde rebrousser chemin lâchement quand on le lui demande, la queue entre les jambes. Ça fait trop longtemps qu'il a perdu toute trace de respect pour lui, tout espoir de le voir riposter. Alors quand il lui dit de dégager il pense que Ioan va obéir comme il le fait toujours. Peut-être qu'il se sent plus grand plus fort, peut-être qu'il se croit au-dessus parce qu'il fait plus de bruit plus de mal, parce qu'il laisse des traces partout où il passe. La vérité c'est qu'il vaut pas plus – p't'être même qu'il vaut rien. Il n'est pas supérieur et Ioan n'est pas inférieur, ils sont deux loups qui ont perdu leur meute, omégas paumés dans le noir dans le froid. Celui qui mord toujours en premier pour pas crever, et celui qui sait rebrousser chemin quand le jeu n'en vaut pas la chandelle. Comme il devrait le faire, là, maintenant.
Ioan a toujours su choisir ses combats, mais pas cette fois.
Seven le voit dans sa posture dans son regard ; il partira pas. Il est pas sûr de comprendre pourquoi, il sait pas ce qu'il veut ni ce qu'il espère, mais il sait qu'il va rester. « T’es vraiment tombé encore plus bas que c’que j’pensais. » Et il bouge pas Ioan, ses deux pieds ancrés dans le béton alors que Seven l'observe, se redressant lentement, grimaçant à cause de la douleur qui continue de le lancer à l'entrejambe. Il s'tient bien droit et il le fixe, comme un fauve qui jauge sa proie avant d'attaquer, la lèvre supérieure qui tremble comme s'il s'apprêtait à dévoiler les crocs. « J't'ai dit de dégager. » Il attend. Une seconde, deux, trois – Ioan ne part toujours pas. Ils sont là à se détailler en chiens de faïence, les regards qui se défient les silhouettes assombries par la nuit. Il attend mais il voit que cette fois il gagnera pas si facilement, cette fois ses ordres ne trouveront personne pour les écouter. Et ça l'agace ça l'irrite, l'impression qu'il perd le contrôle sur tout, même sur les choses qu'il pensait immuables. Ses poings sont serrés contre ses flancs, ses muscles sont bandés à l'extrême ; il est prêt à bondir à tout instant, les sens à l'affût, son sang qui bout encore et encore. « Tu veux quoi hein ? Tu crois que tu peux m'faire la morale ? » Bien sûr qu'il sent le jugement dans ses yeux, comme la justice venue s'abattre sur lui, la sentence tellement proche que ça brûle sous sa peau, ça vibre jusque dans ses os. Ioan n'a pas besoin d'attaquer pour lui faire mal – il n'a qu'à le regarder et ça suffit, il sent il sait, il voit tout ce qu'il pense de lui. Seven a pas besoin qu'on lui dise il sait il a compris, disgrâce et violence, il n'est que nuisance depuis sa naissance. Il connaît ses torts et ses travers mais il est passé maître dans l'art de les ignorer, y a que comme ça qu'il arrive à avancer. Alors il supporte pas qu'on vienne les agiter sous son nez, qu'on lui renvoie tout ce qu'il représente tout ce qu'il n'accepte pas.
Il fronce le nez, le regard dédaigneux, l'air hautain. « J'suis p't'être tombé bas mais toi t'as jamais décollé, t'as toujours été qu'une merde et tu l'resteras. » C'est craché avec tout le dégoût dont il est capable, ses yeux sont noirs ses mâchoires se crispent – il le pense pas, pas vraiment. Il ne ment qu'à moitié parce que son mépris pour Ioan est bien réel, il le pense faible il le pense lâche, il n'a aucune pitié pour ces gens-là. Mais ça lui fait mal de lui balancer ça, au moins autant que ça lui fait du bien. L'besoin de l'enfoncer pour pouvoir s'élever, écraser les autres pour mieux respirer. Et malgré lui ses doigts tremblent, c'est la rage ou peut-être les remords, la haine ou la culpabilité. Il lui fait subir le même sort qu'à tous les autres, c'est toujours la même rengaine. La froideur avec laquelle il a tourné le dos à Anca quand elle avait besoin d'lui – par égoïsme autant que par fierté, elle a pas voulu le choisir il a pas supporté. La hargne avec laquelle il a enfoncé Tereza quand elle a laissé tomber le masque – les secrets qu'il a pas pu encaisser, c'était plus facile de l'assassiner.
C'est au tour de Ioan faut croire qu'ils vont tous y passer, il n'en épargnera pas un seul. Il sait qu'ils ne l'épargneront pas non plus.
« T'es mal placé pour parler, alors tu fermes ta gueule et tu t'casses. T'façon c'est c'que tu fais toujours, pas vrai ? » Il cherche, évidemment qu'il cherche. Y a quelque chose de différent dans les prunelles de Ioan, une lueur qu'il n'a jamais vue, quelque chose qui lui rappelle un peu ce qui brille dans celles de leur père ou dans les siennes – cette noirceur qui les gangrène de l'intérieur. C'est la première fois qu'il la voit apparaître chez Ioan et il peut pas s'empêcher de vouloir gratter, provoquer. « C'est toi l'plus lâche d'entre nous. » Et c'est hypocrite, il l'est au moins autant que lui même s'il ne l'avouera jamais.
Il a les dents qui grincent et le sang qui bat à ses tempes, l'envie de cogner même si pour une fois il ne compte pas charger le premier. Il pense que ça vaut pas l'coup, pas face à lui. Persuadé qu'il n'obtiendra pas la moindre réaction, comme si Ioan n'avait rien dans le ventre alors qu'il sait que c'est faux. Il se pense juste immunisé parce qu'il n'a jamais eu à subir son courroux, parce que Ioan a toujours fait le dos rond face à lui, face à son sang. Peut-être qu'il se pense invincible. Peut-être qu'il fera comme Icare – il ira se frotter aux flammes du soleil jusqu'à s'en brûler les ailes.