J'adore cet endroit. Je ferme les yeux et je souris alors que je sens les rayons du soleil sur ma peau. Il fait super beau mais il y a assez de vent pour que je n'ai pas l'impression d'être en train de cuire sur place. De toute façon, Luka m'a ordonné de me recouvrir de crème solaire alors j'ai sagement écouté, fronçant le nez quand il l'a justement badigeonné consciencieusement. J'inspire longuement, des mèches folles s'échappant de ma casquette et je passe ma langue sur mes lèvres pour sentir le goût du sel qui flotte tout autour de nous. Les derniers jours, pour pas dire les dernières semaines, ont été super bizarres. Pas bizarres désagréable mais… je saurais pas dire.

Je crois qu'on est ensemble. Enfin, je suis pas vraiment sure. On s'est embrassés. Un peu. Des gentils bisous, des trucs supers doux, qui m'ont réchauffé le cœur à chaque fois. Mais c'était peut-être un peu trop gentil, je sais pas. J'ai eu droit à des tas de câlins aussi, là c'était un peu plus assuré que ceux que j'avais pu avoir avant mais là encore, c'est comme si j'avais raté un truc. Comme s'il me manquait une information capitale pour que je rassemble toutes les pièces du puzzle. Pourtant, je suis heureuse. Je crois. Ca me fait des papillons dans le ventre quand je le vois et j'ai le droit de me jeter dans ses bras dès que j'ai envie. Juste comme ça, pour avoir un câlin et même un bisou parfois. Mais c'est pas assez. Ouais, c'est ça le truc. Présenté comme ça, j'ai l'impression d'être en train de parler de mon copain de maternelle. Pourtant, je le connais Luka et faudrait être sourde pour pas savoir ce qu'il peut faire avec les autres copines qu'il a eues. Peut-être qu'il a pas envie de plus avec moi, même pas de m'embrasser pour de vrai. Peut-être qu'il me trouve trop jeune. Remarquez, quand je pense à tout ce qui s'est passé, j'ai l'impression d'être une petite fille qui veut jouer à l'adulte. C'est peut-être ça le problème et il ose pas me le dire.

Je suis contente qu'on soit là tous les deux en tout cas, malgré ça, malgré le fait que ce soit bizarre. Parce qu'entre son boulot, mes examens de fin d'année, ses propres examens qu'il a réussi aussi, on a pas arrêté. Et je compte plus le nombre de fois où je dormais déjà quand il rentrait. Pareil pour les weekends. Mais là, avec la fin de l'année et les journées à rallonge, j'ai l'impression qu'on a enfin un peu de répit. C'est peut-être pour ça qu'il m'a emmenée à la plage, pour qu'on puisse en profiter un peu rien que tous les deux. J'effleure ses doigts sans vraiment oser les toucher alors que bon, y a personne en fait là où on est. C'est marrant d'ailleurs, à quelques centaines de mètres c'est blindé de monde mais là, c'est vide. A cause des cailloux ? Je sais pas trop. En tout cas, on est dans une espèce de petite crique et on est un peu seuls au monde maintenant que le soleil commence à décliner. On a passé des heures à parler, enfin moi surtout. Du lycée, de la fin de l'année, de ma remise de diplôme où j'ai réussi à ne pas trébucher en allant sur l'estrade. De l'année prochaine et des cours de préparation pour la fac. De la fac aussi. Je veux pas partir d'ici et on a du bol, la fac du coin a bonne réputation pour les premières années. On verra plus tard pour aller ailleurs. Si j'arrive déjà à surmonter tout ça. J'avoue que de penser aussi loin, ça m'effraie et il le sait.

Et là, ça fait bien quelques minutes qu'on dit plus rien tous les deux. J'hésite un instant, piquant du nez sur mes baskets avant de souffler, d'un ton hésitant. "Tu regrettes ?" Je finis par m'arrêter de marcher et par lever les yeux vers lui, la mine inquiète. "Je comprendrais que… enfin ce serait logique que tu… moi je suis bien avec toi, même si… enfin je suis bien. Mais…" Je soupire, incapable de trouver mes mots et me trouvant encore plus stupide que d'habitude. Super. Moi qui voulais lui démontrer à quel point je peux être adulte, responsable et capable d'un discours cohérent, je me suis totalement vautrée.

Je lui jette un coup d’œil, esquissant un sourire en la voyant les yeux fermés un sourire aux lèvres. Ça m’arrive pas souvent, mais parfois, j’ai des illuminations. Et cette balade en est une. Je sais qu’elle adore venir sur la plage, surtout quand il n’y a personne, comme là, quand ça donne l’impression d’être seul au monde et que l’on peut profiter du paysage et de la mer sans devoir faire attention aux autres. Elle a beaucoup travaillé dernièrement, surtout avec les exams, elle a besoin de souffler et de pouvoir profiter un peu. Et de mon côté, c’est pas forcément mieux, j’ai cumulé les heures, entre le boulot et mes exams à moi, je ne crois pas avoir eu beaucoup de temps libre. Je l’ai même pas fait exprès, c’est simplement que tout s’est cumulé et qu’on a pas trop eu de temps pour se poser vraiment, mis à part quelques soirées heureusement. Et je sais pas si j’en suis soulagé ou navré. Et je crois que c’est le pire, de se poser ce genre de questions non ?
Mais merde, je sais tellement pas quoi faire avec elle. J’ai l’impression de me retrouver 5 ans en arrière et de pas savoir comment faire avec les nanas… Dire que j’ai du mal et que je sais pas trop quoi faire, comment faire est un putain d’euphémisme. Ne vous méprenez pas, j’ai pas dit que j’avais du mal avec elle, c’est pas vraiment ça. Elle, y a rien qui a changé, je suis toujours aussi bêtement amoureux. Mais en fait si, je crois que c’est ça le problème justement. Mais non, je m’embrouille pas tout seul… J’ai jamais autant tenu à une fille, je me suis jamais dit qu’elle était plus importante que le reste. Les autres, si ça marchait pas, ça marchait pas, c’était pas un drame. C’était souvent à cause d’elle d’ailleurs, y a pas mal de choses qui s’expliquent en tout cas, c’est toujours ça de pris.
Mais du coup, avec elle, je tâtonne et j’essaie de faire ça bien, d’y aller doucement. Avec le peu de temps qu’on a eu ensemble, ça ne simplifie pas les choses et ça n’a donc pas aidé à vraiment poser… notre relation ? C’est bien ça non ?... Okay, je m’embrouille tout seul.

Pour être plus clair, je me suis contenté de câlins et de bisous. De sages câlins et de gentils bisous. Assez souvent pour que ça devienne une habitude dont je pourrais plus me passer. Tous les jours oui, je crois. Autant qu’elle le voulait en tout cas. Et à chaque fois, c’était un mélange de douceur et d’envie, de bonheur et de doute. C’est étrange, parce que d’un côté, ça m’a fait plus de bien que tout ce que j’ai pu avoir avec d’autres filles, et d’un autre, évidemment que ce n’est pas assez. Sauf que je sais pas comment faire donc. Et que je suis même pas sûr de vraiment vouloir. Pas que j’ai pas envie d’elle, ou même simplement de dormir avec elle, de la prendre dans mes bras encore plus souvent, d’avoir plus que de simples baisers… même si j’aurais du mal à rester sage dans bien des cas. Mais… elle a que 17 ans et je sais que je suis pas forcément beaucoup plus âgé, mais j’ai carrément eu plus d’expériences qu’elle. Et je devrais fermer ma gueule et éviter de le dire ça oui. Non mais, en vrai, c’est peut-être simplement le syndrome de Stockholm. Ce serait possible non ? Je pourrais dire que ça peut pas être ça, mais pourtant, je l’ai bel et bien enlevé, même si c’était pour la protéger et lui donner une chance. Ou alors c’est juste qu’elle se sent reconnaissante et qu’elle confond ça avec de l’amour ou… Enfin, je sais même pas si elle… m’aime. Et elle, est-ce qu’elle est sûre ?

A quel point j’ai l’air d’un ado débile quand je pense à elle ? A nous ? Je me rends pas trop compte.
Ridicule. Heureusement que l’autre idiot entend pas tout ça, parce qu’il se foutrait de ma gueule pour les 10 ans à venir. Ou peut-être qu’il m’en collerait une parce que je me comporte comme un con et que j’ai pas le droit de faire ça à Quinn. Ouais, je lui en parlerai peut-être finalement. Toute façon, à part lui… Je retiens un soupir et attrape la main de Quinn quand elle effleure la mienne, mêlant mes doigts aux siens sans y réfléchir. Juste parce que j’en ai envie. Juste parce que ce simple geste me donne l’impression d’être un peu plus entier. Parce qu’il calme un peu les tambourinements de mon cœur. Ou les accélère plutôt. Non, ça fait du bien. C’est doux. Serein. Un sentiment de bonheur. Juste parce que je tiens sa main dans la mienne. Ça fait ça tout le temps ? Quand on est avec la personne qu’on aime ?  Ça lui fait ça aussi ? Et même si c’est ce qu’elle veut, il se passe quoi si je suis pas à la hauteur ? Si je finis par lui faire du mal ?

Vous voyez, c’est pas si mal quand je suis trop occupé, ça m’évite de ressasser ces questions à la con pendant des heures. Là, je devrais juste profiter d’elle et de ce qu’on a là dans l’immédiat. Mais ce serait trop simple. Et c’est pas parce qu’elle parle que ça m’empêche de faire tourner le reste dans ma tête hein. Même si oui, c’est fou cette capacité de parler autant de tout et de rien, ça me surprendra toujours. Mais c’est cool hein, j’aime bien. Bon, là, elle s’est tue un peu et elle semble autant perdue dans ses pensées que moi. Ah. Ou pas. Enfin, si, elle a dû trop réfléchir même vu sa question. Je fronce un peu les sourcils et la fixe alors qu’elle s’arrête.

« Même si ?... » Je serre doucement sa main, avant d’inspirer. « Non. Non, je regrette pas. Pourquoi je le regretterais ? Pourquoi ce serait logique ? » J’effleure sa joue de ma main libre et esquisse un sourire hésitant. « Qu’est-ce qui va pas ? Ecoute, je… Je sais qu’on a pas eu beaucoup de temps libre et que ça n’a pas été évident du coup… Mais si… enfin… si y a quelque chose qui va pas, je préfère que tu me le dise. D’accord ? »

Je devrais lui demander si elle, elle regrette je sais. Mais faut croire que je suis moins courageux qu’elle en vrai.

Parfois la vie c'est compliqué. C'est souvent le cas en fait quand on y réfléchit. Il faut savoir comment gérer chaque journée qui s'annonce, essayer d'anticiper ce qui va mal se passer et essayer de prendre les problèmes à bras le corps quand ils sont là. C'est toujours un soulagement de rentrer à la maison, de le retrouver lui, même si, après ce qui s'est passé, ce qui était facile et évident l'est devenu un peu moins. Pourtant, à chaque fois que je croise son regard, à chaque fois qu'il m'effleure, j'ai l'impression d'avoir une nuée de papillons qui essaient de s'échapper de mon estomac. J'ai envie de sourire comme une idiote, je dois probablement sourire comme une idiote et si avant, je me sentais en sécurité, apaisée dans ses bras, c'est rien à comparé de ce que je peux ressentir maintenant. Il y a un mais évidemment, ça fait quelques semaines déjà et je sais pas, j'ai l'impression que pour lui, c'est pas pareil, qu'il y a un truc qui cloche. Peut-être que je me fais des idées et que je suis un peu parano, j'en sais rien. Et d'un coté, je suis contente qu'il m'ait pas sauté dessus dès le premier jour comme il a pu le faire à chaque fois qu'il a ramené une fille. Mais là, c'est l'autre extrême. Comme si on ressentait pas la même chose, comme si on avait pas les mêmes envies. Alors je cogite, beaucoup trop. Heureusement que les derniers jours ont été agités mais, quand je suis dans mon lit le soir, je me demande pourquoi il vient pas. Ce qui le retient. Et forcément, j'en ai conclu qu'il avait pas envie. Ce que je peux comprendre. Mais je sais pas comment lui en parler, parce que j'ai peur de sa réaction, d'entendre tout ce qui m'inquiète énoncé à haute voix.

Mais je suppose que ça peut pas durer éternellement. Pourtant cette balade est chouette, vraiment. Et sentir ses doigts qui s'entremêlent aux miens me fait battre le cœur un peu plus fort. Je dois avoir les joues un peu roses et l'air niaise mais tant pis, c'est pas comme si je pouvais faire autrement. Pourtant, j'arrive à dire ce que j'ai sur le cœur. Un peu. Je fronce le nez, cherchant mes mots, avant d'abandonner l'idée d'être aussi cohérente et posée que je le voudrais. "Pourquoi tu regretterais ? Y a des tas de raisons. Parce que je suis pas… je sais que tu dis que t'aimes mon coté détraqué mais c'était marrant quand on était juste… enfin qu'on était pas ensemble. On est ensemble ?" J'inspire, me rendant compte que je parle un peu trop vite mais bon, c'est pas comme s'il avait pas l'habitude. Et je baisse les yeux, serrant ses doigts entre les miens avant de reprendre, d'un ton que je qualifierais de pathétique si j'osais. "Tu… t'es pas comme avec les autres filles. C'est à peine si… enfin… je te plais pas ? Je veux dire, physiquement ? Je peux changer si, enfin si tu me dis ce que t'aimerais, comment t'aimerais que je sois. Mentalement ça va être plus compliqué, mais je peux essayer aussi hein..." Je me mordille la lèvre et je souffle, levant un regard plein d'espoir probablement ridicule vers lui. "Zak m'a acheté des sous-vêtements. Des jolis. Qui font pas petite fille. Pour que ça te plaise. Que tu me trouve jolie. Mais je peux faire d'autres trucs… j'crois." Bon, j'ai un peu envie d'aller creuser un trou dans le sable pour m'y enterrer. Mais au moins, j'ai dit le premier truc qui me travaille vraiment. Le plus gros truc. Le reste viendra bien en temps utile.

Comment j’avais imaginé que ça se passerait avec elle ? J’en sais rien. Est-ce que j’avais seulement imaginé que ce serait possible ? Non, pas vraiment, je n’avais jamais vraiment envisagé que… ça puisse arriver. Même maintenant, je suis pas certain de réaliser. Encore moins de savoir gérer et d’être assez bien. Elle a toujours été à part et j’ai toujours tenu à elle. Sauf que… sauf qu’elle n’a que 17 ans et qu’elle est tellement fragile. Trop fragile. Non, je sais, elle n’est pas que ça. Elle est même plus forte que la plupart des personnes que je connais sur bien des points. Mais sur d’autres, elle est encore tellement chancelante et incertaine. Et ce que je fais là, ce qu’il se passe, si au final, ça se passe mal, si ça lui fait du mal, si elle a plus confiance en moi, si elle regrette, si elle…
Je sais, je me prends beaucoup trop la tête. Ça a toujours été le cas, mais maintenant, c’est encore pire. C’est pire parce que j’essaie de ne pas trop en faire, pas seulement pour pas lui faire peur, mais aussi parce que je ne veux tout simplement pas aller trop vite. Et évidemment, comme dit, j’ai peur de lui faire du mal, qu’elle regrette, que ça se passe mal,… Bref, toutes ces conneries qui tournent sans cesse et qui m’empêchent de vraiment y croire. Parce que oui, je reste persuadé qu’elle mérite mieux et qu’elle devait avoir mieux… et qu’elle sait pas vraiment ce qu’elle veut, même si ça, je vais éviter de lui dire, je suis sûr qu’elle le prendrait mal. Quoique le reste aussi.

Et puis, en de rares moments, j’essaie juste de profiter, comme là. De petits instants qui me rendent heureux, tout simplement. L’avoir près de moi, sentir un peu sa peau et la voir sourire et rougir juste parce que je lui tiens la main, c’est juste parfait non ? Même si je vois bien qu’il y a des trucs qui la tracassent.  Mais c’est Quinn, alors forcément, elle finit par en parler. J’esquisse un sourire quand je la vois chercher ses mots avant de tout balancer en vrac. Je la dévisage et hoche doucement la tête.

« Oui, on est ensemble. Et dis-moi pourquoi ce serait moins marrant ? Qu’est-ce que ça change ? C’est pas comme si j’ignorais que t’étais une pipelette invétérée ou que t’avais la capacité d’attention d’un oiseau mouche, et que je le découvrais du jour au lendemain… »

Je fronce un peu les sourcils quand elle baisse le regard, avant de me figer. Mais qu’est-ce qu’elle raconte ? La changer ? Pourquoi je voudrais la changer ? Boulet. Tu croyais vraiment qu’elle allait pas se poser de questions de son côté ?... Ouais. Enfin, je pensais pas que ça, ça la travaillerait. Ou qu’elle s’imaginerait que je veuille qu’elle soit différente. Même si c’était pourtant évident la connaissant que c’est exactement ce qui lui passerait par la tête. Mes yeux s’écarquillent un peu alors qu’elle reprend.

« Quoi ? Zak a quoi ? »

Il se fout de moi non ? Il lui a acheté… Il l’a vu ? Non mais arrête de déconner, c’est Zak. Et on parle de Quinn. Allez, desserre la mâchoire et respire. Je ferme les yeux un instant et secoue la tête en me pinçant l’arrête du nez. Avant de soupirer et de poser une main sur sa joue. J’esquisse un sourire alors que je la dévisage, mon pouce caressant toujours sa joue, l’air sans doute un peu abasourdi.

« Je veux pas que tu changes. Ni physiquement, ni mentalement. Surtout pas. Mais euh… T’as vraiment été acheter des… des sous-vêtements… avec Zak ? »

Je la fixe un instant, avant de sourire et de rire. Ouais, elle va m’en vouloir, mais j’y peux rien, c’est un peu nerveux. Ma main serre toujours la sienne, pour éviter qu’elle se sauve on sait jamais…
Je finis par reprendre ma respiration, et je souris, déposant un baiser sur ses lèvres.

« Ecoute... Tu es belle, t’as pas besoin de changer, et surtout pas parce que quelqu’un aimerait que…
T’es pas comme les autres filles Quinn. C’est pas nouveau. Je suis désolé. Si tu as cru que… Bien sûr que si tu me plais et que j’ai envie de plus. Mais… » Je pose une main sur sa hanche et la rapproche de moi, effleurant toujours sa joue de l’autre. « J’essaie juste de pas… En vrai, je sais pas comment faire. Avec toi, j’ai l’impression d’être paumé et de pas savoir faire. Je sais, c’est con. Mais je tiens à toi et…
Et j’ai pas envie de te forcer ou que t’imagines que j’attends que ça avec toi ou que… ou que tu crois que tu puisses pas changer d’avis. Parce que tu peux toujours. Il suffit de me le dire. Ça changera rien, je serai toujours là pour toi, même si c’est pas vraiment ce que tu veux et que tu veux qu’on reste amis. Je te laisserai pas, d’accord ? »

Peu importe au final non ? Tant qu’elle va bien et qu’elle est heureuse… J’ai pas dit que ce serait facile. Mais je ferai avec et… ouais bon, c’est pas gagné, on est d’accord.

J'aimerais bien dire que j'avais imaginé un tas de fois comment les choses auraient pu se passer entre nous, mais en fait, c'est pas du tout le cas. A chaque fois que j'imaginais Luka en train de m'embrasser, ça s'arrêtait là. Y avait jamais de suite, parce que je voyais pas comment ça pourrait être entre nous. Parce que j'étais persuadée qu'il me repousserait, qu'il verrait en moi la petite sœur que je devais forcément être à ses yeux, ce genre de trucs quoi. Alors qu'en fait, c'est pas le cas. C'est pas exactement comme j'aurais pas osé l'espérer mais, déjà, quand on est tous les deux, mon cœur a des ratés, ou alors il bat un peu trop vite selon les moments. J'adore être dans ses bras, sentir le creux de son cou quand il me serre contre lui. Et je parle même pas des bisous, ça c'est encore le stade au-dessus. Alors oui, forcément, vu qu'il y a rien de plus, je me pose des questions. Est-ce que ça lui fait le même effet qu'à moi ? Visiblement non, sinon il aurait tenté plus. Je crois. Je suppose en fait, à dire vrai, je suis un peu paumée. Bon, pas qu'un peu okay, mais les moments où je me sens juste bien avec lui compensent presque totalement tous ces moments de doute en fait. Sauf là, alors que, d'un coup, le bien-être que je ressens est un peu grignoté par tout ça. Donc forcément, comme à chaque fois qu'un truc me tracasse, je finis par lâcher le morceau. Il doit avoir l'habitude à force j'imagine. Ca reste quand même pas simple, surtout que ça le concerne directement. Ca nous concerne même.

J'ai une grimace à ses propos, même si je hoche la tête. "On est ensemble alors. Okay. Je me demandais si… enfin si pour toi on l'était. Si ça voulait dire pareil pour toi que pour moi. Et si tu … enfin si tu préfèrerais pas être avec une autre. Et ça change que…" Je me mordille la lèvre, sans bien savoir comment trouver mes mots avant de souffler, à mi-voix. "Ca change que c'est mignon quand c'est pas sa… copine ? Ca peut t'agacer au lieu de t'amuser maintenant. Et je saurais pas comment … être différente." Et je fronce les sourcils quand il fait une drôle de tête, sans bien piger pourquoi. J'ai pas le temps de dire quoi que ce soit qu'il soupire et pose sa main sur ma joue. Forcément, je rougis sans même arriver à m'en empêcher, alors que je hausse les épaules au reste de ses propos. "J'ai demandé à Zak des conseils pour… pour que tu me trouves plus jolie. Moins petite fille. Alors il a dit à la vendeuse de me trouver aussi des sous-vêtements quand on cherchait une robe pour le nouvel an. Et je… mais pourquoi tu ris ?" Heureusement qu'il serre ma main, sinon je serais partie au bout du monde. Oui, rien que ça.  Je fronce les sourcils quand il reprend, même si je bats des cils quand il m'embrasse. Bon, d'accord, ça, ça peut que me faire rester sur place, j'avoue. Mais le reste m'embrouille et pas qu'un peu. "Je… je changerais pas pour quelqu'un d'autre que toi. Toi, c'est différent. Et je sais que je suis pas comme les autres filles, c'est bien le problème d'ailleurs. Et comment tu peux avoir envie de plus et pas savoir comment faire ? Tu sais faire toi normalement. Je… je l'ai assez entendu pour ça en fait." Je baisse les yeux, la moue un rien boudeuse avant de me figer et de le repousser quand je tique sur ce qu'il vient de dire. "Pourquoi tu dis ça ? C'est parce que c'est ce que tu veux toi ? Pour de vrai ? tu veux pas aller trop loin comme ça, au cas où, ça te laisse encore la possibilité de tout arrêter ?"

Je me recule d'un pas et je croise les bras, le regard brillant alors que je reprends, dans un murmure. "Je… j'ai jamais voulus qu'on soit amis. Ce que je ressens pour toi, je le ressens depuis toujours, avant même que je comprenne ce que ça voulait dire. Et toi, tu me dis que je peux encore changer d'avis ? T'es sérieux là ? Mais…" Et je me tais, à court de mots, lui jetant un regard noir. Sérieusement, comment il peut faire battre mon cœur comme ça et me dire des trucs pareils ? Je comprends pas, mais alors vraiment pas.

Je sais pas si ça devrait me rassurer ou pas de voir qu’elle semble se poser autant de questions que moi. Si elle s’en pose, c’est qu’elle y réfléchit et qu’elle en a envie du coup non ? Parce qu’en s’interrogeant autant, on finit forcément par se rendre compte de ce qu’on veut ou de ce qu’on ne veut pas. Et si elle voulait pas, si elle voulait plus, elle le dirait non ? J’espère que oui. J’espère qu’elle se monte pas la tête en se disant que je la foutrais dehors ou je sais pas quelle autre connerie. Elle doit quand même savoir que non seulement je suis pas comme ça, mais que je lui ferais jamais ça, quoi qu’il se passe. Enfin, comme je disais, quand quelque chose lui trotte dans la tête, elle finit toujours par le dire. Ça c’est un truc que j’aime bien aussi, pas besoin de se prendre la tête à chercher, on finit toujours par savoir.
Je la dévisage alors qu’elle réfléchit et commence à parler, fronçant les sourcils quand elle grimace et reprend.

« Qu’est-ce que tu racontes ? Pourquoi je voudrais être avec une autre alors que t’es là ? Evidemment que ça veut dire la même chose… Je veux pas que tu sois différente, c’est pas agaçant, c’est mignon et j’adore ça. D’accord ? »

C’est loin d’être aussi simple, on est d’accord, surtout avec elle. Elle a une faculté assez impressionnante pour ne retenir que ce qui l’intéresse, quel que soit le sujet… Elle joue avec une fourchette dans le grille-pain ou elle oublie d’éteindre l’eau quand elle fait la vaisselle. Et après, elle vous ressort le mode de reproduction des binturongs ou la date de création de la Tour de Babel. Et de vous sortir l’instant d’après qu’elle a été acheté des soutifs avec votre meilleur pote donc. Mon sourire s’agrandit un peu en la voyant rougir, avant de vaciller. Elle les a vraiment choisis pour moi. Enfin, la vendeuse, mais parce qu’elle le voulait. Et si je ris un peu, c’est absolument pas ma faute … Elle a fait les magasins, pour ça, et avec Zak quoi. Mais comme j’avais prévu, heureusement que je lui tiens la main, elle se serait vraiment sauvée. Je reconnais, rire, c’était ni très sympa, ni très malin. Mais c’est juste qu’elle est tellement… adorable sans s’en rendre compte. Et j’ai jamais été très malin.

« Pardon. C’est juste que je t’ai imaginé faire les magasins avec Zak, sur la musique de Pretty woman… Et que je discuterai un peu avec Zak qui m’a caché tout ça donc… »

Genre il savait depuis le jour de l’an, au moins, qu’elle avait envie que je la trouve plus jolie. Moins petite fille donc… est-ce que je la trouve petite fille ? Non, pas vraiment. C’est simplement que je la connais depuis qu’elle a 6 ans, alors forcément, ça fausse un peu le jeu non ? C’est un peu étrange du coup parfois je le reconnais… Bon, peut-être que je la vois un peu comme une gamine, et que ça fait partie des trucs qui me bloquent. Et si je la mate un peu, que mon regard s’attarde sur ledit soutien-gorge, alors que je lui parle, c’est aussi involontaire que mon rire. Mais elle l’a acheté pour que je le vois non ? Et…
Hum. On disait quoi ? Je secoue la tête, avant de sourire de nouveau, brièvement. Assez entendu. Je grimace. Merde. Et j’ai pas le temps de répondre que déjà, elle repart. Et qu’elle commence à bouder et à se mettre en colère. Whowhowho… Et en plus, elle comprend tout de travers. TOUT. Je lâche sa main alors qu’elle recule, haussant un sourcil quand elle croise les bras. Elle est en colère ou elle va pleurer ? A choisir, je préfère les cris, j’aime pas la voir pleurer. Encore moins à cause de moi. Et je la fixe, un peu con, sans savoir trop quoi dire durant un instant.

« … Depuis toujours ? Genre depuis que t’étais toute petite ? Comment tu peux… »

Je soupire et me passe les mains sur le visage. D’accord, ça va être compliqué. Comment elle peut être aussi maligne et aussi… bornée et incapable de comprendre quand ça la concerne ? Okay, je sais, je suis pas le mieux placé pour critiquer là, je m’en rends compte. Petit à petit. J’ouvre les yeux et la dévisage.

« Toi c’est différent aussi. T’es pas comme les autres filles, parce que tu es importante. Tu comptes pour moi, vraiment, j’ai pas envie d’arrêter, mais j’ai encore moins envie de te faire du mal ou de te perdre, tu comprends ça ? Alors non, je sais pas comment faire avec toi, même si t’as beaucoup trop entendu visiblement, parce que t’es pas une fille que j’ai rencontré dans un bar et que je reverrais pas, parce que j’ai pas envie de juste te sauter sur le moment et de passer à autre chose, parce que c’est toi qui obsède mes pensées et que c’est avec toi que j’ai envie d’être et c’est avec toi que je veux vivre. Alors non, c’est pas évident. Parce que, et tu vas le prendre mal, tu n’as que 17 ans, parce que je veux pas que tu te sentes forcée ou que tu le fasses parce que tu te sens redevable, et je sais, je commence à piger que c’est pas le cas, et je… »

J’inspire profondément, les mains enfoncées dans les poches, la mine un peu butée, mes yeux fixés sur elle.

« Je t’aime Quinn. » Je hausse les épaules, le regard un peu paumé. « Je t’aime plus que j’ai jamais aimé quiconque. Et ça, je sais pas trop faire. »

A quel point c’est moi qui suis censé être mature et responsable là ? Je me rends pas trop compte. A quel point je suis pathétique et idiot à ressembler à un môme buté alors que je lui dis que je l’aime. Ça craint, je suis vraiment pas doué avec elle, ça se confirme.

Au moins il m’écoute. Même quand je raconte n’importe quoi, quand je pars dans mes délires, il écoute toujours. Des fois, ça l’amuse et je m’en offusque pas en général, sauf que là c’est quand même autrement plus sérieux qu’en temps normal. Je veux dire ,c’est pas rien si c’est vrai et qu’on est vraiment ensemble ? Parce que ça implique un tas de trucs. Je suppose en tout cas. Faut dire que ouais, j’ai jamais pensé à tout ça et que là, y a un tas trucs qui se bousculent dans ma tête. Des trucs bons comme des trucs mauvais en fait. Et cette angoisse sourde, cette panique qui pourrait déborder sur tout le reste. De le perde. Qu’il veuille plus me voir, plus me parler. Si ça doit s’arrêter entre nous et que je puisse l’avoir près de moi toute ma vie, d’accord. Juste, je peux pas continuer sans lui. Il est trop important, beaucoup trop pour que je puisse même l’imaginer. Alors j’essaie de me raisonner, de faire la part des choses. De relativiser même, enfin ça, c’est encore plus dur que le reste. Et je souffle à ses propos, dans un murmure pas convaincu. "Parce que tu pourrais avoir d’autre chose. Que moi je peux pas t’apporter. Comme des filles plus jolies, plus… expérimentées. J’y connais pas grand-chose et… bref… donc pour le moment, ça t’agace pas. D’accord."

Ouais, je sais, je pourrais être plus assurée mais bon, moi j’aurais pas envie d’être avec quelqu’un comme moi. Donc je pourrais comprendre que ce soit son cas. Bon, il arrive quand même à me vexer et mon cœur se serre un peu quand il rit. Quoi, je suis si ridicule que ça à vouloir lui plaire ? C’est ça l’idée ? Alors je fronce les sourcils, pour lui montrer que ça me contrarie avant de hausser les épaules. "Moui, c’était pas trop ça hein. Il m’a offert un bubble tea, il m’a permis d’échapper à je sais pu qui qui était en train de me draguer et je lui ai dit que je voulais une robe pour que tu me trouves jolie. Enfin, j’ai pas eu besoin de dire que c’était toi. Il savait déjà." Je me frotte le nez, un peu pensive. Tout le monde avait l’air de savoir en fait, sauf Luka. Parce qu’il voulait pas voir ? C’est pas impossible hein, mais qu’est ce qui a pu le faire changer d’avis ? Et puis, qui dit qu’il changera pas de nouveau d’avis après. Quand je disais que je me posais trop de questions… Je soupire profondément avant que les choses n’empirent d’un seul coup. Mais pourquoi il dit des trucs pareils ? Ca me confirme juste que, oui, on dirait bien qu’il veut pas vraiment de moi. Et je baisse les yeux à sa question, la mine contrariée, même si je hoche la tête. "C’est… je sais même pas comment dire. C’est juste une évidence. C’est la seule chose dont j’ai jamais douté et… bref… c’est idiot, je sais." Je plisse des yeux alors qu’il reprend et, bien évidemment, j’apprécie moyennement qu’il dise que j’ai que 17 ans. Alors, oui, je retiens le reste, enfin je l’écoute quoi, mais c’est quand même pas trop cool à entendre. "Tu me trouves trop jeune pour toi ?" Je relève les yeux, la mine brusquement inquiète avant de reprendre, sans vraiment réfléchir. "… ou alors ptet qu’une part de toi a pas vraiment envie. Qu’il y ait plus. Et puis, de toute façon, on sait tous les deux que si tu m’avais rencontrée dans un bar, tu m’aurais même pas adressé la parole." On va pas se mentir, faudrait que je sois totalement stupide pour imaginer quoi que ce soit d’autre. Le reste fait pourtant son bonhomme de chemin. Je compte pour lui donc. Même si je comprends pas qu’il puisse imaginer me faire du mal en fait, c’est juste tellement ridicule et pas concevable que mon cerveau refuse même de l’intégrer.

Et puis, d’un coup, plus rien d’autre n’a d’importance. Je me fige à ses mots et je cille, incapable de dire quoi que ce soit. J’ouvre la bouche une fois. Puis une deuxième. Mais rien ne sort. Je sais même pas comment je fais pour arriver encore à respirer en fait. Ah peut-être parce qu’en vrai, je respire plus. Et je continue le fixer, avec mon cœur qui s’est arrêté lui aussi. Parce qu’il s’est mis en pause ouais, comme s’il avait besoin de ça pour être bien sûr que je me rappelle toute ma vie de ce que Luka vient de dire.

Trois petits mots. Juste trois petits mots. Et mon cœur va exploser. Ou moi, je sais pas trop. Mais dans le fond, ce serait pas si grave non ? Parce que je viens d’effleurer ce que je pensais jamais pouvoir toucher un jour alors, dans le fond, je peux mourir maintenant ça me dérangerait même pas. Mais pas d’attaque, de foudre ou de je sais pas quoi. Je sais même pas depuis combien de temps je le regarde comme ça, probablement avec une tête de poisson mort ou un truc tout aussi sexy. "Tu… pour de vrai ? Je…" Je m’en fiche qu’il sache pas faire en fait. Parce que c’est lui et que ça n’a pas la moindre importance. Mon visage s’illumine avant que je ne finisse par plaquer mes mains sur ma bouche et par éclater en sanglots, incapable de gérer ce trop plein d’émotions d’un coup. Alors je me cache contre lui, le front appuyé sur son torse alors que je souffle, comme une idiote. "Je suis désolée, j’arrive pas à te dire que je t’aime. Je sais pas faire non plus. Je suis trop nulle." Non mais, pour de vrai, comment il peut m’aimer moi ?

On se rend pas compte comme c’est compliqué tout ça avant que ça vous tombe sur le coin de la gueule. Parce que les trucs gnangnans, les films d’amour, les histoires même d’amour, bah ça reste des histoires. C’est ni réaliste, ni crédible la plupart du temps. On se dit pas tient, ça pourrait m’arriver à moi, c’est trop beau pour être vrai. Ou pas. Mais même les trucs genre Roméo et Juliette, ça craint et c’est pas réaliste. Je veux dire, tu lis ça, tu te dis juste que ce sont des abrutis qui réfléchissent pas plus loin que le bout de leur nez, parce que bon, se suicider plutôt que de chercher une solution, c’est idiot et ridicule. Une fois mort, elle fait quoi l’autre personne ? Et une fois les deux clamsés, il se passe quoi ? Que dalle. Fin. C’est pourri. Ouais, je sais, je pars un peu en vrille, mais pour ma défense, j’avais dû faire un exposé dessus et ça m’avait saoulé. D’accord, c’était pas la même époque, mais quand même…
Oui, bon, bref. Hum.
Tout ça pour dire qu’on ne peut pas savoir toutes les questions et les doutes et les inquiétudes et les emmerdes que ça apporte d’être amoureux à ce point de quelqu’un. J’aurais sans doute dû commencer par là. Et si je flippe sur beaucoup de choses, elle se pose trop de questions qui n’ont pas vraiment lieu d’être. Même si d’accord, je me demande aussi un peu si elle n’est pas trop jeune et trop… pure ? pour être avec moi, ce n’est pas tout à fait la même chose. Et je secoue la tête.  

« Plus jolies ? Je crois pas non. Quand au reste, je… j’ai déjà eu autre chose, et c’est pas vraiment ce qui m’intéresse en vrai. »

Et c’est pas plus mal qu’elle y connaisse pas grand-chose, mais ça, je vais éviter de le dire hein, surtout maintenant. Elle doute déjà assez d’elle et j’arrive pas à comprendre pourquoi. Non mais si, je sais bien pourquoi. Mais c’est avec les autres, pas avec moi, avec moi, c’est différent non ? Enfin d’accord, ça change un peu toute la relation, mais c’est en mieux, pas en pire, c’est pas censé la faire flipper même avec moi. Parce que dans ce cas-là, il lui reste quoi pour décompresser et aller mieux ? Bon je sais, même avec moi, c’est pas toujours ça… et j’arrive encore à la mettre mal à l’aise ou à la blesser, genre comme là. Je sais, j’aurais pas dû rire, mais bon, mettre Quinn, Zak et des boutiques de fringues ensemble, en même temps, c’est un peu cherché non ?… Je fronce néanmoins les sourcils quand elle mentionne l’air de rien en passant entre deux infos qu’elle se faisait draguer. Non pas que je me foute du reste, mais bon… Il savait déjà ? Et il a gardé ça pour lui ? oui, bon, c’était pas à lui de m’en parler, mais quand même. Je toussote  et hausse un sourcil.

« Te draguer ? Et donc si tu te souviens plus, c’est que c’était pas l’autre-là, Billy ?... » Quoi ? J’ai le droit d’être jaloux là maintenant quand même. « Mais sinon c’est cool, t’as l’air d’avoir passé une bonne aprem avec lui. Et donc, le bubble tea, verdict ? Oh, et je te l’ai déjà dit, mais tu étais vraiment très jolie dans cette robe. »

Bon, si jusqu’à présent, c’était juste quelques doutes qui éclataient, là, ça devient n’importe quoi. J’arrive à la mettre en colère, sans trop capter comment ni pourquoi. Je sais que je suis maladroit, surtout quand ça la concerne, et surtout je sais qu’elle a tendance à prendre les trucs un peu n’importe comment. Mais là en l’occurrence, c’est encore pire que d’habitude. Quant à moi… bah je sais pas trop quoi lui répondre durant quelques secondes.

« Une évidence… C’est pas idiot, c’est… impressionnant… »

Et un peu flippant aussi, dans le genre comment j’ai pas pu m’en rendre compte avant, je me pose là non ? Je sais que c’était qu’une gosse, et que j’étais pas beaucoup plus vieux, mais euh, enfin… c’est beaucoup non ? Peut-être pas, peut-être que je tiens à elle depuis aussi longtemps et que c’est pour ça que je l’aidais et la supportais déjà à l’époque, j’en sais rien. J’ai déjà du mal à savoir maintenant, à me rendre compte de tout ce que ça implique, de tout ce que ça peut faire pour elle, ou pour moi, alors avant… Et je me rends bien compte en lui parlant que je suis pas forcément clair. Et qu’elle va forcément retenir qu’un truc. Voilà. Je soupire en me pinçant l’arrête du nez.

« Non. C’est pas vraiment ça, mais je… » Je la dévisage et esquisse un sourire. « Je t’aurais peut-être pas parlé c’est vrai. Déjà parce que si tu trainais dans un bar, t’aurais certainement pas été seule. Et t’aurais eu l’air trop bien sur moi. » Ma main va effleurer sa joue. « Mais je t’aurais pas quitté du regard quand même… jusqu’à passer pour un pervers ou un obsédé… »

Et si elle a pas l’air d’avoir tout entendu, ou accepté, sur mon discours d’avant, là, ça semble faire mouche. En même temps, pour le coup, j’ai fait simple. Trop simple, trop direct et trop franc peut-être même vu sa tête. Les mains toujours enfoncées dans les poches, un peu boudeur, comme un gosse pris en faute, sans trop savoir pourquoi. Sûrement parce que je m’attendais pas à lui dire comme ça, de cette façon. J’y avais pas pensé du tout soit. Mais là… Et j’ose rien dire, osant à peine la regarder, me demandant si elle va reprendre ses esprits et s’enfuir. Mais elle bouge pas, se contentant de reprendre sa respiration et de me fixer. Bienbienbien. Et puis d’un coup, elle se met à sourire.

« Oui. Pour de vrai. Evidemment que je t’aime. »

Je hausse doucement les épaules sans la quitter des yeux, alors que cela m’échappe dans un murmure, comme une évidence donc. Sauf que… J’écarquille les yeux quand elle se met à pleurer. C’est pas censé faire pleurer quand on dit ça normalement, pas vrai ? Je suis censé le prendre mal à quel point là ? Pourtant, elle a eu l’air contente et…
Et je passe une main sur sa tête quand elle s’appuie contre moi, posant l’autre dans son dos. Quoi ? Et je souffle un rire en l’entendant. Elle est sérieuse là ? Elle est vraiment en train de dire qu’elle sait pas comment me dire qu’elle m’aime ?... Attends... Elle m’aime ? Genre pour de vrai ? J’inspire contre son crâne, la serrant contre moi, me demandant à quel point je peux accepter tout ça et le prendre au sérieux et ne pas imaginer le pire. Alors j’esquisse un sourire et l’embrasse sur la tête, la gardant contre moi.

« Oui, c’est assez difficile de dire à quelqu’un qu’on l’aime, de lui faire comprendre et accepter qu’il est tout ce qui compte. Dire que je m’attendais à une déclaration avec des roses et des bougies, un coucher de soleil, et un fondant au chocolat, un truc du genre "O Roméo, Roméo, pourquoi es-tu Roméo ? Renonce à ton père et abjureton nom ; ou, si tu l'aimes mieux, jure seulement d'être mon amant, et je cesse d'être une Capulet. "… Et tout ce que j’ai c’est que tu n’arrives pas à me dire que tu m’aimes ? » Je lui relève doucement le menton et j’ai un sourire en coin. « T’as vu comme je suis sexy en récitant Shakespeare ? » Mon pouce frôle ses lèvres. « Et c’était une ravissante déclaration. »

Je me penche légèrement, mes lèvres allant rejoindre les siennes, alors que je tiens toujours son menton d’une main. Main qui va se perdre dans ses cheveux quand le baiser se fait plus profond. Non, c’est pas que j’ai pas envie de plus…. Peut-être que ça elle finira par le comprendre aussi…

Je le fixe tout en parlant, les yeux un peu trop écarquillés, l’air un peu idiote. Pas trop j’espère, histoire de garder le peu d’amour-propre qu’il me reste. Si, si, je vous jure, j’en ai encore. Un petit quoi. Et je me demande à quoi il peut bien penser. S’il regrette. Oui, ça, je me le demande tous les jours ou presque. Il a beau soutenir que non, j’arrive pas à m’en convaincre totalement. Parce qu’il peut ne pas avoir envie de me faire du mal aussi. C’est un peu confus et en fait, c’est encore pire depuis qu’on est ensemble. Parce qu’à cette confusion se rajoute cette sensation qui me réchauffe quand je suis avec lui, quand il me prend dans ses bras. Cette sensation, même fugace, me fait plus de bien que tout ce que j’ai pu vivre dans ma vie. Enfin presque. Parce que le moment où je l’ai vu apparaitre dans ma chambre, y a deux ans, c’est encore au-dessus de tout ça. Je fronce le nez à ses propos, la mine pas vraiment convaincue et je secoue la tête avec une moue. "Bien sûr que si. Je suis pas totalement débile et je vois bien qu’il y a des filles bien plus jolies que moi. Et c’est quoi qui t’intéresse alors du coup ?" J’ai vraiment envie d’avoir une réponse à cette question ? Je sais pas trop. Parce que si ça colle pas avec ce que je suis, je fais quoi moi ?

Enfin, pour le moment, je suis plutôt occupée à me vexer. Pas tant que ça. Je pourrais faire carrément pire et il le sait très bien. Je hausse une épaule à sa question. "Non c’est euh… David ? J’sais plus. Il est en cours d’histoire, ou de maths, derrière moi parait-il et avait jamais osé m’aborder, blablabla… n’importe quoi." Je rosis un peu au reste de ses propos, piquant du nez et esquissant un sourire un peu contrit. Je suis jolie. Vraiment très jolie donc. Enfin dans cette robe. "Oh le bubble tea c’est trop bon. Je m’y attendais pas du tout en fait. Et il a été cool Zak, sois pas fâché avec lui." Bon, évidemment, y a des trucs qu’il dit qui me plaisent pas, mais alors pas du tout. Et comme je sais pas lui cacher quoi que ce soit, ça sort. Pas forcément comme il faut, c’est tout le contraire même. Pourtant, il a l’air de capter. Je crois. "Impressionnant ? Ca a pas l’air super positif dit comme ça…" Je grimace, un peu inquiète. Peut-être que j’aurais mieux fait de me taire, de pas parler de ce genre de trucs. Qu’il va regretter, encore, même s’il le dira pas. Et les autres questions fusent, sans que je sois capable de m’en empêcher. "Mais quoi ?" Forcément, ça me stresse qu’il finisse pas ses phrases, même si j’ai une moue au reste de ses propos. "Moui… ça t’a déjà empêché d’aborder une fille le fait qu’elle soit pas toute seule ? Et… trop bien… tu dis n’importe quoi." Je le suis des yeux et je rougis de nouveau, parce que bon ce qu’il me dit c’est quand même chouette. Je le crois qu’à moitié évidemment, mais l’idée est agréable.

Et puis il me dit qu’il m’aime. Moi, la petite gamine godiche qui dort dans la chambre d’à côté. Et pourquoi ? Ca j’en sais rien du tout. Je devrais m’estimer heureuse du coup et pas chercher à comprendre. Juste prendre comme ça vient, cette bouffée de bien-être, cette nuée de papillons qui vient de s’envoler dans tous les sens et cette envie de me cacher dans ses bras jusqu’à la fin des temps. Sauf que, bien évidemment, je suis toujours à côté de la plaque, même si je souffle, d’un ton incrédule. "Pour de vrai. C’est…" Avant d’éclater en larmes donc. Et de lui dire que moi, je sais pas faire, parce que je suis pas douée. Alors qu’il mérite quelqu’un qui sait lui dire ce genre de choses, bien mieux que moi. Mais non, il sourit et il a même l’air heureux. J’ai un rire entrecoupé de sanglots quand il se met à parler. Il se moque de moi, mais gentiment. Je crois. Et je secoue la tête, essuyant tant bien que mal mes larmes du revers de ma manche. "T’es sexy tout le temps, ça compte pas. Mais j’aime bien quand tu déclames des trucs comme ça. Même si je suis pas sure que j’aurais pu être capable de faire tout ce que t’as dit là. Sauf le fondant et… tu dis des bêtises, c’était n’importe quoi tout ça…" Je bats des cils alors que je rougis encore plus, je pensais même pas que c’était possible. Parce que j’ai pas l’impression qu’il me regarde comme ça d’habitude. C’est peut-être pour ça que je parle un peu vite, je sais pas.

Et puis, il m’embrasse. Là aussi, c’est pas comme ça en temps normal. C’est plus des bisous, c’est pas aussi… c’est sensé me donner aussi chaud ? J’en sais rien en fait. Je sais juste que j’agrippe son t-shirt pour me rapprocher de lui et que je lui rends son baiser sans réfléchir. Et avec peut-être un peu beaucoup d’enthousiasme alors que finis vraiment par me plaquer contre lui du coup. Avant de finir par souffler, tout contre ses lèvres. "Désolée… je… enfin…" Parce que ça se fait ptet pas de réagir autant en fait. Et ce coup-ci, c’est moi qui l’embrasse, comme j’avais encore jamais osé le faire. Voilà, quitte à être désolée, autant que ce soit pour quelque chose non ?

Je remets une de mèches derrière son oreille et je souris un peu. Pas besoin de la connaître aussi bien que moi pour voir qu’elle est sceptique, et pas qu’un peu. Ça devrait pas m’amuser, parce que c’est un peu vexant qu’elle me croit pas, mais étant donné que je suis un peu comme elle et que je me pose beaucoup trop de questions, je préfère en rire. Et puis, elle est beaucoup trop mignonne quand elle fait cette tête.

« T’es très loin d’être idiote. Mais t’es pas vraiment objective quand il s’agit de toi, et je t’assure qu’y en a pas beaucoup qui sont aussi jolies que toi…»Je soupire. « Je veux quelqu’un avec qui partager une barbe à papa géante ou une pizza triple fromage, je veux faire des soirées patinoire, billard, karaoké, bowling, des journées à la plage, au zoo ou au parc, je veux organiser une soirée raclette et avoir l’impression que c’est la meilleure idée de l’année, je veux apprendre à cuisiner de nouveaux gâteaux au chocolat,  je veux aller à des fêtes foraines, des expos et des marchés d’antiquaires, je veux rire devant un film de série Z, et me moquer des acteurs de séries… » J’esquisse un sourire. « « C’est ce que j’ai déjà avec toi. »

J’enfonce mes poings dans mes poches tout en parlant, comme si ça n’avait pas vraiment d’importance. Evidemment que je sais ce que je veux et ce qui m’intéresse… Mais à quel point ça fait hypocrite venant de moi de dire que je veux construire et avancer avec quelqu’un vu la durée de ma plus longue relation n’a pas du excéder… quelques jours ? Alors oui, elle y est pour beaucoup, mais de toute manière, ça n’aurait pas marché, faut pas se mentir. D’autant plus quand on voit mes propres réactions avec les mecs qui l’entourent. Je la dévisage, ne sachant pas si je dois me sentir soulagé qu’elle ne pige vraiment pas que les mecs la trouvent mignonne ou si je devrais lui expliquer. Je suis trop con.

« … En quoi ce serait n’importe quoi ? T’es plus que jolie, drôle, intelligente et adorable. Mais continue de les ignorer, ça me va bien… » Tant qu’elle rougit comme ça que pour moi. Oui, je me sens toujours mal à l’aise quand je me dit que j’ai le droit de penser ce genre de trucs maintenant… «  Mais non, je suis pas fâché. Et c’est cool pour le bubble tea, on pourra s’en prendre de temps en temps. »

Je lui souris, qu’elle boude ou non, et je grimace un peu.

« Bien sur que si c’est positif… Je pensais pas que ça me ferait… tant de bien à entendre en fait. »

Et que ce serait si flippant. Ça met un peu la pression là non ? De savoir qu’elle m’aime depuis des années, depuis toujours peut-être même. Si jamais c’est vraiment ça… Parce que je peux encore moins me foirer et la décevoir. Comment vous voulez être à la hauteur de quelqu’un qui est amoureux depuis aussi longtemps ? Et en plus, malgré ça, je sais qu’elle m’en veut de l’avoir laissé durant si longtemps. Alors quoi ? Comment je dois réagir ? Comment je peux accepter ? Je relève les yeux vers elle, d’accord, ça ne fait que quelques centimètres, et je fronce un peu les sourcils.

« Mais je te connais depuis que tu as 6 ans Quinn, ça n’aide pas forcément… Je sais bien que tu as 17 ans, et qu’en vrai, on a que quelques années d’écart, sauf que… sauf que ça m’arrive encore de te voir avec ta barrette nuage dans les cheveux et ta robe blanche et bleue… » Je grimace un sourire d’excuse, sachant qu’il y a 90% de chance qu’elle le prenne mal quoiqu’il arrive. Mais mon sourire s’accentue un peu. « Quand elle était avec un mec, potentiellement son petit copain, crois-le ou non, mais oui, j’évitais. Et c’est pas n’importe quoi farfadet. »

Juste qu’elle s’en rend pas compte. Mais en même temps, elle est trop bien pour n’importe qui, donc on va dire que ça, je m’y fais. Les mains toujours dans les poches, je hausse une épaule en la dévisageant. Parce que je sais pas quoi dire d’autres sur le moment. Oui, je l’aime et oui, j’en suis certain, plus que je ne l’ai jamais été de quoi que ce soit. Ça veut pas dire pour autant que je sais gérer ou que je vais savoir faire avec elle, vu que j’ai l’impression de redevenir un puceau maladroit face à elle. J’arrive malgré tout à réagir et à essayer de la consoler quand elle se réfugie contre moi. Enfin, consoler, c’est un bien grand mot pour des larmes de joie. J’espère que c’est des larmes de joie, ce serait moche sinon. Et j’entends son cœur tambouriner contre moi, alors que le mien semble s’envoler à son tour. Et étrangement, là, j’arrive à en plaisanter et à le prendre avec légèreté. Quand bien même j’ai encore plus de questions qui me tournent dans le crane, quand bien même, j’ai juste envie de rester comme ça, avec elle dans mes bras, à juste profiter de sa présence, de sa chaleur et de son odeur. Mais j’y arrive, parce qu’elle en a besoin, elle a besoin que je la rassure et que je sois là, donc… je le fais. Facile. Pour elle. Et elle rit, plus ou moins, alors tout va bien. Je la fixe, avec un sourire amusé et une lueur espiègle dans les yeux.

« Tu parles, le fondant, tu l’aurais mangé avant même que je n’arrive… » Je lui embrasse le nez. « Et non, c’était pas n’importe quoi, j’ai beaucoup aimé, t’as pas le droit de choisir pour moi. Na !... Je connais pas beaucoup d’autres extraits de pièces ou romans, ça va être difficile de recommencer. Tu me trouves sexy tout le temps ? Genre même quand je reviens de jogging ? Parce que ça, ça serait bizarre. »

Et parce qu’il faut pas déconner, je l’embrasse. Vraiment, pas un simple baiser gentillet. Pas uniquement parce qu’elle en a besoin ou que je veux lui faire comprendre que je suis sérieux faut pas se leurrer. Parce que là, pour le coup, j’ose. J’en ai tout le temps envie, ou presque. Là… c’est juste le moment parfait. Et j’ai dit et entendu suffisamment de trucs, conneries compris, pour parvenir à chasser mes doutes. Descendant une main le long de son dos, je dirais bien que je la rapproche de moi, mais en vérité, c’est elle qui le fait. Et j’avoue, ça me fait beaucoup trop d’effets. Je commence à avoir un peu de mal à aligner des pensées et je la garde contre moi, le cœur battant trop vite, mon souffle mêlé au sien. Je la dévisage une seconde, esquissant un semblant de sourire paumé, avant qu’elle ne m’embrasse à son tour. D’accord, si là, elle ne sent pas que j’ai bel et bien envie d’elle, je sais pas ce qui lui faudra. Je crois que j’ai jamais été aussi bien de toute ma vie. Et surtout, je sais que ça n’a jamais été aussi intense, aussi doux, aussi fort. Tout à la fois.
Je finis par tenter de reprendre ma respiration, ma main toujours dans son dos… ah non, plus bas. Hum. Je toussote et la remonte lentement, juste un peu. Et à nouveau, j’effleure son visage, avant d’attraper une mèche de cheveux que j’enroule autour de mon doigt. J’ai un sourire contrit.

« Désolé… Mais on devrait pas… c’est pas vraiment le lieu pour… enfin… Y a du monde et euh… voilà. »

Et le prix de l’élocution ce coup-ci, je le mérite. Je l’embrasse sur le front et inspire profondément contre sa peau. Bon… et maintenant ? Un truc intelligent et constructif et mature…. Ou pas donc. Je m’éloigne juste assez pour la regarder, arrivant presque à faire comme si je n’étais pas embarrassé le moins du monde.

« T’as d’autres trucs dont tu souhaiterais parler ? Tant qu’on y est… »

Ouais, j’aurais dû garder le ou pas donc…

C’est un peu difficile en fait. De concilier l’évidence et le doute. De pouvoir mêler les sentiments dont je suis sûre à tout ce qui pourrait s’apparenter à leur application concrète. J’ai beau avoir une confiance aveugle en Luka, j’arrive toujours pas à croire qu’il peut vraiment vouloir de moi. Alors ouais, toutes ces contradictions, c’est un peu compliqué à gérer. Déjà qu’en temps normal, je suis une handicapée des sentiments, là c’est carrément le niveau au-dessus. Et pourtant, il est toujours là et il me sourit. Il rit même alors que je lui pose encore et toujours des questions sans queue ni tête. « T’es carrément pas objectif non plus à ce sujet. Je veux bien que tu dises que je suis mignonne mais … jolie… je sais pas, ça sonne un peu trop bizarrement dans mon esprit. » Mais, au reste, je me fige, le fixant avec les yeux brillants. « C’est vraiment ça que tu veux ? T’as pas envie d’autre chose ? De plus… moins moi ? » Je sais, je devrais me contenter d’apprécier le moment, d’être heureuse qu’il me dise tout ça. Mais je reste inquiète. Parce que ça serait trop beau, que ça collerait trop à ce que moi je veux et que je sais pas s’il dit ça pour me faire plaisir, pour me rassurer, ou s’il le pense vraiment. Alors, comme toujours, j’ai tout qui se bouscule dans ma tête et j’ai du mal à me contenter d’apprécier qu’il vient de décrire tous les moments qu’on passe ensemble et qui sont tellement précieux pour moi.

Et j’ai l’air encore plus sceptique quand on parle des garçons que je peux croiser. « Je suis pas vraiment la fille la plus sociable du monde. Je suis maladroite, gauche et tout ce que tu veux. En quoi ça peut plaire à … à qui que ce soit en fait ? » Je secoue la tête, incapable de comprendre le pourquoi du comment de cette histoire avant de soupirer de soulagement. « Cool… parce qu’il a été super gentil. Et oui, j’aimerais bien qu’on boive du bubble tea tous les deux. » Je lui jette un regard en coin, essayant d’ignorer cette angoisse un peu sourde qui me vrille les entrailles. Pourtant, je devrais être contente, il vient de dire un truc super chouette non ? Enfin si on prend pas ce fichu « mais » en compte. Je déteste ce mot, il casse toujours tout. Et là, autant dire que ce qu’il me dit me plait pas des masses. « Oh… je… d’accord. » Il me voit encore comme une petite fille. Non mais quand j’y pense, c’est pas si étonnant que ça. C’est même normal en fait. Peut-être qu’en vrai, il regrette et qu’il veut pas le dire, qu’il se cherche une porte de secours. Je devrais peut-être lui donner, sauf que je sais pas vraiment comment. « C’est pour ça que t’as pas envie de… enfin de moi ? De…  et je peux rien faire pour que tu l’oublies ça… que tu m’as vu avec ma barrette nuage ? » Je pique du nez, sans vraiment prêter attention au reste de ses propos. C’est là qu’il faudrait que je lui dise que c’est pas grave, que s’il m’aime pas vraiment comme moi je l’aime, je ferais avec. Tant qu’il m’envoie pas loin ou qu’il me laisse pas tomber. Il pourra même avoir plein de copines s’il veut, tant qu’il me garde un peu d’affection. Et pourtant, il me sourit, comme si c’était facile, comme si tout allait bien se passer. C’est peut-être vrai dans le fond, ça peut aussi arriver les contes de fée non ? Sauvée du grand méchant dragon par le prince charmant et tout, un truc qui arrive que dans les films quoi. Et encore, même pas tous, parce que ça dérape toujours un peu. Je me contente d’une grimace toujours pas convaincue avant qu’en fait, bin ça dérape.

Je pensais pas que ça me ferait autant chaud au cœur de l’entendre me dire qu’il m’aime. Que ça me donnerait l’impression de plus pouvoir respirer mais aussi de vouloir bondir tout autour de lui alors que je peux plus sentir mes jambes. J’essaie de calmer cette nuée de papillons qui se battent dans mon estomac alors qu’il sèche mes larmes et que je le fixe, un peu… bon, beaucoup d’accord, perdue. « J’aurais pas mangé le fondant. Pas en entier en tout cas. Et… t’as vraiment aimé ? C’était pas un peu ridicule quand même ? Et évidemment que je te trouve sexy tout le temps, même quand tu reviens de faire ton jogging. Juste que là, je te trouve sexy de loin. » J’ai pas le temps de continuer de dire n’importe quoi qu’il m’embrasse. Et cette fois, il fait pas semblant. Pas qu’il faisait semblant les autres fois mais là, c’est vraiment différent. Parce qu’on vient de parler, que je viens de comprendre des trucs ou pour une autre raison, j’en sais trop rien. Je sais juste que c’est la première fois que c’est sa façon de m’embrasser qui me donne envie de plus, qui me fait oublier les doutes, les peurs et toutes ces interrogations qui se feront un plaisir de repointer le bout de leur nez quand ce baiser se terminera. Mais, pour le moment, ça n’a pas la moindre importance. Et je me plaque un peu plus contre lui sans réfléchir quand je sens que je lui fais de l’effet, avant de déglutit et de hocher la tête, la mine un peu penaude. « Désolée, je pensais pas que tu… enfin que tu pourrais avoir envie juste comme ça. Remarque, ça me donne envie de… enfin… » Je vais prendre feu je pense, paf, me consumer sur place et on en parlera plus. J’inspire doucement, espérant que je suis pas aussi écarlate que j’en ai l’impression et mon regard accroche le sien alors que je fronce les sourcils. « Parler d’autres trucs… je… ouais, surement. J’sais pas trop. Y a des trucs que tu veux dire toi ? » Et je baisse les yeux, effleurant le col de son t-shirt du bout des doigts, sans vraiment me rendre compte de ce que je fais. Discuter donc. Et essayer de dire des trucs intelligents. J’en suis capable là ? Alors que j’ai juste envie qu’il m’embrasse de nouveau ? Franchement, aucune idée.