Trop tôt, pas d'âme qui vive dans la salle, juste l'écho de ses mots quand elle entonne ses chansons. « Karma Police, arrest this girl » traînante la voix, traînent les yeux qu'elle ballade dans la salle. Elle voit les corps qui s'entrechoquent les bouches qui la reprennent lui répondent, les murs devenus trop petits la fosse aux lions est comble. Quelques heures. Quelques heures encore avant la bruyante métamorphose. Ça fait des semaines qu'elle n'a pas foulé la scène Trix. On avait cassé la chanteuse et elle voulait pas offrir d'autres balafres que celle de sa voix, elle voulait pas qu'ils gravent en mémoire la version fanée de son joli minois. Princesse, la chanteuse des Bos. Pas pirate.
Ça va mieux. Sur le nez dansent encore les sutures mais la peau n'est presque plus bleuie, elle fait à nouveau office d'élément de décor joli  « Karma Police, I've given all I can » elle veut bien s'attaquer à quelques cœurs ce soir, la bouche rougie plus par son sang et c'est mieux ainsi. Elle voudrait d'abord que lui s'attaque à son corps. Tu viens plus tôt ? Elle a demandé, des sous-entendus dans le regard qui papillonne devant Joe. Elle veut qu'il l'embrasse l'embrase et lui fasse oublier les douleurs du cœur mal réparé. « For a minute there, I lost myself, I lost myself » le souffle se coupe elle laisse la musique tourner. Elle jette un coup d’œil par la porte entre-ouverte. Soupir, connard, connaît pas la ponctualité, les dents qui grincent elle lui planterait bien dans la peau. T'es où ? Son portable reste muet, pour peu que cet abruti l'ait oubliée, c'est pas permis de l'oublier. Elle s'invite derrière le comptoir du bar prend deux bières et en décapsule une pour laisser le goulot cogner ses lèvres. Pourboire des artistes. Elle se l'avoue pas mais elle a besoin de ces bras pour s'offrir un peu de courage, qu'il lui ronronne qu'elle chante mieux que tout Savannah, que promis on voit presque plus les ecchymoses sur ses bras. Il lui faut ça pour monter sereine briller sur scène. Elle a échauffé sa voix, elle a besoin qu'il chauffe son ego. C'est le rite.
La porte grince sa voix claque. « Ça fait une demi-heure que je t'attend co.. » elle manque de s'étouffer son salut coincé dans la gorge. Les opales qui ont daigné de s'élever sur celui qui vient d'entrer. C'est le temps qui s'arrête ou c'est son cœur elle sait pas, la bouteille ne tourne plus entre ses doigts. Milles choses qui se bousculent dans sa tête. « Rhoan ? » évidemment. Le doute est pas permis même dans la pénombre de la pièce qui manque de fenêtres et d'issues. « C'est pas encore l'heure. » finalement et ce filet sec est ridicule. Mal à l'aise. Ses yeux fuient les siens à la recherche d'un échappatoire caché derrière le comptoir. Si seulement le sol pouvait s'ouvrir sous ses pieds.