Sorry means you feel the pulse of other people's pain as well as your own ☾ La coloc est étrangement calme. Tu sais pas trop où ils sont, tous, mais c'est pas inhabituel qu'ils se cassent chacun de leur côté sans donner de nouvelles. Un signe de vie tous les trois jours, c'est la règle. T'as du mal à t'y plier, avec ton instinct protecteur et ton besoin de sauver tous ceux qui croisent ta route, mais tu prends sur toi. C'est ton jour de repos, tu refuses de te prendre la tête au sujet de Nur de River de Mags de tout le monde et n'importe qui. Un petit rire s'échappe de ta gorge alors que t'ajoutes une touche de couleur à ton tableau. T'essayes d'être égoïste, de penser à toi, de te libérer l'esprit en peignant, mais tu sais très bien que t'y arriveras pas. Tu peins mieux quand y a du bruit, de l'agitation, de la vie autour de toi, que tu sais que tout le monde va bien, que tout le monde sourit. C'est ta drogue, ton oxygène. Tu soupires, le pinceau toujours entre les doigts, la gouache étalée un peu partout sur tes mains ton t-shirt ton jean. T'arriveras à rien aujourd'hui. Tu te lèves, récupères tes affaires et files direction la cuisine pour tout nettoyer dans l'évier. T'es bordélique et tu fous de la peinture partout, certes, mais ça reste dans l'enceinte de ta chambre, sinon les autres t'auraient étripé depuis longtemps. Enfin, sauf Nur, parce qu'elle et toi c'est la team bordel et que vous aimez un peu trop ça, foutre la merde dans l'appart, disperser vos affaires pour mieux marquer votre territoire. Alors que t'es en train de finir d'essuyer ton dernier pinceau, t'entends quelqu'un qui rentre à son tour dans la cuisine. Tu te retournes pour te retrouver nez-à-nez avec Rhoan, son crâne rasé, son regard azur, ses bandages ses cicatrices ses bleus. Comme à chaque fois quand tu le vois, tu peux pas empêcher ton cœur de se serrer. Tu peux pas empêcher ton cerveau de trouver des centaines, des milliers de scénarios autres, de scénarios où tu l'aurais pas laissé tomber, où tu l'aurais sauvé, comme tous les autres, où il aurait été heureux. Peut-être qu'il l'est, au fond. Mais t'en doutes, parce que quelqu'un d'heureux finit pas à l'hosto avec une arcade sourcilière à recoudre et un œil au beurre noir. Ca te fait mal, tellement tellement mal, comme beaucoup de choses en ce moment, parce que t'es trop sensible trop attaché trop empathique peut-être, tu sais pas, mais tu souffres du malheur des autres et si t'arrivais à régler au moins un problème, ce serait déjà bien. « Faut qu'on parle. »

Il se tourne se retourne dans son lit et il hait ces bandages il hait ces points de suture, il hait surtout son corps qui lui fait mal de tous les côtés. Quelques jours à l'hosto ca change rien quand le coeur est aussi meurtri que la peau et il aimerait dormir mais il n'y arrive pas. Poings rageurs qui s'abattent dans l'oreiller il est frustré, parfois il aimerait s'assommer pour laisser un sommeil sans rêves l'emporter. L'appartement est calme il n'entend aucun bruit, lui qui d'habitude doit mettre ses écouteurs pour s'isoler ou bien gueuler pour se faire entendre. Il peut tenter une sortie et sûrement boire un café, quitte à ne pas dormir autant être productif, il se sent inspiré. Dans la cuisine ça sent la gouache et les couleurs il entend l'eau couler hésite à faire demi tour, mais il le voit avant il lui parle et Rhoan veut fuir. Lui qui l'évite depuis qu'il est arrivé ici, et d'ailleurs les autres doivent sûrement se demander pourquoi. Il l'a dit à personne, qu'il connaissait Felix, qu'il lui a pourri la vie qu'il l'a fait fuir, comme les autres. Rhoan sarcasme aux lèvres qui le juge d'un œil dédaigneux, y'a de la peinture partout sur Felix jusque dans ses cheveux et il se garde bien de lui faire remarquer il n'a pas envie de le toucher. Il ricane et tend la main vers la tasse qu'il s'apprête à remplir de café. "Tu vas m'larguer?" Faut qu'on parle, c'est ca qu'on dit quand on va laisser quelqu'un mais il a déjà laissé  Felix ca fait longtemps des années. Et c'est comme si Savannah portait une foutue malédiction comme si cette Ville attirait tous les fantômes de son passé, ceux qu'il a oublié ceux qui sont restés gravés. Felix est dans sa mémoire enraciné avec ses yeux trop purs son sourire trop vrai qui lui donnent envie de le cogner. Il soupire. "Qu'est ce que tu veux Felix?"

Sorry means you feel the pulse of other people's pain as well as your own ☾ Il lâche un rire désabusé, blessé, un rire qui n'en est pas un et qui vient écorcher tes oreilles plus violemment que des ongles sur un tableau noir. « Tu vas m'larguer ? » Il attrape une tasse, se prépare un café, te demande même pas si t'en veux aussi. Tu te contentes de l'observer, les yeux flamboyants derrière tes longs cils noirs, empreints d'une rage à peine dissimulée parce que merde, il va pas bien, il est jamais allé bien, et voilà qu'en plus il se fout de ta gueule à danser devant le problème comme Gavroche devant les balles. Ca te fait pas rire, Felix, parce que y a rien de drôle, parce que ouais, d'une certaine façon, tu l'as abandonné, laissé à son sort, alors que tu t'es toujours juré de ne laisser personne derrière. Ta famille tes amis tes colocs tes patients les étrangers dans la rue les clodos les prostituées, tu laisses personne dans sa merde. Mais lui tu l'as laissé. Tu l'as blessé. Tu l'as détruit. Ca se voit dans son regard, que quelque chose est cassé, fracturé, et aussi égocentrique que ça puisse paraître, t'as l'impression d'en être le seul responsable. Il soupire, et toute ta colère te quitte d'un coup, comme le souffle soudain qui éteint la flamme de ta rancœur. T'as pas à lui en vouloir, t'as pas à t'en vouloir non plus, c'est fait et vous pourrez pas revenir en arrière. T'espères juste que t'es arrivé à temps pour encore avoir quelque chose à sauver. « Qu'est ce que tu veux Felix ? » Revenir en arrière, le sauver, sauver Mags, sauver tout ceux que t'as pas pu récupérer à temps. Revenir en arrière et t'assurer de son bonheur, de leur bonheur à tous. Revenir en arrière, réaliser à quel point il allait mal, rester avec lui envers et contre tout, ne pas le laisser tomber. Ne jamais le laisser tomber. « M'excuser. » Même si c'est trop tard, même si y a plus rien à sauver. « Je sais que tu voudras pas de mes excuses, mais je te le dis quand même. Je suis désolé, pour tout ce que ça vaut. »

Il l'énerve il lui tape sur les nerfs, Félix qui s'excuse qui lui donne envie de le cogner avec sa douceur son putain de sourire toujours mélancolique. Rhoan il est pas fait pour les sourires et il est pas fait pour être aidé il lui a toujours dit, il l'a toujours repoussé. Mais ça l'énerve d'autant plus parce qu'il n'était qu'un gamin quand Felix a décidé d'abandonner quand Rhoan a décidé de se gâcher de sombrer. Il sait que c'est pas à cause de Felix qu'il a tout laissé tomber, qu'il s'est barré, sa décision était déjà prise avant, parce que Felix ne comptait pas Felix n'était pas important (il essaye de s'en persuader). Alors quand il s'excuse ça explose il fronce les sourcils autour du mug ses phalanges sont blanches. "T'as craqué ou quoi?" Et il veut cogner cogner cogner parce que Felix croit qu'il peut encore se rattraper alors qu'il n'a rien à se faire pardonner, le seul fautif dans l'histoire c'est Rhoan sa foutue férocité son incapacité à accepter une main tendue, il refuse de le regarder, il souffle sur son café. "J'comprends pas pourquoi tu t'excuses en fait. C'est pas comme si j'me préoccupais d'toi ou de c'que t'as fait." Il boit une gorgée de son café et ça brûle la langue mais pas plus que les mots qu'il vient de prononcer.

Sorry means you feel the pulse of other people's pain as well as your own ☾ Y a ses mains qui se resserrent autour de la tasse et ses mots qui se resserrent autour de ton cœur, et ça serre ça serre ça serre, ça te fait mal à en crever de l’entendre dire des choses pareilles. C’que t’as fait. Un coup de poing dans la mâchoire des étoiles sur tes rétines, le comptoir derrière toi comme seule bouée à laquelle se raccrocher pour pas sombrer. Parce que Rhoan peut pas être ta bouée, Rhoan est pas une solution envisageable, Rhoan est déjà brisé cassé il supporterait pas ton poids en plus. Il supporterait pas que tu le touches, surtout, tu le sais et tu veux pas te faire repousser une nouvelle fois. T'as peur de ta réaction. T'as peur de refaire les mêmes erreurs de l'abandonner de nouveau de lui faire mal parce que tu sais faire que ça quand ça le concerne, et bordel que ça te fait mal, parce que Rhoan il mérite pas ça, il mérite des sourires des rires des câlins, Rhoan il mérite tout l'amour du monde. Mais t'es pas certain qu'il le sache, qu'il le veuille. « J'm'en veux, et je veux que tu le saches. J'y pense tous les jours. Y a pas une heure dans ma vie où je regrette pas de t'avoir laissé tomber. J'aurais dû m'accrocher plus, être plus présent, insister, j'sais pas. Mais bordel, je m'en veux. » Pour la première fois depuis longtemps, ton sourire est pas présent. Le coin de tes yeux est adouci par la pitié la tristesse la douleur. Tu sais pas pour qui, tu sais pas pourquoi. T'as mal à l'âme, t'as mal au cœur, tu voudrais mourir. Malheureux comme les pierres.

Quand les mots tendres résonnent la colonne vertébrale de Rhoan se tend –il veut pas d’excuses encore moins en accepter il veut pas qu’on l’aide ni qu’on essaye de se faire pardonner. Ça sert à rien ils se sont connus avant, il aurait pu être sauvé, peut-être s’il avait accepté, mais maintenant il a vécu trop de choses c’est comme s’il était quelqu’un de nouveau quelqu’un en train de sombrer constamment. Et ça l’énerve de penser à ça parce que pour Rhoan tout va bien, il s’en est sorti il a connu pire tellement pire. Mais Felix est revenu il le regarde toujours avec son sourire dessiné à l’aquarelle comme s’il voulait s’occuper de lui ça l’énerve. Rhoan n’est plus un gosse et il n’est pas un cas désespéré, il va bien et il va bien tout seul sans aide de personne surtout pas de lui. Les mots résonnent encore encore encore quand Rhoan pose sa tasse sur le comptoir ça fait un grand bruit ça renverse le liquide noir. « Mais j’voulais pas de toi putain tu vas arrêter de jouer au saint tout l’temps ? Ca m’donne envie de te cogner avec ta tête de monsieur parfait là ! On dirait qu’tu vas chialer limite ! » Et peut être que Felix va chialer, Rhoan ne sait pas il ose même pas le regarder il crache ses mots comme du venin in y peut rien. Il est méchant il est injuste il sait que ça fait mal quand il parle mais il arrive pas à faire autrement, à lui dire qu’au fond, tout au fond, il l’aime bien. Qu’au fond, tout au fond, il est content de le voir à nouveau. « J’suis pas une putain d’œuvre de charité, occupe-toi de ton cul au lieu de coller le mien tout l’temps. »

Sorry means you feel the pulse of other people's pain as well as your own ☾ Il pose sa tasse sur le comptoir et ça fait un grand fracas dans la pièce dans ta tête dans ton cœur. T'aimes pas les bruits forts, t'aimes pas les cris les conflits, mais l'ouragan qui couve dans le regard dans les mots de Rhoan annonce des dégâts imminents. T'as pas peur des coups, tu t'en es déjà pris, les gens bourrés aux urgences c'est pas les plus doux. Mais Rhoan. Rhoan c'est pas pareil. T'as toujours l'impression de marcher sur des œufs avec lui. Le protéger ou le garder à distance, le laisser gérer ou le sauver, le passé ou le présent. Des antithèses des oxymores partout tout le temps, des signaux contraires et tu sais plus où t'en es. C'est compliqué avec Rhoan, ça l'a toujours été, alors tu t'accroches tu lâches pas tu le laisseras pas tomber, pas encore une fois, et peu importe si ça fait obstiné. L'affrontement c'est pas ton truc, tu le sais, mais tu sais aussi que sans ça, votre relation restera au point mort, et ça, tu peux pas l'accepter. Parce qu'il a besoin de toi, parce que t'as besoin de lui. « Ben vas-y cogne-moi, qu'est-ce que t'attends ? » T'écartes les mains devant toi, martyr devant son bourreau, condamné devant sa sentence. T'as pas haussé la voix, t'as pas crié. T'énonces ça comme si c'était une évidence, une vérité, une résignation. Tu sais que ça va l'irriter, qu'il va prendre ça pour un défi mal placé, mais tu peux pas t'en empêcher. Autant que le punchingball ce soit toi. Parce que toi, tu penses mériter les coups qu'il va te donner, petit con que t'es. « J'fais pas ça par charité, Rhoan. » J'fais ça parce que je tiens à toi.

Il lui demande de le cogner quand il écarte les bras qu’il se met sans défense face à lui ça l’énerve d’autant plus. Rhoan n’a pas l’habitude qu’on accepte ce qu’il est sans rien autour, sans poser de questions, il veut pas le cogner le faire subir le blâmer pour leur passé. Il veut pas être énervé contre lui car au fond il lui a manqué car au fond il a envie d’le garder, mais y’a trop de rancœur accumulée, la peur de l’abandon, le cerveau qui a du mal à fonctionner, les souvenirs qu’il essaye d’effacer. Il lève les yeux au ciel croise les bras, il supporte pas. « T’as l’air ridicule. » Comme si Félix pouvait se battre avec lui. Il est pas vraiment frêle Felix, pas vraiment musclé non plus, un peu comme lui en fait, juste beaucoup moins enragé. Rhoan a l’habitude, la colère qui décuple les muscles, à chaque combat il est presque sûr de gagner. Mais il sait pas comment gérer le passé, encore moins en rajoutant Felix à l’équation. Y’a Elliot revenue comme un fantôme, les flashs de temps en temps où Seven apparaît, y’a les cauchemars le son du flingue les souvenirs envolés ceux qui reviennent quand il n’en veut pas ceux qu’il essaye de se faire ceux qu’il essaye d’oublier il a l’impression d’exploser. « Tu fais ça pourquoi alors ? Parce que tu te sens obligé ? Pour soulager ta conscience ? » Il se rapproche il a peut-être l’air menaçant c’est pas son intention, il ne contrôle pas vraiment. « J’veux plus que tu fasses allusion à tout ça. Ca sert à rien on s’en fout. Pigé ? »

Sorry means you feel the pulse of other people's pain as well as your own ☾ Si seulement vous saviez communiquer. Tu te caches derrière des excuses voilées, il répond par des piques acérées, et la violence de vos échanges charge l'air d'électricité. Une tempête tropicale couve dans le regard bleu qui te fait face. T'as peur de le perdre de nouveau, par ta maladresse, par ton honnêteté, aussi. Il est au bord de la rupture, pourtant tu t'obstines à vouloir t'excuser, à vouloir retrouver le Rhoan d'avant. C'est pas tenable, c'est plus tenable. Vous habitez ensemble, vous allez pas continuer à vous ignorer vous éviter, faire comme si l'autre n'existait pas. Comme si l'autre n'avait jamais existé. « T’as l’air ridicule. » Tu sens tes oreilles rougir de gêne, d'humiliation aussi. Pourtant tu recules pas tu lâches rien. T'aurais peut-être dû. Il avance sur toi, menaçant, et t'as vraiment l'impression de tenir tête à un ouragan. Une catastrophe humaine qui peut tout détruire sur son passage, toi le premier. T'as pas peur qu'il te frappe non ; t'as peur qu'il te détruise de l'intérieur, d'une façon qui t'éloignerait de lui définitivement, qui te priverait de toute envie de le sauver de le connaître de le retrouver. T'as peur parce qu'il te l'a déjà fait une fois et que t'as pas pu lutter t'as juste laissé tomber. Et peut-être que c'est débile d'être têtu comme ça, peut-être que ça sert à rien que ça foutra tout en l'air, mais tu peux pas refaire les mêmes erreurs. Tu peux pas te laisser définir par des choix que tu regrettes et que tu peux changer. Que tu peux rattraper. Alors tu te laisseras pas faire. Pas cette fois. Tu serres les dents et tu l'affrontes, regard bleu ciel contre regard bleu glacier. « Tu t'en fous vraiment, Rhoan ? » C'est sorti comme un murmure, parce qu'il est trop près pour parler, parce que peut-être, si tu le dis suffisamment bas, ça le fera pas exploser. T'es face à une grenade dégoupillée, tu le sais, et t'espères juste éviter de tout faire sauter.

Il sait pas trop à quel jeu Felix a envie de jouer. Bien sûr que s'ignorer alors qu'on vit sous le même toit, c'est ridicule. Mais il peut pas faire comme s'ils étaient les meilleurs amis du monde, pas après tout ce qu'ils ont vécu, ou plutôt après ce qu'ils n'ont pas eu. Ça lui fait pas mal, il a tourné la page, c'est ça le problème, Felix lui rappelle l'ancien lui, une part qu'il tente d'oublier et les souvenirs effacés qu'il veut retrouver, ceux qui restent qu'il aimerait oublier. « J'sais pas. » Il recule mais son regard continue de le fusiller. « Mais j'ai pas envie que ça se sache, qu'on se connaissait d'avant, c'est tout. Maintenant c'est bon tu t'es excusé tout ça, on peut oublier ? » Il sait pas pourquoi il est autant en colère, peut être parce qu'avec Felix il se sent comme une cause perdue, quelqu'un qu'on a encore plus envie d'abandonner, quelqu'un qu'on ne veut pas garder. Ça a toujours été comme ça de toute façon pourquoi changer ? Alors il laisse sa tasse sale dans l'évier (c'est sûrement la première fois que ça lui arrive), et il fait ce qu'il sait si bien faire : il prend la fuite. « Arrête d'être obsédé par moi un peu. » Il sait qu'il est injuste et qu'il crache ses mots comme du venin, à Felix qui ne mérite pas de les recevoir, mais il sait pas faire autrement, l'amertume de ses regrets, les regrets du passé, tout se mélange pour donner un cocktail acide qui lui soulève le cœur dès qu'il ose lui parler.