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 droit dans le soleil (lenny)

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MessageSujet: droit dans le soleil (lenny)   droit dans le soleil (lenny) EmptyJeu 20 Juil - 17:03

Il y en a qui disent que sur le long terme ce que tu fais ne sert à rien. Que ces gamins, une fois partis de chez toi, retomberont dans la rue, seront des junkies, des mendiants, des délinquants, des prostituées et qu’ils finiront bien par en mourir. Que ton toit ce n’est qu’un sursis avant l’inévitable retour sous les ponts. Personne ne croit en eux. Des fois, toi-même tu ne crois plus en eux. Cela arrive. Tout homme peut perdre la foi, oublier l’espoir. Lorsque la noirceur envahit ils te donnent envie de pleurer tous ces gosses sans avenir. De tout abandonner, de les euthanasier comme des chatons pour qu’ils ne souffrent plus. Puis tu te rappelles que tu as toi aussi été chien errant, et que ta vie a beau être de la merde, ça pourrait être bien pire, tu t’en es sorti vivant à défaut d’avoir récolté des galons. Parfois cette pensée-là ne suffit pas non plus, dans ces jeunes-là y en a qui méritent tellement mieux que toi. Même toi tu mérites mieux que ça. Puis la pensée finit toujours par passer parce qu’il faut continuer à travailler, continuer à vivre, pas le temps de philosopher sur l’injustice, sur qui devrait avoir quoi. La route s’étend, il faut bien la parcourir. Pourtant. Des fois, toi-même tu ne crois plus en eux. Pas ce soir. Ce soir il te semble que l’air de l’appartement est moins humide, moins lourd. Et si vous pouviez vous envoler par la fenêtre… Ah, dieu, vous l’auriez fait il y a de ça des années. Ce soir les portes de l’avenir sont grandes ouvertes pour les Lost Boys, ou surtout pour l’un d’entre eux. Lenny, Slight comme les autres l’appellent, lui et son cerveau trop avancé pour beaucoup d’entre vous. Ce blondinet, féru de lettres et autres sciences, qui est déjà à la fac à son âge alors même qu’il a eu des problèmes qui auraient arrêté n’importe qui. Il y en a si peu des enfants du système qui poursuivent des études. Tu n’en as jamais connu, pas jusqu’à ta tête d’ampoule préférée. Celui-là il va s’en sortir brillamment, tu le sais déjà tu n’attends que de voir à quel point il va illuminer le monde. Mais de là où sera il pourra rire au nez de ceux qui n’y croyaient pas, prendre sa revanche sur tous les bien-pensants hypocrites. Enfin, ce n’est pas son genre de faire ça, l’est pas assez vantard le petit. N’empêche il aurait gagné le droit de l’être, personne ne peut le nier. Quand il passait ses examens, si tu avais pu tu aurais sans doute porté un maillot de foot avec son nom derrière. Bon, tu ne l’as pas non plus amené à la fac pour autant chaque matin, fier oui mais t’en as d’autres des gamins qui ont besoin de trucs et puis faut bien travailler pour ne pas crever de faim. Alors, avec tout ce qui s’est passé, tu n’as guère eu le temps de fêter sa réussite avec lui. Lui lancer un bravo quand il t’a dit être major de la promo, ça oui, tu l’as fait, mais on ne peut vraiment dire que ce soit le mieux que tu puisses faire. Ce soir tu comptes célébrer. Tu as acheté du champagne. Alors, certes, du champagne de supermarché, mais du champagne tout de même. Techniquement il est mineur sauf qu’en Europe où tu as grandi il est quasiment majeur et dans ton milieu, l’alcool chez les adolescents ça n’a jamais choqué personne. Tu as également fait un gâteau, un beau gâteau, avec le coulis qui ressemble presque à un miroir sur le dessus. Ici les Lost Boys ne mangent pas tous les soirs mais quand ils mangent ils mangent bien.

Lenny rentre toujours plus tôt que les autres et tu le sais très bien. Tu voulais un moment en tête à tête avec le petit génie avant que les autres n’arrivent et que vous ne profitiez du gâteau. Depuis la cuisine tu l’appelles quand tu l’entends passer la porte. Pendant qu’il s’affaire vers les chambres tu as versé deux verres de champagne. Bah oui, deux verres, il n’y a ni coupes ni flûtes dans tes placards, ici c’est un refuge pour ados sdf, pas un restaurant. Le gâteau trône sur la table, il y a encore un fumet de nourriture qui flotte dans l’air. Il ne faut pas longtemps à l’étudiant pour passer la tête par la porte, sans doute curieux de ce que tu lui veux. Tu l’invites à rentrer et lui tends un verre. « I finally got around to buying some stuff. Congratulations on being the smartest guy in here and even in that whole god damn university. » « J’ai enfin pu aller acheter des trucs. Félicitations, t’es officiellement le mec le plus intelligent ici mais aussi dans toute cette putain d’université. » Pour le fait qu’il soit le plus intelligent ici, ça il n’avait pas besoin de validation universitaire on le savait tous, il suffisait de lui parler deux minutes. Mais qu’il soit major c’est autre chose. Il est doué, tu savais qu’il serait excellent mais un exploit c’est un exploit et ça a le mérite d’être récompensé. « I bought some champagne to celebrate officially, and the others will be there too. » « J’ai pris du champagne pour fêter ça officiellement, et les autres vont arriver aussi. » Tu marques une pause, regardes ton verre, le regardes lui. « I’m really fucking proud of you, you know. » « Je suis vraiment fier de toi putain, tu le sais ça ? »
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MessageSujet: Re: droit dans le soleil (lenny)   droit dans le soleil (lenny) EmptyVen 21 Juil - 21:59

C’est officiel, les vacances sont arrivées, même si Lenny est encore à traîner à la bibliothèque pour rendre les bouquins qu’il a pris pour ses examens et surtout emprunter de quoi s’occuper pendant les deux mois d’été, pour prendre de l’avance sur l’année prochaine ou continuer son tour mondial de la littérature. Il sait bien qu’il ne va pas être très tranquille à l’appartement, qu’il ne pourra pas lire tous les jours, ce n’est jamais tranquille chez les Lost Boys. Mais il se prend quand même cinq livres au cas où il a le temps, il squattera les escaliers de secours, comme d’habitude. Il ressemble un peu à un escargot, avec son sac trop rempli sur le dos. En tout cas, il ne ressemble à aucun étudiant à la fin des examens, après les résultats de l’année. Il est toujours habillé et harnaché comme s’il allait en cours. Curly le verrait, il lèverait les yeux au ciel de voir qu’il ne s’est toujours pas débarrassé de ses T-shirts informes et de ses jeans trop grands. Toujours pas sapé pour draguer, le Lenny. Il en a plus besoin, en même temps, non pas qu’il en ait eu besoin un jour. Il a toujours été du genre à attendre que ça lui tombe dessus plutôt qu’à essayer de provoquer le destin, et il a beau être très bon pour apprendre les sciences, le droit, les mathématiques, la psychologie, les langues, tout, quoi, il fallait bien qu’il ne soit pas doué dans un domaine et qu’il le reste ad vitam eternam. Et ce domaine, c’est la drague. Ça lui paraît juste, à Lenny, et il sourit en pensant à Otto qui n’a jamais demandé à être dragué.

Il rentre directement à l’appartement, surtout désireux de se débarrasser du poids sur son dos, parce que c’est lourd, les livres, et c’est pas génial par cette chaleur. Il pousse la porte d’entrée, jette un coup d’œil aux pièces vides avant d’atteindre sa chambre, enfin celle qu’il partage avec Merle et Otto et Curly. C’est toujours calme, quand il rentre. La tempête, ça vient après, quand tous les autres débarquent en fanfare et s’étalent dans tous les coins. Il a entendu la voix de Peadar, en rentrant, sans doute qu’il l’appelait, et il dépose son sac à dos et sa casquette sur son matelas avant de se diriger vers la cuisine, la mine inquiète. C’est rare, que Peter demande à lui parler, surtout quand ils sont que tous les deux, parce que Lenny fait tout ce qu’on lui demande de faire et le fait bien. Il pointe le bout de son nez et sourit doucement quand il comprend que c’est seulement pour le féliciter de ses notes mirobolantes. Pourtant, Lenny n’a pas envie de fêter ça, n’a pas envie de s’en vanter. Il se serait bien contenté du bravo de Peadar, c’était suffisant, c’était mieux que ce que faisait Darja quand il ramenait un vingt sur vingt à la maison – elle ne disait rien, avait à peine un regard d’approbation. Il ne veut pas s’en vanter, parce que les autres le bassinent déjà à longueur de journées sur sa prétendue intelligence alors qu’il ne s’est jamais senti plus intelligent, alors qu’eux ils savent survivre en milieu hostile, lui pas, lui il a besoin d’aide, besoin des autres, et il ne sert à rien en dehors de réussir des examens. C’est ce qu’il fait depuis tout petit, c’est comme ça qu’il a été éduqué, ça n’a rien de compliqué pour lui. Il n’aime pas, du coup, quand on lui lance qu’il est le plus intelligent, mais il se garde bien de le dire à Peter, qui veut seulement être gentil. Il attrape maladroitement le verre et en fixe le contenu avec un sourcil haussé, jusqu’à ce que Peadar prononce le mot champagne, et une petite grimace se glisse sur ses lèvres. « Tu sais que je n’ai pas le droit de boire de l’alcool ? Je n’ai que dix-sept ans. » Toujours le pragmatisme, toujours le respect des lois, malgré l’environnement dans lequel il vit depuis plus d’un an maintenant. Certains diraient que c’est de l’entêtement stupide, que ça ne sert qu’à retarder le moment où il tombera dans la drogue, le vol, la délinquance, lui aussi.

Il fait semblant de ne pas avoir remarqué le gâteau, redoutant déjà le moment où il devra le manger. Il ne peut pas dire à Peter que non, il n’en veut pas, même s’il est déjà en train de calculer le nombre de calories dans sa tête, en essayant de déduire ce que Peadar a mis dedans. « Euh, pardon, merci. C’est gentil. » Il hoche de la tête, comme pour se rappeler à l’ordre, à la politesse, même s’il tient son verre comme un empoté, à ne pas savoir quoi en faire. Et puis, il y a l’alerte de son téléphone, il le sort de sa poche par réflexe, regarde le message en souriant niaisement, parce que c’est Otto, évidemment, Lenny ne reçoit pas tant de messages que ça. Il secoue la tête en se rappelant devant qui il est, de sa décision de cacher leur relation à Peader, comme pour se préserver. Il range le téléphone et reprend la conversation où il l’a laissée : « Les autres vont arriver bientôt ? »
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MessageSujet: Re: droit dans le soleil (lenny)   droit dans le soleil (lenny) EmptyDim 23 Juil - 19:39

Des Lost Boys, Lenny c’est celui après Tinks qui connait le plus de choses que tu ne veux pas dévoiler. Lenny il sait ce que tu fais de l’argent que ramènent ta troupe de bras cassés, Lenny il sait que les papiers officiels tu n’y piges rien. Puis surtout Lenny il sait que tu es quasi analphabète. Tu mets un temps fou à lire n’importe quoi, jamais tu ne t’aventurerais à lire à voix haute, le ridicule serait dévoilé. Puis tu ne comprends pas un bon nombre des mots, dès que c’est dans la moitié supérieure de la classe des mots communs, ça t’échappe. Parfois tu peux deviner, parfois tu te trompes complètement, parfois tu patines dans la semoule. Quant à l’écriture c’est une catastrophe. Déjà il faut pouvoir lire tes pattes de mouches, puis arriver à déchiffrer le véritable sens des mots à travers les fautes d’orthographe. Pas simple donc. Alors tu as besoin de ceux de tes Lost Boys qui ont un minimum suivi en cours. Tinks est celui qui t’a toujours aidé mais depuis que Lenny est arrivé c’est plus simple parce qu’il faut avouer que ton âme damnée des fois elle ne comprend pas non plus les lettres administratives. Il vous a sauvé la mise plus d’une fois. Alors c’est sûr que s’il s’en va pour aller dans une grande université son expertise va te manquer. Mais pas que l’expertise. Sa compagnie est douce à Slight, jamais chieur, toujours agréable. Il a un cœur d’une pureté qu’on trouve rarement dans les rues, ce n’est pas de l’innocence mais de la réelle bonté, une bonté qui a résisté à tous les coups qu’on a pu lui balancer, qui se tient encore tonitruante face à la foule enragée de toutes ces idées noires qui savent s’insinuer partout. Non, il n’est pas chanceux le gamin, il a eu une vie de merde comme tous ceux ici, mais ça n’a pas taché sa générosité. Pas encore du moins. Et ça, ça t’épate, y a pas à dire. Lenny il a partagé bien plus de karma positif qu’il n’en a reçu, il mériterait une redistribution des cartes. Tu fais ce que tu peux pour qu’il ait une chance d’arriver à ça. Alors quand il réussit ça te donne des envies de fête. Quoi de mieux que du champagne pour la fête ?

« Tu sais que je n’ai pas le droit de boire de l’alcool ? Je n’ai que dix-sept ans. » Et donc ? C’est bientôt dix-huit. Puis ça te revient. Putain d’Etats-Unis d’Amérique et leurs règles à la con. Enfin ce n’est pas comme si tu avais jamais écouté les irlandaises, t’es à la bière depuis tes onze ans. De toute façon il est hors de question qu’il refuse. « Nobody cares where I’m from. » « Tout le monde s’en fout sur le continent. » Par ailleurs, c’est une règle de base, si un adolescent doit boire, mieux vaut qu’il y ait quelqu’un qui ait l’habitude pour superviser. Bon, ça tombe un peu à l’eau vu que Lenny se risque pas de se bourrer la gueule ce soir au champagne. « I swear to God Lenny, If you don’t drink at least one glass you’ll have to pay me back for that bottle. » « Je te promets Lenny, si tu bois pas au moins un verre tu me la rembourses la bouteille. » Non mais. Faut apprécier les choses offertes dans la vie. Tu ne manques pas de remarquer également le regard effaré du blondinet vers le gâteau, ce qui te fait bien rire.

« Euh, pardon, merci. C’est gentil. » Tu les connais par cœur tous les jeunes qui passent ici, et surtout en tant que cuisinier, tu aurais vraiment dû le faire exprès pour ne pas remarquer que monsieur fait très attention à sa ligne. « Don’t pop an eyeball kid, the cake’s for the others, I got you some weird low-calories cookies. » « Fais pas cette tronche gamin, le gâteau l’est pour les autres, j’tai pris ces espèces de cookies basses calories là. » Tu désignes par-dessus ton épaule le placard derrière toi. Il reçoit un sms. Toujours accrochés à leurs portables de nos jours… Son sourire tu l’as vu sur tellement de visages avant, cet air benêt d’ado éperdument amoureux, aussi attendrissant qu’exaspérant. Ils ont tendance d’ailleurs à toujours être persuadés qu’ils sont indétectables. Ils sont vraiment abrutis pour prendre les adultes à ce point pour des cons. Ta bonne humeur est légèrement étayée il faut bien le dire. « Les autres vont arriver bientôt ? » Approximativement dans une demi-heure si ils suivent leurs habitudes mais rien n’est jamais complètement certain ici, la rue est imprévisible. Tu hausses les épaules. « Why ? Can’t wait for your boyfriend ? » « Pourquoi ? T’en peux plus d’attendre ton petit copain ? » Otto. Ce putain de gosse de riche pourri qui comprend rien à la vie et se dit que connaître des pauvres ça peut lui donner un genre. Celui qui descend dans les rues juste pour l’adrénaline, pas pour la nécessité. Celui qui trouve que faire chier ses parents c’est une raison suffisante pour se prostituer. Celui que tu n’accepteras jamais et que tu n’as aucune raison d’accepter. On n’est pas Lost Boy parce qu’on le veut, on l’est parce qu’on n’a pas le choix. « Yeah, you really think I wouldn’t find out about you and Otto ? » « Ouais, tu croyais vraiment que j’apprendrais pas pour Otto et toi ? » Tout ce qui se passe dans cet appartement et même en-dehors finit toujours par remonter à toi, c’est un de tes pouvoirs et celui qui t’est le plus précieux. On ne peut maintenir l’ordre sur des gosses dont on ignore tout.
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MessageSujet: Re: droit dans le soleil (lenny)   droit dans le soleil (lenny) EmptyMar 25 Juil - 14:32

Il grimace un sourire, en se demandant s’il a vraiment d’autres choix que de se taire et de boire son champagne. Peut-être le jeter habilement dans l’évier dès qu’il aura le dos tourné et faire genre il a bu cul sec. Se connaissant, Peadar verra clair dans son jeu à l’instant où il se retournera sur lui. Lenny est pire qu’un mauvais menteur, il arrive à mentir que par écrit et omet de dire les choses plus qu’il ne ment. De toute façon, y’a pas de raisons qu’il se mettre à mentir comme un arracheur de dents, vu à quel point il se sent coupable de raconter des salades à Caïn sur sa nouvelle famille d’accueil complètement inexistante. Bref, il va surtout garder son verre en mains sans y toucher pendant encore au moins un quart d’heure, même s’il n’est pas certain que Peadar va le lâcher des yeux avant de l’avoir vu boire et avaler. Il aurait été capable de sortir son portefeuille pour le rembourser, s’il n’avait pas peur de paraître insolent. Le sourire est plus sincère, quand Peadar lui dit qu’il lui a acheté des cookies basses calories. Il hoche la tête en signe de merci, pour éviter de prononcer le mot deux fois d’affilée. On lui a souvent dit qu’il disait trop merci et trop pardon, alors il essaye de retenir tout ça. Les cookies basses calories. Des trucs tellement immondes que personne ne veut y toucher à part lui, parce qu’ils ont d’excellentes qualités nutritionnelles. Même si Peadar n’est pas le type le plus attentionné qui soit, il pense toujours à ce genre de petites choses. Il les connaît sur le bout des doigts, vraiment, et parfois ça fait peur à Lenny, et parfois il se dit que Peadar leur veut seulement du bien. Il ne sait pas ce qui est le plus raisonnable, il est toujours perdu, face à lui, entre la reconnaissance, le respect et les reproches. Un homme bien ne ferait pas ce que fait Peadar. Pourtant, il ne peut pas dire une seule seconde qu’il n’a rien fait pour lui, qu’il irait à l’université s’il n’avait pas été là. Probablement pas. Probablement qu’il serait mort de froid dans la rue au bout d’un moment. Peadar lui file trop de sentiments contradictoires.

Et puis, y’a le sms d’Otto, et Lenny baisse la garde, peut-être une seconde ou deux. Il oublie que Peadar est juste en face de lui et qu’à force de vivre avec des adolescents, il a développé un sixième sens pour savoir à quoi ils pensent. Quelque chose comme ça, vraiment, Peadar est beaucoup trop observateur. Pourtant, Lenny s’y attend pas. Il est même saisi de stupeur quand il entend petit copain. Il essaye de ne pas piquer un fard monstrueux, mais il a la bouche entrouverte et le regard anxieux, comme s’il s’attendait à ce que Peadar rigole en lui disant que c’est une blague. Peut-être qu’il ne sait pas pour Otto, qu’il a juste vu qu’il était amoureux à sa tête quand il a lu le texto ? Mais pourquoi il dirait qu’il en peut plus de l’attendre, s’il ne sait pas que ledit petit copain fait partie des Lost Boys ? « Que… Quoi ? » La réponse est sans équivoque. Il sait. Il sait, il sait, il sait. Peadar sait, pour Otto et lui, Peadar sait et il sait donc aussi qu’il lui a rien dit, qu’il lui a caché sciemment leur relation. Il se sent stupide d’avoir cru qu’il pourrait cacher quoi que ce soit à Peadar, qu’il s’en sortirait comme ça. Y’avait une raison, évidemment, pour qu’il le dise pas, pour qu’il ait demandé à Otto de ne rien dire aux autres, pour qu’ils continuent à ne se parler que brièvement dans l’appartement, sans se toucher, sans rien montrer. Y’avait une raison, et Lenny craignait que ça ne remonte jusqu’à Peadar, parce qu’il sait qu’entre les deux, c’est pas l’amour fou, que Peadar n’approuverait pas, que Peadar le dissuaderait, d’une manière ou d’une autre, voire qu’il s’en servirait pour blesser Otto, peu importe, il ne sait jamais à quoi s’attendre avec Peadar. Comme là, il a beau le regarder, il ne sait pas comment décrypter son expression, et tout ce qu’il arrive à dire, c’est : « Je suis désolé. » Y’a la honte qui lui fout le rouge aux joues et les yeux qui lui picotent, gamin pris en flagrant délit d’une bêtise monumentale. Il pourrait dire qu’il ne voulait pas le cacher, mais Lenny et les mensonges, toujours. « Comment tu as su ? », il demande, comme si ça avait un semblant d’importance.
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MessageSujet: Re: droit dans le soleil (lenny)   droit dans le soleil (lenny) EmptyVen 28 Juil - 17:02

Promis, au début tu voulais que ce soit un moment sympathique sans aucune ombre au tableau. T’avais tout bien fait, même pensé à l’étrange régime de Lenny. Sauf que voilà, t’es un fouteur de merde, tu peux pas fermer ta gueule, t’as beau t’être arrangé en vieillissant, c’est dans ton sang, c’est dans chaque fibre de ton être. Faire des remarques tout le temps, ne jamais passer à côté d’une occasion d’embarrasser les gens, c’est tout une éducation. D’habitude ça te fait même rire toutes ces amourettes des adolescents qui passent chez toi, c’est un passe-temps amusant de se moquer un peu d’eux. Malheureusement, tu n’es pas exactement dans cette humeur là au sujet de cette relation-ci. Le sucre d’un gâteau entier ne te remonterait pas le moral, ni la bouteille de champagne entier. Pas de quoi te faire voir d’un bon œil la chose. D’ailleurs il ferait bien de le boire son verre de bulleux le môme, il risque d’avoir besoin d’un peu de courage liquide. Tu sais parfaitement qu’il ne doit avoir qu’une envie : le jeter par la fenêtre, dans une plante ou dans l’évier dès que possible. Malheureusement, en tant que maître de maison, tu veilles au grain. Tu as des yeux et des oreilles partout, au moins pour ce genre de futilités. Tu n’as pas plus l’intention de le laisser échapper à cet alcool qu’à tes questions. « Que… Quoi ? » Il a tout de la biche prise entre des phares au milieu de la nuit. Sa panique serait attendrissante si, évidemment, tu étais d’une autre disposition. On le croirait pris la main dans le pot de cookies, ce qui, maintenant que j’y pense, n’est absolument pas une métaphore appropriée pour décrire une relation entre deux jeunes garçons. Disons juste qu’il est surpris et se sait pris au piège. Bien sûr c’est lui qui est à côté de la porte mais vous savez tous deux qu’il est coincé. Il n’est pas Merle, il ne va pas juste tourner les talons et t’ignorer. Ce n’est pas son genre au gosse. « Je suis désolé. » Ah non, pas son genre. Il est vraiment étonnant, tu n’en as pas d’autres des Lost Boys qui commenceraient à s’excuser parce qu’ils avaient une relation en secret. Je pense que même Jael râlerait au moins un peu avant de grommeler quelque chose qui ressemble à ça. Bon, à part Tinks mais il ne serait sans doute pas dans cette situation à la base et puis c’est un cas spécial. Il a l’air encore plus jeune le Lenny quand le rouge lui monte aux joues. Vraiment un adolescent bien élevé celui-là, ça change de toi et de la plupart de tes mômes resquillés. Son seul problème c’est que bien élevé ou non il a visiblement un drôle de goût en matière de compagnons. « Comment tu as su ? » Ha, mais un magicien ne révèle jamais ses secrets enfin, c’est la règle la plus élémentaire pour rester en contrôle. Tu bois ton verre cul sec – comme un barbare, quelle idée de faire ça à du champagne enfin – et te sors une clope que tu allumes sans regarder le blond. Puis tu reportes ton attention sur lui. « You really think I’m gonna tell ya ? » « Tu crois vraiment que je vais te le dire ? » Ce serait juste leur donner de nouvelles façons de t’éviter. Tant que tes astuces n’ont pas été découvertes et fonctionnent encore, tu n’as aucune raison de te couper l’herbe sous le pied en étant suffisamment con pour tout révéler. Voir le jeune homme aussi mal à l’aise ne te fait pas plaisir, tu ne recherches jamais son malheur, mais il est vrai que ça a un côté satisfaisant et rassurant de voir que tu es toujours vu comme une forme d’autorité importante, qu’il n’en a pas juste rien à foutre. Tu croises les bras sur ton torse – enfin comme tu peux en fumant. « So, I’m curious. What do you actually see in this spoiled rich kid ? The way he tries to live on the streets and be like us for fun ? Or just his lies to everyone ? » « Bon, sinon en fait je suis surtout curieux. Qu’est-ce qui t’intéresse chez ce gosse de riches trop gâté ? La façon qu’il a de vouloir se mettre à la rue et être comme nous comme si c’était juste un jeu ? Ou son double-jeu avec tout le monde ? » Tu te demandes si Lenny le sait ça, que les parents d’Otto ont une villa dans les beaux quartiers de la ville et que toute cette vie, pour lui, ce n’est qu’une promenade pour se sentir un peu plus aventureux. Ce qui est sûr c’est que Lenny vaut mieux que ça.
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MessageSujet: Re: droit dans le soleil (lenny)   droit dans le soleil (lenny) EmptyDim 30 Juil - 14:44

Lenny dépose son verre sur la table parce qu’il tremble et il ne veut pas que Peadar le remarque au premier coup d’œil. Il ne sait pas à quoi s’attendre, aux représailles, peut-être qu’il va même le priver de sortie. Sans doute qu’il n’y a que lui pour respecter à ce point l’autorité de Peadar, il agit exactement comme si c’était son père et qu’il avait le droit de lui dicter ce qui est bien ou non pour lui. Pourtant, Peadar n’est pas son père, il en a pas, Lenny, il en a jamais eu. C’est juste qu’il lui a tant donné qu’il ne voit pas comment il pourrait contester quoi que ce soit de ce qu’il dit. Rien que le fait qu’il sache qu’il a omis de lui parler d’Otto, ça le met dans un état pas possible, l’angoisse qui lui tenaille le ventre à se demander ce que Peadar est capable de faire pour empêcher cette relation. La relation la plus innocente qui soit, en dépit de tout ce qu’est Otto. Peadar ne le croirait probablement pas, s’il lui expliquait à quel point Otto est le petit ami parfait. Lenny sait bien que Peadar n’a jamais porté un regard très bienveillant sur Otto, il faudrait être aveugle pour ne pas savoir qu’il ne l’apprécie pas. Ça fait d’ailleurs partie des raisons pour lesquelles il ne voulait pas le dire, et il se rend compte à quel point c’était égoïste, à présent. Il ne sait pas qui des deux il essayait de protéger, au final, mais c’était sûrement lui-même, parce qu’Otto n’a pas grand-chose à perdre, il est déjà trop bas dans l’estime de Peadar. Lenny, en revanche. Il ne sait pas exactement ce qu’il représente pour Peadar, mais il l’a toujours traité bien plus gentiment que tous les autres Lost Boys, et il ne sait pas ce qu’il aurait fait sans ça. Il ne sait pas ce qu’il serait devenu s’il était tombé sur un type bien moins indulgent que Peadar, sur quelqu’un qui ne l’aurait pas envoyé à l’université, mais qui l’aurait foutu dans la rue à vendre de la drogue ou à voler des sacs à mains. Bien sûr, c’est ce que Peadar fait avec tous les autres gamins, et Lenny a bien conscience de l’injustice qui règne dans la petite bande. Mais il n’est pas à plaindre, et Peadar ne lui a jamais rien fait de mal. Pas directement, en tout cas.

Il baisse les yeux, la honte qui le dévore tout entier. Peu importe comment Peadar l’a appris, l’important c’est qu’il sait, maintenant, qu’il n’y a plus rien à cacher et qu’il va seulement devoir se battre pour garder Otto dans sa vie. Pourtant, Lenny sait qu’il n’est pas de cette trempe-là, pas du genre à combattre pour ce qu’il veut, plus du genre à lâcher prise et à fuir. Y’a qu’à voir comment il a réagi quand on lui a dit qu’il ne pourrait pas aller à Harvard. Il s’est laissé faire puis il a décidé de fuguer sur un coup de tête, qu’il a pas mal regretté ensuite, tout seul dans la rue. Il n’a jamais su se défendre, et même quand il arrivait à contredire avec des mots, il y avait toujours une brute en face pour lui faire ravaler son peu de courage. Il aimerait être courageux pour Otto, pouvoir dire à Peadar d’aller se faire voir et qu’il ne changera pas d’avis. Il aimerait, mais il a seulement envie de geindre et de demander pardon. En plus, Peadar sait, pour Otto, pour sa famille riche et la baraque de rêve à Tybee Island. Ils n’en ont plus vraiment reparlé depuis l’épisode dans la cabine d’essayage, mais il comprend à présent l’animosité qu’a Peadar à l’égard de son petit copain. Logique, oui. Lui-même n’a pas trop compris, quand Otto lui a révélé la vérité. Lui-même s’est dit que c’était complètement absurde, pourquoi se jeter à la rue quand on a toutes les opportunités servies sur un plateau d’argent ? Il n’y a plus trop songé depuis, mais maintenant que Peadar a fait la piqûre de rappel, tout lui revient, toutes ces pensées contradictoires, l’incompréhension et en même temps cet attachement à la manière de penser d’Otto. Même si ça peut paraître blessant, pour tous les gosses qui n’ont rien, Lenny avait décidé de passer outre. « Il me l’a dit », il souffle, du bout des lèvres, trop conscient que Peadar avait l’intention de briser l’image qu’il avait d’Otto en lui balançant la vérité. « Il est gentil avec moi, et attentionné, et patient, et il m’aime bien. Je peux juste être un ado normal avec lui. » C’est ça, aussi, Otto sait ce qu’il vit au quotidien, il n’a pas besoin d’expliquer ce qu’il fait le soir, pourquoi il n’habite pas chez ses parents, pourquoi il traîne dans la rue avec des jeunes gens pas très fréquentables. « Je sais que ce qu’il fait n’est pas bien, mais il ne m’a pas menti. Et puis, je fais ça avec tout le monde ici, je ferme les yeux sur ce que vous faites que je ne comprends pas. » Même avec toi, Peadar, qu’il a envie de dire, mais les paroles ne franchissent pas ses lèvres, comme bloquées par la boule au fond de sa gorge.
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MessageSujet: Re: droit dans le soleil (lenny)   droit dans le soleil (lenny) EmptyDim 30 Juil - 17:37

C’est ça d’être en contrôle, c’est ça d’être le seul maître de la maison. Tu fais ce que tu veux. Ces gamins tu peux les envoyer au casse-pipe comme tu peux leur sauver la vie, ils ne verraient pas la différence jusqu’à-ce qu’ils y arrivent et là ce serait trop tard. Ils t’écoutent et ça te laisse presque carte blanche. En tout cas ça te laisse libre de toutes les injustices possibles et personne ne peut rien dire ou surtout rien y faire. Au fond qu’y a-t-il de si différent entre Merle et Lenny pour que tu tiennes l’un en laisse avec ton chantage et pour que tu pousses l’autre à s’envoler ? Bien sûr, y en un des deux qui est scolairement plus talentueux mais cela vaudrait donc vraiment un tel grand écart ? Non. Ce qui le vaut c’est ton bon vouloir, ta sale autorité, tes choix égoïstes. Quelque part ça tient aussi à leur attitude. Merle te hait. Il aurait pu t’aimer si tu n’étais pas un tel connard mais il te hait et il a ses raisons. Alors qu’avec Lenny, tu as l’impression de servir à quelque chose, de valoir quelque chose, tu as l’impression que c’est un gosse de la famille. Enfin d’une famille idéale, pas de la tienne. C’est comme si vous étiez dans un modèle fonctionnel, le plus âgé figure d’autorité juste comme il faut et le plus jeune respectueux sans être en cage. Tu n’as jamais eu un truc comme ça. Sans doute que tu attaches plus de choses à lui qu’il ne le sait, et bien plus que tu ne le devrais. Ce n’est pas avec un gamin sur quinze que tu vas t’acheter un bon fonctionnement de vie tu sais. Faut arrêter de rêver. Faut arrêter de le mettre sur un piédestal comme ça. Parce que forcément quand il fait un pas de travers c’est comme s’il te mettait une claque dans la gueule le gosse. Pourtant regarde-le, à rougir, à se mordre les lèvres, à vouloir demander pardon. Il a dix-sept ans, à dix-sept ans on est censé danser la gigue en-dehors des sentiers et toi c’est pour un pied outre la ligne que tu es déçu. Ici tout est injuste. Injuste parce que les autres n’ont pas ses privilèges. Injuste parce que les autres n’ont pas ces attentes monstrueuses sur les épaules. Il est amoureux, c’est tout. Il sera amoureux de plein de gens dans sa vie, qu’est-ce qu’on s’en fout que son cœur batte pour un gosse de riche ?

« Il me l’a dit. » Si tu étais prêt à l’accepter, ça ferait remonter Otto dans ton estime, il n’a pas été cachottier avec Lenny. Rien à foutre en fait, ton respect pour ce mec est tellement bas que ça ne sert à rien. Pire, tu ne comprends pas pourquoi le petit génie ne s’offusque pas de la vérité. « Il est gentil avec moi, et attentionné, et patient, et il m’aime bien. Je peux juste être un ado normal avec lui. » Ah. Il est donc là le problème, une envie de banalité. Sauf que Lenny n’est pas un ado normal. C’est un génie et c’est un fugueur et c’est un gosse de rues. Ce n’est pas l’attention que lui porte Otto qui va changer ça. Pour un instant sans doute, c’est ce qui doit être si agréable. Echapper à la réalité. Un putain de luxe. « Je sais que ce qu’il fait n’est pas bien, mais il ne m’a pas menti. Et puis, je fais ça avec tout le monde ici, je ferme les yeux sur ce que vous faites que je ne comprends pas. » Qu’il prenne donc la place de la vierge sans péché si ça lui fait plaisir. Il peut fermer les yeux autant qu’il veut ça ne suffit pas, il sait bien ce qui se fait ici et il sait pourquoi, c’est comme ça qu’il mange tous les soirs. Il est comme ces patrons d’entreprise qui ferment les yeux sur les gamins de quatre ans qui manquent de crever dans leurs usines pour les rendre riches. Quand on profite on n’est pas vraiment innocent, si ? Lenny ne mérite pas autant de dédain oui, il n’est pas grand patron, il n’a pas d’autre choix pour vivre. Mais le déni c’est de la complicité, c’est comme ça. « What we do is to survive and eat and you know it. » « Ce qu’on fait on le fait pour survivre et pour bouffer et tu le sais très bien. » Enervé, tu gesticules en parlant. Il n’a pas à te faire la morale, tu n’es pas là pour ça. « That’s cool like, if he loves you and shit. He gonna help pay your tuition ? Send you to Harvard ? It ain’t like he don’t have the money. Or is he just gonna leave you in misery without doin’ shit ? Don’t you think that’s why he loves you ? Like a poor street boy that makes him feel on a carnival ride throigh poverty ? » « Et alors c’est cool, si il t’aime, qu’il est attentionné, qu’il tient à toi. Il va aider à payer tes études ? A t’envoyer à Harvard ? C’est pas comme s’il avait pas les moyens. Ou alors il va te laisser dans la misère sans rien faire ? Tu crois pas que c’est comme ça qu’il t’aime ? Comme un garçon au bord de la rue pour augmenter encore un peu son expérience de la pauvreté ? » C’est salaud ça, t’es salaud putain Peadar. Balancer à un ado qu’on ne l’aime pas pour lui, balancer au plus doux d’entre vous qu’il se fait sans doute utiliser pour son exotisme à la Oliver Twist. T’as pas de cœur ou c’est juste que t’as peur pour lui ? Ou bien tu te sers de tout ça pour asséner ta haine contre Otto.
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MessageSujet: Re: droit dans le soleil (lenny)   droit dans le soleil (lenny) EmptyLun 31 Juil - 14:01

Oui, c’est pour survivre, pour manger, pour avoir des vêtements, pour lui payer l’université. Il s’en veut, d’avoir dit ça, il s’en veut parce que Peadar l’a pris comme un reproche alors que c’en était pas un. Il voulait juste dire que tout le monde fait des erreurs, qu’il y a plein de gens qu’il aime avec qui il n’est pas en accord moralement. C’est pas pour ça qu’il ne les aime pas, c’est pas pour ça qu’il leur répète tous les jours qu’ils sont mauvais et qu’ils iront tous croupir en Enfer ou en prison. Il ne croit pas en Dieu, donc c’est plutôt raté pour l’Enfer, de toute façon. Il n’est pas comme ça, Lenny, ça fait longtemps qu’il a mis de côté ses grands principes pour apprécier ceux qui se trouvent autour de lui, qu’il a arrêté de les juger sur des actes qui n’ont rien à voir avec eux, ou qui du moins ne les définissent pas tout entier. Quand les gens disent il a un bon fond, mais ça reste un voleur, Lenny dit c’est un voleur, mais il a un bon fond. C’est juste ça, une bête inversion dans le sens commun. Peut-être que c’est un trop-plein de compassion, peut-être aussi que c’est condescendant, de croire qu’il peut leur donner l’amnistie comme s’il en avait le pouvoir. Peut-être qu’il est seulement reconnaissant de tout ce qu’ils lui donnent, sans rien demander en retour. Il leur donne un droit à l’erreur, il leur donne des secondes chances à la pelle. Il s’imagine qu’il peut tous les sauver, au fond. Otto a sans doute commis une erreur en leur cachant la vérité, c’est vrai, mais il lui a tout avoué. Il ne peut pas lui en vouloir pour ça, même s’il ne comprend pas. Lui aussi, il ment, il ment à Caïn, alors comment reprocher ça à Otto. Il est nul, pour les reproches, Lenny. C’est simplement pas dans sa nature d’en lancer à tout bout de champ. Tout le monde fait des bêtises, tout le monde fait de mauvais choix, ce serait injuste de se croire mieux que les autres parce qu’il en aurait prétendument fait moins. Y’a personne qui tient les comptes, de toute façon.

Et puis les mots de Peadar le laissent silencieux. Il lui semble qu’ils viennent tous se planter dans sa chair, qu’ils lui donnent la sensation d’étouffer, calés quelque part entre sa gorge et son cœur. Il aimerait avoir la peau aussi due que celle de Merle, il aimerait pouvoir ignorer, laisser couler, oublier. Il aimerait dire que ça ne l’atteint pas, parce qu’il n’a pas de doutes sur Otto, parce qu’Otto ne ferait jamais une chose pareille, parce qu’il ne penserait jamais ça de lui. C’est vrai, Otto ne lui a jamais vraiment proposé de l’aider, en tout cas financièrement, mais. C’est parce que lui ne travaille pas, parce que ce sont ses parents qui ont l’argent. Pourtant, il y a toutes ses insécurités qui refont surface, il y a les mots qui résonnent dans sa tête et il ne sait pas quoi dire à part : « Il n’est pas comme ça. » Et c’est comme s’il voulait se convaincre lui-même, comme s’il tentait de se rassurer. Mais il doute, à présent, parce qu’Otto est son deuxième petit copain, que le premier, c’était carrément pas la gloire. Et si, au final, ça se terminait de la même façon ? Et s’il l’abandonnait, parce qu’il ne l’amuse plus, parce qu’il arrive à sortir de la rue, parce qu’il n’aspire qu’à une vie normale ? Ce n’est pas d’Otto, qu’il doute, mais de lui, lui et ses routines ennuyeuses, lui qui ne fait jamais rien de travers, lui qui a tellement peur du sexe, lui qui a la personnalité la plus lisse et la plus insipide de l’univers. Comment croire que quelqu’un puisse être amoureux de lui, alors qu’il a toujours eu l’impression d’être un fardeau pour la plupart des gens, d’être un truc inutile traînant dans les pattes de Darja pour lui lancer des regards avides, désespéré qu’elle l’aime enfin. « Pourquoi tu dis ça ? » Et là, c’est un reproche, dans la bouche de Lenny, c’est les larmes qui assaillent ses joues, des yeux incapables de les contenir qui se relèvent vers Peadar avec l’envie qu’il lui dise que c’était rien qu’une mauvaise plaisanterie. « Tu crois vraiment que je ne suis qu’un pauvre gamin qu’il utilise pour s’amuser ? Tu crois vraiment qu’on ne peut pas m’aimer juste pour moi ? C’est quoi, ton problème, tu ne m’aimes pas, tu n’as pas envie que je sois heureux ? Je n’ai pas le droit d’être amoureux ? » Il essuie les larmes le plus maladroitement du monde, du revers de la main, gosse paumé et tremblotant qui ne parvient même pas à lui dire la seule chose sensée : va te faire foutre, Peadar.
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MessageSujet: Re: droit dans le soleil (lenny)   droit dans le soleil (lenny) EmptyMer 2 Aoû - 17:10

Avoue-le, t’as peur. T’as peur et toi t’es comme un animal, quand la terreur vient tu mords. Mais de quoi t’as peur ? T’as peur pour lui ? Ouais, un peu. Comme une impression que Lenny c’est une œuvre d’art en cristal soufflé et qu’il peut se briser au moindre choc, au moindre cri. Une appréhension que Otto va jouer au foot avec son cœur et qu’il n’y résistera pas, qu’il reviendra en morceaux. Il serait si difficile à recoller. Pourtant c’est le lot de tout adolescent les amourettes qui finissent mal, ça heurte toujours comme une massue dans la poitrine puis ça passe une fois le choc encaissé. Tu ne devrais pas douter de la solidité du gamin. Après tout il est toujours là. Sauf que t’as peur pour toi aussi, t’es égoïste dans le fond. Otto il va t’arracher Lenny tu en es sûr, et t’arracher un de tes enfants c’est te poignarder dans l’estomac. Il y en a beaucoup qui partent. Ils partent tous un jour, sauf Tinks, et c’est comme ça, c’est la vie. Certains t’importent peu, d’autres te font un pincement au cœur quand tu leur souhaites bonne chance, y en qui te font verser une larme et puis il y a ceux qui se barrent avec une partie de toi que tu as l’impression de ne jamais pouvoir récupérer. Pas le moindre doute à avoir, Lenny serait de ceux-là. Tu les gardes comme une pie couve son butin. T’es un putain de voleur Peadar, avec ton chantage constant, physique ou surtout émotionnel. De cette manière-là tu n’as jamais grandi. Regarde-le, tu lances sur lui tes paroles comme des flèches empoisonnées, tu vas le tuer à force tu sais.

« Il n’est pas comme ça. » Et au fond qu’est-ce que tu en sais toi ? D’Otto tu ne connais rien, à part son secret et ses habitudes quotidiennes, sa sexualité débridée. Tu es certain de le connaître mais tu te raccroches à l’image que tu en as, pas ce qu’il est réellement. Tu es persuadé que si, il est comme ça, sauf que tu ne peux pas savoir. « Pourquoi tu dis ça ? » Voilà, tu l’as tourné contre toi, même pas besoin de son petit copain, tu vois, tu te débrouilles comme un grand pour t’aliéner les gens par cupidité sentimentale. Les larmes qui deviennent ruisseaux sur ta peau te renvoient à la gueule ta culpabilité. « Tu crois vraiment que je ne suis qu’un pauvre gamin qu’il utilise pour s’amuser ? Tu crois vraiment qu’on ne peut pas m’aimer juste pour moi ? C’est quoi, ton problème, tu ne m’aimes pas, tu n’as pas envie que je sois heureux ? Je n’ai pas le droit d’être amoureux ? » C’est à ton tour de te prendre les couteaux dans le flanc, tu l’as mérité le retour de flamme. Tu t’attendais à quelle réaction au fond ? C’était celle qui était la plus logique. Pris de court, tu bafouilles presque, pourtant on sent dans ta voix l’énervement de voir tes mots tordus. « Come on Lenny that’s not what I said. » « Mais Lenny c’est pas ce que j’ai dit putain. » Oui et non. Disons que c’est toujours la crainte sous-jacente dans des tirades comme les tiennes, que jamais au monde, dans aucun bouquin, dans aucun film, un discours pareil n’a été reçu autrement que par un ‘‘tu crois qu’on ne peut pas m’aimer pour ce que je suis ?’’. « You’re one of the most amazing people I’ve ever met, I want you to be happy. And I’m scared he’ll break your heart because he’s the one I don’t trust. He’d have a million reasons to love you. But I think he has the wrong ones, and you deserve better than that. » « T’es une des meilleures personnes que j’aie jamais rencontrées, je veux que tu sois heureux. J’ai peur qu’il te brise le cœur, je lui fais pas confiance. Il en aurait un million de raisons de t’aimer mais je crois qu’il a choisi les mauvaises et tu mérites mieux que ça. » Langue de serpent tu es. Au final tu y crois à ce que tu racontes, je pense que c’est le pire dans toute cette histoire. Tu te rapproches de lui et maladroitement tu le serres dans tes bras. « Stop crying Lenny I love you, don’t you ever fucking think otherwise. I’m always looking out for you. » « Arrête de chialer Lenny je t’aime, pense jamais le contraire putain. J’te protègerai toujours. » Moi je t’aime, moi je te ferai pas de mal, je te briserai pas le cœur gamin, lui il va te labourer les émotions et te laisser écharpé, moi je surveillerai toujours tes arrières. C’est ça que tu essaies de lui dire.
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MessageSujet: Re: droit dans le soleil (lenny)   droit dans le soleil (lenny) EmptyJeu 31 Aoû - 17:34

Il a toujours l’air d’un enfant, Lenny, les larmes qui coulent trop facilement et qu’il écrase de la manche pour les étaler sur sa peau, parce que c’est pas bien de pleurer, parce que les hommes ne pleurent pas. Parce que Darja ne pleurait pas non plus. Il aimerait bien être un dur à cuire, parfois, il aimerait bien pouvoir riposter autrement qu’en se mettant à chialer, quand les sanglots se collent dans sa gorge et qu’il les retient au point que ça en devienne douloureux. Il a jamais la force de les garder pour lui, ses larmes, il arrive jamais à garder un semblant de dignité. Il s’effondre toujours comme un fragile château de cartes entre les doigts des autres, surtout de ceux qui comptent trop pour lui. Il aime Peadar, et il se sent idiot pour ça, il aime Peadar, et il ne veut pas le décevoir, comme il ne voulait pas décevoir Darja, comme il cherchait toujours un peu de fierté dans son regard quand elle posait ses prunelles glaciales sur lui. Peadar lui a donné un peu de ça, sorte de figure paternelle, bancale mais qui fait de son mieux pour l’encourager, et maintenant Lenny a provoqué la déception du père et il ne sait pas quoi faire pour réparer tout ça, comment faire pour récupérer cette lueur d’approbation au fond de ses yeux. Il ne veut pas quitter Otto. Il ne veut pas. Mais il ne veut pas que Peadar soit fâché non plus. Il veut qu’il les accepte, tous les deux, ensemble. Ça semble perdu d’avance. Lenny n’a jamais pensé qu’on puisse l’aimer, lui, juste pour lui, sans arrière-pensée, sans raison précise. Après tout, c’est ce que toutes les personnes qui ont croisé sa route se sont appliquées à lui faire penser, depuis toujours, en l’abandonnant aussi aisément que s’il était un vieux jeans démodé. Et peut-être que le jeans, contrairement à lui, on l’aurait gardé. En vérité, Darja avait suffi pour qu’il soit persuadé que sa seule chance de se faire aimer est d’être utile, d’une façon ou d’une autre. D’être parfait, sans aucune place pour ce que lui aime ou veut être. Alors il doute, Lenny, à cause des mots de Peadar, il doute qu’Otto puisse l’aimer vraiment, il doute que Peadar l’aime autant qu’il le prétend, malgré tout ce qu’il peut dire pour essayer de se rattraper.

Pourtant, il ne le repousse pas quand il s’approche pour le serrer dans ses bras. Il ne proteste pas aux attaques contre Otto qui ne font que le blesser davantage. Il ne riposte d’aucune façon, calant son visage dans le creux de l’épaule de Peadar pour cacher les larmes qui coulent toujours, gamin trop en mal d’amour pour rejeter celui qui lui a tant donné, même quand il dit toutes ces choses qui le bousillent un peu plus. Il est pas capable de lui dire merde, pas capable de lui tourner le dos et de lui faire comprendre qu’il n’a pas de pouvoir sur lui, comme d’autres Lost Boys auraient pu le faire. Lenny, c’est pas ça, Lenny, il ne veut pas faire ça, il veut que tout le monde soit content, même quand c’est impossible. Il y croit pas, quand Peadar lui dit qu’il mérite mieux. Otto, c’est déjà plus que mieux, et il a pas l’impression de l’avoir mérité non plus. Et s’il était si formidable, comme il dit, les autres s’en seraient rendu compte aussi, non ? Pas seulement un sale type au grand cœur qui entasse des gosses des rues dans son appartement. Il y croit pas, mais il passe quand même ses bras autour de la taille de Peadar, comme pour lui dire de pas le lâcher, m’abandonne pas, s’il te plaît. « Je ne veux pas que tu sois en colère contre moi. » Il souffle, la voix engloutie par les sanglots. Je ne veux pas quitter Otto non plus, qu’il ne dit pas, aussi faible qu’il l’a toujours été. Les adultes savent mieux ce qui est bien pour lui, Peadar sait mieux, Asher sait mieux, ils ont sans doute raison, sans doute, mais. Pas maintenant.
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MessageSujet: Re: droit dans le soleil (lenny)   droit dans le soleil (lenny) EmptyMer 27 Sep - 2:24

C’est fou comment tu peux te transformer en une personne différente au gré des choses que tu essaies d’obtenir. Comment tu portes des dizaines de masques bariolés dans tous genres de situations. Le dur mystérieux pour tous ces abrutis qui travaillent sur cette émission de télé-réalité. Un mec bien et sans aucun reproche pour tes collègues de sécurité et même certains de tes potes. N’importe quoi qui peut leur plaire pour chaque femme que tu essaies de mettre dans ton lit. Et cette espèce de figure de protection qui ne pense qu’au bien de Lenny pour qu’il ne se barre pas. Au fond tout n’est pas faux dans cette performance, ouais t’as peur pour lui, ouais tu l’aimes, ouais tu veux son bien mais tu veux aussi le tien. Tu ne veux pas perdre ce gosse, tu ne veux pas qu’il vole de ses propres ailes si ce n’est pas dans les conditions qui te plaisent. Et puis surtout, ces mots, ce n’est pas toi. Ces jolies phrases pleines de bon sens sur les valeurs sentimentales d’untel et de machin et ces mots pour le rassurer, le surélever, ces doutes exprimés cette fois avec diplomatie. Bien sûr que c’est vrai qu’il est extraordinaire ce gamin et que tu veux son bonheur mais ce n’est juste pas toi de l’exprimer comme ça, c’est juste une façon de paraître plus sage, plus raisonnable. De quoi essayer de le faire rentrer dans le rang. Toujours cette façon de garder le contrôle, de te placer au-dessus de ces gosses et de leur faire faire ce que tu veux. Pourtant… Quand tu l’étreins et que tu lui dis que tu l’aimes, que tu le protégeras, c’est vrai. Pas une once de mensonge. C’est cela sans doute le plus venimeux en toi, que tes paroles ne sont jamais qu’un travesti de la vérité quand il s’agit des lost boys, que la sincérité rampe sous chaque mot. C’est comme ça qu’ils s’engluent dans la toile de ton besoin humain, comme ça que le poison passe, comme ça que ça devient difficile de se sevrer. Des fois tu te rends compte de ton immondice mais la plupart du temps tu te voiles la face. Parce que tu les aimes, tu veux leur bien, tu ne peux pas être un homme si terrible que ça non ? Tu ne peux pas être mauvais pour eux.

Les larmes de l’adolescent coulent dans ton t-shirt, il te semble plus petit encore ainsi, alors même qu’il te dépasse en taille. C’est cet air d’enfant qu’il a toujours sur son visage et qui est accentué lorsqu’il se trouve contrarié ou triste. Aujourd’hui plus que n’importe quel autre jour la prise de conscience te cogne dans les dents. Tu te rends compte que Lenny il mérite mieux, tellement mieux, tellement mieux que cette ville pourrie, cette vie pourrie, cet appartement trop rempli, cette misère, cette putain de malchance lancée par des dieux acides. Mieux que les autres, mieux qu’Otto. Mieux que toi. Pour autant tu ne veux pas le voir voguer vers d’autres horizons. Ses bras se resserrent autour de toi, encore une fois tu as gagné. En quelque sorte. « Je ne veux pas que tu sois en colère contre moi. » Et je voudrais dire que ça ne te rend pas heureux. Mais il y a bien au fond de toi cette pointe de satisfaction, cette espèce de triomphe sans gloire. D’être suffisamment important pour susciter ce genre de réaction. Mais pour combien de temps ? Tu ne gagneras pas toujours, tu le sais. Tu entends la porte de l’appartement s’ouvrir à la volée et la voix de Nibs retentir, guillerette. Alors tu romps l’étreinte, tu te redresses, poses simplement ta main sur l’épaule de Lenny, comme pour lui dire que tout ira bien. Comme si.

FIN.
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