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 the lying game. (asher)

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MessageSujet: the lying game. (asher)   the lying game. (asher) EmptyMar 16 Mai - 6:59

même rengaine. même routine. vingt heures. nadja est prête. nadja se fait conduire, princesse rendue esclave, rendue aux mains de tortionnaires qui décident de son sort selon leur bon gré. chambre. club. ou ailleurs. rien n’est laissé au hasard. nadja n’a pas le droit de donner son avis, encore moins d’émettre une protestation. nadja, elle se regarde dans le miroir, toute pimpante, vêtue comme une poule de luxe, jusque dans son rouge à lèvres rouge poignant qu’elle finit d’appliquer à travers son reflet. elle se regarde, nadja, mais elle ne reconnait pas. elle voit que cette femme qui se vend pour trois sous, cette putain rendue à la merci des hommes. et elle déteste ça. elle déteste avoir à se regarder, sentir le jugement de son propre regard sur sa silhouette peu vêtue. un manteau de fourrure qui ne couvre même pas ses jambes, qui laisse le froid s'engouffrer sous sa robe trop serrée. nadja, c’est à peine si elle peut respirer, là-dedans, et s’il n’y a même pas l’ébauche d’un sourire alors qu’elle contemple son reflet le plus désagréablement du monde, dès qu’elle passe la porte de son appartement ridicule, à l’étage de l’inferno, partagé avec une dizaine d’autres filles dans sa situation - des poupées russes, bulgares ou bien tchèques volées à leur patrie - il n’y a plus que ce sourire travaillé, ce sourire venin, ce sourire poison qui transgresse les barrières de son visage poupin. poupée tchèque faite pour plaire. nadja, elle sait que c’est ça qui la sauve. oeillades chaudes lancées sous les cils, des airs angéliques qui contrastent avec la moue séductrice qu’elle fait sienne. nadja, elle a que ça. que ça pour s’en sortir. que ça pour rapporter des clients, que ça pour s’éviter le pire. nadja, elle est passe-partout, l’expérience lui a appris qu’elle doit la fermer, si elle veut pas finir au cachot. alors quand on la conduit - et elle aurait préféré que ce soit saul, même s’il se fait toujours remplacer pour l’éviter - nadja reste silencieuse. c’est encore dans un hôtel qu’on la conduit, un de ces hôtels classes, aux escaliers de marbre et aux plafonds vertigineux. pour nadja, c’est quotidien. il n’y a plus rien qui l’attire dans ces endroits, surtout quand elle sait ce qui l’y attend. pourtant, elle s’enfonce tout de même à travers les grandes portes vitrées, disparaît dans les grandes allées. ce soir, c’est au bar près de la réception qu’elle rejoint son client. peut-être qu’il ne veut que discuter. un peu de compagnie. se montrer au bras d’une femme plus jeune. ou peut-être qu’il veut plus, toute la nuit dans une des chambres à l’étage. nadja, elle préfère pas se poser la question? alors en attendant qu’on la rejoigne, elle commande un martini au serveur, juste pour elle le temps de croiser cet homme qu’elle replace tout de suite. le bateau, bancal. tanguant. et cette soirée sortie de nulle part qu’elle n’est décemment pas prête d’oublier. vous ? elle a le regard surpris, nadja, surpris de le croiser là. un peu embarrassé, ce qu’elle tente de ne pas montrer, de devoir faire son boulot devant les yeux de la loi. s’il la voit, avec son client, nadja est certaine qu’il pourrait découvrir son secret. elle hésite, nadja. il n’a pas l’air de vouloir partir. et il est venu la trouver. est-ce que ce serait lui, le client ? elle préfère pas poser la question, ne veut pas mettre à découvert sa maigre couverture. aux yeux du monde, ce n’est rien qu’une femme. ah, nadja, s’ils savaient. j’ignorais que les forces de l’ordre pouvaient se payer des soirées dans des endroits comme celui-ci. elle sourit, nadja, se penche pour mieux porter sur la confidence. les jambes croisées, sur sa chaise de bar, le martini à la main. elle aussi, peut-être qu’elle pourrait se fondre dans la masse. elle a l’oeil enjoué, la voix suave nadja. et la gorge serrée de méfiance. est-ce qu’elle devrait s’inquiéter ? elle aurait plutôt raison de le faire. plutôt raison de rester sur ses gardes. s’il découvre son jeu, s’en est fini pour elle.
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Asher Bloomberg

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MessageSujet: Re: the lying game. (asher)   the lying game. (asher) EmptyJeu 18 Mai - 19:53



Nadja & Asher
The lying game
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La main gauche agrippée au rasoir, il s’observe dans la glace et il meurt un peu.
Ça a commencé par une mission, banale, ordinaire, le genre qui ne mérite pas qu’on lui accorde tant d’attention, le genre qui s’exécute en quelques gestes. Ça a commencé par une mission comme les autres, comme celles dont il avait l’habitude, pas vraiment différente. Pas vraiment pareille. Y a fallu ressortir les costumes hors de prix qui trainent dans un coin de penderie, les chaussures vernies qui valent quelques milliers d’euros, la montre en or qui brille au poignet. Sois présentable, on lui a intimé, alors il suit à la lettre, Asher, bête et discipliné, il suit alors que le rasoir glisse sur son menton, emmenant la mousse sur son passage. Sur un bord du lavabo, y a une brosse à dent qui n’est pas à lui, qui est à Lena. Il interrompt un instant sa tâche pour l’attraper et la foutre dans la poubelle qu’il a ouverte du bout du pied. Lena, ça a été quelques jours doux, cotonneux, à vivre entre ciel et terre, quelques jours différents, des dizaines d’heures à prétendre que ces trois dernières années n’avaient jamais existé. Foutue Elena, y a un bout de son cœur qui se barre quand il s’observe de nouveau, quand il voit à quel point il semble neuf et usé à la fois, dépassé, fini, le lui d’y a trois ans, le connard qui se fout de la gueule du monde et qui ne prend pas de paris sur l’avenir. Elle a tout laissé en plan, Elena, elle a même pas pris le temps de virer ses affaires, elle a même pas pris la peine de rendre les clés, elle s’est juste barré et n’a pas expliqué grand-chose. Elle s’est barré et il a perdu trop de trucs, elle et Caïn dans la foulée, parce que la vie est sacrément conne quand elle s’y met, parce que la vie est vraiment chienne quand elle veut se venger de quelque chose. Il s’essuie, se regarde un moment, soupire, y a des cheveux qui collent à son front parce qu’il fait trop chaud, y a le bout de ses doigts qui tremble un peu parce qu’il a trop bu de cafés alors qu’il déteste ça, parce qu’il a trop fumé alors qu’il devrait arrêter. Parce qu’il a pris d’autres choses, aussi, des trucs dont il n’a pas l’habitude et qu’il a chourés aux stups. Il se racle la gorge, reste un instant penché au-dessus du lavabo, ne sait pas s’il va vomir ou s’il va juste perdre l’équilibre et crever sur le carrelage. Y a ses mains qui sont vissées à la faïence, qui s’accrochent comme si sa vie en dépendait, y a ses poumons qui inspirent trop fort et ses yeux qui se plissent sous la douleur, parce que le sang pulse de façon tachycardique dans ses veines et qu’il ne comprend pas pourquoi, il a sûrement mal dosé, il a sûrement pas réfléchi parce qu’il n’a pas l’habitude, parce qu’une partie de lui espère qu’il n’aura jamais l’habitude. Il entend Swann toquer à la porte et il secoue la tête, histoire de regagner un poil de prestance. Ça marche, et quand il observe son propre reflet, il se trouve beau, suffisamment pour sa mission mais pourtant pas assez pour qu’on pense qu’il va bien. S’il passe suffisamment vite, elle n’y verra que du feu. Sûrement. « A plus tard », il lance à sa colocataire alors qu’il sort de la pièce, attrape sa veste de costume et quitte l’appartement.
L’air est lourd, humide. Il l’est encore plus quand il pénètre enfin dans le hall de l’hôtel beaucoup trop prestigieux, qui lui rappelle vaguement les endroits où il aimait faire la fête, quelques années plus tôt. C’est presque pareil aujourd’hui, presque pareil parce que son compte en banque est passé de deux à cinq chiffres le temps d’une soirée, pour lui permettre toutes ses extravagances, parce que son costume lui va toujours comme un gant et qu’il est aussi charmant que quelques années plus tôt, à l’époque où la vie ne lui avait pas encore totalement chié dessus. C’est presque pareil aujourd’hui, sauf qu’il a le cœur un peu brisé, sauf qu’il y a de la tristesse dans les sourires qu’il adresse aux gens qu’il croise. Il s’en rend compte, il se reprend. Sourire de façade et crédibilité optimale. Il assume pas, il assume pas d’être déglingué, et de l’être à cause des autres. « Un whisky, s’il vous plait », il commande au barman alors qu’il s’assied à côté de Nadja, ignorant volontairement le vous interrogateur avec lequel elle l’interpelle. Il sait que ça ne sera pas facile parce qu’elle est au courant qu’il est flic, parce qu’elle se souvient parfaitement de la soirée sur le bateau, que lui aussi s’en rappelle et que ça lui revient en pleine tronche, Elena, les mecs bourrés, le capitaine assommé, Elena, les mauvaises décisions, la panique, Elena, et il est rassuré d’entendre le claquement du verre contre le bois du bar, s’empresse de le porter à ses lèvres pour en boire une gorgée. Il picole, ferme les yeux, écoute parler la blonde, repose le verre et se tourne un peu vers elle, adoptant sa gestuelle séductrice parce que c’est tout ce qu’il peut faire pour pas s’effondrer sur place. Les yeux rouverts, les larmes ont disparu derrière, et le sourire reparaît comme une ultime provocation à sa tristesse. « Il faut bien qu’un homme ait des secrets », il répond simplement, ses doigts tapotant machinalement son verre encore trop plein. Nouvelle gorgée. « Nous avons rendez-vous, me semble-t-il ». La formule est mal trouvée, parce qu’il est absolument persuadé qu’ils ont rendez-vous, parce qu’il y a sa photo format A4 dans le dossier et qu’il l’a déjà rencontrée, l’a déjà aperçue, le bateau, rappel brutal de la catastrophe absolue qu’est son existence. Meh, elle est pas forcée de savoir tout ça. « Permettez-moi de vous dire que vous éclipsez les autres femmes », il souffle discrètement avant de se tourner de nouveau vers le bar. Ce n’est pas de la fausse timidité, ce n’est pas de la pudeur. Il a toujours été comme ça, Asher. Encore plus quand il n’a pas l’habitude de quelque chose. De draguer alors qu’il a le cœur rempli d’Elena et de l’incendie qu’elle a allumé dans ses ventricules. « J’suis pas doué pour ça, pardon ». Il recommence à bouffer les syllabes, soupire. Il est pas doué pour feindre, Asher, pas doué pour prétendre draguer, pas doué pour s’ouvrir à quelqu’un alors qu’on vient de lui fermer une porte, qu’on vient de lui en claquer mille au coin du pif, et il se fait violence pour ne pas descendre le reste de son verre cul-sec.



Dernière édition par Asher Bloomberg le Lun 10 Juil - 19:18, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: the lying game. (asher)   the lying game. (asher) EmptyDim 21 Mai - 6:46

elle en est persuadée, c’est lui. cet homme qu’elle a croisé sur le bateau, nerveux, presque agressif. cet homme qui a fait de son mieux pour les sauver de cette situation potentiellement désastreuse. cet homme, policier. alors nadja, elle comprend pas. qu’est-ce qu’un flic ferait ici, avec elle ? elle est sur la défensive, nadja, légèrement. c’est presque invisible, à la surface, rien qu’un petit écart, une posture redressée, les membres tendus. nerveuse. évidemment, il fallait bien que ça lui arrive. qu’elle tombe sur un flic et que ce soit encore plus difficile de cacher quoi que ce soit par rapport à sa présence ici. par rapport à son métier, cette chose affreuse à laquelle elle était rendue esclave, parce que c’était comme ça. parce qu’il fallait des femmes pour faire plaisir aux hommes, que ça durait depuis la nuit des temps, plus vieille profession du monde, et que ce n’était pas encore prêt de s’arrêter. elle se rassure comme elle peut, nadja. se dit qu’il n’est pas là pour elle. qu’il n’est même pas prêt de la reconnaître. il suffirait qu’il passe devant elle sans même poser un regard sur son visage, s’en aille et aille s’asseoir à l’autre bout de la salle. pas tout à fait impossible. mais non, bien sûr, c’est nadja qu’il regarde, les yeux perçants, nadja à côté de qui il s’asseoit. et soudain, nadja, elle sent le sol s’ouvrir sous ses pieds, tente par tous les moyens de se rassurer, sans jamais rien montrer d’autre qu’un sourire travaillé, celui qu’elle sort à tous ces hommes qui viennent se perdre entre ses bras et entre ses cuisses. et des secrets, l’homme en a. elle tâche de se faire toute aussi mystérieuse, nadja. évidemment qu’il ne lui répond qu’à moitié, que sa pauvre tentative d’enquête tombe à l’eau. nadja, elle a besoin de savoir qu’il n’est pas là pour elle. pas au courant. pas là pour l’embarquer, bien que l’idée lui traverse tout de même l’esprit l’espace d’une seconde, et elle se dit que ça ne peut sans doute pas être pire que ce qu’elle vit maintenant. quoi que. mais nadja, elle ne préfère pas y penser, se reconcentre sur l’homme, compagnon pour quelques minutes. ou bien quelques heures. faites attention, certains pourraient prendre ça pour une invitation à tous les découvrir. voix suave et accents slaves qui roulent sur la langue d’une nadja qui n’a jamais pris les mimiques de langages des gens d’ici. nadja, elle a ses origines accrochés à ses mots, l’est qui crie son appartenance sur la gamine tchèque. elle maintient la façade, nadja. oeillade intéressée, curieuse. tentatrice d’une nuit qui reporte son attention sur l’homme qui lui fait face, les lèvres à peine trempées dans le martini. l’homme, oui. le client. rendez-vous ? et à cet instant elle comprend qu’à moitié, nadja. il est là pour elle. ça tambourine un peu plus dans sa poitrine, ça s’agite, panique. non. nadja, elle tâche de rester calme, de garder le contrôle, de jamais quitter des yeux celui qui compte l’enlever pour une nuit. elle sent bien qu’elle s’embourbe un peu, nadja, que tout ça, ce n’est sûrement pas par hasard. est-ce qu’il sait ? est-ce qu’il est là pour l’arrêter, la jeter en prison ? nadja, elle se sent un peu plus glisser sur la pente raide et elle aimerait que saul soit à ses côtés, garde bienveillant à la sortie du bar, de l’hôtel. peut-être qu’elle pourrait lui envoyer un message, lui demander de venir la chercher. mais elle n’est pas certaine qu’il viendrait. et puis nadja, elle a pas le droit de refuser un client, quel qu’il soit. elle se dit qu’elle est toute seule, finalement, dans cette histoire. qu’on vient pas sauver les putains, qu’on les laisse moisir à leur sort en espérant qu’elle n’ait pas vendu le reste du clan. et puis finalement, l’homme se fait entendre à nouveau, ne déstabilise nadja qu’un peu plus encore. la complimente, sans trop qu’elle ne comprenne pourquoi. est-ce qu’il pourrait vraiment être là, pour lui, pour elle ? merci. qu’elle répond simplement, le sourire réservé au bout des lèvres. elle perd de son assurance, nadja, et ça ne jouera certainement pas en sa faveur. alors elle plonge un peu plus, s’enlise, décide de garder le masque. et jouer le jeu, quitte à se faire prendre au piège, lorsqu’elle pose une main chaude et rassurante sur la sienne. vous vous en sortez très bien. mieux que la plupart. et que dire de vous… avec cette allure digne de Bond. il y a ses doigts qui glissent, caresse subtile contre les siens, le sourire un peu plus chaleureux, la rhétorique qui revient, habituelle, routinière. des gestes et des mots qu’elle ne connaît que trop bien, à trop les utiliser. c’est la première fois, que vous faites ça ? qu’elle se risque finalement à demander, les yeux plantés dans les siens. ils se veulent doucereux, mais pour nadja, c’est une manière de savoir, de ne pas avoir l’impression de sauter dans le vide, sans savoir si elle sera encore là demain ou pas.
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Asher Bloomberg

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MessageSujet: Re: the lying game. (asher)   the lying game. (asher) EmptyJeu 25 Mai - 17:59



Nadja & Asher
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L’accent qui roule sur la langue de Nadja est beau, doux, inédit, il le fait sourire, aussi, parce qu’Asher a longtemps été celui qui avait l’accent, celui qui donnait des inflexions britanniques à chaque syllabe de chaque mot, et qu’il a soudain l’impression d’être moins seul, étrangement, parce que quelqu’un d’autre ne s’est pas plié au standard américain, quelqu’un d’autre a refusé d’adopter la voix du citoyen lambda de Savannah. Elle semble tendre, Nadja, pas à l’image de ce qu’elle renvoie, du métier qu’elle pratique, elle semble pure d’une certaine façon et il n’a pas envie qu’elle soit un dommage collatéral, pas envie qu’elle pâtisse des conséquences de sa mission, pas envie qu’elle soit détruite à la fin. Il sait que c’est envisageable, pourtant, que c’est possible, que son corps pourrait être empilé sur la pile de cadavres qu’il laissera derrière lui lorsqu’il aura fini. Y a quelque chose de troublant à cette perspective, qui se mélange à une pointe d’excitation, à la sensation d’avoir le glaive de la justice entre les mains et de faire son boulot, de le faire bien. Il y a des choses qu’il aime dans ce boulot, parfois. Il aime avoir l’impression d’être utile, d’aider les gens, il aime démanteler des trafics, il aime risquer sa peau d’une certaine façon, c’est son côté funambule, à toujours pencher d’un côté du fil, à toujours être à deux doigts de tomber. C’est son côté con aussi, parce qu’il se jette tout droit dans la gueule du loup, parce que s’attaquer à des trafiquants ne lui fait par vraiment peur. Il a plein de choses pour le motiver, Asher. Il a Jael, Merle, Lenny, River, Ruth, il a cette poignée de gosses trop paumés pour trouver leur chemin, trop terrifiés pour s’enfuir vraiment. Y a peut-être Nadja au milieu, aussi, à peine plus âgée que ses habituels protégés, neuf ans de moins que lui, Nadja, sa cible, celle qui est décrite dans le dossier comme une « prostituée », juste ça, pas d’autre mot pour la définir que ces quatre syllabes. Son patron lui a dit que si elle tombait, ce n’était pas grave. C’est le pourcent acceptable, le pourcent qu’ils peuvent se permettre dans le cadre de l’enquête. En d’autres mots, ce n’est pas grave si elle se fait buter, du moment que le clan tombe à sa suite. Mais c’est perturbant, pour Asher. C’est perturbant parce qu’il y a la main de Nadja qui se pose soudain sur la sienne, qui est étrangement chaude et réconfortante, qui lui rappelle que tout ceci est réel, eux, cet endroit, cette mission, qui lui souffle que ce n’est pas vraiment un jeu et qu’il devrait peut-être baisser les bras immédiatement, laisser quelqu’un d’autre terminer sa tâche. Il a pas envie qu’elle s’ajoute à la liste des gens qu’il a blessés, volontairement ou non, dans le cadre de son travail ou de sa vie privée. Les deux se recoupent, se ressemblent trop, les gosses viennent maintenant toquer à sa porte pour mater des films avec lui et repartent trop souvent avec de la bouffe plein les bras parce qu’il a pitié, parce qu’il les aime, parce qu’il veut les aider. Elle pourrait être ça aussi, Nadja, si elle n’était pas une mission, si elle n’était pas le pourcent de perte acceptable. Il se déteste à cet instant, il se déteste alors qu’il attrape doucement sa main et serre délicatement ses doigts contre sa paume. Penser que ses remords l’empêcheraient de jouer le jeu serait terriblement mal le connaître.
Y a la question qui pointe le bout de son nez, la confiance qui regagne la voix de Nadja, y a un sourire aussi qui se trace sur les lèvres du flic. « Oui. J’étais avec quelqu’un jusqu’à très récemment, vous comprenez », il souffle, les yeux plantés dans les siens, les globes oculaires qui piquent soudain, qui font pointer des larmes meurtrières en leurs coins. C’est presque pas joué, presque pas simulé, c’est presque sincère et dans son cœur, ça l’est complètement, parce que le prénom d’Elena tourne en boucle, comme un disque rayé, et qu’il n’arrive pas à changer de face. C’est pas seulement pour son boulot qu’il fait ça, pas totalement. Il le fait parce qu’il a envie de se sentir vivant, parce qu’il n’a plus envie de pleurer, parce qu’il veut retrouver dans les bras d’une autre ce qu’il avait avec sa squatteuse roumaine qui a quitté son canapé pour ne plus jamais revenir. « Vous voulez boire un autre verre ? Qu’on aille manger quelque chose ? Avant de... » Baiser, il pense au fond de lui, mais aucun mot supplémentaire ne sort de sa bouche. Il y a de la sollicitude dans la manière de lui poser ces questions, dans la façon qu’il a de regarder droit dans ses yeux et pas à côté, pas en dessous, pas au niveau du décolleté ou plus bas encore, sur ses cuisses fines qui se sont croisées. Nadja est une femme magnifique, assurément, et probablement quelqu’un de bien, au fond, quelqu’un qui s’est retrouvé au mauvais endroit au mauvais moment, quelqu’un qui n’a pas fréquenté les bonnes personnes. Il réalise pourtant, un peu tard, que ça ne se fait peut-être pas, qu’elle a sûrement une vie en dehors de son travail et peut-être même quelqu’un avec qui la partager. Il n’a peut-être pas le droit de monopoliser son temps, pas le droit de lui demander davantage qu’une nuit dans une chambre, pas le droit de trop lui parler. C’est pas comme s’il avait quelque chose à cacher, en fait. Nadja sait qu’il est flic, donc il part déjà avec un handicap. Le seul truc qui lui reste à faire, c’est d’être naturel. Alors il se penche un peu vers elle, sans lâcher sa main, avant d’ajouter en confidence : « je vous ai dit, je suis mauvais pour ça. Mais je veux passer du temps avec vous, si vous me le permettez. Je ne sais pas comment vous faites, d’habitude. » Il a l’air ennuyé, gêné, et il l’est un peu parce qu’il n’a jamais fréquenté de prostitués, parce que s’il avait dû le faire il serait allé voir des hommes. Mais il y a de la gentillesse dans ce qu’il dit, du calme et de la douceur, et il porte les phalanges à ses lèvres pour ses embrasser tendrement, furtivement, les yeux plantés dans ceux de Nadja. Il est trop honnête, Asher, bizarrement trop honnête dans le rôle qu’il joue, dans le costume qu’il endosse, et c’est peut-être ce qui finira par le perdre.

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MessageSujet: Re: the lying game. (asher)   the lying game. (asher) EmptySam 27 Mai - 6:39

il y a quelque chose qui la dérange. comme un instinct qui se réveille, qui vient chatouiller son ventre de la façon la plus désagréable possible. comme un éclair de raison, au milieu de toute cette folie, une sensation de tout comprendre là où le l’incompréhension est reine. ils l’appellent l’instinct de survie. mais nadja, elle sait pas encore, pas vraiment. elle se contente de tâtonner, à coups de questions discrètes et de regards perçants, sans trop le dévisager. elle sait qui il est, nada, et elle sait tout aussi bien qui elle est. et elle sait aussi que cette alliance, cette rencontre n’a pas lieu d’être, qu’elle a beau le faire avec le reste du monde, lui c’est pas permis. c’est trop dangereux. pour elle, pas pour lui. y a l’épée de damoclès qui trône fièrement au-dessus de sa tête, et elle pourrait presque l’entendre lui rire au visage avec impatience, tant le destin se fait capricieux. c’est qu’une malchance de plus dans une vie déjà bien remplies de maladresses. mais c’est trop tard, maintenant. elle ne peut plus reculer, ça confirmerait tout ce qu’il essaye sans doute de prouver, et ça la mettrait dans une mauvaise position, lui vaudrait certainement quelques côtes fêlées et un passage au cachot pour avoir osé refusé le pactole qu’on lui proposait. pire qu’une poule pondeuse, c’est la poule aux oeufs d’or. dénicheuse de trésors. je suis désolée de l’apprendre. vous voulez m’en parlez ? et c’est tellement dur, pour nadja, de déceler le vrai du faux. il y a les expressions qui se mélangent sur le visage de l’homme, et les émotions partagées de nadja qui en suivent. elle ne parvient pas à le lire, pas encore, et peut-être ne le parviendra-t-elle jamais. est-ce qu’il dit vrai, ou bien lui tend-il un piège ? c’est flou, c’est brouillé, brouillard, mais qui est-elle pour prétendre qu’il ment ? c’est bien pour ça qu’ils viennent tous la voir, non ? pour oublier, panser les coeurs brisés, comme si elle se faisait infirmière pour la nuit à coller des pansements sur des plaies béantes. on est pas obligés. ils sont jamais obligés. nadja, elle force à rien, elle se contente d’encourager, d’être l’oreille attentive dont ils ont besoin, la douceur dont ils ont été privés, l’amante dont ils rêvent parfois. elle lui laisse la possibilité, c’est sans doute aussi pour tester l’étendue de sa couverture, savoir jusqu’où il ment, où est la limite, entre réalité et enquête, et quel est le rôle qu’elle a à jouer dans tout ça. nadja, elle se dit que c’est pas vraiment sur elle qu’on enquête, si enquête il y a. c’est plutôt sur les têtes importantes, les esclavagistes, les bourreaux serbes, bran, anton, lazare. et si une part d’elle prie pour qu’ils tombent chaque soir, elle préfère garder le silence plutôt que de tomber avec eux. je reprendrais bien un verre. retour à la conversation, à ce malaise qu’elle est capable de sentir, chez tous ceux qui ne savent pas s’y prendre. elle y voit quelque chose d’attendrissant, nadja. une première fois, dont elle est témoin, actrice, parce qu’elle sait que ce sont certainement les meilleurs d’entre tous. chez ceux qui cherchent la lumière, il n’y a ni violence, ni humiliation. rien qu’un peu de compagnie, qu’elle est moins réticente à offrir que le reste. c’est permis, c’est même très apprécié. elle a le sourire encourageant, nadja, la main qui presse un peu plus la sienne. elle le dira pas mais chaque seconde passée à parler est une seconde de moins passée à se déshabiller. tout est bon pour reculer le moment fatidique. et puis nadja, c’est comme ça qu’elle fait, c’est comme ça qu’elle est, femme aux multiples visages : l’épaule pour consoler, la séductrice pour lâcher prise, la tendresse pour bercer et la joie pour dessiner une autre vie qui n’existe probablement que dans les songes. elle dira pas, nadja, que ces conversations sont sa seule source de lumière, qu’elle s’y accroche parce qu’elle n’a personne d’autre, enfermée dans une pièce trop petite pour dix filles entassées les unes sur les autres. elle s’y accroche et elle les vole, les garde égoïstement pour elle, ces moments doux qui n’ont rien à voir ni avec le sexe, ni avec son métier forcé. et dans ces moments-là, nadja a presque l’impression d’être une femme tout à fait ordinaire, à prendre un verre dans un bar, à discuter avec une vieille connaissance ou bien une nouvelle. elle s’inventerait presque une vie, nadja, business woman en voyage d’affaires, à l’épouse bafouée, cherchant à s’évader de l’emprise de son mari dans les bras d’un autre. alors elle est un peu surprise, quand on lui laisse, certainement pour la première fois, le choix du programme de la soirée. parce que nadja n’est jamais celle qui prend les décisions, toujours celle qui les subit, celle à qui on ne demande jamais son avis, parce qu’elle est censée suivre et tout approuver. c’est que ce n’est pas moi qui décide, d’habitude. mais si vous me laissez carte blanche, je propose que vous m’invitiez à danser, juste ici. pour qu’on puisse montrer à tous ces gens à quel point nous sommes scandaleux. elle le dit dans un sourire taquin, nadja, parce qu’il n’y a aucune piste de danse dans le bar de cette hôtel de luxe. qu’il n’y a même aucune personne dansant, juste des gens bien habillés, en train de siroter leur pur malte ou leur cocktail à cerise rouge traînant au fond du verre. les gens sont tous les mêmes, ici, se ressemblent tous. portent la même chose, prennent leur temps avec la même tête sans le moindre sourire avant de rejoindre une maison et une moitié qu’ils préfèreraient déserter. ce sont tous les mêmes conformistes, bien rangée dans une vie qui ne leur plaît pas, nadja les connait par coeur, parce que ce sont ces mêmes personnes qui la retrouvent chaque soir, avec ces mêmes envies de laisser leur petite vie bien rangée au placard pour s’offrir l’outrage de s’oublier avec une prostituée.
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Asher Bloomberg

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MessageSujet: Re: the lying game. (asher)   the lying game. (asher) EmptyDim 28 Mai - 11:18



Nadja & Asher
The lying game
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Il y a des questions auxquelles Asher n’a pas vraiment envie de répondre. Ça fait combien de temps ? Trop longtemps. Trop longtemps depuis la dernière fois où il l’a vue, où ça s’est mal fini, où il aurait voulu l’étreindre et l’embrasser et la rassurer mais où il n’avait rien pu faire de tout cela, putain de connard incapable d’assumer ses sentiments. Trop longtemps et pas assez, quelques jours en réalité, mais il compte en semaines pour accentuer le côté dramatique, donc une semaine et demie. Pas assez longtemps parce que la nuit qui a suivi est encore claire dans sa tête, dans son esprit, avec tous les évènements qui se déroulent de manière logique et cohérente, l’alcool et la baston et Caïn. Y a eu quelqu’un depuis, d’ailleurs ? Ouais tu parles, y a eu quelqu’un, un moyen de rappeler à Asher qu’il fout tout en l’air, ses histoires d’amour comme ses amitiés. Ouais, y a eu quelqu’un, et ça pulse, ça tord, ça tue, ça crève le bide à coups de couteaux et fout un incendie dans son pantalon, ça le laisse désorienté et désolé et épuisé, ça le laisse comme un con, à plus discerner fantasme de réalité. Tu veux en parler ? « Non », il lâche juste, parce que c’est la vérité, il veut pas en parler et certainement pas ce soir, alors que la police lui paye gracieusement les services d’une prostituée, alors qu’il peut en profiter pour penser à autre chose, pour avoir d’autres lèvres, d’autres cuisses, d’autres fesses en tête. Il s’en veut un peu de répondre aussi abruptement, parce que Nadja n’a visiblement rien à voir avec ses pauvres choix de vie, qu’elle est simplement une spectatrice discrète pour la soirée, qu’elle est totalement extérieure à tout cela, à ce cirque, à cette mascarade qu’est son existence, dont on pourrait tirer un livre en douze volumes intitulé Comment merder à ce point et continuer d’avancer en merdant davantage, la vie d’Asher Bloomberg. Il se doute qu’il n’est pas le plus violent des hommes auxquels Nadja ait eu affaire, de toute façon. Il doit se passer des choses dont il n’a pas idée, entre les draps, des humiliations et des violences qui ne lui seraient même pas imaginables, et ça contribue à le rassurer, parce que tant qu’elle est avec lui, elle n’est pas avec un pervers qui lui fait des trucs immondes, elle n’est pas avec un tortionnaire qui confond violence et désir. Enfin, reste à prouver qu’il vaut mieux, Asher, lui qui chope la gaule en se battant dans des pubs miteux, lui qui est bien trop excité lorsque le sang frôle ses lèvres. Le loup déguisé en agneau, pas méchant mais imprévisible, incontrôlable, pas cruel mais perdu dans une mer de sentiments contradictoires. Il sait pas y faire avec les filles comme Nadja, avec les putes, mais il sait pas y faire non plus avec les gens lambda, ceux qu’il ne paye pas pour ça, les amis, les amours, les ennemis aussi. Il sait pas y faire parce qu’il sait pas distinguer les sentiments, parce qu’ils se troublent trop souvent. Elena, il l’aime et il la déteste. Caïn, c’est un ami et davantage. Minnie, c’est même pas définissable, c’est même pas catégorisable, c’est hors compétition, y a pas de barème pour la noter, pour l’évaluer, pour comprendre ce qu’elle représente à ses yeux. Nadja, il pense encore rien, il sait pas, il veut peut-être pas savoir. Nadja c’est une distraction, c’est quelque chose qui le fait sortir de chez lui, qui lui évite de se terrer comme un animal blessé qui bouge plus, qui communique plus, qui se laisse juste crever dans son coin. Et donc, même sans musique, même sans contexte, même sans introduction spécifique, danser ne semble pas la pire des idées. C’est ce qu’il se dit, un léger sourire au coin des lèvres, alors qu’il se lève et l’attire à quelques pas du bar.
Il n’a pas l’habitude de faire des trucs insensés en dehors d’Elena et de Caïn, ses deux électrons libres, Elena et ses crises de colère imprévisibles, Caïn et son humour un peu malsain, carrément déplacé. Quand il n’est pas avec eux, il a tendance à réfréner sa douce folie, celle qu’il montre lorsqu’il se sent vraiment en confiance, lorsqu’il n’a pas besoin de mentir, de cacher des choses, lorsqu’il ne porte aucun déguisement. C’est pas le cas ce soir, pas le cas du tout, mais Nadja lui inspire un semblant d’abandon, lui donne une envie de maintenant et pas d’éternel, pas comme les deux autres qui lui font naître des bouts de promesses dans les yeux et qui détruisent toujours tout. S’il se disait que ce soir, il oublie ? Que ce soir, c’est simple, que c’est pas calculé, pas vraiment, que c’est une entrée en matière, qu’il peut être naturel, qu’il peut profiter, qu’il doit oublier dans les bras de la jolie slave ? Sourire, une main sur la hanche et l’autre dans la sienne. There you go, Asher. C’est fou comme le déguisement de gentleman lui va bien, comme il est naturel, à croire que ses manières ne l’ont pas quitté depuis New-York , depuis le caviar et le champagne, depuis les soirées étudiantes avec le gratin des Etats-Unis, tous ceux qui sont en passe de devenir Barack Obama ou Hillary Clinton. Certains, Trump. Les pires. « Pourrait-on avoir une musique un peu plus entrainante ? », requête lancée au type derrière le bar, guindé et visiblement mal à l’aise lorsqu’il réalise qu’ils sont en train de danser un slow alors que tout est trop silencieux. Mais l’hôtel est prévenu de sa venue, et y a un bon paquet de dollars qui ont été mis sur la table, une grosse rétribution pour que la soirée se passe sans accroc. Y a quelques secondes qui passent et soudain, un jazz des années quarante qui joue dans les haut-parleurs. Il croit reconnaitre Baby it's cold outside, tiens. Il a un côté ringard, Asher, un côté vieille Angleterre avec trop de manières et trop d’élégance, avec de la délicatesse dans ses gestes et une sobriété dans son regard, une retenue finement étudiée qui se répercute dans le moindre de ses mouvements. Il pose les yeux sur Nadja, ose un sourire, essaie de ne pas confondre ses traits avec ceux d’Elena. Il vaut mieux qu’il ne boive pas trop, ce soir, au risque de le regretter.
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MessageSujet: Re: the lying game. (asher)   the lying game. (asher) EmptyMer 7 Juin - 7:18

il suffirait qu’il prenne sa main, qu’il l’invite à danser. une idée lancée dans l’air, une parmi tant d’autres. celle-ci sort du lot. parce que pour la première fois depuis longtemps, on demande vraiment à nadja ce qu’elle voudrait. ce dont elle a envie. comment elle agit d’habitude. c’est souvent le cas quand il s’agit de leur première fois, ils ignorent que c’est eux qui ont tous les droits, qui tire les ficelles. ils exigent et nadja obéit, rien de plus simple. alors bien sûr qu’elle est surprise nadja, surprise mais pas mécontente. l’occasion est trop belle pour être vraie, sûrement un peu trop. un instant, elle se dit que c’est peut-être pour la tester, encore et toujours incapable de se laisser à lui donner sa confiance, ou au moins le bénéfice du doute. ça a de l’importance, ce soir quand ça n’en a pas d’habitude, avec les autres. parce que c’est trop risqué. parce qu’elle peut pas penser autre chose qu’au fait qu’il sache déjà tout. qu’il soit venu pour la piéger, peut-être pire. les embarquer tous ensemble. elle et les autres filles. elle et tous ces hommes qui l’emploient le plus illégalement du monde. elle n’a rien à faire ici, nadja. c’est pas à cette terre qu’elle appartient : des faux papiers glissés dans la poche d’un manteau de fausse fourrure pour lui donner une appartenance au pays du patriotisme. effacer un passé, un prénom, une personne. peut-être qu’il sait déjà tout, et qu’il souhaite, qu’il ne fait que la piéger. pour accéder aux gros bonnets, ceux qui leur causent du fil à retordre. elle devrait être heureuse nadja, pas vrai ? ça pourrait signifier que le calvaire est bientôt fini. que bientôt, elle sera libre. non. ça veut juste dire que quoi qu’il arrive, elle ressortira pas vainqueur de cette confrontation. d’un côté, on la considère comme une paria. traîtresse, celles que l’on punit des plus lourdes façons. de l’autre, elle imagine déjà le bain de sang qu’un affront entre les forces de l’ordre et le gang causerait probablement. dans les deux cas, l’avenir n’est pas très beau pour nadja et elle en a pleinement conscience. alors quoi qu’il veuille, cet homme dont elle ignore le nom, elle est incapable de partager son avis. incapable de voir au travers de son métier. mais il attrape sa main, et elle le suit quelques pas plus loin. soudain ça n’a plus autant d’importance. ça en a toujours, mais c’est mis en sourdine, comme soulagée de sortir d’une conversation étrange, d’une impression désagréable d’avoir à marcher sur des oeufs. à sa demande, le barman augmente le volume et nadja reconnaît les vieux accords d’une chanson sur laquelle elle s’amusait avec sa mère, il y a des années. quand elle n’était encore qu’une gamine, quand tout n’était pas si moche. avant ça. et nadja, elle peut pas s’empêcher un sourire nostalgique, envahie par tous ces souvenirs qu’elle cherche pourtant à longueur de temps à enterrer le plus loin possible. y repenser est nocif, dangereux. elle peut pas nadja. sinon, elle tiendrait pas ici. mais tout s’efface à nouveau quand elle sent sa main se poser sur sa taille, quand l’autre main rejoint la sienne. il y a les pupilles douces qui se posent avec un brin d’amusement sur l’homme, recentrant l’attention sur autre chose que le silence pesant. j’ignorais qu’on apprenait la danse à l’école de police. c’est dit avec malice, l’oeil brillant, parce qu’il danse plutôt bien. vraiment bien. peut-être que c’est le genre de musique qu’il écoute habituellement, un peu rétro, les accords oubliés d’aujourd’hui. elle n’en sait rien, mais l’image n’est pas si affreuse que ça. c’est même plutôt joli. et puis, il a quelque chose dans cette façon de faire qui apaise un peu nadja. quelque chose de calme, de doux, presque similaire à ce qu’elle est. quelque chose qui lui plaît, tant elle a la sensation de pouvoir se laisser aller à être elle-même. c’est tellement différent de d’habitude et c'est à lui qu'elle le devait : il n’a rien de tous ces clients qu’elle côtoie habituellement. il n’a que la réserve en fil conducteur, comme une personnalité qu’il retient, par crainte de la dévoiler. ou bien c’est autre chose, nadja n’en sait rien. tout ce qu’elle sait, c’est que c’est loin d’être désagréable et c’est tout ce dont elle a besoin, nadja. une soirée un peu plus tranquille que les autres. je n’ai pas eu l’occasion de vous remercier, pour ce que vous avez fait sur le bateau. vous nous avez sauvés, en un sens. elle le glisse dans un sourire complice, tout bas. elle repense à ce qui aurait pu se passer sur le bateau s’il n’était pas intervenu, et elle a la pupille qui s’assombrit légèrement, nadja. c’était comme si les catastrophes ne faisaient que la suivre, encore et encore. assez lui tombaient dessus pour qu’elle n’ait à faire face au remake de titanic, heureusement.
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Asher Bloomberg

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MessageSujet: Re: the lying game. (asher)   the lying game. (asher) EmptyJeu 22 Juin - 0:22



Nadja & Asher
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Elle est belle, l’illusion qu’il maintient, elle est troublante, même. Il fait semblant d’aller bien, Asher, d’être celui que l’on attend qu’il soit, le gentleman au phrasé oxfordien, aux manières de lord, le prince du bitume, l’exilé de la bourgeoisie new-yorkaise. Ce serait plus simple s’il était ça, seulement ça, un petit gosse de riche qui déploie sa palette de talents à qui veut bien la voir. Mais ce n’est pas ça. Ce n’est plus ça depuis des années, depuis Samuel, ça ne sera plus jamais ça depuis Elena, depuis Caïn, Jael, Merle, Minnie, depuis sa nouvelle vie qu’il semble prendre un malin plaisir à foutre en l’air. Il aura rapidement que dalle, s’il continue à ce train-là. Le sourire est là pour maintenir les apparences. Pour prétendre qu’il va bien alors qu’il ne mange plus, alors qu’il ne dort que deux heures par nuit, alors qu’il enchaine les missions pour se faire un peu de blé. Ça serait plus efficace de faire des trucs illégaux, il pense parfois, quand il regarde Merle, Lenny, River, ce serait plus rapide aussi. Il pourrait voler, mendier, se prostituer, il pourrait faire tous ces trucs prohibés auxquels la bonne morale interdit de songer. Ce serait stupide, peut-être, du moins c’est ce que son père dirait. Il a toujours réponse à tout, Jonathan Bloomberg, même aux choses insolubles. Il trouverait sûrement une parfaite justification, s’il trouvait l’occasion de lui parler, pour expliquer à son fils pourquoi il l’a viré de chez lui quand il a découvert son histoire avec Samuel. Une parfaite justification à ses yeux, bien sûr, pas à ceux d’Asher. Lui, il se dit qu’on ne lâche pas son gamin comme ça, qu’on essaie de le comprendre, qu’on l’aime malgré ses choix, même s’ils diffèrent de ce qu’on aurait souhaité. Visiblement, c’est trop demander à ses parents. Alors si on résume, il n’a plus de famille, plus d’amis, plus d’amour. Y a pas grand-chose à sauver, si ce n’est les apparences. Alors il sourit, lorsque Nadja parle de ses talents de danseur. Non, ma belle, on n’apprend pas ça à l’école de police. « Je viens d’une famille aisée. Ça faisait partie des talents qu’on doit acquérir pour s’en sortir dans le monde. » En disant ces mots, il prend un air trop sérieux, celui qu’avait sa mère lorsqu’elle l’obligeait à suivre les cours de danse de salon, et il rit presque, parce que c’est ridicule. Danser n’a jamais aidé personne à tirer son épingle du jeu, du moins, pas dans la vie réelle, celle où les gens bossent dès qu’ils ont dix-huit ans et ne se reposent qu’à leur mort. Dans leur vie. Ça n’aurait jamais dû être la sienne, quand on y pense. Il aurait dû évoluer dans un monde où danser est le plus grand talent qu’un homme puisse déployer. Raté.
Ils tournent doucement, laissent leurs pieds se guider à l’aveugle, instinctivement, comme deux animaux qui s’apprivoisent sans vraiment se connaitre. C’est étrange comme on peut danser avec un partenaire que l’on ne connait pas, sans introduction préalable, sans préparation. La danse est vraiment un langage universel, faut croire, au même titre que la musique ou les mathématiques. Y a quelque chose de doux et de paisible dans le fait d’avoir sa main sur la hanche de Nadja, de la serrer contre lui pour l’entrainer dans ses pas, une deux trois, les regards qui se croisent et le sourire au coin des lèvres lorsqu’elle le remercie. Il n’a pas repensé à cette soirée depuis longtemps, parce qu’il n’y a pas grand-chose à en dire. Il a fait son job, rien de plus. « Ne me remerciez pas », il souffle, croisant ses yeux et le souffle court un instant, à bout de mots et de respiration, entre la danse, l’alcool, la fatigue et la jolie fille qui tourne dans ses bras. « Je suis désolé si j’ai pu vous paraître désagréable. » Il sait qu’il n’a pas été monsieur soleil, ce soir-là. Non pas qu’il soit souvent joyeux, qu’on soit honnête : il est souvent plus acariâtre qu’autre chose. Mais il s’en aperçoit toujours avec un brin de recul, se rend compte que ses attitudes peuvent sembler froides, déplacées. Il n’avait pas voulu être méchant, en réalité, mais il a une tolérance au stress qui trouve ses limites dans des situations inconfortables : le fait de se trouver sur un bateau au moment des faits n’avait pas arrangé les choses. C’est pour ça qu’il est sincère, vraiment sincère lorsqu’il prononce ces mots, lorsqu’il présente ses excuses. Ce n’est pas souvent qu’il le fait, pas souvent parce qu’il est de mauvaise foi, parce qu’il déteste admettre avoir tort, parce qu’il a essayé l’honnêteté avec Elena et que ça n’a pas marché, parce qu’il ne l’a pas tentée avec Caïn et qu’il a peur de le faire. Ce n’est pas souvent qu’il se couche, qu’il admet ses erreurs, qu’il essaie de les corriger, mais Nadja a l’un de ces regards qui appellent une douceur, une tendresse qu’il tente trop souvent d’intérioriser. « Vous dansez très bien, vous aussi. » Ce n’est pas un compliment mais une vérité. On dirait qu’elle a fait ça toute sa vie, Nadja, parce que ses pieds semblent flotter sur un coussin d’air et qu’elle semble à l’aise avec cet exercice. Elle doit en avoir connu, des clients étranges qui ont des requêtes particulières, comme danser un bon vieux jazz des années 40. « Vous êtes vraiment très belle », et il se répète mais lorsque son regard croise celui de la jeune-femme, il se dit qu’il le pense, vraiment, malgré Elena, Caïn, Minnie, malgré la vie qui passe son temps à lui faire comprendre que tout le monde se porterait mieux sans lui. Elle est belle et il l’avoue, parce que c’est un soir à être honnête.

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