Sujet: entre deux mondes. (sadja) Mar 14 Mar - 6:42
le temps avait recommencé sa course. et la réalité avait repris son cours. aussi soulagée et reconnaissante nadja avait pu être d’une soirée hors du temps et de ses fonctions, il avait fallu qu’elle revienne. et qu’elle reprenne le cours de son quotidien comme si rien ne s’était passé. comme si elle ne rêvait pas chaque nuit d’une autre brèche, d’un autre interdit. d’une autre soirée à prétendre être banale. comme si elle n’imaginait pas une vie en dehors de tout ça. un foyer. un travail. une famille. mais non, nadja n’avait jamais eu droit à tout ça et sans doute ne l’aurait-elle jamais. et ce qui fait tenir nadja, c’est de ne pas y penser, jamais. nadja, elle a l’espoir d’un jour futur être quelqu’un d’autre qu’une traînée mais ne s’autorise jamais vraiment à fantasmer sur des rêves puérils. pour nadja, toutes les occasions sont bonnes à sourire du moment que la chut n’est ni trop sévère ni trop brutale. nadja, elle garde ses espoirs hauts, ne s’autorise jamais à redescendre. parce qu’elle n’est pas bien certaine de pouvoir s’en remettre, si une telle chose arrivait. nadja, elle se contente de se concentrer sur le positif, tant le reste pourrait l’engloutir pour ne jamais la laisser en ressortir. et ce soir, nadja a presque le sourire vrai collé aux lèvres rosées, pas ce sourire superficiel qu’elle abhorre généralement aux alentours du club, ou bien même avec n’importe lequel de ses clients. pas le sourire qui prétend que tout va bien quand tout va mal, pas le sourire qui lui permet d’écouler les journées sans accuser les réprimandes. un sourire tantôt charmeur, tantôt droit, manquant d’émotions. ce soir, il était honnête. soulagé. parce que ce soir, nadja avait une vraie raison d’être soulagée. une autre soirée loin des autres. quatre lettres qui lui promettaient l’aventure et ça lui suffisait, à nadja. un peu de surprise et une bonne compagnie. ce soir, c’était reed qu’elle était censée rejoindre dans sa suite deluxe, reed revenue à savannah après un voyage d’affaires en irlande. et nadja en avait tant à apprendre, des contrées lointaines, des surprises que lui réservait la brune incendiaire, comme elle le lui avait promis. reed qu’elle ne considérait pas vraiment comme une cliente tant elle avait fini par se sentir à l’aise à ses côtés. elle-même, ce qu’elle n’avait plus l’habitude d’être, perdue quelque part entre ces murs. alors nadja, elle met beaucoup d’efforts à apparaître sous son plus beau jour ce soir, au moins pour arriver à la hauteur de la beauté foudroyante de son amie. nadja, elle est pressée de la retrouver, ressentant le manque de plus en plus présent de pas sentir l’espièglerie de l’envoleuse à ses côtés. je suis prête. qu’elle laisse alors entendre en entrant dans le salon, là où s’agglutinent habituellement les filles, l'euphorie au creux de la poitrine de pouvoir s'échapper à nouveau. ce soir il est vide, toutes déjà occupées, il n’y a que son chauffeur qui est censé l’attendre pour la conduire au lieu de rendez-vous et venir la chercher au petit matin. elle ignore encore son identité, nadja, mais quand elle entre, il n’y a que saul qu’elle trouve. que saul qui l’attend, le visage fermé. et ça lance des piques de nervosité dans l’estomac de nadja qui ne s’attendait pas à le trouver face à elle. elle ne saurait pas dire ce qui avait changé depuis la dernière fois, mais c’était la gêne qu’elle ressentait, peut-être de devoir agir comme des inconnus, comme une pute et l’un de ses boss. c’était plus vraiment comme ça qu’elle l’apercevait saul, capable de ne voir que l’âme sombre et torturée qu’elle avait aperçu l’autre soir. et c’est parce que cette distance s’est brisée que nadja a tant de mal à se remettre à sa place. alors elle reste un moment interdite nadja, cherchant l’ordre parmi toutes les pensées en foutoir. c’est toi qui m’emmènes ? et puis vient enfin le sourire, incertain. elle sait plus comment agir, nadja. parce qu’elle a pas l’habitude de tout ça. nadja, elle sort jamais des sentiers battus, elle est consciencieuse à respecter toutes les règles, y a que comme ça qu’elle peut s’en sortir, elle le sait. et là, elle ne sait pas ce qui la rend si malaisée. peut-être bien d’être prise au vif de ne pas les avoir respectées, pour la toute première fois. ou peut-être de voir les deux mondes entrer en collision avec tant de facilité, saul d’un côté et reed de l’autre, et nadja au milieu les deux bras tendus, ne parvenant décemment pas à concilier les deux.
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Sujet: Re: entre deux mondes. (sadja) Jeu 16 Mar - 16:49
C'était la cinquième fois que je relisais la ligne. Les noms finissaient par se superposer d'une façon dérangeante, presque affligeante. Putain. Weiss. Lagoon. Je tentais de comprendre à quel moment ça avait commencé à m'emmerder qu'elle se retrouve entre des bras d'inconnus et inconnues. Pourquoi y avait une colère sourde qui pointait le bout de son nez quand je vérifiais les registres et tombais encore une fois sur le nom de la pulpeuse et richissime demoiselle Reed qui s'accrochait à celui de Nadja. Et je trouvais pas d'explication. Aucune qui me convenait en tout cas. J'avais évité la belle de nuit autant que possible depuis notre petite escapade chez moi, me contentant de la saluer d'un bref signe de tête lorsque je la croisais au club. Saul était redevenu invisible à ses yeux, peut-être uniquement un souvenir qui s'effaçait progressivement. Je m'y étais efforcé également. Habituellement c'était simple d'étouffer la moindre once d'émotion: je l'enterrais sous un terreau glacial et laissais la chaleur y mourir. Mais l'apparté avec la slave rougeoyait encore, comme des braises incandescentes. Ca venait me tourmenter la nuit en cherchant le sommeil, le jour en écoutant des couverts s'entre-choquer. Sans m'en rendre compte je guettais des mimiques semblables dans d'autres visages mais jamais je n'y trouvais une douceur équivalente. Alors forcément j'avais fait la gueule en apprenant que je devais lui servir de chauffeur ce soir. Mon réflexe de survie premier avait été la fuite, l'esquive. Ca marchait pas du feu de Dieu mais au moins j'empirais pas les choses comme ça. Enfin, j'avais pas le choix. Lazar était de retour en maître et seigneur, et après le bordel que le virus avait causé il avait pris grand soin de rappeler à tout le monde qu'il fallait filer droit. Me voilà donc. La gueule en vrac et le regard ténébreux, fixé sur mes mains jointes et posées sur mes cuisses. Refusant de relever la tête alors que son pas léger venait déjà résonner dans le couloir. J'préférais me concentrer sur la musique qui provenait de la salle principale et les rires qui l'entrecoupaient. Et puis y avait eu sa voix mélodieuse qui emportait tout sur son passage. Alors je me levais, charmé comme un cobra, pour l'accueillir. Elle était pile à l'heure comme d'habitude, Nadja était pas une de celle qu'il fallait décoller à coups de pied de biche de son miroir. Même si elle paraissait singulièrement joyeuse pour quelqu'un qui allait faire le tapin. J'me décidais enfin à la regarder en face, essayant même de sourire. Raté. Seul un rictus vint se peindre sur mes lèvres, alors que dans ma poitrine se disputaient la joie timide de la revoir, la déception d'apercevoir les coins de sa bouche s'affaisser devant moi et cette putain d'excitation qui rampait déjà le long de mes nerfs. J'aurais voulu l'étrangler et la tuer dans l’œuf. "Ouais." J'étais incapable de prononcer davantage. D'un hochement sec du menton je l'entraînais à ma suite pour rejoindre ma bagnole garée derrière le club. Sans un mot nous montâmes dans l'habitacle empestant le tabac froid mais propre. Si d'apparence j'étais aussi polaire que la toundra à l'intérieur ça rugissait dans tous les sens. En réalité je m'évertuais à m'empêcher d'imaginer ma passagère au beau milieu de draps en soie. Ils la recouvriraient partiellement, laissant la courbe sensuelle de sa nuque et de ses reins en pleine lumière. Sur la table de chevet trônerait une coupe d'excellent champagne, tandis qu'une main indéniablement féminine retirerait délicatement la mèche rebelle barrant une épaule ronde. Je serrais des dents et pilais net en manquant d'emboutir le capot de la bagnole devant nous. "Encore pour la demoiselle Lagoon alors ce soir hein... Elle demande que toi. Tout le temps." J'avais dit ça sur le ton aseptisé de l'évidence. Reed Lagoon, jeune héritière riche à en crever qui devait certainement dormir sur un matelas de biffetons au cadre en or massif. La jeunesse personnifiée dans toute son assurance et son élégance. De l'autre côté Saul Morris le décatis, employé modèle pour la mafia serbe. Habitant partiellement dans sa voiture L'idée même de l'existence d'un combat était absurde. Nadja ne devait certainement pas m'envisager autrement qu'un geôlier un peu moins rude que les autres, vendeurs de faux-espoirs et bien dressé par Lazar. Alors il était nécessaire d'assassiner méthodiquement chaque ombre d'émotion qui pouvaient se balader quelque part dans mon esprit torturé.
Dernière édition par Saul Morris le Jeu 23 Mar - 21:30, édité 1 fois
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Sujet: Re: entre deux mondes. (sadja) Ven 17 Mar - 8:29
saul. c’était saul, devant elle. saul qui la conduirait ce soir. saul à qui elle avait souvent pensé en s’interdisant pourtant fermement de le faire. elle n’avait pas le droit de faire ça, nadja, et quand bien même aurait-elle eu le droit de le faire, cela aurait été insensé. alors elle n’y pense pas, c’était aussi simple. elle laisse cette aparté dans l’histoire rester ce qu’il avait toujours été : un trop plein de pitié pour son quotidien misérable. et elle se jure de reprendre le courant de son existence sans plus jamais y penser, laisser cet instant ne devenir qu’un souvenir agréable, mais plus jamais atteignable. et elle est persuadée d’y être arrivée, nadja. persuadée d’avoir suffisamment oublier pour ne plus se torturer. et pourtant, quand elle le découvre au milieu de la pièce, c’est l’éclat brisé de tristesse qu’elle avait déjà découvert dans sa cuisine qui semble la fouetter de plein fouet. elle oublie pas nadja, elle peut pas. elle en sait trop, voit trop, elle est trop emmêlée à cette âme trouée et pleine de mystères qu’elle a presque l’impression de la connaître. mais c’est pas cet éclat que saul lui offre, et elle sent aussi la surprise, peut-être un peu l’agacement dans ses gestes. des jours qu’ils se passent à côté en n’échangeant pas un mot, des jours qu’ils tentent tant bien l’un que l’autre de se persuader que tout était normal. dispensable. alors nadja elle se prive de la remarque, joue aisément celle qui ne voit rien, celle qui ne sait rien. se contente de le suivre à la voiture sans un mot, sans doute légèrement raidie par cette tension invisible mais palpable entre leurs deux corps et leurs deux âmes. sans savoir sur quel pied danser, nadja choisit de ne rien dire, interloquée par cette figure froide qui lui fait face, cette façon de lui souffler le chaud et le froid quand son souvenir était tout à fait différent. t’es pas obligé d’être aussi distant tu sais, y a que nous ici. nous et personne d’autre. pas de gang pour veiller au grain sur leurs épaules. pas de gang pour observer leurs moindres faits et gestes. ici, ils avaient un peu plus de liberté, la voiture comme espace intime et confiné et pourtant, rien de ce qu’ils échangeaient ici ne ressemblaient à ce qu’ils avaient partagés quelques jours plus tôt. et elle observe, du coin de l’oeil, les jointures blanchies force de trop les serrer autour du volant. les membres tendus et l’air glaçant. et puis le coup de frein brutal qui la ramène soudainement à la réalité. sans doute un peu trop, pour que le palpitant s’agite, anxieux. et la remarque grinçante qui lui fait perdre tout enthousiasme qu’elle avait de retrouver son amie. et nadja, elle comprend, que la distance est volontaire, que la froideur est sûrement un châtiment qu’elle ne sait même pas comment avoir mérité. ça te dérange qu’elle m’ait demandée ? dit sur le ton de l’incompréhension, parce que ça lui échappe vraiment, à nadja. reed, c’est sa seule liberté. son seul échappatoire. sa seule façon de rêver à d’autres jours un peu meilleurs et voilà qu’on le lui reprochait. voilà que saul de toutes les personnes semblait ne pas s’en ravir et si ça ne le dérangeait pas, lui, ça la dérangeait certainement, elle. je croyais que les clients réguliers étaient bons pour les affaires. et elle se tend un peu plus nadja, se renfermant dans le petit espace du siège passager, la voix creuse, ailleurs. elle a le regard qui le sonde, à la recherche des réponses. elle se demande si c’est le gang qui l’envoie. si c’est un test. un interrogatoire. s’ils savent qu’elle est sans doute un peu trop proche de ses clients. si elle est presque trop enthousiaste à l’idée de la retrouver, la seule qui pourrait le sortir un tant soit peu de ce calvaire, au moins pour quelques heures. la seule, ou presque.
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Sujet: Re: entre deux mondes. (sadja) Jeu 23 Mar - 21:31
La tension était palpable. Tellement épaisse qu'elle nous collait à la peau, engluant chaque atome présent dans l'habitacle. J'étais presque étonné d'arriver encore à respirer. Alors que j'essayais peu à peu de grignoter du terrain sur la rage sourde rampant dans ma poitrine la voix cristalline de ma voisine retentit. Si clairement qu'elle couvrit le ronronnement du moteur. Moi j'considérais pas qu'il y avait que nous. Y avait l'ombre de Lazar qui planait toujours, comme si je m'attendais à ce qu'il surgisse par la vitre baissée d'une voiture à nos côtés. Y avait le sublime fantôme de Reed aussi qui flottait, tournoyant comme un rapace à l'affût. Trop conscient d'où j'allais la déposer j'étais pas capable de m'empêcher d'y penser. C'était plus la parenthèse de tranquillité d'il y avait quelques semaines. Fini le cocon établit de façon éphémère dans mon appart' miséreux. J'me cassais la gueule sur une réalité dure comme du béton avec mes paumes égratignées pour seuls amortisseurs. Je choisis donc de me taire. Pour éviter de me montrer trop aigris. Également ne pas prononcer des choses dépassant le stade d'idées folles, totalement déplacées. Comment aurais-je pu lui signifier mon désaccord alors que je refusais de me l'avouer d'abord? Le fil de mes pensées était trop embrouillé, confus, décousu, pour que je sorte quoique ce soit de sain. Les lumières défilaient dans des lignes floues, se reflétant dans les cheveux de Nadja. Ils scintillaient comme une myriade d'étoiles, tantôt fauves, tantôt rouges, tantôt dorées. C'était joli. J'aurais pu me contenter de mes coups d’œil furtifs, mais elle reprit sa défense à coup de mots parfaitement ajustés. "Ça me dérange pas, je constate c'est tout. T'as pas mal de fans." Pas étonnant. Contrairement à une majorité de prostituées qui se contentaient du menu fretin (c'est à dire Bob avec un ventre bedonnant, ou Mike le dégarnis, tous avec deux dollars en poche), Nadja faisait partie des belles réservées à l'élite. Plutôt des gens friqués, éduqués avec un minimum de savoir-vivre. Elle devait tomber sur des tordus, ça y en avait partout, mais au moins ils avaient le mérite de se laver régulièrement. Et puis y avait ceux comme la Lagoon. Entourés d'une aura étincelante et enivrante correspondant tout à fait à celle qu'était la jeune slave. "Oublie pas qu'il s'agit du travail. On parle business là, va pas tomber amoureuse." Voilà. Fallait que ça arrive. Fallait forcément que je devienne hargneux. Elle piquait mon égo, aussi invraisemblable qu'il puisse encore être d'actualité après toutes les tâches qu'on m'avait ordonné de faire dans ma pauvre existence. Alors j'me rebellais contre cette peine diffuse, préférant me terrer derrière mes douves et mes remparts plutôt que d'accepter de souffrir. C'était plus simple. On était (déjà) arrivé au lieu de rendez-vous. Trente minutes d'avance, signé Morris. J'me sentais toujours plus serein en partant un peu avant plutôt que de devoir courir après les secondes s'écoulant. Or de question pour autant de laisser la demoiselle courir se réfugier dans les bras tendres de sa cliente: y avait des horaires à respecter. Et un prix à payer pour chaque minutes en sa compagnie. Habituellement on crachait pas sur une demie-heure coûtant les yeux de la tête à facturer en supplément. Mais je voulais pas qu'elle s'en aille. Même alors qu'elle arborait une mine contrariée et des yeux revolver. J'profitais de pouvoir détailler la forme de ses yeux. L'ourlet que formaient ses lèvres. Le pli mauvais fronçant son menton délicat. Le galbe des jambes à peine dissimulées par le bas de son manteau. "Va falloir qu'on attende un peu. J'te lâche à l'heure." Étrangement, je me sentais plus serein là, garé sur le parking de l'hôtel de luxe à regarder la porte qui allait l'engloutir pour la nuit, qu'en roulant à sa rencontre. J'me berçais de la douce illusion de la savoir à mes côtés pendant un laps de temps déterminé. Quelque part moi aussi je me retrouvais à payer le prix pour sa chaleur. Un prix élevé, peut-être trop pour ma carcasse. "Ça va depuis la dernière fois? J'veux dire après cette merde causée par le virus et tout ça quoi..." J'me radoucissais, sensible au baume qu'elle déposait à l'intérieur de ma calotte crânienne le long des parois de mon palpitant. C'était mal. J'avais l'impression d'abuser de mon petit pouvoir de mafieux. Le nettoyeur s'avérait bourreau chancelant, hésitant avec le couperet à abaisser sur la nuque tendue et raide.
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Sujet: Re: entre deux mondes. (sadja) Lun 27 Mar - 22:16
elle peut pas s’empêcher nadja, de se sentir visée personnellement. le constatation déplorable résonne dans son esprit et son palpitant, gratte les parois qui retiennent pourtant tout ce qu’elle souhaite ne jamais se souvenir. si elle reste muette, y a ce quelque chose qui remue dans son estomac, un instinct de colère que nadja a appris à étouffer avec le temps. elle se met pas en colère, nadja. presque pas. elle crie pas, elle peut même pas crier, elle sait bien ce que ça lui vaudrait. et même si c’est après saul qu’elle en a, ou bien lui qui semble véritablement en avoir après elle malgré le fait qu’il prétende encore le contraire, nadja ne peut toujours pas se persuader à élever la voix, à dire, une seule fois dans son existence misérable, ce qui la dérange au plus au point. parce que c’est saul. et c’est bien parce que c’est saul, qu’elle ne peut rien dire, et qu’elle ne dira rien, même si elle se permet avec lui beaucoup plus de libertés qu’elle n’en aura jamais. il a malgré tout cette aura qui le rattache à ce club d’infortune, à ces dirigeants qui ne considèrent les filles comme elle comme des moins que rien, des filles de bétail, à vendre et à revendre jusqu’à l’épuisement. quand elle le voit comme ça ce n’est pas seulement lui qu’elle aperçoit. c’est bran. anton. lazar. des noms qui lui font courber l’échine d’un effroi sans précédent. des noms qu’elle passe toute sa vie à fuir, comme un instinct de survie. des noms qu’elle rapproche inévitablement au sien, par leur froideur, leur droiture, leurs nerfs tendus au maximum, comme un double superposé au leur, une image qu’elle sait pourtant qu’il s’entête à fuir, lui aussi, à l’opposée des éclats d’âme brisée qu’elle avait pu apercevoir à de précédentes reprises. saul est différent et c’est sans doute ce qui met nadja sur la défensive, presque jalouse de ne plus avoir droit à l’homme qui la voyait autrement que comme une simple poule à fric. qu’est-ce que c’est censé vouloir dire ? elle s’en insurge presque nadja, le nez plissé, les sourcils froncés dans sa direction. elle déchiffre mal son expression, mal ce sens qu’elle a bien du mal à ne pas prendre comme une insulte. et pourtant c’est bien ce que c’est, une insulte, un jugement sur son travail, sa manière de faire, sur qui elle est. et ça la blesse d’autant plus de savoir qu’elle l’aurait sûrement accepté de n’importe qui, mais pas venant de lui. parce qu’il devrait savoir, que nadja elle tombe pas amoureuse, jamais, qu’elle peut pas s’éprendre de ces gens qui la paient pour un corps qui ne leur appartiendra jamais. je suis pas en train de tomber amoureuse. qu’elle rétorque, grognon, brisant le peu d’enthousiasme qu’il lui restait d’aller se réfugier dans les bras d’une amie complice. elle se demande souvent pourquoi reed ne manque jamais un de leur rendez-vous malgré l’investissement qu’ils doivent lui coûter. elle a pourtant pas besoin de ça reed, pas besoin de nadja, pas besoin de se sentir aimée, au moins pour une nuit. elle est forte reed, viscérale, sauvage, elle est tout ce que nadja sera jamais, tout ce que la gamine tchèque admire avec autant d’entrain que d’incertitudes. c’est simple avec reed, y a pas à se poser de questions. pas à penser aux serbes, à ce qu’elle risque de s’investir émotionnellement avec une simple cliente. et c’est aussi simple parce qu’elles savent l’une comme l’autre que reed, c’est jamais pour toute la vie, que reed se lasse et qu’elle s’en va, sans amour, sans attaches, sans rien. reed elle est libre, et nadja aussi de cette façon, libres des attaches qu’elles pourraient avoir, si elles se ressemblaient un peu plus. mais il n’en sait rien, saul, et sur l’instant elle souhaite garder égoïstement le souvenir de la brune incendiaire qu’elle s’apprête à retrouver juste pour elle, sans plus de justifications. ça va, je suis restée au club. qu’elle soupire finalement, les yeux dirigés vers la vitre passager, après un temps passé à rester tous les deux silencieux. c’est plus comme avant, elle sent le ton de saul retomber, elle sent la frustration et la tension baisser d’un volume également. si elle n’écoutait qu’elle, nadja serait sortie de la voiture et de cette atmosphère qui lui fait tourner la tête, qui la met sur les nerfs sans en comprendre la raison. mais non, elle sait malgré tout qu’il y a toujours cette aura de pouvoir régnant au-dessus de sa tête, celle qui l’interdit de faire quoi que ce soit, et nadja tourne enfin le regard vers les traits adoucis et impénétrables de saul. tu vas me dire ce qu’il t’arrive ? qu’elle tente enfin, comme pour mettre fin à cette atmosphère pesante et désagréable. elle déteste ça nadja, aujourd’hui peut-être plus que les autres jours. déteste n'avoir l'impression de n'être qu'une inconnue, qu'une fille de joie, qu'une pute à qui on ne fait pas confiance. je sais que c’est pas ce virus, t’a pas eu l’air touché. pas de loin en tout cas, mais elle s’est tout de même posée la question, en l’apercevant au club. elle y a fait attention, sans pour autant l’avouer vraiment, et voyant là peut-être une occasion de venir à bout de ce visage insondable qui allait sans doute finir par la rendre folle.
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Sujet: Re: entre deux mondes. (sadja) Lun 3 Avr - 11:28
Je dégainais un paquet de blondes pour en calciner une puis le posais en évidence sur le tableau de bord au cas où Nadja se trouverait tentée. Moi ça m'occupait les mains, la bouche, m'évitant de les égarer sur des pans de peau interdits. J'voyais bien que mon attitude la blessait. J'étais dur à déchiffrer. Insondables. Inviolable. C'était pas correct, même injuste. Tant pis, j'trouvais pas moyen de faire autrement que de me comporter comme un sale con. La jeune femme me faisait d'ailleurs payer mon attitude en restant laconique, presque froide. Tout le contraire de ce à quoi j'étais habitué. Mais malgré son ton polaire y avait cette douceur incendiaire qui transcendait tout. Et j'étais tellement concentré dessus que je me fis surprendre par la question posée. Elle faillit s'engouffrer dans la brèche. "Euh non. Enfin j'ai pas été malade. Juste dû aller récupérer Bran en plein milieu de ce merdier..." Je déblatérais en réfléchissant à toute blinde à la première question éludée. Le genre humain avait besoin de ses semblables, c'était un fait. On existait qu'à travers et pour les autres. Le moindre apparat, notre manière de s'exprimer, notre façon de penser, tout était influencé et parfois biaisé par ces regards extérieurs. Les interactions avec nos semblables contribuaient à nous forger. Moi j'avais fait le choix il y a bien longtemps de réduire ce genre de chose au minimum syndical. Ça évitait les frais. Je repoussais et luttais pour ne pas sombrer ensuite. Parce qu'à n'en pas douter faire confiance à quelqu'un c'était risquer de perdre une petite partie de vous: un investissement plus ou moins long qu'on réduisait en fumée d'un claquement de doigts. Mais Nadja méritait mieux qu'une indifférence programmée. Elle avait toujours été douce, même dans la colère. J'admirais chez elle cette force de caractère lui permettant de rester égale à elle-même en dépit des coups pris dans la figure. Fallait croire que les femmes étaient bien mieux préparées que les hommes à endurer les aléas de la vie. "Je sais pas ce qui s'passe." A l'instant où je prononçais cette phrase ce fut comme si un manteau de plomb se délestait de mes épaules ou que je voyais la lumière pour la première fois. Mais plus que jamais je me sentais terriblement mal. Épuisé par cette lourde carapace façonnée il y avait bien longtemps, las de la lutte intérieure qui me déchirait en permanence. Je me passais la main sur le visage en cherchant les bons mots à prononcer. Après tout si le destin avait mis la jeune slave sur ma route c'était bien pour un but quelconque non? Elle serait ma rédemption. Ou précipiterait ma chute. "J'essaie de comprendre qui je suis." Je parlais d'une voix lente en faisant rouler les syllabes grondant comme l'éboulement interne qui se produisait vers mon myocarde. "Comment j'en suis arrivé... là. A quel moment ça a merdé. J'ai l'impression de plus être en accord avec cette image de nettoyeur. Y a des fois où je me vois bien en retraite dans une petite cabane de pêcheur sur les côtes d'Argentine..." Ouais une existence paisible m'irait bien. J'avais plus ce désespérant manque d'adrénaline après lequel je courais plus jeune. Y avait plus que le vide. Et puis cette vive étincelle que Nadja avait allumé. Elle m'entraînait derrière elle comme un feu follet éclatant m'éclairant la route à suivre. Une route bien périlleuse où chaque pas devait être réfléchi sous peine de basculer dans le vide et subir une chute probablement fatale. J'me mettais en danger à parler ainsi: si ce genre d'idée de morale à la con parvenait aux oreilles de Lazar j'pouvais être certain de perdre mon statut de presque intouchable. Ma liberté illusoire tomberait aux oubliettes et chacun de mes faits et gestes serait épié puis disséqué jusqu'à être rendu coupable de trahison. Dans la mafia cela revenait à signer son arrêt de mort. Je finis par me résoudre à affronter le regard de Nadja, clair comme l'éclat du diamant. Ma main droite fourmillait furieusement, désireuse de trouver réconfort sur la peau brûlante de ses cuisses si proches. A la place je lui fis empoigner la demie cigarette qui se consumait en volutes douceâtres. L'horloge continuait, implacable, d'égrener les minutes peu sensible au désarroi que cela provoquait chez moi. Tic, elle ira retrouver d'autres bras. Tac, toute la nuit sous des draps. Tac, Saul tout seul tu resteras.
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Sujet: Re: entre deux mondes. (sadja) Ven 7 Avr - 5:17
l’atmosphère se détend un peu, ou du moins nadja en avait l’impression. c’est saul qui guide la danse et aussi vexée peut-elle être, nadja est incapable de le rester bien longtemps. elle ne fait que naviguer parmi les eaux troubles, marcher sur des oeufs, avancer pour mieux reculer, sortir de l’ombre pour mieux retourner s’y cacher. étrange et embarrassant en même temps. incertain et inattendu. nouveau et terrifiant. nadja, elle sait très bien comment agir d’habitude. qui éviter, quel chemin croiser. elle sait quoi dire, comment le dire. un art qu’elle maîtrise à la perfection depuis des années, renfermant les sombres démons pour ne laisser s’évader qu’un sourire travaillé, toujours à la limite de la séduction. c’est stupide et écoeurant. mais c’est tout ce qu’elle avait trouvé. dans l’enclos restreint de la voiture, rien de tout ça ne peut s’appliquer. tout s’envole, jusqu’aux fondations même de ce qu’elle pensait acquis. elle a jamais vraiment su, nadja, qui elle devait être devant saul, fille de bétail ou bien fille de rien, mais tout se confond un peu plus, là, quand il lui souffle le chaud et le froid, quand elle ne sait plus de quel côté il se trouve. du sien ou des autres. tantôt révoltée, surtout écrasée. elle ose, avec saul, mais jamais trop. il y a toujours cette distance qui les séparent et qu’elle craint bien trop pour tenter quoi que ce soit, une émotion plus haute que l’autre, un mot déplacé. mais il bouge à nouveau, impose le nouveau rythme. c’est plus la colère qui rugit dans la poitrine de la gamine en colère. elle glisse comme de l’eau sur un rocher, ne laisse qu’un entre deux perturbant et singulier. c’était comment, dehors ? c’est tout ce qu’il lui vient à l’esprit, sur le moment. curiosité mal placée de savoir ce que ça fait, d’être dans un monde à l’agonie. si c’était vide ou affolé. révolté ou atterré. s’ils ont agi comme elle en se sentant emprisonné. s’ils ont choisi la facilité plutôt que la bataille, ou l’obéissance, plutôt que la liberté. elle remarque à peine la fumée envahissant l’habitacle, nadja. y a cet inconfort constant qui l’empêche de vraiment comprendre cette conversation. où elle va. ce qu’elle veut dire. mais elle en dit rien nadja, elle se contente d’écouter cette crise identitaire, ces fondations tremblantes, cette remise en question qui ne résonne que trop bien. j’me le demande souvent moi aussi, comment j’en suis arrivée là. ce que j’ai fait pour n’être rien d’autre qu’une... pute. ailleurs, ça semble bien. peut-être à la maison, mon village dans les montagnes. y a le faible sourire quand elle y pense, parce qu’elle en parle pas souvent, nadja. jamais, même. personne sait vraiment d’où elle vient. pour tout le monde nadja c’est qu’une fille de nulle part, une fille sans histoire. ça les arrange bien. nadja elle s’écrase mais elle oublie pas. l’assassinat de papa, maman lapidée. et la grand-mère, qu’elle reverra probablement jamais. elle s’empêche de trop s’évader, nadja. elle sait que si elle y va, elle n’en reviendrait probablement pas. qu’est-ce qui a changé ? et sans trop comprendre pourquoi, nadja a l’impression que la question s’applique à tout. qu’est-ce qui a changé, pour le faire retrouver sa conscience. qu’est-ce qui a changé chez lui pour qu’elle ait tant de mal à le reconnaître, et qu’est-ce qui a changé entre eux, pour que tout devienne si difficile, si peu naturel. elle sent son seul allié lui glisser entre les doigts nadja, et y a rien qu’elle puisse y faire. on laisse pas nadja décider, jamais. tout comme on laisse pas les putes s’en sortir. tu partirais sans prévenir ? dans cette vie hypothétique où saul s’en irait vraiment. ça semble si près, à présent. presque réel. et peut-être que ça l’est. peut-être qu’il s’en va, qu’il prévoit son acte de sortie assez discrètement pour prendre assez d’avance. pour qu’on ne le retrouve jamais. et ça ne se voit peut-être pas mais y a un vent de panique qui traverse nadja. y a l’idée terrible qu’il puisse un jour ne plus être là. plus de visage familier dans cette foule de gens terribles. plus d’aide invisible quand elle en a désespérément besoin. plus d’escapade libératrice quand le monde ne promet pourtant rien d’autre qu’un futur noir. y a le regard qui cherche instantanément le sien, surpris et inquiet, une dernière attache avant de sombrer dans le vide. et le souffle de l’air qui semble hurler saul, est-ce que tu partirais sans moi ?
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Sujet: Re: entre deux mondes. (sadja) Mer 19 Avr - 18:25
La fumée rendait la voiture irrespirable proportionnellement à la tension qui diminuait. La curiosité discrète et naturelle de Nadja reprenait ses bons droits. Un trait de caractère que j'avais su apprécier grâce à la parcimonie dont elle en usait, contrairement à d'autres qui semblaient mettre un point d'honneur à en abuser. "C'était... Étrange. Y avait deux catégories de personnes qui se détachaient: ceux qui décidaient de vivre leur vie vaille que vaille et ceux qui se rendaient compte que le monde était en train de s'écrouler." A l'image de Bran y en avait qui pétaient les plombs, enragés par un objectif irrationnel. Puis moi qui devait ramasser les pots cassés, indifférent au sort de la planète entière, les nerfs anesthésiés par un trop plein de néant émotionnel. Ouais ça avait été une journée étrange où flottait un parfum de guerre civile pas déplaisante et dépaysante. En dépit du sang versé et des hématomes à soigner. "Où est-ce que tu t'es planquée toi? Personne ne t'a emmerd... embêté?" J'avais instinctivement fait preuve de retenue, comme les anciens codes de politesses l'exigeaient. Nadja était rien de moins qu'une dame. Piégée au fond d'eaux glauques et dangereuses mais méritant le respect même en cas de désaccord. De toute manière y avait qu'aux hommes que je réservais les coups. Puis certaines filles s'il le fallait (et si elles possédaient une sacré gauche) méritaient une petite mise au point, mais rien de bien méchant par rapport à ce qui attendait les idiots comme Marko. La jolie serbe était au-dessus de ça. Loin des critères de base, et y avait justement cette irritabilité à la savoir dans d'autres bras qui le prouvait de façon évidente. Tellement que s'en était rageant. A quel moment j'avais perdu pied avec elle? La première fois que j'avais croisé son regard lumineux? Ou quand elle m'avait souris (à moi ou à un autre d'ailleurs) discrètement et avec grâce? Ou était-ce lorsqu'elle m'avait posé d'une façon simplement rafraîchissante ses interrogations sur la photo de mon enfance? Ça devait être un peu de chaque. Tout ça pour forger de solides maillons à la chaîne immatérielle me reliant à elle. L'amour ne connaissait pas de loi, et moi, j'le connaissais pas tout court. Toutes ces pensées la concernant me dépassaient complètement. C'était comme si Nadja m'apportait une dose d'endorphine équivalente à un rail de cocaïne pure. Grisant. Planant. Tentant. J'le repoussais de toutes mes forces depuis des semaines, refusant de sombrer dans un pseudo bonheur agonisant déjà. J'avais pas d'avenir avec cette fille. Ou en tout cas j'en avais pas à lui proposer. Même en admettant qu'elle veuille d'un vieux, il faudrait encore parvenir à s'extraire du gang pour vivre un semblant d'histoire. Ou pire: arriver à faire accepter l'idée tout en laissant Nadja travailler encore pour rembourser sa dette. C'était un coup à ce que je devienne serial killer. Je tirais une dernière bouffée sur la cigarette avant de l'écraser dans le cendrier de poche; je détestais jeter des mégots dehors. La slave souriait faiblement en rebondissant sur mes idées de vadrouille. Je l'imaginais bien en jean et débardeur simple, les cheveux soulevés par le vent et le visage nimbé par les rayons du soleil. Le teint peut-être légèrement hâlé alors que les abrupts montagnes et défilés fourniraient un panorama de rêve en arrière-plan. Elle irait rejoindre ses proches dans un petit village à flanc de rocailles et de forêt... Quelle envolée lyrique. Du coup je faillis encore une fois me prendre les pattes dans le piège à loup. J'entendis le coassement du ressort le refermant dans la fin voilée de sa question. Sans elle? Si j'y réfléchissais, rien ne me retenait vraiment ici. Même le gang me paraissait fade et friable. Aux yeux de qui pouvais-je me targuer de compter? Personne. Pauvre Saul, tout seul à suivre son bonhomme de misérable chemin. Enfin ça c'était avant. J'avais deux éclats brillant, rendues obsidienne par la pénombre qui me hurlaient leur peur. Une peur viscérale et ancestrale de la solitude, ancrée en chacun de nous. Je l'avais observé bien des fois dans le regard paniqué de victimes à 'l’idée de mourir seul . Dans celui des quelques femmes de ma vie avec l'impression d'évoluer non pas à deux mais seules. Et bien sûr celui de mon frère après le décès maternel, arborant l'abandon subi. Et toi Nadja. Toi tu espérais au fond de toi qu'il y ait quelqu'un dans ce vaste monde pour te dire d'être incapable d'aller ailleurs sans toi. Par peur d'être seule. "Je pourrais dans les faits, si c'est la question." Mais j'veux bien être seul à deux. Avec toi. "Mais à l'heure actuelle j'aurais p't'être envie de faire des adieux dignes de ce nom." Je me reprenais, fauché en plein cœur par ce regain de réalité pessimiste. Ça m'prenait presque à la gorge. "De toute façon c'est pas au programme. J'ai des obligations envers le gang et je les tiendrais." J'hésitais un peu, choisissant témérairement de prononcer la phrase suivante: "C'est pour ça que j'suis là maintenant. Pas par envie."
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Sujet: Re: entre deux mondes. (sadja) Sam 22 Avr - 22:35
c’était différent. plus calme. peut-être un peu plus doux. l’espace d’un court instant, nadja a presque l’impression d’entre apercevoir le saul qu’elle connaît. pas celui auquel elle a à faire depuis qu’elle s’est présentée à lui, un peu plus tôt dans la soirée. et c’est un peu rassurant. peut-être tout autant qu’inquiétant. confinée au club, ordre d’anton. je sais pas vraiment ce qu’il s’est passé, juste que le monde est devenu fou. et c’était vraiment étrange, de le vivre de l’intérieur. cet élan de panique et de nervosité sans pour autant comprendre ce qu’il était vraiment en train d’arriver. même aujourd’hui, nadja n’est pas certaine de bien comprendre. si le monde a changé ou s’il a pris un autre tournant. il est sans doute resté le même, fidèle à lui-même. égoïste et égocentrique, sans jamais se soucier des autres. ce n’est rien. et elle est incapable de déterminer comment elle se sent, nadja. de savoir que le monde est peut-être venu à sa fin le temps d’une minute ou deux. d’avoir peut-être pu apercevoir la fin du calvaire ou le début d’un autre, où tout le monde serait relégué au même rang qu’elle. et elle imagine saul, au milieu de tout ça. l’homme droit face à tous les corps écrasés. est-ce qu’il les pleurerait ? ou bien est-ce qu’il partirait sans regarder derrière lui ? je suis contente que tu n’aies rien. et c’est prononcé avec hésitation, avec une lenteur contrôlée. nadja, elle est toujours entre les deux. jamais totalement d’un côté ou de l’autre. jamais certaine d’une évidence ou d’une autre. tout est flou, pour nadja, tout est incertain. sombrant dans les eaux troubles. elle est incapable de déterminer si elle fait bien de dire des choses comme ça, ou si elle devrait plutôt les garder pour elle. si elle a le droit de les penser ou si elle est horrible, d’offrir sa clémence à un homme de son envergure. un homme qui n’a fait que le mal dans son existence et qu’elle pense pourtant fondamentalement bon. et malgré tout, il n’avait fait que l’aider. lui offrant une minuscule porte de sortie, quand elle en a eu besoin. un repos éphémère, presque trop beau pour y croire. elle avait vu en lui une générosité sans pareille, un éclat sombre et lumineux à la fois qui l’avait transpercée comme personne ne l’avait fait depuis très longtemps, peut-être jamais. alors nadja, elle sait jamais vraiment comment être avec saul. que dire, que faire. soucieuse de dire les mauvaises choses, d’être souvenue pour les mauvaises raisons. elle a pas le droit de s’attacher nadja, à personne. jamais. surtout pas à l’un de ses bourreaux. elle serait même pas certaine de savoir comment y faire, nadja. et elle est bien certaine que cette affection n’allait qu’à sens unique. saul état gentil, c’est tout. ce qu’il avait fait pour elle, il l’aurait sans doute fait pour n’importe quelle autre. elle n’avait rien à y voir de plus. tout comme elle n’avait pas à être si confuse, si attristée par la fin de leur conversation. elle sait qu’elle n’aurait pas dû poser la question, nadja, mais c’était plus fort qu’elle. elle a besoin de savoir, nadja, besoin de savoir qu’on ne la laissera pas toute seule. que tout ça, ce n’est pas qu’elle. qu’elle ne basculerait pas dans le vide sans personne pour la retenir. alors elle se contente d’hocher la tête, nadja. incapable de vraiment soutenir son regard, d’y lire la dureté qu’elle y voit d’habitude. elle se sent pas capable, nadja, de l’écouter dire que rien ne le rattache ici, qu’il lui suffirait d’un coup bien monté pour s’éclipser sans laisser aucune trace, quand elle c’était tout l’inverse. quand elle se retrouvait piégée sans issue de secours. et pire, encore, il mettait fin à tous ses doutes, à travers des mots et des raisons qui ne la laissaient malgré tout pas indifférente. il était là, pour le gang. pour une dette. oui, comme eux tous finalement. à défaut de l’avoir voulu ou non. personne n’a envie d’être là, saul. elle le prononce sans doute avec un peu plus de dureté qu’elle en a l’habitude, nadja, mais elle peut pas s’empêcher de se sentir accusée dans ces mots. d’y voir un double-sens qu’il ne remarque peut-être même pas. nadja, elle est bête de penser qu’on viendra la sauver. d’autant plus bête d’imaginer qu’on lui rendra le quotidien un peu plus facile, si c’est ce qu’elle souhaitait. il est là, saul. mais pas parce qu’il en a envie. et ça résonne comme jamais dans la tête de nadja. alors quand elle tourne la tête, enfin, y a peut-être un dernier éclair d’honnêteté qui transperce le regret. j’espère que si tu dois t’en aller un jour, tu penseras à me dire au revoir, c’est tout. et voilà, c’est tout. elle redeviendra nadja, la fille du club. celle qu’on croise parfois d’un signe de tête. elle respectera son rôle, ni plus ni moins, si elle en est capable, le coeur endolori de toutes ces choses qui ne se sauront jamais. et de toutes celles qu’on oubliera avec elle. un coup d’oeil vers la petite horloge de la voiture. c’est l’heure. je dois y aller. et elle saurait pas expliquer, nadja, qu’elle se sent à la fois frustrée et soulagée. que dans toute cette confusion, elle préfère s’en aller, l’esprit embrouillé, mais plus vraiment enthousiasmée d’aller retrouver son amie.
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Sujet: Re: entre deux mondes. (sadja) Ven 5 Mai - 17:41
J'me rendis compte trop tard de la connerie qui venait de franchir mes lèvres. Fallait pourtant pas m'en vouloir, j'étais loin d'être un virtuose des mots. Personne n'a envie d'être là. Pas moi, pas elle. Y eut quelque chose qui geignit dans ma poitrine et un étrange sentiment se déversa dans mes veines. De la déception? Bah ouais, pas étonnant mon gars. T'étais pas foutu d'exprimer de manière claire combien t'aurais souhaité pas être son chauffeur. Combien t'aurais voulu la ramener chez toi juste pour la regarder encore cuisiner et irradier tes quatre murs minables. Comment t'aurais aimé la savoir dans ton pieux même si ça voulait dire te contenter du canapé. Et à quel point c'était insupportable de la laisser là, sur le parking de ce foutu hôtel pour aller parader en jolie petite chose sexuelle pour une autre. Mais ça c'était l'histoire de ta vie, hein Saul? T'avais la rancune tenace et la langue maladroite. J'ouvris la bouche pour tenter de corriger le tir mais Nadja me devança et m'épingla le ventricule. A la place je la refermais, une mince ligne barrant mon visage. Infranchissable. Sur ses traits se lisait l'incompréhension, la frustration, la détermination. Le résultat de mon incompétence. Elle commença à rassembler ses affaires et rajuster ses vêtement. Un bref coup d’œil au rétroviseur pour le maquillage (bien évidemment elle était parfaite). Je décrochais toujours pas un mot, laissant la portière claquer dans un bruit définitif. Ce qui signifiait que j'avais mis fin à quelque chose non? "BORDEL!" Mon poing s'écrasa contre le tableau de bord, encore. J'étais sûr qu'il en aurait gueulé d'indignation s'il pouvait. Déjà la silhouette devenait ténue dans la nuit. Et bientôt elle réapparaitrait plus nette que n'importe quoi d'autre en balançant des hanches. Te flashant la mémoire qui sera certaine de te le balancer au moment le plus inopportun, les fesses posées sur ton canapé à admirer ton flingue. Je dégainais mon portable à toute vitesse avant de réaliser l'absence de numéro. Alors j'abandonnais les clefs sur le contact et piquais un sprint vers la lumière, droit sur la belle de nuit comme si elle était la seule amarre pouvant me retenir au sol. "Nadja!" grondais-je, hors d'haleine. Soulagement en la voyant hésiter, finalement s'arrêter. Et j'étais debout devant elle, la surplombant d'une bonne demie tête alors que l'interrogation jaillissait de ses grands yeux bleus. "Je..."je refermais la bouche en détaillant la sienne, peinte pour l'occasion. Avant d'approcher, si près que je pouvais respirer à plein poumons son haleine sucrée. Mes doigts vinrent frôler une de ses pommettes, essayant d'attraper sa chaleur et mes lèvres se refermèrent enfin sur les siennes, aussi délicieuses que mon imagination me l'avait promis. Mon autre main se plaqua sur ses reins imprimant la forme de son corps contre le mien, même au travers des couches de vêtements. Ma langue découvrit un nouveau goût, mystérieux et savoureux. Ces prémices frugal ouvrit un appétit colossal qui ne pourrait certainement s'éteindre qu'une fois la mort sur le palier. J'en voulais plus, explorer tous les recoins de cette nouvelle terre vierge et en devenir le seul natif. D'entre mes dents sortit un grognement animal, presque primitif de la bête au réveil. Et si... "J'ai pas ton numéro pour demain matin. Et j'prends toujours celui des filles que j'accompagne pour pas avoir à patienter deux plombes si elles se réveillent pas tu vois..." Ah Saul, si tu pouvais porter tes couilles.
Trois heures du matin et les paupières grandes ouvertes. L'esprit électrisé par une image le hantant sans relâche. Je levais ma main devant mon visage, indistincte dans le noir, avant d'écraser mes poings sur les tempes. J'aurais voulu me comporter en chevalier blanc et sauter dans ma voiture pour secourir la princesse, quitte à finir au piloris. Mais à la place j'attrapais mon cellulaire sur la table de chevet puis fis défiler les contacts. Trouvé. Un simple N, même pas son prénom entier. "Quelqu'un d'autre viendra te chercher demain matin." Envoyer. Les deux lignes dansaient devant mes pupilles, narquoises. Mon pouce hésitait sur la marche à suivre. J'avais déjà loupé ma chance deux fois. Est-ce que j'étais prêt à me cataloguer comme un lâche devant une nana qui me plaisait? Alors je me mis à pianoter frénétiquement sur l'écran avec le coeur battant un peu lus vite qu'à la normale. "Si je partais je te dirais pas aurevoir. Je te demanderais de venir avec moi en espérant que tu dises oui." Envoyer. Voilà Morris. T'étais pas allé jusqu'à l'arracher des griffes de Lagoon, t'avais pas réussi à l'dire à haute voix mais au moins t'avais eu le cran de l'écrire. J'm'attendais pas un réponse immédiate. Le flux de mes pensées s'apaisa pour me plonger dans un profond sommeil. Les cheveux de Nadja luisaient au soleil.