Elle l'a aimé, son père. Elle se souvient encore, des après-midis passées dans sa galerie d'art. Des « Attention, Anis ! », et de ses « Oui, papa ! ». Elle se souvient des éclats de rire, de ces rires résonnant dans toute la pièce. Elle se souvient des regards faussement sévères de sa mère, elle se souvient des regards interloqués des visiteurs, elle se souvient des regards échangés avec sa sœur. Sa mère ne voulait pas qu'elles viennent, Marnie et Anissa. Elle disait qu'elles étaient trop jeunes, qu'elles ne comprendraient pas, qu'elles ne seraient pas sages, qu'elles seraient désagréables. Mais leur père avait insisté. Anissa se souvient encore, de la première fois à la galerie. Elle était contente, elle se sentait grande. Quand elle ne riait pas, elle regardait. Elle regardait avec admiration les beaux tableaux accrochés aux murs, plein de couleurs, plein de gestes, plein de vie. Sept ans à peine, et amoureuse précoce de l'art. Devenue la fierté de son père, son père qu'elle adorait, son père qui, tellement, lui ressemblait. « Un jour, cette galerie, elle sera à toi. » Il avait deviné ses rêves. Il lisait ses rêves. D'ailleurs, il lisait en elle comme dans un livre ouvert. Il la connaissait mieux que quiconque, parce qu'ils étaient les mêmes. Anissa avait les mêmes cheveux blonds qu'il avait dans son enfance, les mêmes yeux bleus azur, le même sourire, les mêmes fossettes, le même caractère, la même passion. Pareils, du début à la fin. De la tête aux pieds. De l'âme à l'art. Alors, pourquoi ? « Est-ce que tu savais ? » Question balancée comme du venin. Dis, maman, est-ce que tu savais ? Que papa n'était qu'un menteur, qu'un opportuniste, qu'un égoïste ? Elle se souvient de la rage, aussi, Anissa. Non – d'abord, elle se souvient de la tristesse. Son père, elle l'aimait. Il a longtemps été tout pour elle. Son premier héros, son modèle, son complice, son guide, son conseiller. Sa mort a été l'un des évènements les plus douloureux de la vie d'Anissa. Mort d'une crise cardiaque, à cinquante-sept ans. Trop jeune pour mourir, trop tôt pour partir. Elle avait encore besoin de lui, Anissa. Elle aurait eu besoin de lui, besoin de sa présence, quand c'est arrivé. La fausse-couche. Bam ! Deux évènements douloureux la même année, à à peine un mois d'intervalle. Pas le temps de souffler, pas le temps d'avancer. Une deuxième couche, pour bien blesser. Et puis, une troisième couche, pour bien achever. Dis, maman, est-ce que tu savais qu'il faisait du trafic d’œuvres d'art ? « Je n'en savais rien. » Bien sûr, qu'elle n'en savait rien, maman. Elle ne s'est jamais intéressée à tout ça. La galerie d'art, c'était eux. Juste Anissa, et son père. Ça n'intéressait pas Marnie. Ça n'intéressait pas leur mère. Son père est parti. Son père, elle l'aimait. Maintenant, elle ne sait plus. Elle est trop en colère contre lui. Et en colère contre elle, pour être en colère contre lui. Elle a essayé de lui trouver des excuses. Ça n'a pas duré longtemps. Oubliés les bons souvenirs, oubliés les rires. Anissa ne retient plus que ça, que cette chose qu'elle a appris. Elle ne retient plus que sa trahison, parce que c'est comme ça qu'elle le prend : son père l'a trahie, son père a trahi l'art.

Elle l'aime, Jeff. Elle se souvient encore, des ballades après les cours. Des « Je t'aime ! » et des « Moi non plus. ». Des rires, des regards complices, des bons moments. Elle se souvient du lycée avec lui, elle se souvient de tout avec lui. Elle se souvient des regards faussement réprobateurs de son père, et de son sourire en coin, juste après, quand il a rencontré Jefferson. Jefferson, deux ans plus âgé qu'elle. Jefferson, si souriant, réconfortant, drôle, protecteur. Jefferson, si sérieux, si travailleur. Jefferson, parti étudier loin, loin de Savannah, loin d'Anissa. Elle se souvient des larmes, elle se souvient de la douleur. Elle se souvient s'en être remise. Elle se souvient avoir oublié. Elle se souvient avoir avancé. Elle a encore aimé, Anissa. Elle a aimé d'autres garçons, d'autres hommes. Elle a aimé la France. Elle a aimé ses études. Elle a aimé ses projets. Elle a aimé revenir. Elle n'a pas cessé de vivre, elle a grandi. Elle a mûri. Elle est devenue Anissa, la vraie Anissa. « Anissa ? C'est toi ? » Une question, teintée d'étonnement. Elle s'est retournée, et, surprise ! Jefferson. Jefferson, tout changé. Grandi. Mûri. C'était quelqu'un d'autre, et à la fois le même. Un sourire, un regard ; c'était reparti. « Veux-tu m'épouser ? » Ils étaient l'évidence, ils étaient faits pour être ensemble. Du moins, c'est ce dont Anissa se persuadait. Les études de Jefferson les avaient séparé une fois, mais ils s'étaient retrouvés ; c'était une évidence, pour elle, qu'ils étaient destinés l'un à l'autre. Ou quelque chose comme ça. Elle l'avait aimé, et elle l'aimait à nouveau. C'était sans fin, c'était pour de bon, cette fois. Anissa a délaissé Strauss pour Ziegler. Anissa Strauss est devenue Ziegler. Madame Ziegler. L'épouse de Jeff. Ça sonnait bizarre au début, mais elle s'y est faite. Elle se souvient d'eux avant, elle se souviendra d'eux maintenant. Elle se souvient du désir d'enfants de Jeff, Jeff qui insistait, Jeff qui en parlait souvent, Jeff qui en voulait vraiment. Elle a fini par tomber enceinte, Anissa. Elle l'a été deux mois, avant que sa grossesse ne prenne fin, subitement, brutalement. Laissant un vide en elle. Laissant un vide en eux. Il souffre, et il voit qu'elle souffre. Il voudrait qu'ils réessaient, mais il est trop tôt, il le sait, il le sent. Alors, il attend. Il essaie de l'aider. Il la voit fatiguée, mais il ne sait rien de ses insomnies. Il lui dit de se reposer, il voudrait qu'elle arrête un peu, de travailler. Surtout, il voudrait qu'elle arrête, de se prendre la tête, avec ce qu'a fait son père. Il voudrait qu'elle avance, pour tout. Il se fait pressant, mais il ne s'en rend même pas compte. Anissa étouffe, elle a besoin d'air, elle a besoin d'espace, elle a besoin de temps. Mais elle l'aime, Jeff. Mais si elle l'aime, pourquoi a-t-elle peur ?

Il l'attire, cet inconnu. Il l'attire, et ça lui fait peur. Elle se souvient encore, du moment où elle a croisé son regard. Elle se le repasse en boucle, inlassablement, inconsciemment. Elle se souvient quand il est entré dans ce bar, ce bar où elle discutait avec une amie. Elle l'a vu entrer, s'est coupée en plein milieu de sa phrase. Perturbée. Elle l'était, c'est le mot. Et lui, qui la regardait, avec un sourire amusé. Pour expliquer son moment d'égarement, elle a prétexté la fatigue à son amie, loin d'être aveugle, sans doute. Heureusement, elle n'a rien dit. Anissa se souvient encore trop bien de ce jour-là. Elle se souvient de son amie partie demander un autre verre, ou flirter, ou draguer, Anissa ne sait plus. Elle se souvient de cet inconnu qui demande à asseoir en face d'elle, en face d'Anissa. Elle se souvient de sa gêne d'abord, de son hésitation, puis finalement, elle se souvient de sa réponse. « Comment dire non à... un homme comme vous ? » Elle se serait donnée des claques, Anissa. Elle se maudissait intérieurement déjà, pour cette phrase, cette phrase qu'elle n'oublierait jamais. Il avait souri, cet inconnu. Elle l'a intrigué dès qu'il l'a vue. Si elle le savait, elle se maudirait plus encore. Il était mignon, elle devait l'avouer. Elle se l'avouait, même. Et c'est bien pour ça, qu'elle s'en voulait énormément. Anis était mariée, elle ne devait pas regarder ailleurs. Elle ne devait pas admirer un autre, elle ne devait pas désirer un autre, elle ne devait encore moins faire comprendre à un homme qu'elle le trouvait canon. Son alliance le lui interdisait, lui rappelant son engagement, lui rappelant son amour pour Jeff, Jeff qui avait toujours été là pour elle, Jeff qui la protégeait trop, bien plus qu'elle n'en avait besoin. Son alliance lui interdisait tout ça, mais son alliance n'était pas là. Ça lui sauta aux yeux, soudain. Elle l'avait retirée, pour faire je ne sais quoi. Elle l'avait oublié. Lapsus révélateur ? Non, Anissa préférait ne pas y penser. De toute façon, c'était trop ça. Elle s'était mise à flirter. À croire que l'absence de son alliance la libérait de tout poids – à moins que ce ne fut tout l'alcool ingurgité durant la soirée. Elle ne buvait pas tant d'ordinaire, elle avait simplement fait une exception pour ce soir. Elle avait bien le droit de s'amuser de temps en temps. Elle en avait besoin. « … rentrer. » Quoi ? Rentrer. Non. Oui. Non. Non, non, non. Jamais. Elle s'était laissée emballer, elle n'avait rien vu venir. Ou plutôt, si. Mais elle n'avait pas fait attention. Elle était trop bête, bien trop bête. Il lui fallait une excuse. « Désolée, t'es pas mon type. » Balancé comme ça, avec assurance, et même avec un sourire. Désolée, pas mon type, je ne suis pas attirée par les hommes, j'ai flirté avec toi pour rire, parce que c'était drôle, parce que j'étais saoule, parce que je suis fatiguée, parce que je me sens mal, parce que Jeff m'étouffe, parce que tu me plais mais que je ne peux pas, mais vraiment pas, parce que tant de choses. Des millions de pensées s'étaient bousculées dans sa tête. Elle se détestait pour son comportement, elle se détestait d'être attirée par un autre, elle se détestait d'être faible. Surtout, elle se détestait de devoir dire non. Mais ça, Anissa ne se l'admettrait pas.

Bienvenue !!! Ta fiche était un plaisir à lire (j'avoue j'ai été très perturbé par le fait que le mari d'Anissa s'appelle Jefferson mais ça va je m'en remets doucement.) J'ai vraiment hâte de voir ce que va donner ton personnage en rp et je tâcherai de revenir vers toi si des liens éventuels te tentent ! Sur ce je te valide, tu peux courir rp !

---

tu as réussi la difficile épreuve de la fiche de présentation et nous t'en félicitons tous. tu fais partie maintenant et à jamais de we are broken et tu peux en être fière, tout comme nous (a) tous d'abord, tu iras créer ta fiche de liens pour te faire une tonne d'amis, si cela n'est pas déjà fait. cette partie est obligatoire tout comme tu vas devoir te trouver un métier. tu peux bien entendu passer par la partie détente où tu pourras sans modération, flooder à tout va et te faire une tonne de friends, ouais ouais, c'est top ! ne pas oublier la partie rp, parce que c'est ce qui compte le plus par ici. le principal, c'est que tu t'amuses et que ton séjour parmi nous soit des plus agréable. n'oublie pas aussi de remplir entièrement ton profil sous risque de recevoir un petit mp de notre part te le rappelant. amuse toi bien !