⊹ life can hurt ▹ posts envoyés : 722 ▹ points : 14 ▹ pseudo : anne (a maze lie ; birds) ▹ crédits : ava by lempika. ; sign by afanen ; icons by old money & kaotika ▹ avatar : hill ▹ signe particulier : des trop grandes jambes, la dégaine de gitane ou les costumes des p'tits boulots pour seuls habits (son sexappeal > wip). elle se déplace sur une mobylette rouge brinquebanlante aka "moby". elle tombe toujours en panne quand il faut pas.
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| Sujet: inertie dans l'oubli (os) Jeu 31 Mai - 14:07 | |
| Est-ce que tu peux laisser la lumière allumée ? Les souvenirs ont moins de place quand la lampe éclaire les parois de la caravane. Ça ne fera pas disparaître ce que j’ai vu, ces choses, ces gens qui ne sont plus là mais que je ne peux pas ne pas voir. Et Zyki, ça ne le dérange pas. Il fait avec, il ne sait pas me dire non. Il pourrait, peut-être même qu’il devrait, mais il fait comme il peut, avec son trop gros coeur qu’il n’arrive pas à tenir malgré ses mains de magicien-bricoleur. Est-ce que tu pourrais extraire mon cerveau, tout vider, puis tout remettre en place comme si il ne s’était jamais rien passé ? Ça, je ne lui dis pas. À la place, je demande si on peut laisser la fenêtre ouverte. Et là encore, il me dit oui. Pourtant même pour moi c’est compliqué. Avoir une échappatoire, un peu d’air à portée de mains, ou bien laisser un point d’entrée aux étrangers, au danger. La présence de mon cousin est un baume de sûreté évident, mais difficile de dire si il sera assez. Je tire le drap au-dessus de ma tête pour m’isoler du reste de la caravane et espérer que ça m’fera arrêter de penser. Mais quand je dors enfin, presque bercée par la respiration lente et lourde de Zyki dans mon dos, je rêve de sang, de mort, du métal froid de la cage, du béton humide sous les genoux, des mains et des regards des chasseurs. Faut qu’je sorte. Quand je me réveille du rêve, la panique bat mes poumons, la gorge sifflerait presque de détresse si je n’avais pas plaqué mes mains sur ma bouche. Le dos solide de Zyki n’a pas bougé, stable, rassurant. Phare dans la crainte, mais phare dont je m’éloigne doucement. La fenêtre en sortie de secours, j’escalade comme je peux la caravane et me hisse sur le toit. L’air frais de la nuit n’y fait rien. Je ne ressens rien, rien à part le feu dévorant ma poitrine jusqu’à mes os. Le corps pris de convulsions, j’m’étends sur le côté aussi doucement que possible. Ne pas le réveiller, ne pas réveiller les autres, ne pas les réveiller. Et j’attends que ça passe, dents serrés à s’en éclater la mâchoire et muscles recroquevillés sur eux-mêmes, à s’cramponner les uns aux autres. J’attends qu’autre chose m’emporte, j’laisse la paralysie engourdir jusqu’à mon esprit pour en finir au plus vite.
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Tout va bien. Sourire d’une ligne. Je vais bien. C’est la seule chorégraphie que j’arrive à répéter. Incapable de faire le moindre mouvements au sol sans sentir mes nerfs brûler, mes plaies s’ouvrir. J’ai essayé une fois et je n’ai même pas persisté. J’ai fui le chapiteau sans un regard pour le tissu suspendu. J’peux pas y grimper. J’peux plus. J’sais que j’ai plus ma place là haut. C’est certain même. Faut que je l’accepte. Faut que les autres l’acceptent aussi. Et faut que j’trouve autre chose à faire pour le cirque sinon ils vont peut-être me demander de partir. Je sais pas si je peux apprendre une autre discipline, si je serais capable de faire un autre numéro. J’en sais rien. C’est pas grave pour l’instant. Je verrais plus tard. Tout va bien. Sourire d’une ligne. Je vais bien. Le parc Wormsloe et ses chênes géants tout autour de moi. Les murmures rieurs des enfants qui s’amusent certainement un peu plus loin se font écho dans l’herbe grasse, courent entre les branchages. Le caoutchouc de quelques joggeurs sur les graviers donnent un rythme différent à l’air ambiant. Ce décor… Ça met du temps à me paraître familier. Mon palpitant cogne deux fois d’trop. Je sais plus comment je suis arrivée là, ni quelle heure il est et encore moins quelle il était avant. Sur mon téléphone presque déchargé, y a plusieurs messages d’Isa envoyés il y a plus d’une heure. J’ai perdu le fil apparemment. Le violon est posé à mes pieds et mon chapeau installé à l’envers sur le sol possède quelques dollars. Alors j’ai joué ? Je reprends l’instrument en main, fait glisser mes doigts sur les cordes avec la nostalgie de toute une vie et cherche le dernier souvenir des airs que j’ai pu jouer. Rien. Je me souviens pas. Le temps s’est emmêlé ? Ou tout s’est arrêté ? J’ai été dans cette cage combien de temps ? J’suis revenue depuis combien de temps ? Est-ce que je suis là ? Je sais plus. Et quand une voix perce et me demande si je vais bientôt joué, la réalité me surprend. Tout va bien. Sourire d’une ligne. Je vais bien. L’esprit lent, stase dans le corps qui me soulage un peu, m’fait du bien... je m’y mets doucement.
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