ستیاناس (capharnaüm) ; les khedim. les khedim sont - les khedim sont des enfoirés - non pardon des immigrés. les khedim sont sur le sol américain depuis deux ou trois générations mais n'ont jamais voulu intégrer la société, continuent de rejeter la culture occidentale - même les derniers plus anciens. les parents khedim ont eu quatre enfants qui n'ont pourtant jamais appris l'urdu et n'ont jamais su l'écrire non plus. quatre enfants dont seulement un garçon qui ne sera resté vivant qu'une petite minute qui aura paru des jours à une mère paumée. les khedim n'ont pas vraiment la notion de famille : éparpillés un peu partout personne ne se parle et tout le monde s'engueule. le père boit et dort, ne travaille plus depuis sept ans et la mère cuisine, nettoie un peu et s'occupe des gosses trop nombreux pour elle, finalement - gère elle-même ses névroses multipliées par un mariage merdique et un époux encore plus merdique. ils n'ont pas de revenu stable, pas de situation stable et saine et pourtant après saad continuent d'arriver noor et sonia qui s'entassent dans la bicoque et veillent sur elles-mêmes à la place des autres. saad arrête l'école au lycée - travaille, enchaîne, nourrit et rapporte de l'argent qu'on dilapide dans l'alcool et les médicaments, dans du matériel électro-ménager sur lequel la mère, plus tard, crachera parce qu'il s'est retrouvé cassé. les khedim sont bien des enfoirés - sont ingrats et sont bourrés d'un tas des pires choses. les khedim méritaient d'exploser.

   پنرپیم (renaissance); les young. les young sont - les young sont ce que les khedim ne sont pas. c'est comme ça qu'elle dira saad, si on lui demande de les décrire. les young sont arrivés dans sa vie un peu comme on débarque d'un train - un pied qui se jette en premier dans le vide. elle a connu d'abord leur fils - une connaissance discrète, un camarade de classe qu'on regarde souvent. ne s'étaient jamais parlé jusqu'à ce qu'un jour il la croise un peu trop ici ou là, comme caissière ennuyée ou comme serveuse toutes crocs dehors - t'as l'air fatigué saad, t'es sûre que ça va ? t'as combien de boulots au juste ? ils font quoi tes parents, ils sont quoi ? auxquels saad a répondu un haussement d'épaule et un soupir, pas le temps mais petit sourire quand même. il aura creusé et elle aura abandonné les armes - aura rencontré les young au complet, un homme grisonnant et une femme rousse aux joues toujours roses, deux fils biologiques, une fille adoptive qui leur vient de chine, une autre du japon et une dernière, la plus âgées, d'iran. les young sont quelques fois trop nombreux dans la petite baraque et rosa young, affectueusement surnommée rosie par ceux qui ne l'appellent pas maman, court un peu partout et s'enroue parfois la gorge à force de rappeler à l'ordre. souvent dépassée mais jamais déphasée elle dira en riant. de là ils l'accueilleront - jour et nuit, avec le sourire. par pitié ou par bonté saad n'en n'a rien à faire, choisira simplement par envie d'aimer. des années passeront et saad amènera noor et sonia : on leur expliquera quelles démarches il existe pour les arracher aux griffes des khedim qui ne les réclament même pas, se contentent de poser vaguement la question du t'étais où quand l'une rentre puis repart. elles diront non - auront beau avoir été incapables ne sont pas des monstres, ne sauront jamais vivre par eux-mêmes. alors elles ont gardé le nom khedim - seulement sur le papier, balancent young à tout va à chaque fois, rendent visite aux parents (saad surtout, aînée exemplaire) au moins une fois par semaine (mais oublie parfois, est rappelée à l'ordre par rosie).

   عورت (femme) ; vénus les bras ouverts. elle a vu sa mère - et entendu - se mettre six pieds sous terre sans l'aide de personne, se déprécier, s'assassiner avec un poignard de sa propre création - mais assassiner sa féminité surtout, l'attaquer, la dépecer. et on lui a dit et répété tu n'es pas belle, tu n'es qu'une femme, tu n'es que ça et même avec des yeux de gamine, saad elle a compris ; les carcans ne sont pas là depuis le début, c'est eux, autour, qui les ont construits. alors elle a décidé de ne ressembler ni à son père, ni à sa mère et plutôt de s'aimer, de s'affirmer. elle a dit non, elle a crié et claqué la porte - elle est sortie en jupe, en robe, quelques fois en costume d'homme. elle a oublié la bouffe dans le four rouillé, elle leur a lancé dessus les torchons et quand on lui a dit tu te prends pour qui saad elle a dit vénus avec une courbette insolente. elle y tient saad à tout ça (peut-être plus par symbolisme) - l'oeil qui ne rate jamais les pancartes bariolées angry women will change the world qui font sourire. garde tous les ans une petite somme de côté qui ira aux associations - en partie pour l'éducation des filles de là d'où elle vient elle.

   طوفان (tornade) ; la caboche à l'envers. c'est quelques fois difficile de s'y retrouver - d'organiser ses pensées, ses émotions. tout est fort, tout est énorme et le fonctionnement social veut que ça s'étouffe, ça se tasse, se range et s'oublie un peu. elle explose parfois - il lui arrive de ne rien dire mais de retourner l'appartement, de casser la vaisselle, de déchirer les rideaux et d'en faire tomber les tringles. puis elle rangera, réparera et ce sera comme si rien n'était arrivé. c'est pas souvent, juste quelques fois - on lui a dit impulsivité mais pas de trouble réel, on lui a dit dormez plus, travaillez moins et elle a levé les yeux au ciel. pas les mots pour l'affection ou l'affliction alors elle a pris les gestes. c'est pas bien grave, c'est vivable, ça dérange pas - ça a fait peur une ou deux fois mais pas elle, plutôt aux autres. ça se sent, se présume par son impétuosité - ses claques qui peuvent partir rapidement, ses doigts d'honneur. mais on comprend quand on entend parler des khedim - pas des monstres elle répète mais pas non plus des anges.

   بنانے والا (constructeur) ; trois clous et un marteau. ça a commencé comme ça - avec presque rien. pas assez pour faire quelque chose. on lui a bourré le crâne avec l'école, l'histoire, les maths, les notes, les si tu veux faire ce que tu veux, tu dois étudier. et elle a dit non saad - encore, seul mot à la bouche ils diront. pas son truc, pas ce qu'elle aime. a préféré le silence du petit garage d'en bas, fouiller dans les caisses à outils, faire l'école de la minutie. apprendre seule ou avec les autres comment poncer le bois, comment le tailler, comment le vernir, comment lui donner une autre forme. comment fondre le métal, comment le tordre, comment le modeler comme une patte. comment souder des petites pierres, comment graver, comment sculpter, comment dessiner. comment mettre debout ses milliers d'idées faisables comme irréalisables à n'importe quelle heure. ses mains c'est son outil principal à saad - sans elles elle saurait plus quoi faire. c'est son exutoire, son escapade - là dedans qu'elle verse toutes ses frustrations, se recentre et se tranquillise.

   شور (bruit) ; bouche ouverte sur crocs pointus. c'est des khedim qu'elle tient ça - parler plus fort pour parler au-dessus des autres, pour se faire entendre, pour gueuler et que tout le monde sache qu'on gueule. elle est bruyante, comme une bourrasque - violente quelques fois. les cris faciles, les râles qui s'arrachent sans trop d'efforts. elle verbalise saad, elle exprime tout ce qui touche pas directement à ses propres émotions - fera comprendre haut et fort qu'on la fait chier, passe jamais par quatre chemins. elle fait du bruit en parlant et aussi en vivant - travailleuse, toujours en train de bricoler. s'enroule dans le boucan parce que le silence fait peur, le silence angoisse - ne veut rien dire et tout en même temps. elle rit fort, elle martèle, elle vocifère - grande gueule de loup.

   پاکستان (pakistan) ; inconnue sur autre continent. elle sait rien de là-bas - rien de plus que ce qu'elle a appris elle-même, à l'école ou sur internet. elle sait rien parce qu'on lui a jamais rien dit, parce que les khedim ont arrêté de transmettre leurs innombrables valeurs et leur amour du pays à leur génération, parce qu'on parlait urdu seulement entre anciens sans jamais donner de traduction. et saad tout ce qu'ils lui ont laissé comme réponses aux c'est comment le pakistan c'est des coups d'états, des instabilités. pas de c'est beau, c'est grand, c'est comme ci ou comme ça - seulement du noir, du gris, des grimaces et des mines tristes parce qu'on a quitté un pays qu'on jugeait mauvais pour en retrouver un autre qu'on a jamais voulu accepter - jusqu'aux parents de saad. c'est le sujet du conflit le pakistan, le bâton qu'on tend pour se faire frapper - alors chez eux on se tait parce qu'on sait bien qu'il y aura jamais réponses aux questions à moins de chercher soi-même.

   ماہی (amoureux) ; l'amour c'est dur. elle sait peut-être pas faire au final - garder quelqu'un, garder les gens. aimer correctement - longuement. elle est trop ou pas assez - trop passionnée, pas assez concernée. se lasse, s'ennuie, casse - a peur et se défile, gueule et coupe le conflit par un silence qui lui est étranger - ou par des soupirs, des ok, de ceux qu'on a jamais envie d'entendre. dira jamais les vraies choses, celles qu'on veut entendre - plutôt celles dont on pourrait se passer, celles dont on ne veut pas. indécise - perd son bruit, perd ses crocs, ses nerfs. c'est qu'on lui a jamais appris comment on faisait à saad, c'est qu'on lui a même jamais montré l'amour mais l'amour au-dessus du corps, celui des idées, celui qui englobe. on lui a refilé un schéma biaisé, on le lui a foutu dans le crâne et les gens partent, le coeur en miettes ou quelques fois le sien entre leurs mains sans qu'elle-même le sache. on a pas eu idée de tomber amoureux elle dira plutôt qu'un pardon désolée je t'aime, restera assise et ira se coucher seule - pas les bons mots, pas ceux que les autres comprennent, fait avec ou fait sans.

   راز (secret) ; tintement de clefs et chuchotis.

   آنکھیں (yeux) ; le troisième oeil au milieu du front.

   تکلیف (douleur) ; humain qui rime avec putain.