01 ; harlem, il dérange. harlem il est pas cernable, pas vivable ; la dégaine et l’attire qui font qu’t’enrages. ouais. harlem il dérange, c’est cette tâche au milieu de la foule, avec sa silhouette trop étirée et cette attitude qui donne à ton poing l’envie de trembler. il est un peu superficiel harlem parce qu’il aime les belles choses et celles qui sentent bon, parce qu’il porte du parfum et des chemises à la con – il a le sourire qui se pointe vite et ça agace parce que tout semble si facile pour lui, à la limite du risible ; harlem il est trop féminin, harlem il a pourtant pas la gueule de la plus belle nana du coin, harlem il est étrange avec sa démarche et ses écouteurs, ses épaules qui se haussent et son regard qui semble toujours ailleurs.

   02 ; il y avait trop de souvenirs. trop de choses à bousiller, fracasser ; il y avait toutes ces belles fresques à enlaidir, ces peintures de mémoire à meurtrir et entacher.
c’était facile avec harlem,
il y avait tout à détruire.
et c’est arrivé comme une balle de revolver tirée à bout portant ; à laisser l’écho sourd et bourdonnant d’un échec cuisant. harlem il a vu les brisures d’un monde s’écrouler, il a vu sa voute nuptiale se fissurer, se fracasser, il a vu – l’enfer harlem. terreur d’un gamin au château de sable s’évaporer dans les mains nocturnes du cauchemar. à n’être qu’une poupée d’images, qu’un mirage sans visage, à n’être plus rien, finalement.
– on était pas malheureux, je crois.
– il faut que tu me parles, harlem. parle moi de lui. parle moi de ce qu’il représentait pour toi.
– j’suis pas très doué pour parler d’moi.
– parle moi de lui, alors.
– dolan il était spécial. dolan il avait ce truc incommensurable, il captait les foules d’un regard, les attirait d’une parole balancée un peu au hasard. dolan, il était vraiment spécial. le plus spécial des deux frères. il avait de la fougue dans les yeux, de l’espoir pour deux. dolan on avait l’impression que rien ne pouvait l’atteindre, ni le toucher, qu’il pouvait soulever le monde entier.
– mais ?
– mais il n’a pas pu soulever le mur, ce soir là. il était arrogant, aussi, un peu dolan.

 03 ; c’est un souvenir (ou une punition) qui vibre constamment au creux de ses tympans. c’est un rappel constant à la perte, à la mort d’un être cher – c’est comme une culpabilité qui le ronge de l’intérieur, un talisman qui porte malheur. cet acouphène il le déteste autant qu’il le chérit ; parce que sans lui peut être que dolan il n’existerait plus, peut être qu’il manquerait la moitié du duo perdu – c’est la moitié arrachée, le frère enlevé.
une cachotterie d’enfant.
l’une de ces bêtises grandioses qui se terminent, normalement, toujours en apothéose.


 04 ; de base harlem il avait pas l’titre du prodige, encore moins de l’espoir de l’année, et puis dolan il est parti. dolan il est parti et maman & papa ont divorcé, lui il s’est barré à l’autre bout du globe, il a tiré un trait sur harlem – ou un demi seulement, dessiné en pointillé, avec la fameuse carte postale toujours reçue à noël – parce qu’il avait pas l’ampleur, l’aura de dylan. il avait pas l’cerveau destiné aux grandes études de droit ou de médecine, et sa perte ça a été comme une descente d’acide – celle qui brûle toute la trachée. on l’tient à demi responsable, et on lui dit que ça va aller.

 05 ; il est l’oubli. où se perdent un fil de mots et de pensées, s’enterrent les questions avant d’être effacées. il peut noter ici, ailleurs, au creux de sa main ou dans le coin d’un cahier la pensée la plus fugace, de peur de ne jamais s’en rappeler. et s’accumulent les post-its, les notes de carnets, les bouquins cryptés de sa calligraphie métissée de caractères chinois et d’anglais parfois mal orthographié que jamais plus il ne regardera. car harlem a un esprit trop vif et indiscipliné ; un peu sauvage à sa manière qui semble constamment être figé sur le bouton reboot pour mieux recommencer. à être le premier à vous poser un lapin ou de vous rembourser.

  06 ; un peu poète, ou écrivain ; peu importe, mais un homme de lettres, ça c’est certain. harlem il aime sentir la plume contre le papier, entendre ses doigts s’activer sur un clavier. il y a quelque chose de fascinant avec laquelle les mots s’emboîtent pour exprimer une nouvelle mélodie du coeur, de captivant dans leur subtilité.

  07 ; harlem c’était l’équation mal alignée, le karma qui a décidé de s’acharner. il a réunit tous les critères pour s’faire railler ; le nom imprononçable, les origines qui s’affirment à la ligne de ses yeux étirés, l’attitude faiblarde et l’humour mal calculé. la sexualité mal définie doublée d’un prénom de comédie. harlem on lui a jamais fait de cadeaux — il est devenu insensible, à bloquer les écoutille. à se prétendre roseau qui se courbe et se plie à l’afflux de la tempête, oubliant les outrages à moins de sourire et de rire en unique réponse. harlem qu’a rien à revendiquer, qui parfois s’amuse d’être un cliché.

 08 ;  il a sûrement toujours eu la musique dans la peau. le rythme qui s’enclenche au bout de ses doigts, qui dévale toute la rampe, s’attarde du bout des ongles sur le verre d’un shoot jamais terminé ; avec cette sensation exquise d’avoir le coeur à moitié secoué. harlem il aime quand ça bouge, il aime quand ça crépite ; il aime quand ça pétille comme de la dynamite – que ça explose au grand final, les baguettes qui se déchainent au rythme de son organe vital. harlem il aime la vie. il aime le feu, les couleurs fantasques qui le ravivent un peu — harlem il a cette aura radieuse et brûlante, un peu mauve et délirante.

 09 ; harlem il a grave cette prestance, ce regard avant de se fondre dans l’ombre ; il brille uniquement par éclat, au détour d’un rire ou d’une remarque avisée, d’un sourire lumière ou d’une solo improvisé. harlem il est pas magnétique en permanence, juste par intermittence – la plupart du temps on l’oublie, il s’enfonce quelque part, avant que l’aura lunaire ne vienne lui mordre la joue.

  10 ; harlem il est cabossé mais une antre de velours – il est un peu secret, tamisé ; dès que ça devient un peu profond il est encore plus silencieux ou  alors il s’arrange pour tout faire dévier. il est pas doué pour parler de lui harlem, et encore moins de ses rêves ou de ses envies. ouais pt’être bien qu’il voudrait finir sa vie sur l’plancher avec les hurlements de la foule à ses pieds, ouais pt’être bien qu’sa came à lui serait d’sortir un bouquin qu’il a lui même rédigé, ouais pt’être que son rêve c’est finir au fond d’un disquaire ou bien d’une bibliothèque mal rangée, derrière un piano ou une batterie parce que ça fait parti de son identité. ouais, sans doute qu’il aimerait écrire des tonnes de chansons pour le monde entier.