Sujet: start the ignition (mileon) Sam 18 Aoû - 2:32
one for the touch, one for the soft grin - MILEON
La chaleur fait brûler le bitume. Les huiles de moteur s’élèvent dans l’air étouffant, dansant au-dessus de la ligne d’horizon comme des mirages dans le désert. La fin d’après-midi semble faire ressortir les habitants de Savannah de la tanière dans laquelle ils se cachaient de l’espèce de canicule qui s’est abattue sur la ville. L’air est loin de se rafraichir mais la rue s’anime. Mila est assise sur son muret depuis deux heures. Jour off, ou plutôt semaine de vaches maigres. Personne n’a de job à lui proposer depuis quelques jours déjà alors elle vit sur sa petite réserve soigneusement enfouie dans son hoodie jaune safran qu’elle porte noué à la taille. Les jambes repliées sous elle, elle rit comme une enfant face au groupe de rue qui enchaine les vieux classiques rock sur le trottoir à côté d’elle. Ils sont ses copains pour la journée et elle les a suivis dans la ville depuis qu’elle les a croisés en milieu de matinée. En début d’après-midi ils lui ont proposé de prendre le micro pour chanter Walk This Way, mais en dehors de bafouiller les premiers mots et de se mettre à rire, elle ne fut bonne qu’à reprendre le refrain avec le chanteur du street band. Elle a finalement décidé d’aller acheter de quoi grignoter et observer son groupe préféré du jour en les encourageant à grand renfort d’applaudissements.
Aujourd’hui les problèmes ne sont pas pour elle. Les inquiétudes et les angoisses, elle les a laissées sur le parking où est garée sa voiture. Demain elle reprendra son tour des petites boutiques, des bars et des supermarchés susceptibles de la faire travailler quelques heures. En fonction de ce qu’elle réussirait à gagner, elle se payerait peut-être une semaine de motel en avance. Et si elle remportait le jackpot elle prendrait même la chambre avec baignoire et vue sur la piscine insalubre. Mais pour l’instant, elle s’accorde une pause. Groupie d’un jour, elle boulotte ses chips en s’abreuvant de ce qui l’entoure. Les passants font leur chemin souvent sans s’arrêter devant les musiciens. Certains leurs sourit, leurs adressent même parfois un hochement de tête appréciateur. Quelques-uns décident de faire une halte pour de précieuses secondes. Ils n’écoutent le groupe que d’une oreille, Mila le voit bien. Leur visage est tourné vers la musique, ils tapotent du bout du doigt sur leur cuisse, mais le bas de leur corps est déjà tourné dans la direction opposée pour partir rapidement. Les plus généreux laisse s’écraser un billet dans l’étui à guitare éventré sur le bitume comme un agneau sacrificiel. L’œil qui pétille, la brune est loin de ses inquiétudes quotidiennes.
Au creux de la chaleur, le quidam est pressé pourtant il économise ses gestes et ses interactions pour avoir le moins chaud possible. Terrible exercice qui semble ne pas convenir à tout le monde. Alors que les yeux sont alourdis par l’air brûlant, elle voit une paire d’yeux s’agiter sans s’intéresser aux musiciens. Et c’est terrible, pense-t-elle en se dégageant une mèche de cheveux du visage, car qui n’aime pas la belle musique qu’ils jouent ? Les yeux appartiennent à un corps, grand et élancé, dont le propriétaire semble perdu. Il scrute les passants comme à la recherche d’un visage connu ou d’un panneau qui lui indiquerait sa direction. Et si ce n’est pas le destin alors c’est au moins les coïncidences qui mettent les individus sur la route des autres. Mila continue de secouer la tête au rythme de la musique pourtant son regard ne parvient pas à se décrocher du jeune homme. Il est beau. On peut se mentir et se chercher des excuses, mais elle le trouve beau et perdu. La brune se lève du muret d’un bond et avance de quelques pas. Son paquet de chips entre les bras, elle essuie ses doigts plein de sel sur ses cuisses nues en se dirigeant vers le jeune errant. Peut-être est-il nouveau à Savannah ? Ou alors il n’a pas l’habitude de sortir dans ce coin de la ville. Au rythme de la musique qui ponctue ses foulées enjouées elle se rapproche en l’observant un peu mieux. Plus elle avance, plus elle est obligée de lever les yeux. Sa propre taille ne l’a jamais complexée, elle se sait dans la moyenne féminine sans vraiment y avoir déjà réfléchi. Mais lui, la pointe de ses cheveux doit au moins toucher le soleil, se dit-elle, tellement il semble un peu plus grand à chaque pas qu’elle fait dans sa direction. Sourire canicule qui déborde de sa bouche, du sel jaune chips sur la joue, Mila tend une main pour tirer le haut du jeune homme avant qu’il ne s’échappe ou se perde au milieu des passants. « Salut ! T’as l’air de chercher quelque chose, t’es perdu ? T’es nouveau à Savannah ? Peut-être que je peux t’aider. » Les suppositions continuent d’émerger dans l’esprit de la petite nomade. Peut-être qu’il cherche ses amis, qu’il va les lui présenter et qu’elle va trouver un nouveau groupe avec qui s’amuser pour le moment ? Ou bien il va peut-être sortir de derrière son dos la fameuse pièce manquante et ultra-chère qui manque pour réparer sa voiture et la lui donner sans poser de question ? On ne sait jamais, tout est possible après tout. Le sourire de la brune s’élargit encore alors qu’elle pioche dans son paquet de chips en scrutant son interlocuteur. « Fais attention aux pickpockets, apparemment il y en a ici. Mais je sais pas, je me suis jamais fait voler. En fait je suis pas d’ici donc il y a des chances que je sache pas t’indiquer ta direction. Tu veux des chips ? » Moue curieuse et paquet de chips levé sous le nez de cette nouvelle rencontre fortuite. Malgré la chaleur et l’absence de travail, finalement les choses se font.