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MessageSujet: retour vers le passé (leona)   retour vers le passé (leona) EmptyLun 13 Aoû - 15:11

Y a des jours, elle a l'impression d'être suivie.

Des jours comme aujourd'hui. Popescu, t'as peur de ton ombre, c'est tout. Sa pauvre ombre esseulée qui s'étire sur le trottoir et les grains de sable que le vent collectionnent jusqu'ici quand dans le doute, elle préfère quand même piler net et faire volte-face. Juste pour s'assurer que c'est bien qu'une impression. Juste pour balayer le sentiment persistant qui lui colle aux basques depuis sa sortie. Arrêt sur image. Elle se tient à contre-courant, les quelques promeneurs dans son dos s'écartent sans lui adresser un regard, si elle doutait de faire tâche dans le paysage avant, la certitude se ramène à la fête trois plombes trop tard comme une évidence. Surprise. Elle les aime pas. Qu'est-ce que j'ai loupé ? Trois fois rien, vraiment. Personne la calcule. Personne a jamais fait autant d'efforts pour prétendre qu'elle vaut pas mieux que les parterres de fleurs bien entretenus à ses pieds. C'est peut-être les fringues qu'elle porte – noires, quelconques – ou l'aura qu'elle dégage – pas plus lumineuse, nuit en plein jour. La seule chose claire se dit en trois mots.

Personne la suit.

Elle plisse des yeux une dernière fois, presque, elle serait déçue d'avoir encore eu tort. Mais ça fait rien apparaître, le vide reste vide, et ses cils papillonnent pour se sortir de la torpeur. Popescu, ta tête est cassée, c'est tout. Et tu marcherais tellement plus vite si t'arrivais enfin à te rentrer ça dans le crâne. Elle a perdu la matinée à avancer, s'arrêter, se retourner, avancer, recommencer. Midi la nargue sur toutes les montres, avec un peu de chance, elle atteindra le Troisième Œil avant que Matei se lève et détale plus vite qu'elle mais rien est gagné. Elle a pas donné d'heure à Caïn, en vérité, elle l'a pas prévenu du tout. Une envie passagère de revoir sa tête en se levant ce matin. Ça lui laisse une bonne marge d'erreur – moins tout le tronçon qu'a été gâché sur des mauvais ressentis. Lentement, elle finit par se retourner dans le sens de la marche, appuie sur play et reprend le rythme. Et elle prétend qu'elle a pas oublié le chemin, qu'elle sait parfaitement dans quelle direction ses pas la mènent. Faux. Au prochain croisement, pile ou face, c'est la gauche qui l'emporte. Elle fait bonne figure devant les devantures étrangères et les nouvelles enseignes. La ville rajoute de nouveaux détails à chacun de ses aller-retours, la ville veut voir si elle suit.

Elle suit pas.

Fin de l'histoire. Plus merdique comme jeu elle connaît pas. Ça ronge lentement sa patience et deux de ses cinq sens avec. Elle a pas vu le cul-de-sac dans lequel elle a foncé. Elle a pas entendu que l'écho des talons s'est dédoublé et colle plus aux siens. Face au mur, elle pousse un soupir et s'en va pour faire demi-tour. Ça tombe à l'eau. Y a des jours comme aujourd'hui où elle a pas tort du tout. Une silhouette masculine lui bloque le passage, de sa distance elle dirait qu'il a une dizaine de centimètres de plus sur elle, et un accent qu'elle replace pas quand il s'avance et l'interpelle. « Tu vas m'écouter, et essaie pas de courir » Putain. Pas aujourd'hui. Elle se redresse un peu, si elle triche, elle se croit plus grande. Plus imposante. Si elle triche, il va peut-être se retourner et partir. Elle penche la tête sur le côté et fait celle qui comprend pas. Parce qu'au fond, c'est pas un mensonge. « J'crois pas, y a erreur » Il se trompe. C'est pas son genre de pas courir. La ruse prend pas, l'homme continue de tuer la distance entre eux. Elle prête à peine attention à son visage, derrière lui ça paraît loin, et dans sa main, y a un truc qui brille et lui inspire moyennement confiance. Popescu, t'as la poisse, c'est tout. Pas au point de se faire poignarder dans une allée, non ? Elle fait un pas en arrière, l'envie de faire la fière a du mal à tenir en place. Non ?! Il remarque le mouvement et fond sur elle. « J'ai dit bouge pas » Prononcé entre ses dents, et la sueur qu'envahit son air lui flanque la nausée. Elle se souvient de son téléphone dans la poche arrière, soutient le regard de l'homme pour le distraire pendant que son bras passe discrètement dans son propre dos. Et maintenant ? Elle sait à peine l'utiliser en situation normale. « Sept ans qu'on attend ça, tu crois pas qu'on allait laisser passer » Elle écoute un mot sur deux, ses doigts ont réussi à déverrouiller l'écran, elle pense, et elle commence à composer le dernier numéro qu'elle a appris par cœur. Celui de Mihail. Elle sait pas si ça marche, si les chiffres sont bons, si y a du réseau, s'il va décrocher. Mais elle essaie quand même. « Vous allez nous rendre un petit service, toi et ton copain » Son quoi ? Elle baisse les yeux et regarde le couteau, le type, le couteau, repense aux sept ans, au copain et à l'accent. Putain. Ça tilte enfin, l'argentin doit le lire sur son visage parce qu'il lui offre un rictus glacial avant de reprendre les menaces. « On a besoin de papiers. On reviendra les rechercher dans une semaine, et pas de faux plans sinon... » Ouais, le couteau, elle a compris. Silencieuse, elle hoche une fois de la tête. « On sait où vous trouver » qu'il lance avant de se détacher d'elle, reculer, et se fondre à nouveau dans la rue où elle l'avait de toute évidence loupé. Merde. La respiration se relance sans prévenir, elle avait pas senti le souffle s'arrêter. On sait où vous trouver. Donc ils sont tous sortis du trou. Elle pense à l'Argentine, à Leo, à la drogue cachée dans leurs sacs, à Matei. On sait. Le froid dégringole la chute de son dos, ça lui laisse pas le choix. Elle suit le même chemin que l'argentin, se retrouve dans le rue sans savoir de quel côté chercher. Elle sort le téléphone de sa poche, peut-être que... Ou peut-être pas. L'écran lui renvoie une suite de numéro totalement erronée. Boule dans sa gorge. Personne s'arrête pour lui demander où elle a dégoté un air pareil.

Personne a entendu, Mihail non plus.

Réfléchis. Elle rassemble ce dont elle se souvient, tout en tas, y a bien un truc dans les nœuds qui va l'aider à retrouver Leo – s'il est dans le paysage et pas reparti à l'autre bout de la planète. On sait où vous trouver. Ça se tiendrait pas s'il était pas dans le coin, elle espère pas se tromper. Brasse encore et encore et encore, marcher l'aide à remonter les souvenirs. Leonard. River. Comme si elle pouvait en faire quelque chose. Les nerfs lui font mettre un coup de pied dans le stand de magazines qu'elle dépasse, la moitié des exemplaires s'écrasent à ses pieds et le proprio – elle suppose – sort de la librairie pour venir l'incendier. Leonard. River. VTT. Attends. Elle sort ça d'où ? « Non mais ça va pas ?? » VTT. La nouvelle saison de Bachelor en cours de tournage. Tybee. C'est tout à ses putains de pieds. Elle ramasse le magazine, le brandit sous les yeux du patron. « C'est où, ça ? » Elle doit passer pour une fan trop investie. L'homme continue de geindre. « Mes magazines, vous allez me ramasser ça tout de suite ou... » Sérieusement ? Y a eu le quota de menaces pour la journée mais elle s'en accorde une dernière. Et elle triche pas cette fois, sa taille est à son avantage. « C'est. Où. Cette. Putain. De. Villa. » Tremblant, le proprio finit par craquer et lui explique l'itinéraire. Elle balance le papier brillant au sol et aligne les pas sans se retourner. C'est vrai que ça va plus vite, quand elle trace sans hésiter une seule fois.

Leonard. River. C'est ce qu'elle se répète sans répit. C'est ce qu'elle annonce à la sécurité, quand enfin arrivée, ils lui refusent l'accès. « Leonard River. Il est cameraman. » Il est dans la merde, moi aussi, mais ça elle dit pas. « Argentine, 2011, il comprendra. Dites lui que c'est de la part d'Elena. »
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Leonard River

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MessageSujet: Re: retour vers le passé (leona)   retour vers le passé (leona) EmptyMar 14 Aoû - 20:56

Non, non à droite. Les ouvriers se déplacent difficilement avec l'énorme canapé. Ok, maintenant la guirlande, juste au dessus. Un autre débarque avec un tabouret et grimpe dessus pour accrocher la guirlande. Par réflexe, Leo tend la main devant lui, formant un L avec ses doigts pour vérifier que tout rentrait dans le champ. Il fait une moue et penche la tête sur le côté. Il se tourne vers Matthew qui est en train de faire le réglage de la caméra. Matthew, tu vérifies si c'est bon ? Comme seule réponse, Matthew lève le pouce, il a un écouteur dans les oreilles et mâche un chewing-gum, ce qui lui donne un air nonchalant. Leo descend enfin de la table sur laquelle il était perché pour retrouver la terre ferme. Le premier jour de tournage, c'est pour dans trois jours. Et il y a encore des tas de choses à faire. Des milliers. Leo a l'impression qu'il n'y arrivera jamais. Parce qu'il a l'impression d'aller moins vite que tout le monde. De tourner au ralenti. Il est déjà crevé, et ça ne fait que 16 heures qu'il est à son poste. Il se souvient, comme si c'était dans une autre vie, de ces semaines où ne décrochait tout simplement pas. Où il couplait une prise trop importante de coke avec des micro siestes de 10 minutes et puis était sur le front, caméra au poing, sans discontinuer. Il se souvient comme d'un souvenir vieux de vingt ans du rythme effréné, des journées qui faisaient trente heures, et des plans qui ne terminaient jamais. Comme s'il ne s'agissait pas vraiment de lui. Il peine à retrouver cette sensation d'avoir les batteries pleines en permanence, et en même temps, c'est comme une sale habitude qui revient parfois vous hanter. Un sentiment de nostalgie qui naît du fond de votre estomac, et une fois qu'elle s'est implantée dans votre organisme, ne vous lâche plus jamais. Ouais, c'est comme ça quand on arrête la cocaïne. Leo reprend son souffle et d'un revers de manche essuie son front qui perle, malgré le foulard africain qu'il a pour retenir ses cheveux. Il jette un oeil à sa fiche de route. Ses nouvelles responsabilité de Chef Op le font être décisionnaire sur à peu près tout. Et après un pélerinage de presque trois mois sur les terres Zoulou, c'est un peu difficile de se refaire la main. Heureusement, le grésillement du talkie dans sa poche le sort de ses pensées qui s'entrechoquent trop bruyamment dans son crâne. Ouais ? Qu'il répond, le talkie devant ses lèvres minces, qu'il humidifie nerveusement du bout de la langue. Leo, c'est John. Y a une nana qui demande à te voir à l'entrée. Le mec de la sécurité. Leo fronce les sourcils. Qui ça ? - Euh, Elena. Il n'en connait pas, des Elena. Et pourtant il a la mémoire des noms et des visages, mais le trou noir, sans doute dû à cette fatigue qu'il accumule depuis l'instant où il a posé le pied sur le sol américain jusqu'à aujourd'hui, à trois jours du début du tournage. J'vois pas. qu'il dit en se frottant les yeux de sa main libre. Ah, elle dit aussi 'Argentine' euh... '2011'. Oui c'est ça. Elle a dit que tu comprendrais. Un moment de bug, Leo ouvre soudainement les yeux, comme s'il s'était pris un coup de jus. Tout éclate dans sa mémoire. 2011. Cette année est gravée quelque part dans sa peau. Le premier voyage, la première fois qu'il quittait le sol américain. Le premier avion emprunté pour une terre qu'il ne connaissait pas encore, et qu'il aimerait passionnément une fois sur place. Comme à chaque fois. 2011, Argentine. Tout se rallume dans son cerveau. Et il se souvient d'elle aussi nettement que s'il l'avait quitté hier. Ah, non, aussi nettement que si elle l'avait quitté hier. Cette âme croisée un soir à Buenos Aires, une fille parmi tant d'autres. Un fragment de vie partagée, voilà tout ce qui lui revient. Ce fragment du début à la fin, aussi nébuleux soit-il dans sa mémoire. Beaucoup de transgression, beaucoup d'abus, beaucoup de mensonges, et un séjour en prison. Sérieusement ? Euh... j'arrive. Qu'il finit par expirer dans le talkie, complètement assommé. Il se tourne vers les gars, annonce quelques minutes de pause. Tout le monde pousse un grand soupir de soulagement, les ouvriers lachent le canapé et s'y affalent d'un même mouvement. Mais Leo est déjà en train de trottiner vers l'entrée. Il n’entendait que sa respiration courte et son coeur qui bat la chamade. Pas tellement que cette fille ait hanté sa mémoire pendant sept longues années. Plutôt parce qu’elle débarque dans son univers, rentre en collision dans sa galaxie, elle qui avait foncé dans le premier trou de verre qu’elle avait croisé pour s’échapper sans laisser de trâces derrière elle. Parce qu’ils ne devaient jamais se revoir. C’était le deal. Jamais, jamais, jamais. Elle n’avait pas voulu rompre la promesse faites au début de leur aventure. Sept ans plus tard, la voilà, comme revenue d’entre les morts, à l’attendre derrière le portail.

Il stoppa sa course en arrivant à proximité de la grille, pour marcher et reprendre son souffle. Faut dire qu’elle est immense cette baraque. Il croise John et lui donne une tape amicale sur l’épaule pour le remercier. Il s’avance encore de quelques pas, et cette Elena perce la lumière du soleil tombant comme une apparition. Leo met sa main en visière pour se protéger du soleil. Elle est comme il l’a connu, sans trop savoir si c’est parce que le prisme déformant de ses souvenirs l’empêchent de constater les sept années qui se sont étalés sur son visage et sur son corps. Peut-être que ces impacts de vie, il les ignore juste parce qu’il n’arrive pas à les voir. Parce que maintenant qu’il se retrouve en face d’elle, c’est comme si on avait changé le décor. Il a l’odeur piquante du chimichurri plein les narines, et le soleil plombant d’amérique latine qui tape sur sa peau. Elena, hein ? Qu’il balance, quand il n’est plus qu’à quatre mètres. Il fonce droit sur elle, peut-être bien pour s’assurer qu’elle est vraiment là. Il lui tombe dans les bras, comme s’il s’agissait d’une vieille copine. Cette fille, dont pourtant il ne connaissait rien d’autres que ce qu’elle avait bien voulu lui raconter sept ans plus tôt - c’est à dire pas grand chose. Il entoure ses épaules, qui tremblent, de son bras trop maigre et dépose sur sa joue un baiser de retrouvaille. Il la garde un peu contre lui, comme pour se rappeler encore un peu plus. Réentendre l’air latino de toutes les musiques qui fusaient dans les rues bordéliques de Buenos Aires. Toujours contre elle, il lui confie dans un souffle : J’préférais quand même Sangria. L’un des nombreux prénoms qu’ils s’étaient donné, à l’époque, lors d’une soirée arrosée. Si ses souvenirs étaient bons, Leo s’était ainsi fait appeler Tequila pendant plus de deux jours. Interdit de se donner une véritable identité. Une expérience humaine, qu’ils s’étaient persuadés vivre. On fait tout ce qu’on veut maintenant, on ne se reverra plus jamais ensuite. Alors Sangria, aux côtés de la dizaine d’autres qu’elle lui avait donné, n’était qu’une mascarade. Mais déjà elle se recule et il lui accorde un pas en arrière.

Là il s’en rend enfin compte, maintenant qu’il est juste devant elle. L’insouciance rebelle de la fille qu’il a connu sept ans plus trop n’existe plus, et y a une lumière pétée dans ses yeux. Elle a l’air terrifiée, en fait. Et Leo n’appréhende qu’à moitié ce sentiment, lui qui essaie encore d’assimiler ce qui est entrain de se passer, là maintenant. Son coeur continue de battre. Mais comment tu m’as trouvé ? Il lui avait donné, à l’époque, son nom et son adresse. C’est ce qui avait précipité le départ d’Elena, sans doute. Mais il n’avait pas pu faire autrement. Après trois semaines à vivre ensemble tout un tas d’expérience formidable, son âme s’était emmêlée à la sienne. Leo n’avait jamais su faire autrement que d’aimer, tout le temps. Ne pas mettre de barrière. Ne pas garder la distance, jamais. Et aujourd’hui la voilà. Un peu différente, mais toujours elle à la fois. Si on retire cet air inquiet qui grignote tout le reste. Leo fronce les sourcils. Ca y est, il percute que ce n’est pas une visite de courtoisie, et pourtant y a rien qui s’imprime dans sa tête. Parce que, comment pourrait-il imaginer ? Alors, il se contente de tenter le coup, enfonçant les mains dans les poches de son sarouel : Tout va bien ?
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MessageSujet: Re: retour vers le passé (leona)   retour vers le passé (leona) EmptyJeu 16 Aoû - 21:02

Elle aimerait pas avoir les mains qui tremblent mais c'est plus fort qu'elle, les secousses irrégulières s'en vont et reviennent sans relâche. A cran jusqu'au bout des terminaisons. C'est infime, elle doute que même l'homme qui lui barre la route s'en rende compte, pourtant seule la distance pourrait la trahir. A portée de main si elle tend le bras, le sien est scotché au talkie et aux grésillements qui s'en échappent. Derrière la grille, c'est un concert d'ondes qui se répondent et se font écho. Mais toujours pas de Leo sur la ligne. « S'il vous plait ? » qu'elle presse avec urgence. L'agent de sécurité est trop occupé à la dévisager comme si c'était tout sauf la troisième fois qu'il lui faisait répéter. Elena. Argentine. 2011. Y a rien de difficile à retenir, si sa mémoire à trous peut le faire, elle fout sa main au feu qu'un effort va pas le foudroyer sur place. Elle insiste une dernière fois. Il comprendra – tout à l'exception de son prénom. C'était leur promesse, un soir à Buenos Aires, le pacte sur lesquels ils avaient claqué leurs shots de tequila avant de les descendre. Et ceux d'après, ceux d'après, ceux d'après. Je te connais pas. Tu me connais pas. On était pas nés pour se rencontrer alors on trichera pas avec le destin. Elle se rappelle la brûlure à sa gorge, l'alcool qui trempe ses doigts et coule sur son menton. Elle se souvient d’abattre le verre sur la table comme la sentence d'un marteau au tribunal. Définitif. Et la liberté dans un quart de citron et une pointe de sel. C'était leur promesse, la seule qu'elle ait réussi à tenir pendant toutes ces années. Elle l'aurait soufflée contre les parois d'un cercueil, avouée aux portes de l'enfer si la vie et des dealers argentins en avaient pas décidé autrement. Si Leo l'avait pas déjà brisée en lui révélant son identité, à peine sortis innocents de leur séjour en prison.

Elle s'est déjà envolée à des kilomètres de Savannah quand l'homme porte enfin le talkie à sa bouche. Il s'est éloigné d'elle, bloque les réponses que son oreille attentive pourrait capter. « Leo, c'est John. Y a une nana qui demande à te voir à l'entrée. » Elle adresse son plus beau sourire à John. Il grimace. « Euh, Elena. » Pitié qu'il comprenne, y a pas de plan B. Elle est suspendue aux bafouillements de l'agent. « Ah, elle dit aussi 'Argentine' euh » John relève les yeux vers elle, incertain. C'est si compliqué que ça, John ? « 2011, » elle articule en exagérant. « …'2011'. Oui c'est ça. Elle a dit que tu comprendrais. » Silence et suspens. Elle entend le cœur à ses oreilles décompter les secondes, c'est de la torture ou elle a jamais compris le principe avant. John finit par acquiescer et le verdict tombe. « Il arrive, vous pouvez passer mais vous baladez pas trop loin. » Et il ouvre la grille pour elle, c'est tellement irréel qu'elle ose deux enjambées et s'arrête net après le portail, loin d'elle les répercussions sourdes de l’agression et les inquiétudes. Leo est quelque part dans cette villa, Leo arrive pour la rejoindre. Elle recule devant le jour qu'aurait jamais du arriver. « J'vais attendre là, c'est bon. Merci. » John secoue la tête et s'éloigne. « C'est comme vous voulez. » Il se trompe sur toute la ligne. Elle a jamais voulu ça. Les astres se sont réarrangés dans son sommeil, elle est soulevée par le virage de ce qui était écrit et l'est plus.

Elle est étrangère au nouveau jeu, aux cartes qu'on lui a forcées dans les mains, à la silhouette qui se découpe à quelques mètres d'elle. C'est lui. Elle ignore pourquoi elle plisse des yeux pour s'en assurer, la certitude frappe à sa poitrine. Et sept années, c'est quoi au fond, ils sont encore là-bas. Sous le cagnard, près des étals. A courir à leur perte, une chanson au cœur, la chaleur dans leurs veines, l'inconnu comme unique boussole. C'est Buenos Aires qu'a volé son sourire. Tequila vient de lui rendre. « Elena, hein ? » Y a des allures de mensonge quand c'est à sa bouche qu'elle l'entend. Son sourire faiblit légèrement, elle a l'impression de joindre deux parties de son histoire qu'auraient jamais du se rencontrer. Que Leo va lire en elle ce qu'elle s'est toujours promis de – mal – lui cacher. Elena. C'est elle, et tout le bordel que tu crois entendre derrière les accents ? Elle aussi. Mais il la regarde comme s'il était sourd au vacarme. Après tout elle était déjà perdue, le fameux soir où il l'a trouvée. « Faut croire. » qu'elle lui accorde finalement, un haussement d'épaules qui se fond dans leur étreinte. Figée sur place. Elle l'a pas vu venir. Elle a encore les bras ouverts et Leo contre son corps. Y a trois battements de retard entre le moment où il passe le bras à ses épaules et celui où elle sort enfin de sa transe. Il dépose un baiser à sa joue. Elle soupire de contentement et s'enfonce un peu plus dans ses bras. « J’préférais quand même Sangria » Son rire les secoue tous les deux, la secoue elle, pour toutes les fois où elle a oublié la sonorité de son propre éclat. La lumière qui dort sous ses fissures, même si l'écho trahit son inquiétude. « Leo. » Elle goûte les lettres sur sa langue aussi, pour essayer. C'est fade. Elle se gêne pas pour lui dire. « Ça te va pas du tout. » Et elle pourrait rester là à se remémorer le passé pendant des heures ou retourner la cassette à l'infini. Mais la face qui la hante, c'est celle qui connaît les tremblements de ses bras, le contre-coup des menaces, les mots de l'argentin. Matei qu'ils savent trouver, puisqu'ils savent la trouver. Elle finit par se détacher de Leo et des photos cornées qu'il fait remonter à sa mémoire. Et elle le regarde à travers le sépia. « Mais comment tu m’as trouvé ? » Dans une revue tombée du ciel – sous le coup de son pied plus que de celui du destin. Sans vraiment le chercher, c'est comme ça depuis le début, non ? « J'ai suivi l'odeur des empanadas. » En avaler à s'en donner des crampes monstrueuses, et tout danser à La Boca devant les façades bariolées. Elle pensait pas être nostalgique des couleurs. Elle pensait pas que tout lui retomberait dessus sept ans plus tard non plus. Tout ça pour une histoire vieille comme la cellule dans laquelle ils avaient attendus, bons américains trop crédules. Ça aurait du s'arrêter le jour où on les avait sortis. La nuit où elle avait fait son sac et rejoint l'aéroport. Elle s'inquiète la lèvre inférieure du bout des dents. « Tout va bien ? » Pas vraiment, mais par où commencer ? La promesse qu'elle a faite scelle toujours ses lèvres. Il a pas à savoir à quel point les années l'ont ruinée. « Comme ça a toujours été. Toi ? » Sous son éternelle dégaine, est-ce qu'il a changé ? Il peut tromper le temps, elle y voit que du feu. Elle l'imite et plonge ses mains dans les poches, jette des coups d’œils à la volée autour d'eux. C'est facile de louper quelqu'un dans la foule. Elle vient de le faire. « Dis, la sécurité ici, ça donne quoi ? C'est fiable ? » Et l'assistant qui les dépasse les bras chargés de câbles, il lui paraît pas suspect ? Elle avoue tout à voix basse. « J'viens de me faire agresser par ce gars, il disait vouloir des papiers. Grand comme ça. Sale accent. » Parce que jumelé avec un couteau, n'importe quel accent a pas exactement le même charme. Y a une ride qui naît à son front, elle a sorti une main de la poche et coince les mèches rebelles derrière son oreille. Ça perd de son naturel, quand c'est répété nerveusement. « J'crois que c'est les mecs qu'on a envoyés en taule. Ils sont sortis. » Et d'humeur exécrable, de toute évidence. « J'en suis quasiment certaine. »
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Leonard River

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MessageSujet: Re: retour vers le passé (leona)   retour vers le passé (leona) EmptyVen 24 Aoû - 16:04

Quand ils s’enlacent c’est comme plonger dans du coton. Se souvenir par flash des instants partagés auxquels on ne repense plus jamais ensuite. Elena, ou quelque soit son nom, n’a hanté qu’un inconscient pendant toutes ces années. Elena a partagé un morceau de vie trop loin maintenant. Et elle est ici aujourd’hui, tout revient si vite et les habitudes reviennent. Sa voix est familière, son air, ses intonations. Tout est resté enfoui quelque part pendant ces longues années et resurgit aujourd’hui. Leo. Qu’elle prononce pour la première fois. Ce secret avoué, juste avant son départ, celui qui l’avait précipité parce qu’il n’avait pas respecté le contrat. Leo n’avait pas pu se resoudre à la perdre, même s’il avait bien été obligé de l’accepter plus tard. Leo qu’il avait confié comme une vaine tentative de la retenir. Mauvaise pioche, Elena a fuit si loin qu’il n’aurait jamais pensé la revoir un jour. Ça te va pas du tout. Son rire éclate quand il s’écarte pour enfin la regarder en détail et percevoir toutes ces différences entre celle qu’elle était sept ans plus tôt, et celle qu’elle est aujourd’hui. Il acquiesce, pas tellement en désaccord avec ce qu’elle dit. Même si Leo n’a jamais été plus perturbé que ça par quelque chose d’aussi trivial qu’un prénom. Après tout, il peut parfaitement s’en passer, la preuve en est, avec elle il a eu tellement d’autres identités. En fait, c’est même Leonard. Qu’il avoue en riant. Parce que oui, il a hérité du patronyme de son grand-père à sa naissance. Grand-père qu’il n’a jamais connu, un hippie à la tronche des ZZ Top qui partageait depuis toujours la vie de sa grand-mère. Paraît qu’il lui ressemble, que c’était flagrant à sa naissance. Quoi qu’il en soit ils s’amusent un instant de ce prénom si mal porté. Mais trop vite les lignes creusées du visage de la désormais dénommée Elena, ses traits tirés par une inquiétude qui grignote son sourire et les coups d’oeil incessant sur la fourmillière qui continue de tourner autour d’eux. Leo est habitué à l’agitation. Elena est méfiante, soudainement. Elle n’avait pas peur avant, de rien. Et Dieu sait combien d’expériences peu recommandées ils avaient testé ensemble. Mais la peur se lit sur son visage, Leo le sent. Il est doué pour sentir les gens et leurs émotions, peut-être trop en fait. Leo est une éponge qui se nourrit des autres, en permanence. Comme ça a toujours été. Toi ? Il fronce légèrement les sourcils. Il ne sait pas ce que ça veut dire, ça, parce qu’en fait ils n’ont jamais vraiment su quoi que ce soit l’un sur l’autre. Impossible de savoir ce qui avait amené Elena en Argentine sept ans plus tôt, impossible de savoir ce qui lui donne envie de fuir encore une fois aujourd’hui. Quant à sa question, Leo hausse les épaules. Il sait pas quoi répondre, parce qu’il ne sait pas vraiment où il se place. Il est entre deux eaux, il navigue comme il peut depuis son retour à la vie normale, loin de celle dix fois plus belle qu’il a mené quelques mois en Afrique. Mais le revoilà, comme toujours ramené par l’océan à son port de départ. Dis, la sécurité ici, ça donne quoi ? C'est fiable ? Hein ? Leo ne comprend pas, et David qui passe avec les câbles lui embrouille les idées, il fixe Elena, et au dernier moment se retourne pour appeler son collègue : Hey Dave, dans l’arrière cour les câbles, Tom en a besoin. Il acquiesce et s’en va, Leo regarde sa montre rapidement et repose ses yeux sur Elena : Pourquoi tu me demandes ça ? J'viens de me faire agresser par ce gars, il disait vouloir des papiers. Grand comme ça. Sale accent. Qu’elle balance, Leo ouvre grand les yeux. QUOI ? Qu’il s’étrangle. Cette conversation, et toute cette situation n’a aucun sens. Pourquoi est-ce qu’elle vient le trouver ici ? Pourquoi lui ? Après sept ans d’absence. Il ne fait pas le lien, il ne peut pas le faire, parce que tout est trop poussérieux dans son esprit. Et jamais il n’a pensé aux conséquences de ce qui s’est passé en Argentine, en 2011. Jamais. Il lève une main et prend Elena par le bras d’un air concerné : Mais qu’est-ce qui s’est pas- J'crois que c'est les mecs qu'on a envoyés en taule. Ils sont sortis. Son bras glisse dans le vide, il est comme assommé par une tonne de briques. Il secoue la tête et cligne des yeux, ahuri. Hein ? Quoi ? Qui ?

Et tout revient, encore flou dans son esprit embrumé par le rhum ambré bu en trop grande quantité ce soir-là. Ces deux types rencontrés dans un bar, et eux et leurs 20 ans à peine, en train de parler tranquillement avec eux. Cette histoire de bagnole, de pote à aller chercher à la frontière. Ouais, pas d’problème, on fait ça pour vous. Qu’avait proposé Leo, parce que c’est dans sa nature. Parce qu’il ne s’imagine même pas une seconde qu’il pourrait tomber dans un coup fourré. Ces types, ces deux types qui les avaient piégé. Ces deux types que l’ambassade américaine ont réussi à retrouver et à faire incarcérer à leur place. Leo a oublié leur visage maintenant. Et il a du mal à s’en souvenir. Comment ça tu crois ? Qu’il expire sans trop savoir quoi faire de cette information. J'en suis quasiment certaine. Leo ferme les yeux et se passe une main tremblante dans ses cheveux en bataille. Il tente de faire le point, mais son lui de 27 ans est tout aussi nul pour réagir à la pression que son lui de 20 ans. Que… il s’est passé quoi ? Il t’a dit quoi ce mec ? Qu’il tente en vain de comprendre, pendant que tout se met en place. C’est pour ça qu’elle l’a retrouvé, c’est pour ça qu’elle est ici. Et non pour évoquer de vieux souvenirs. Ils ont été rattrapé par des conneries qu’ils étaient censés oublier.

Leo, on te demande à la régie y a un problème sur le générique C’est son talkie qui grésille, mais Leo ne l’entend même pas avant qu’il se remette à l’appeler. Il regarde le vide sans comprendre ce qu’il est sensé faire maintenant. Il finit par soupirer profondément et attraper le talkie. Pas maintenant Matt. Jeff dit que c’est urgent. Leo soupire et éteint son talkie qu’il accroche ensuite à sa ceinture. Il jette un coup d’oeil par-dessus l’épaule d’Elena, et inspire un grand coup. Viens avec moi. Qu’il ordonne presque en l’attrapant par un poignet.

Il fonce dans la dépendance du jardin. Quarante mètres carré, un lit, des chiottes et des plaques chauffantes pour les invités. C’est aujourd’hui là où vit Leo, jusqu’à ce qu’il se trouve un appartement décent. Il ouvre la porte et laisse Elena entrer la première. Il n’est pas gêné par son bordel permanent, parce qu’il ne s’en rend même pas compte. Il se contente de fermer la porte derrière lui et s’y adosse. Il la regarde, Elena apeurée, Elena qui n’a pas changée. Elle a cet air indestructible et fragile à la fois. Il sait même pas quoi lui dire. Ok, si tu me racontais ce qui s’est passé, d’accord ? Il lâche enfin la poignée et fait quelques pas dans le petit appartement surchargée de déco ramassée autour du monde, surchargé de couleurs à l’air saturé de marijuana. Il attrape d’ailleurs un cône, même s’il ne s’agit que de tabac et le coince entre ses lèvres. Parce que… non j’veux dire... Leo part dans un rire nerveux. Ca fait combien de temps ? Ils peuvent pas nous retrouver, c’est pas possible. Il s’y reprend à quatre fois pour allumer le cône.
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