bloodflow→ Sur les coups de minuit, ses amis s'en vont, rentrent tout doucement chez eux. Lui il a son vélo, attaché à un arbre plus haut, sur la bute. Ils ont tous des trucs à faire le lendemain, ils ont tous une vie à assumer.
Lui le premier. Demain, retour à l'épicerie, demain retour à la vie réelle.
Comme si soudainement, lorsqu'il travaillait, il n'avait plus le droit d'être lui même, qu'il devait s'oublier, au profit du travail. Alors, au lieu de rentrer, de dormir, d'oublier et de recommencer, il préfère s’appesantir sur cette plage, presque abandonnée.
A cette heure tardive, il n'y a plus grand monde, il fait trop froid pour se baigner, personne n'a le courage de tenter un bain de minuit en cette nuit de nouvelle lune. Il n'y a bien quela lumière de son portable, et celle du lampadaire, au loin, pour l'éclairer.
Il se laisse aller à penser, réfléchir à tout et à rien, à écouter juste le bruit des vagues.
Il est bien là, ni à travailler, ni à se prendre la tête, simplement à vivre une vie tranquille, et à attendre sa peine de mort, à l'épicerie.
Doucement, sans trop réfléchir et en faisant attention aux personnes absentes autour de lui, il sort une feuille, sa beu, et se met à rouler. Personne pour l'arrêter, personne pour l'emmerder. Il roule, roule comme une boule de neige, et finalement, il sort son briquet. Au moment où il allume, et où il tire, une silhouette se pointe à l'horizon. Il lève les yeux au ciel. "'Fais chier." Il éteint pas son joint, il le met simplement de côté pour que cette personne, pour peu que ce soit un flic sous couverture, le fasse pas chier.
Il a pas besoin d'une amende.

Tu l’aimais, la plage. D’un amour pur et sincère. Probablement plus pur que n’importe quoi dans ta vie. Avec l’océan, tu ne mentais pas, tu ne trichais pas. Il n’y avait aucune trace de manipulation ou de tromperie, tu le voyais en tête à tête, le laissant caresser ta peau comme personne ne savait le faire, avec plus de douceur et tendresse qu’il ne l’était envisageable avec aucun des hommes que tu fréquentais. Surtout de ceux qui te faisaient vibrer passé minuit.
Il fallait croire que tu ne savais pas toi-même ce que tu voulais.
Ce soir, tes gazelles au bout des mains, tu étais pourtant venue retrouver le doux clapotement des vagues sur le encore sable chaud et faire le plein d’iode comme pour chasser les toxines qui s’accumulaient dans tes artères comme un mauvais cholestérol. Pas envie de traîner en ville ce soir, pas non plus envie de travailler, tu avais inventé une excuse bidon pour ne pas y aller et puis surtout, tu savais que JJ devait sortir de taule. Peut-être ce soir ? demain ? tu ne savais plus trop quand et tu le craignais autant que tu l’attendais. Quand JJ serais dans la nature, tu n’étais pas certaine que l’océan suffirait à apaiser l’atmosphère de Savannah. Ça te plaisait bien dans le fond, mais ce soir, tu ne voulais penser à personne en particulier.
En revanche, tu n’étais pas contre l’idée de rencontrer du monde. Mais pas un gamin, songeais-tu en passant devant le gosse posé dans le sable. Tu serais sans doute passée sans t’arrêter si l’odeur de la beuh ne vint te chatouiller les narines et dessiner un sourire sur tes lèvres. La drogue, ce n’était pas ton délire mais ce soir, t’étais dans l’mood. Rebroussant chemin, tu t’arrêtais à sa hauteur. « Salut. Tu sais que c’est mal de tenter les gens comme ça ? » souris-tu, amusée. T’allais pas jouer à l’innocente, non plus.

bloodflow→ Dans sa tête, ça se répète en boucle. Merde. Merde. Merde merde et merde, il aurait du mieux cacher son joint, ou juste pas fumer sur une plage, faut être franchement con pour faire ça. Pour noyer le poisson, il regarde la mer, avec attention, comme si elle lui parlait, comme s'il était plongé dans sa contemplation.
Mais bien évidemment, ça ne trompe personne.
Une jeune fille se poste devant lui. Elle ressemble à une figure de magazine, ce qui le fout assez mal à l'aise. Il saurait pas dire pourquoi, mais il a toujours été un peu dérangé par les gens trop beaux, comme s'ils avaient aucune faiblesse, qu'on pouvait les attaquer nulle part. Pas qu'il ait franchement envie d'attaquer cette pauvre fille hein, juste qu'il a toujours l'impression d'être pas assez, d'être jugé.
Et elle lui adresse la parole. Sa voix est neutre, son regard aussi. Elle a juste envie de fumer. Il la regarde, il sait pas ce qu'il doit faire.
Il soupire.
Il se dit, bêtement, qu'elle a peut-être réellement besoin de se détendre, alors il demande : "Donne moi une bonne raison de te filer une taffe." Que ça part par en live pour rien.

T’étais pas trop branchée came même si t’avais un joli paquet d’blanche bien planquée dans la poche d’un jean dans ta penderie mais t’étais jamais contre quelques taffes. Pour le plaisir comme ça. Ce soir, faut croire que t’étais d’humeur mais le spliff n’était jamais aussi bon que quand il venait de quelque d’autre. T’étais comme ça, michto jusqu’au bout. Puis toute manière, l’gosse avait quoi ? douze ans ? Pas d’son âge de fumer des bédots tout seul. Tu n’pouvais pas laisser passer ça. Trop belle occasion d’lui tirer quelque chose.
Il ne semblait pas du même avis que toi mais t’étais une coriace, tu t’contentais jamais d’un non. Y’en avait qu’un pour te dire non et ça te faisait déjà bien assez chier, pas question que ça devienne une habitude. Surtout pas de la part d’un gamin qui avait la moitié de ton âge ! Te mettant à son niveau, en équilibre sur tes pointes des pieds, tu lui servis un joli sourire « Parce que je dois vérifier que c’est de la bonne »
Ce n’était sans doute pas la meilleure des raisons mais toi, tu la trouvais plutôt pleine de bon sens. Bizarrement, tu te doutais pourtant qu’il ne se contenterait pas de si peu alors tu haussais des épaules, humectant tes lèvres d’un furtif coup de langue. « En plus, ça craint de squatter tout seul, après tu vas avoir le spleen et y’aura personne pour t’empêcher d’sauter tout habillé dans l’eau. J’sauve une vie là si ça s’trouve. » poursuivis-tu d’un ton grave, loin, très loin d’être sérieuse. T’étais pas le genre à te prendre la tête.

bloodflow→ Respire juste, avec un peu de chance, elle intimide juste, et elle va s'en aller.
Certainement jamais, il se fait des idées, optimiste comme il est. Mais ouai, il tente le tout pour le tout, une bonne raison. Si elle doit rester, autant que ce soit pour une bonne raison. Il fume pas avec n'importe qui, si elle compte rester, il veut bien en savoir le plus possible sur elle, découvrir une autre amatrice de beu de Savannah pourquoi pas. Au point où il en est.
Puis, elle s'accroupit à son niveau, sur la pointe des pieds, comme une danseuse en équilibre. Il regarde ses pieds, peut-être qu'elle est ballerine, danseuse étoile. A voir sa gueule, certainement pas, il se fait des idées. Il adorerait qu'elle lui dise "alors en fait, je veux fumer avec toi parce que demain je repars direct pour la Russie, où j'étudie au Bolchoï, et j'ai les pieds en compote, mais je vais danser pour Poutine alors c'est cool." Ouai, elle a pas un accent russe, c'est peu probable.
Puis elle répond. Et mine de rien ça le fait rire, qu'elle sauve sa vie. Par contre elle a définitivement pas un accent russe, ce qui est fort dommage. Alors il tire sur le joint, et lui laisse une place à ses côtés : "Si tu me sauves de la pneumonie, alors t'as mérité ta place." Il lui tend le joint, et il la regarde, un court instant. Il peut pas s'empêcher, il dit : "Est-ce que tu danses ? Genre danse classique ?" Il ajoute, trop sérieusement sans doute : " Please, dis oui." Un pari à lui même.

Tu attendais sagement sa réponse. Tu n’étais pas d’humeur à jouer la carte de la provocation, encore moins celle de la séduction, non pas qu’on t’en avait fait passer l’envie mais le gamin, il était beaucoup trop jeune pour ça. T’avais un tas de vices, qu’on se le dise, mais tu ne le prenais pas au berceau ! Non, l’idée ne te traversa même pas l’esprit, tu avais juste envie de profiter un peu de sa beuh et peut-être bien que ça te ferait du bien d’échanger quelques mots avec quelqu’un que tu ne connaissais pas. Et surtout qui ne te connaissait pas en fait. Puis même, vous n’étiez pas obligés de parler non plus, juste vous refiler le joint dans la nuit. Ça t’allait tout aussi bien.
Puis enfin vint le moment que tu attendais : celui où il te cédait. Tu n’en demandais pas plus pour aller t’installer à ses côtés, un sourire ravi te fendant le visage en deux. Il te suffisait de peu pour te ravir et tu pris avec délicatesse le joint pour le porter à tes lèvres, tirant dessus en prenant ton temps, laissant la fumée envahir tes bronches, faire son chemin puis te revenir entre les lèvres. « Promis, je te laisserai pas crever » souris-tu tandis que la fumée t’échappait de la bouche avant que tu n’en souffles la fin, lui rendant son joint comme le voulait la politesse. Tu ne ferais pas ta pute avec lui à t’accaparer son précieux. Sa question eut de quoi te surprendre, peut-être bien que ce n’était pas son premier joint ? Tu te gardais néanmoins bien de te foutre de sa gueule, hochant du menton. « D’ici une heure si tu veux je te montre » promis-tu d’un sourire espiègle en lui reprenant le joint pour une nouvelle latte. Le pauvre serait sans doute déçu, tu savais bouger ton corps oui mais tu n’avais sans doute pas la grâce des ballerines. Pas dit que danser aux raves party des Love soient considéré comme de la danse. « Tu viens souvent ici ? J’aime trop la mer » annonçais-tu en regardant l’étendue noire devant toi. « Peut-être que ce sera à toi de me retenir à la fin. Tu me laisseras pas me noyer, hein ? »

bloodflow→ Puis, doucement, et c'est sans doute une vue de l'esprit, mais elle semble s'adoucir, à mesure que les vagues se font de plus en plus lointaines. Ou peut-être que c'est la drogue qui, doucement, lui fait perdre le sens des réalités.
Et puis, cette promesse, qui sonne pas faux, pas comme une promesse en l'air. Ca le fait sourire, de se dire qu'une inconnue risquerait peut-être sa vie pour le sauver. Ce serait bien la première fois que quelqu'un le protégerait, lui. Lui qui a tant l'habitude d'être protecteur envers tout et tout le monde, de finalement, ne pas voir la couleur du danger pour les autres, et de le frôler en permanence. Comme un gosse qui grandit trop vite en réalité.
Puis, elle explique que dans une heure, visiblement, elle dansera. Il hausse les sourcils, en reprenant son joint. " J'ai hâte de voir ça." Il lui sourit, et ajoute : " J'sais pas, t'as l'air d'une ballerine un peu."
Et puis elle continue, elle explique qu'elle aime la mer. Elle a pas l'air d'être une personne de la nature, plus une citadine par excellence, mais ça, il ne lui dira pas, elle pourrait mal le prendre. Il la regarde. Et dans sa voix, il sent, pour la première fois, une certaine faiblesse. Ce genre de truc qu'il est capable de repérer à des kilomètres, parce qu'il écoute attentivement. Il se tourne vers elle. Ca l'air d'un appel à l'aide, d'une sirène. Il souffle, sur une pointe d'humour : "C'est c'que chantent les sirènes." Il imagine, dans la mythologie, que c'était ce que disaient les sirènes, pour que les marins viennent les sauver, et ils mourraient tous, noyés. Il ajoute : " Mais moi je tombe toujours dans c'genre de piège. J'te laisserai pas te noyer, même si t'étais une sirène, t'inquiètes." Parce que c'est dans sa nature, il sait pas faire autrement.
Sirène, ballerine, elle a beaucoup d'étiquettes pour aucun prénom.

Tu ne demandais pas beaucoup plus que ça, juste une petite soirée tranquille sans penser à rien et oublier le reste du monde, comme si rien n’avait jamais existé autour de vous. Vous étiez juste là, posés dans le sable à vous partager ce joint comme si lui seul vous permettait de survivre. Vous étiez peut-être deux extra-terrestres tombés sur Terre par hasard, vous rendant compte que vous veniez de la même planète ? Ce serait vraiment trop drôle comme hasard. Tu n’étais pas encore assez faite pour y croire mais tu aimais imaginer cette plage coupée du reste du monde. Une bulle connue de vous seuls, avec personne pour vous déranger. Personne pour vous faire du mal non plus.
Alors sans trop prendre de risque, tu lui promis de danser mais pas tout de suite. Tu n’avais pas envie de bouger maintenant mais tu ne lui mentais pas pour autant. Tu n’aimais pas décevoir les gens, même s’ils avaient une bouille d’enfant. Sa remarque rêveuse eut d’ailleurs le mérite de te faire sourire. « C’est vrai ? Je ne sais pas trop » je suis trop vulgaire ils disent, rien qu’une pute. Terminais-tu en silence, laissant un instant ton regard couleur piscine se perdre dans l’étendue noire qui n’en finissait plus dans l’horizon, perdu entre Terre et Ciel. Tu savais ce qu’il y avait de l’autre côté, il y avait la maison. Papa et Maman, tes anciens frères aussi, quelque part à vivre leur vie en se demandant peut-être ce que vous faisiez en ce moment même, Cal et toi. « Hum ? » fis-tu te rendant compte qu’il t’avait parlé. De Sirènes. « Tu es en train de me comparer à un monstre ? Fais gaffe à ce que tu dis ! » prévins-tu en pointant un doigt devant lui, un sourcil arqué mais un petit sourire flanqué au coin des lèvres. Tu ne le prenais pas vraiment mal, il avait raison au fond : t’étais jolie quand tu voulais quelque chose mais à l’intérieur, tu n’étais pas belle. Tu n’étais rien. Le garçon repris pourtant et tu le regardais un long moment sans rien dire. C’était beau ce qu’il disait là. On ne t’avait jamais rien dit d’aussi beau en fait. « Ne t’inquiète pas Sinnerman, je suis nulle comme sirène, c’est toujours les pêcheurs qui gagnent avec moi » soupirais-tu avant de lui adresser un joli sourire, un peu cassé sans doute, comme toi.

bloodflow→ Il est certain que la mer a le don d'apaiser les tensions, les âmes aussi. La sienne, celle de son acolyte, qui doucement, se laisser aller à des confessions. Ce, tu me laisseras pas me noyer, sonnait à la folie comme un appel au secours...
Mais c'est sans doute la drogue, le contexte, et puis sa manie de vouloir sauver tout et tout le monde, qui lui inspirent ces pensées étranges. En fermant les yeux, il peut prendre entendre la mer qui s'écrase, de l'autre côté de la terre, en Angleterre. De nouveau, une vue de l'esprit, ou un rêve, il n'en sait rien.
Et puis, elle se rebelle un peu, frustrée d'être comparée à un monstre. Mais elle sourit, hausse un sourcil, dans une expression étrange, amusée certainement. Il y connait rien aux sirènes, alors il improvise : "Un des plus beaux monstres jamais créé dans le bestiaire, et tu te plains ?" Certainement, il n'y a pas à se plaindre quand des marins se jettent à la mer pour vos beaux yeux, que votre voix a la puissance de renverser des empires, et que les empires se damneraient pour vous écouter sans en mourir.
Peut-être qu'elle est vraiment pareille, qu'elle fait tourner les têtes et les coeurs, qu'elle abuse de son pouvoir et de ses charmes, et que pour ça, elle est triste. Condamnée à ne trouver le repos que face à la mer...
Et doucement, Isaac se reprend à penser trop vite, trop fort, à imaginer des histoires, comme il en a si souvent l'occasion. Il la regarde, de côté. Et puis elle dédramatise, explique que ce sont les pêcheurs qui gagnent toujours avec elle. Elle l'affuble d'un drôle de nom. Il fronce les sourcils. "Sinnerman, ça veut dire quoi ?" Il sourit, et il ajoute : " D'ailleurs, c'est quoi ton nom ? Moi c'est Isaac."

Tu ne regrettais définitivement pas de t’être arrêtée et assise auprès de lui. Ce gosse sorti de nulle part te faisait un bien fou, à moins que ça ne soit son joint qui apaisait ton âme meurtrie, bien cachée derrière tes grands sourire et tes grands mots. Le pauvre n’avait pas idée sur qui il était tombé et tu te garderais bien de lui dire, profitant simplement de l’ambiance doucereuse de la soirée. Il ne faisait même pas froid, le sable était encore chaud et du plat de la main, tu le caressais délicatement, laissant les grains recouvrir tes doigts. Tu n’avais rien touché d’aussi doux, comme du coton tiède. D’ailleurs tu avais l’impression que l’air en personne te léchait la peau de sa douceur chaleureuse. Tu te sentais juste bien, les pensées flottantes sans réellement trouver de prise.
Le débat lui-même avait quelque chose de surréaliste mais tu étais ravie de pouvoir en discuter avec lui. Ton enfance n’avait pas été des plus joyeuses et sous l’autorité de ton père, tu n’avais eu pour seuls amis que ceux trouvés dans les livres. L’Odyssée n’avait plus de secret pour toi. Doucement, tu tournais alors le visage vers le garçon, posant ton visage sur ta paume accoudée à ton genou. « Un monstre reste un monstre, même s’il a un joli sourire » argumentais-tu avant de laisser ton regard se perdre sur la contemplation des poils de ses jambes, puis dans le vide. « Mais je suis d’accord avec toi, j’suis une sirène alors. » C’est mieux que pute. Tu laissais un sourire se dessiner au coin de tes lèvres. « Et toi, tu es quoi comme bête ? » Tu ne savais pas trop, là tout de suite…quoique, il te paraissait plutôt être Pégase : d’un joint tu l’avais rejoint et montée sur son dos, façon de parler, il t’avait emmenée vers d’autres cieux.
Sa question te ramena pourtant à lui et tu fis un petit mouvement d’épaule. « Peu importe. Moi c’est Meadbh, ou May, comme tu préfères. Tu m’as pas répondu, tu viens souvent ici ? »

bloodflow→ L'odyssée, il ne l'avait jamais lu. Mais, petit, il avait un bestiaire de la mythologie illustré, un truc parfait, avec des centaures, des harpies, des minotaures et autres sirènes fabuleuses. Alors oui, il imagine la jeune fille avec un soutien gorge de coquillage, et une queue de poisson. Et puis, étrangement, ça a plus de sens qu'il ne le pensait au début. Une sirène vit dans la mer, et elle l'a dit elle même, elle adore la mer. Une fille de l'eau, l'eau faite pour elle. Et lui, s'il devait se trouver un élément, il serait probablement la terre. Un élément qui ne change vraiment jamais, un milieu, un protecteur. Quelqu'un d'attentif, de patient.
Un roc, sans doute, et ça le fait sourire. Il s'imagine avoir raison à propos d'elle, alors qu'il ne la connait que très peu. Il tire une nouvelle taffe sur son joint, et lui tend.
Elle le ramène à la réalité. Elle a raison. Un monstre est un monstre, peu importe son sourire. Il fronce les sourcils et glisse : " Alors, oui mais non, regarde Méduse, elle était victime d'un sortilège c'est ça qui la rendait monstrueuse. Ca peut être pareil pour les sirènes on en sait rien." Il fronce les sourcils, et il ajoute : " Peut-être que t'es victime d'un sortilège." Et doucement, il en est certain, il gagne sa confiance, ou tout du moins un sourire de sa part. Et à la question qui suit, il sourit, et répond : "C'est pas à moi de répondre à cette question. Toi, t'en penses quoi ?"
Et puis, alors qu'elle tire sur le joint, il étend ses jambes, s'appuie sur ses bras en arrière. Il la regarde. Il fronce les sourcils. Il a jamais entendu un nom comme ça. " May, d'accord." Il préfère pas écorcher son nom, mais ça lui brûle les lèvres de demander d'où il vient, ce nom si harmonieux. Alors, au lieu de s'embourber dans une question indiscrète, il répond : " Je préfère la forêt, les lieux abandonnés, tout ça." Il se marre. " Basic teen." Il le jure, il est à deux doigts de lui montrer sa chaine youtube d'urbex.

Le gamin n’avait pas l’air très au courant de la mythologie grecque et tu soupirais doucement en regardant la surface lisse de l’eau. Y’avait qu’avec la weed que tu devenais experte en bestiaire ancestral. Ça ne t’arrivait jamais ça, dans la vraie vie, de penser à ces vieilles histoires qui avaient animé ton imagination de gamine. Ça avait quelque chose de réconfortant à repenser à ces vieux souvenirs d’enfance, quelque chose de chaleureux même. Cette dernière n’avait pas été des plus drôles alors ces histoires fantastiques, tu les avais aimées et vécues avec toute l’intensité dont tu étais capable et tu souriais sans même t’en rendre compte, dodelinant lentement de la tête. Et comme une musique bien accordée, tu pris le joint pour le pincer entre tes lèvres, laissant sa théorie faire son chemin dans ton esprit. Oui, Méduse avait été rendue ainsi mais tu ne voyais que la finalité : qu’importe qui elle était à sa naissance, à sa mort, elle ne serait plus qu’une créature dont plus personne ne voudrait. Toi, tu ne retenais que ça du mythe et c’était bien la raison pour laquelle les hommes avaient fini par se détourner des dieux. Ils étaient cruels et se jouaient de vous comme des marionnettistes.
Te tournant un peu vers lui, tu lui souris doucement en posant ta tête sur tes genoux relevée devant ta poitrine. « Tu sais quoi, change pas ta manière de penser » conseillais-tu. Tu ne partageais pas son point de vue mais tu ne saperais pas sa bienveillance. D’ailleurs tu ne tardais pas à donner ton propre diagnostique. « Pégase. Tu m’enmène hauuuuuut » souris-tu en dévoilant toutes tes dents, amusée par la comparaison. En plus, toutes les fillettes aimaient les chevaux.
Te présentant en bonne et due forme, tu intégrais son prénom en le faisant rouler dans tes pensées. Isaac. Isaac l’adorable. A moins que ce soir Mary-Jeanne qui le rendait doux comme une fleur de coton. Tu finis d’ailleurs par rire doucement. « Attend, tu es le genre à visiter les cimetières les soirs de pleine lune ? » tant qu’il ne sacrifie pas les vierges hein hahahaha. Non. Tu n’allais pas lui donner l’idée. « S’il te plait, dit que non, j’ai mon lot de chelous pour un petit moment là »

bloodflow→ Change jamais ta manière de penser.
C'est bien la première fois qu'on lui dit ça de toute sa vie. Lui qui ne brille pas par son excellence, qui rêverait d'avoir l'intelligence d'une Ruby, la répartie d'un Sal, ou le mystère et l'attirance d'un Ariel. Ce sont ces gens qu'il admire, même cette fille, qu'il connait depuis une quinzaine de minutes à tout casser. Elle a tout de mieux que lui, elle a l'art, la manière, même le visage de quelqu'un à qui il voudrait ressembler. Tout et tout le monde ont l'air mieux que lui, c'est le propre de l'adolescence, n'est-ce pas ?
Alors qu'on lui dise de ne pas changer sa manière de penser, alors qu'il est en échec scolaire et incapable de tenir une conversation logique, incapable de pas tomber fou amoureux des inconnus, et même de manger à sa faim. C'est une épave, et il est même pas majeur.
Mais elle, elle trouve qu'il a une bonne manière de penser, alors, naïvement, il a envie d'y croire. De se dire qu'il est pas si con, et qu'elle a raison, il est unique. A special snowflake, oui bien sûr. Il a presque envie d'y croire, quand bien même il trouve ça complètement con.
Pégase.
Il la regarde, en souriant." Pégase ? Sérieux ?" Il se marre un peu, et il regarde le ciel. Et puis, il ajoute : " C'est pas moi, c'est la beu." Mais mine de rien, ça lui fout du baume au coeur, d'être comparé à ce cheval céleste. Pourquoi pas, après tout. C'est tout ce qu'il voulait, un peu de réconfort. Il écoute ce qu'elle dit ensuite, et il se sent soudainement un peu débile. Il préfère jouer cartes sur table, quand bien même, elle aurait envie de se tirer après ça. " Cimetière en pleine nuit j'ai déjà fait ouai, mais je préfère les lieux abandonnés. Tsais les immeubles, et puis les trucs un peu hantés ouai. " Il se marre, en passant une main dans ses cheveux, en s'asseyant en tailleur. " T'es libre de partir après ça, si tu veux pas côtoyer un chelou en plus." Il se dit tout de même qu'il a de quoi mettre tout de son côté. Alors il sort son portable, puis rapidement, il accède à sa chaine youtube. " J'ai même une chaine youtube avec mes urbex. Est-ce que j'abuse ? Oui sans doute." Tant pis.

Tu l’aimais bien ce garçon, il était tout doux, tout mou. Y’avait pas de mot de trop, encore moins de mot trop haut. Il ne te criais pas dessus et n’avait pas non plus les yeux qui tuent. Il ne pensait à rien de mal et dans ton petit monde où tout allait de travers, ça sonnait presque anormal. Alors ouais, qu’il ne change pas, parce qu’après, tu serais obligée de devenir mauvaise, montrer ton vrai visage derrière tes beaux apparats.  Oh tu ne te plaignais pas de ton entourage, tu aimais l’explosivité de JJ, la folie violente de Knox, même le cafard avait fini par faire sa place dans ton horizon, éveillant en toi milles envies de vengeance. Beaucoup relevaient du fantasme, comme on s’amusait à imaginer le crime parfait mais tu te prenais un malin plaisir à ce jeu-là. 
Ce soir, t’étais pourtant loin de toutes ces conneries, le joint te faisait du bien, tu te sentais apaisée et tu en sortais un paquet, de conneries. Le gosse riait d’ailleurs à ta comparaison. Tu n’avais pas imaginé de sous-entendu grivois mais tu souris à l’évocation du vrai coupable de cet état. « Oui d’accord mais j’aurais aussi pu m’taper un bad. » argumentais-tu avec un sourire entendu. Il avait sans doute raison mais toi, t’étais trop high pour vouloir le remettre en question. Enfin ça c’était avant qu’il ne commence à te parler de son hobby étrange. Visiter des lieux abandonnés ? Heu ouais pourquoi pas. C’était pas trop ton trip en dehors du bloc et encore, on pouvait difficilement dire qu’il était abandonné quand vous étiez milles âmes à s’entrechoquer les unes contre les autres. « ahhh ouaaaaais je vois, ça à l’air sympa » absolument pas en fait mais tu fis un sourire que tu espérais convainquant, te passant une main sur le visage, ricanant un peu. « J’avoue tu deviens chelou là, je comprend même pas de quoi tu m’parles, tu fais quoi ? » qu’est-ce qu’il allait foutre dans des lieux abandonnés avec des chauffeurs d’uber ? Ou urbex ? Tu ne captais plus rien mais dans le doute, tu ris avant de te lever d’un bond, chanceler un peu avant de rire de plus belle. « Allez chose promise, chose due ! »

bloodflow→ Sans doute qu'il va trop loin, mais quand on est jeune, c'est souvent comme ça. On contrôle peu ses passions, on a toujours envie d'en parler, de les expliciter, de rendre visibles, au grand jour. Pauvre May, ça tombe sur une inconnue qui n'a rien demandé, et qu'il agresse de son portable, de ses images qui foutent un peu la trouille en plus. Il lui sourit toujours un peu, pour ne pas dramatiser sa situation. D'ailleurs elle elle s'en rend compte, elle balance que ça a l'air sympa avec tout le sarcasme du monde. Il remballe son portable en levant les yeux au ciel, l'air de dire, crois moi, tu sais pas c'que tu loupes. Si elle comprend pas, c'est son problème, tant pis, Pégase ne partagera donc pas sa passion avec le commun des mortels, avec les commun des plus belles.
Sans doute que ouai, elle est trop canon pour comprendre les trucs de geek, un peu compliqués. Les trucs d'ado bien, ou mal dans leur peau, qui rêvent de fantaisie et de vivre d'autres vies.
Il la regarde, alors qu'elle se redresse, et qu'il tire une dernière taffe sur le joint, avant de l'écraser dans le sol et de le foutre dans la poche avant de son sac. Il l'avoue pas, mais cette poche est en réalité : un cendrier. Surprise surprise, il fume trop pour un gosse, et il préfère ne pas polluer les belles plages de Savannah. Un grand sourire illumine son visage alors qu'il la voit debout, prête à danser. Ses yeux s'illuminent, il se redresse : " Oh oui !" Il sort l'enceinte de son sac, et lance un musique, au pif. Pas le lac des cygnes, mais plutôt wake me up, before you go go, de quoi lui donner un bon début de rythme. De voir un peu ce dont elle est capable.

Tu ne comprenais pas bien sa passion pour les lieux abandonnés mais peut-être que si tu les découvrais à travers son regard, tu y verrais les histoires oubliées qu’ils regorgeaient, tu y imaginerais les âmes qui y avaient vécu ou peut-être travaillé. Peut-être que tu t’amuserais même à leur redonner une histoire, quitte à l’inventer ? Peut-être, tu n’en saurais probablement rien parce que tu n’avais pas l’intention de lui demander de te montrer. Tu étais quasiment certaine que ça t’ennuierait. Tu n’étais pas une fille du silence, tu avais trop besoin de gens autour de toi pour te sentir bien dans un coin paumé et dont la nature avait repris ses droits.
Tu n’avais pourtant pas cœur à lui dire que tu t’en foutais un peu, regardant les images qu’il te faisait défiler, lâchant tout juste quelques petits commentaires universels pour feindre un intérêt poli. Une chance (pour toi) qu’il s’arrête de lui-même. Tu profitais d’ailleurs de ce temps mort pour sauter sur tes pieds, écartant un peu ces derniers pour bien te camper dans le sable et ne pas chanceler. C’était agréable, de sentir les grains de sable qui venaient se loger entre tes orteils. Tu baissais d’ailleurs un instant les yeux pour regarder ce qui te procurait de telles sensations. Ce fut pourtant de courte durée, tu n’avais pas oublié ta promesse, celle pour quoi tu t’étais levée.
Isaac ne se fit pas prier pour te rejoindre et tu ris à la vue de son matériel. « Bah dis donc t’es pas un rigolo toi ! » il ne laissais pas place au hasard : il ramenait toujours sa maison avec lui ? Tu ne t’en plaignais pas néanmoins et attendant qu’il se choisisse une musique. Le son ne tarda pas à jaillir et il te suffit de quelques instants pour reconnaître le morceau, ce n’était pas trop ton style mais elle était facile, le rythme était tellement simple que tu n’eus aucun mal à te calquer dessus malgré le joint fumé, tes bras tu les balançais en rythme avec tes hanches, tu savais faire ça, c’était un peu ta marque de fabrique. « Bah alors, reste pas planté là ! » grondais-tu, un sourire flanqué aux lèvres, l’invitant à te rejoindre sur le rythme. « Alors, je danse assez bien pour toi ? »

bloodflow→ Ce sont définitivement les meilleures vacances de sa vie. Pour des raisons diverses : l'urbex, le taffe, les potes, la plage, la forêt, l'argent qu'il se met de côté. Et puis, pas de cours, c'est toujours quelque chose qui met de bonne humeur, de ne pas avoir à affronter de test, les regards désespérés des profs, les mon dieu tu vas rien faire de ta vie, et la tristesse éhonté de la mère, en mode bon bah j'aurais pu avoir un génie, j'ai eu un petit con qui fume de la beuh sur des plages avec une inconnue. Tout ça. Ouai tout ça, ça fait beaucoup qui se bouscule dans sa tête, mais il devient philosophe que à ses heures perdues, et l'heure devant May, elle est pourtant pas perdue.
Il la regarde se redresser, se relever, laisser tomber les masques et la bienséance. Y'a pas de bienséance qui tienne entre deux personnes qui fument en toute illégalité, qui viennent de se rencontrer. Toutes les barrières sont brisées, c'est des labyrinthes cassés à coup de fil d'Ariane.
Il la regarde, avec un sourire immense, parce que la voir danser sur cette musique, ça lui fout la pêche, ça lui fait du bien. Elle est un peu hésitante, au début, elle y va doucement. Puis, elle se laisse un peu aller, il le sent. Surtout quand elle lui lance, reproche en plein coeur, qu'il doit se redresser pour ses beaux yeux. Alors il le fait, se met sur ses deux jambes. Il répond, une fois debout : " Super, super bien !" C'est pas une danseuse étoile, mais ça vient.
Et il se met à danser, alors en rythme. Sur le bang bang bang, il donne trois coups de hanche, sur les côtés, descendant sur ses genoux. Puis il recule un peu, marque chaque temps, d'un coup de tête, d'un coup de pied dans le vide, d'un coup d'épaule aussi. Un truc qui ne ressemble à quelque chose que dans sa tête, qui est grandiose devant l'univers, peut-être devant May. Il capte son regard, et il sourit énormément. Parce qu'il est énormément bien et énormément défoncé.

Maintenant que tu étais levée et que tu bougeais au son de la musique hurlée par le portable d’Isaac, tu laissais d’autres sensation te prendre d’assaut, celles du sable chaud qui refroidissait lentement, privé du soleil, celle des percussions et du rythme endiablé de la musique, celle d’être libre de faire ce dont tu as envie sans personne pour te juger. Ce n’était pas pareil qu’aux Londonniennes. C’était différent, moins agressif, moins bestial, plus calme, comme si vous étiez dans une bulle. Peut-être que ça te ressemblait moins aussi à bien y regarder. Tu avais beau être douce aux premiers abords, tu avais conscience que dans tes pensées, c’était le chaos. Un bordel sans nom que tu ne cherchais même pas à réorganiser. Tu subissais ta vie et tes emmerdes sans même tenter de t’en échapper, acceptant le destin comme une fatalité. C’est sans doute ce qui t’aidait à te relever à chaque fois aussi facilement, tu prenais les choses comme elles venaient et tu t’accommodais à tout. Même à n’importe quoi.
Alors quoi de plus normal que de danser sur une plage avec un gamin ? Avec la Mary Jeanne pour détendre et vous souffler des idées saugrenues, tout te semblait être une bonne idée ce soir. Alors tu bougeais en rythme avec la musique parce que même high, la musique t’habitait. Sans doute parce qu’elle chassait les fantômes dans ta tête. Puis Isaac se mit à danser aussi, comme une poupée désarticulée, libérée de ses fils et de son marionnettiste, il s’emballait jetant un bout de son corps un peu à droite, un peu à gauche, un peu n’importe comment. T’étais pas assez nette pour savoir s’il gérait ou pas mais c’était drôle, alors tu ris, à gorge déployée. « Ah ouais tu donnes tout ! » lançais-tu avant de te détourner pour te laisser tomber dans le sable. Tant pis les grains de sable dans les cheveux, et dans tes vêtements. Puis profitais juste un peu davantage de la chaleur du sol, attrapant des poignées pleines avant de laisse le sable retomber en colonne. « j’adore le sable, il est tout douuuux »

bloodflow→ Il réfléchit plus, il en est plus capable. Doucement, son esprit s'embrume, et c'est parfait, et c'est tout doux. C'est du coton, c'est se foutre en l'air quand on a encore le cerveau formation. Éteindre le monde autour de lui, étreindre l'univers dans ses bras. Ne plus entendre que le rythme.
Le rythme qui bat le sol.
Le sol qui bat le rythme, il sait plus, les vagues au loin, qui dansent en cadence, avec lui. Il sait plus, mais la cadence, c'est un truc qui connait, un truc qui lui plait.
Il regarde May danser.
Elle est trop belle pour lui, elle est trop belle pour trainer avec des inconnus, c'est tout ce qu'il se dit.
Et s'il était sobre, oh il lui poserait des questions par centaines, des pourquoi t'es seule sur la plage en fait ? Pourquoi t'es là, au milieu de l'été, à te les cailler avec un gosse qui a rien demander ? Pourquoi tu demandes à planer, alors que t'es belle à en crever, que tu pourrais crêcher chez ton mec. T'as un mec ? De la famille ? Des amis ?
Pourquoi, pourquoi t'es là.
Un jour il lui demandera, si un jour il la recroise.
De la suite, il ne se souvient pas vraiment. Il s'allonge à côté d'elle, ils regardent les étoiles, mais tout est flou, brumeux. Il s'endort, à la belle étoile, avec elle,
et lorsqu'il se réveille, la belle étoile a disparu.