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| tissés dans le vent (ltf) | |
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petit poney ▹ posts envoyés : 2027 ▹ points : 56 ▹ pseudo : zoé (baalsamine) ▹ crédits : hoodwink(avatar) & sial(sign) ▹ avatar : Taylor Lashae ▹ signe particulier : cicatrices sur tout le corps qu'elle tente maladroitement de cacher, souvenirs d'épisodes de folie désespérée. Une voix douce, des doigts de fées, une chaleur humaine parfois trop brulante. Syndrome du Saint Bernard qui colle au coeur.
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| Sujet: tissés dans le vent (ltf) Ven 10 Aoû - 0:54 | |
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(I) Quarante-trois ans et quelques poussières, un cœur qui bat toujours trop fort, quelques rides au coin des yeux qui s’installent lentement et des cheveux indomptables, tressés savamment . Quarante-trois ans dont 27 ans de sursis. Les doigts qui suivent doucement les trainées blanchâtres le long de son avant-bras, les cicatrices qui ternissent avec le temps, mélangées à l’encre des tatouages un peu vieillis, couleurs qui s’estompent sous l’épiderme. Elle est en paix. Depuis un petit moment déjà. Au final elle n’a jamais quitté Savannah. Elle n’a pas pu, même après les différents voyages, tous les pays visités, les villes arpentées. Elle n’a pas pu non. Toujours trop attachée aux racines, comme un caprice éternel de vouloir rester là où ils sont. Sa mère, son père, et puis les autres, ceux qui sont encore vivants. Parfois elle repasse devant leur vieille maison, bâtisse aujourd’hui occupée par une nouvelle famille, ça hurle de partout à travers les carreaux, elle a sourit la première fois qu’elle a entendu les cris. Non elle n’a pas pu, se détacher de tous ses souvenirs, faire table rase du passé. Elle n’en a pas eu besoin au final, le cœur apaisé quand il a promis de rester là, avec elle, quoi qu’il arrive. Combien de temps déjà ? Surement vingt ans. Ou peut être un peu moins. Quelques années pour caler la chose, ils n’ont jamais été doué avec leurs timings décalés, il a fallut quelques ratés pour finalement ne plus se lâcher. Elle a refusé les enfants. Incapable de se décider de porter cette responsabilité, la peur un peu trop présente de rater quelque chose, un tournant, prendre un mauvais virage malgré les médicaments. Elle a refusé les enfants, égoïstement aussi, un peu, l’impression d’avoir vécut sa vie à l’envers, 30 à élever une famille impossible, y a plus rien aujourd’hui qui reste pour les autres. Juste assez pour elle, pour lui. Au fond ça lui convient très bien. Les enfants il y a toujours ceux d’Elena, de Iulia, de Serghei aussi. Tante un peu trop gâteuse, celle qui a toujours les poches pleines de surprises pour ceux qui partagent son sang, le cœur bordé d’amour, le sourire collé sur les lèvres. Tu te demandes parfois si on aurait dû essayer ? On peu toujours, il est pas trop tard « Hmm. On est bien comme ça » alors qu’elle repose sa tête contre sa poitrine, petit sourire satisfait alors qu’elle regarde les enfants courir sur le sable, chasser les vagues avec témérité. A la place elle a continué à danser. Pendant 5 ans après son arrivée. Elle a dansé tout ce qu’elle a pu, avec cette famille bricolée du Gentlemen’s, l’argent accumulé qui lui a permis d’acheter un petit local à elle dans un coin de rue, y installer une cuisine, quelques tables & chaises. Ils lui ont demandé si elle ne voulait pas plutôt reprendre ses études d’infirmière, faire ce qu’elle sait le mieux : soigner les corps, les cœurs. Mais elle a secoué la tête j’ai passé l’âge d’essayé qu’elle a avoué. A la place elle met un peu de lumière dans la vie des gens, restaurant sur le pouce, spécialités de l’Est, certifiées recettes familiales. Y a qu’a voir le sourire qui s’étale sur le visage de ses clients pour comprendre qu’elle a fait le bon choix. Elle continuera, encore, encore, jusqu’à ce que la vie décide qu’il est temps d’arrêter. Quarante-trois ans déjà ou alors seulement. Elle ne sait pas trop, parfois elle s’arrête pour respirer, regarder le chemin parcouru, et se demande si c’est bien vrai. Puis il lui tend la main, la tire un peu plus haut, relance la machine et la voilà qui reprend sa marche. On avance, main dans la main, y a leur chaleur qui se mélange, la paix aussi. Surement qu’ils l’ont mérité après toutes ces années.
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petit poney ▹ posts envoyés : 2027 ▹ points : 56 ▹ pseudo : zoé (baalsamine) ▹ crédits : hoodwink(avatar) & sial(sign) ▹ avatar : Taylor Lashae ▹ signe particulier : cicatrices sur tout le corps qu'elle tente maladroitement de cacher, souvenirs d'épisodes de folie désespérée. Une voix douce, des doigts de fées, une chaleur humaine parfois trop brulante. Syndrome du Saint Bernard qui colle au coeur.
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| Sujet: Re: tissés dans le vent (ltf) Ven 10 Aoû - 13:42 | |
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(II) C’était pas sa faute. Jamais vraiment. Une sombre histoire de mauvais monde, mauvaise âme, mauvaise vie. C’était pas sa faute, non pas vraiment. La faute au reste, aux gens, aux attentes qui pèsent surement trop sur la poitrine. Ma mère n’était pas assez forte pour ce monde. Elle ne l’a jamais été. Elle a réussi à faire semblant pendant la majorité de sa vie, quelques petits écarts de jeunesse comme elle m’a raconté, j’me souviens avoir demandé, pour les cicatrices sur ses bras, ça l’avait fait pleurer. « Parfois c’est comme ça Lily » qu’elle m’avait dit ce soir-là. « Parfois on a tellement mal, tellement, tellement mal et on ne sait même pas pourquoi. Parfois on a tellement mal qu’il faut se trouver une raison, se donner une source, une preuve, qu’on est pas folle » à l’époque je crois que ses mots ne m’avaient pas atteint. Incompréhension, je m’étais plus préoccupée de ses larmes faisant couler son maquillage alors qu’elle me serrait dans ses bras. Mais aujourd’hui je crois que je comprend enfin. Ma mère n’était pas assez forte pour ce monde, mais elle a essayé. Quand même. Pour moi. Pour mon père. Aussi. Quel con. Pardon. Elle a essayé pour tout, sa famille, ma famille. Bon sang ce qu’elle a essayé. Alors arrêtez de dire qu’elle est lâche. Si elle était lâche, sans doute qu’elle aurait continué à essayer, à se noyer, petit à petit, finir drainée de tout, sans plus aucune once d’amour pour ce qu’elle a tenté de protéger toute sa vie. Je ne sais pas si on peut dire qu’elle a vécut une jolie vie ou une vie dégueulasse. Elle m’a eu moi. C’est déjà ça. Du moins c’est ce qu’elle me disait le soir, quand elle rentrait un peu trop tard, le visage fatigué, le maquillage abimé. Elle m’a eu moi, elle a eu la danse aussi, et tout ces moments que ça lui a offert. Ma mère a eu sa famille aussi. Parait que c’était important pour elle, pourtant y a combien d’absents aujourd’hui dans la salle ? Peut être un peu trop, ça la ferait pleurer si elle savait. Bande de merde. Pardon. Je me souviens de cette nuit où elle m’a dit : « Viens Lily on s’en va » prendre le bus de nuit, quitter Savannah. Elle a pleuré pendant tout le trajet, jusqu’à New York. Première fois qu’elle mettait les pieds hors de l’Etat je crois. Larmes de joies ou larmes de regrets, un mélange un peu des deux. Et pendant quelques temps après ça, ça allait. C’était bien. On était bien. Rien que nous deux dans notre 10m² pourri qu’elle avait réussi à rendre magnifique. Elle avait cette façon de transformer le charbon en diamant ma mère. Réussir à faire briller ce qui était terni depuis trop d’années. J’ai pas hérité de ce talent. Ma fille l’aura peut-être, qui sait. Vous êtes beaucoup à me demander si je suis en colère, si je lui en veut, qu’abandonner sa gosse de 19 ans ça ne se fait pas. Mais vous ne connaissez rien à notre vie. Rien. Je ne suis pas en colère contre elle. Jamais je ne pourrais. Elle m’a donné ce qui lui restait d’énergie pour que je puisse avancer, me soulever. Si vous êtes en colère contre elle, je vais vous demander de partir. Parce que vous ne méritez pas d’être là. Personne, non, personne n’a le droit de lui en vouloir. D’être en colère. D’être un putain d’égoïste. Bien sur qu’elle me manquera, elle manquera à beaucoup de gens, mais c’est comme ça. Surement que ça va vous sembler un peu naïf mais je sais qu’elle sera toujours là, quelque part au dessus de moi, à rigoler quand je me trompe sur la recette du baklava, quand je mélange le sucre et le sel, quand je m’emmêle les pieds sur un pas de deux un peu trop simple. Je sais qu’elle sera là à me prendre dans ses bras quand ça n’ira pas, quand comme elle j’aurais des hauts et des bas, qu’elle me poussera du bout de ses doigts, petite tape dans le dos, comme avant. « Avance Lily, avance » qu’elle m’a toujours dit. Alors je le lui rend aujourd’hui : avance, maman, avance. Et on se retrouvera là bas. On se l’est promis.
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