01 - naissance ; Tout commence par là, enfin, entendons-nous, cela commence par papa dans maman oui. Disons que lorsque l'on fait son entrée dans la vie, c'est à ce moment là. Où on existe, ça y est, bel et bien. La mère du poupon avait décidé de ne pas savoir le sexe de son enfant, se faire la surprise en somme. Elle avait alors préalablement choisi deux noms, oui, elle et elle seule, car si un enfant se fait à deux (ou plus) l'un des participants peut déserter en cours de route. Pour la femme en question, elle n'avait pas prévu de père dans l'équation, couchant à droite à gauche avec de sexy caucasiens, habile. Alors voilà, l'inconnu(e) de ce complexe mathématique, qui avait caché durant 8 mois et 12 jours sa petite bouille allait se révéler au grand jour. Quelle fût la surprise de sa mère quand elle découvrit son enfant. Au même temps, n'était-ce pas elle qui en désirait une de surprise ? Alors la voilà, jambes écartées devant des femmes ahuries et des hommes déconcertés - il y en avait du monde pour voir ça. Son enfant était intersexe, de type non binaire dira t-on. Pendant que tout le monde considérait la nouvelle dans un élan de joie et de peur peu mesuré, elle avait son enfant dans les bras, perplexe à l'idée de choisir un nom. Hors de question de refouler ses idées précédents, c'était Isaac s'il s'agissait d'un garçon, Zohra dans le cas contraire. Pleine d'idées surprenantes, cette femme choisi de ne pas choisir : c'est Izohrac. Newton et Vénus allaient être contents.

02 - enfance ; Quelle galère c’était quand même, un enfant comme celui-là. Non pas pour ce qui est du choix de la couleur de la chambre (le môme dormait dans celle de sa mère, bien que la maison comporte un total de pièces à dormir), celle des vêtements etc. En fait, je rectifie : quelle galère c’était quand même, les gens face à un enfant comme celui-là. « Oh la petite princesse ! » et voilà la mère lassée de répéter que ce n’était finalement pas une princesse, ni un prince, et à la fin, terriblement saoulée des explications, elle souriait et se barrait, tout simplement. Car au fil des discussions, il s’agissait de ces mêmes personnes qui rétorquaient « Infliger cela à son enfant, c’est inadmissible, vous auriez du faire un choix », ou alors « C’est pour cela qu’il faut toujours demander le sexe enfin ! ». Le genre de personnes agréables qui vous font gentiment comprendre que la vie que vous mener est faite de choix et concessions plus mauvais les uns que les autres. Mais cette mère, si formidable qu’elle était, n’a jamais cessée de se battre. Peut-être est-ce pour cela qu’Izohrac partage le même goût du combat aujourd’hui. Toujours est-il qu’administrativement parlant, c’était quand même la galère. Allez expliquer au directeur de l’école, qu’on ne peut l’inscrire sous un seul sexe étant donné que l’enfant possède les deux et que ce sera à lui de faire, ou non, un choix à l’avenir. Mais il a fallu cocher une case. Alors Izohrac est un garçon sur tous les registres.

03 - adolescence ; Savez-vous ce qui est tout de même terrible ? Les cours de natation avec l’école. Quelle angoisse pour ces pauvres professeurs qui ne savaient pas où mettre Izohrac. Vestiaire fille ou garçon ? Aucun des deux, elle avait une cabine à elle seule. Mais savez-vous ce qui est encore plus terrible ? Entendre ces rumeurs, comme quoi elle était « à l’isolement car elle possédait une maladie et elle devait se désinfecter totalement tout le corps », « mais non : trop pudique », « ne sait pas s’habiller et déshabiller » etc. Avec du recul, aujourd’hui, c’en est amusant. Mais ça ronge une enfance, ces choses-là. Toutefois, il y avait pire que tout ça. Ce fameux jour où sur le banc pour attendre chacun leur tour leur passage sur le plongeoir, un garçon a remarqué une érection à la jeune fille – physiquement, même avec les cheveux courts, l’enfant androgyne avait un phénotype plutôt féminin, et était alors considéré par ses camarades comme une demoiselle – malgré le froid humide qu’il faisait ce jour-là. Ah, un pénis des plus capricieux, ça ne lui arrivait quasiment jamais – alors qu’elle avait lu dans un livre qu’aux vrais garçons, ça arrivait souvent. S’en suivent railleries sur moqueries, Izohrac a eu du mal à accepter que son corps change, ses seins et son pénis doublent de volume – ils étaient tous assez petits, et encore récemment le sont tous sauf un disparu depuis, donc en soit, rien de trop énorme – mais cette petite transformation avait quelque chose d’effrayant en l’adolescent(e) d’autrefois. Sa mère elle, a moins accepter le fait qu’Izohrac soit interdite de piscine pour « préserver l’insouciance de ses camarades ». Ce jour-là, l’école a perdu l’un de ses meilleurs éléments en matières de résultats scolaires – pas de plongée, évidemment.

04 - première fois ; Et puis bon, l’enfant a grandi et découvre le monde sous toutes ses coutures, mais son corps également, sous tous les angles. Dans un premier temps, son appareil externe l’intéressait plus – sûrement plus facile d’accès et moins compliqué – mais il s’avéra que celui-ci souffrait de troubles du comportement, le vilain animal. Dans un premier temps, Izohrac prit soin de se garder cette information – c’est à dire n’en parla pas à sa génitrice – et se consacra alors davantage à ce qui s’apparentait au clitoris. Voilà, la découverte de son corps c’était assez chouette malgré l’autre capricieux qui marchait une fois sur deux. Mais la découverte du corps des autres… c’était encore mieux. Vers 18 ans, ne sachant pas trop quoi choisir pour sa première fois – à quel rôle s’en cantonner, celui de la femme ou de l’homme – Izohrac choisit de se faire un plan à 3 – enfin à 4 du coup. L’autre malin fonctionnait ce jour-là, alors elle a pu explorer divers plaisirs avec une femme et un homme – enfin, des personnes équipées des organes correspondant aux normaux -  compréhensifs et curieux. Durant ce laps de temps, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes, vraiment.

05 - deuxième première fois et plus ; Puis, c’était la débandade. Au sens propre comme figuré. Plus Izohrac multipliait les conquêtes et exploits sexuels, moins le vigoureux serpent se portait. À partir de ce jour, l’adulte décida d’en parler à sa mère, qui – heureusement très ouverte sur le sujet – lui conseilla des médicaments pour soigner ses troubles et compagnie. Après quoi, sa vie sexuelle flambait de nouveau, plus ardente que jamais, avec toutes sortes de personnes différentes. Des expériences amusantes comme décevantes, et petit à petit elle commençait à comprendre ce qui lui plaisait réellement.

06 - troubles et passions ; Des histoires d’amour, il n’y en a jamais vraiment eu. Elle s’est sentie aimée et à aimé en retour, mais c’était grâce à l’alchimie sexuelle du moment, vorace de sexe qu’elle était. Trop timide ou peu aventureuse dans ce qui était les histoires de coeur, elle ne plongeait pas dans le grand bain. Elle sentait qu’au fond d’elle, ce corps là pour cette vie là était compatible. Pour une vie plus posée, fixée, il fallait autre chose. Germait alors en son esprit l’idée de trancher, choisir, accepter. Puis elle l’a rencontré. Des yeux fous, un charme anodin et des paroles qu’elle buvait dans une coupe de champagne. Il n’y avait rien, rien de sexuel entre eux. Peut-être est-ce pour cela que ça a duré ? Peut-être est-ce pour cela qu’elle l’a quitté sans réellement lui dire un jour ? Izohra ferme les yeux sur cette histoire, le coeur ailleurs, dans une autre vie, dans une autre ville, dorénavant.

07 - alcool et pansements ; Peut-être qu’entre deux déménagement, elle n’a jamais réellement oublié. Alors elle a bu. Boire pour oublier. Pour oublier la honte. La honte de boire. Boire pour oublier … Puis elle côtoie de nouveaux les hôpitaux, pour des examens, pour des questions sur son sexe masculin, et puis parce qu’elle est tombée dans les escaliers en dévalant 18 marches. Allez savoir pourquoi, mais dans les marches du début, il se trouvait une pomme de pin décorative et taillée. Celle-ci lui a tranché le sein gauche, au niveau de la première côte sous le sein pour remonter jusqu’à 5 cm au dessus du téton. La chirurgie s’est très bien passée, très propre. Izohrac conserve seulement une jolie cicatrice verticale sur ses petits attributs féminins.

08 - la vie sans pénis ; Était-ce l’odeur de l’hôpital qui lui manquait, ou les attentions à son égard des infirmières ? Elle y retourne, plusieurs fois, commence à prendre des rendez-vous pour ce qui serait envisageable au niveau de ses organes reproducteur. Elle ressent le besoin de n’en garder qu’une partie et commencer une nouvelle vie. Elle se renseigne pour qu’on lui retire son pénis, qui a peu servit, peu usé, très bon était prix négociable. S’en était-elle lassée ? Se sentait-elle femme ? Quoiqu’il en était, elle voulait du changement. Les meilleurs chirurgiens défilaient sous ses yeux, elle avait l’impression d’être sur une boutique en ligne à faire défiler les articles. Quelques mois avant ses 26 ans, la voilà qui fait un grand pas vers son avenir. Seul bémol, une vulve peut se reconstruire, mais pas un clitoris. Avant, elle était surhumaine, maintenant, la voilà demi-humaine. On prend des décisions sans pouvoir faire ctrl + Z, Izohrac savait cela. Mais tout de même, pour le moment, elle n’est pas habituée à être à moitié elle. Elle a également la confirmation par les médecins d'être stérile, car elle ne possède qu'un vagin et par conséquent, pas d'utérus. Allez, croisons les doigts pour que la vie sans pénis soit fantastique.

09 - Newton ; Peut-être que pour remplacer son organe masculin – ce qui serait franchement étrange – elle a pris un chien. Comme Isaac-Zohra est une grosse comique, elle l’a appelé Newton. Peut-être qu’un jour elle aura un chat qu’elle appellera Venus, enfin bon, c’est beaucoup moins drôle quand même. Info bonus : c’est un dalmatien qu’une dame du voisinage avait trouvé abandonné et affamée, eh oui, Izohrac est une bonne personne dis-donc.

10 - déménagement ; Alors la voilà, intersexe révolu, femme en devenir même à moitié, qui emménage ici, à Savannah. Bien que sa vie n’ait jamais été toute rose, elle ne semble pas vouloir connaître le goût délicat de cette couleur, et prétend vouloir même se baigner dans un semblant de noirceur à l’apparence idyllique. Peut-être une erreur de plus, peut-être le meilleur choix de sa vie. En tous cas, Newton est content de partir à l’aventure.