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s’il a de l’humour il finira mort noyé ▹ posts envoyés : 1595 ▹ points : 26 ▹ pseudo : Camille ▹ crédits : av Xerxes ♥ + aes Kenny ♥ ▹ avatar : Archy Marshall (King Krule) ▹ signe particulier : roux sorti des enfers, abonné aus suicides manqués
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| Sujet: Marée haute (Sid) Dim 5 Aoû - 15:34 | |
| Nemo et la Mort sont sur un bateau. Nemo tombe à l’eau. Y’a plus personne sur le bateau.
Il se répète la blague idiote du bout des lèvres, le corps emporté par les vagues, le visage à la surface, à faire l’étoile de mer au milieu de l’océan. Son père va lui faire la peau. Sauf qu’il sera déjà mort. Cette fois c’est la bonne, il se dit. Cette fois il crève et on retrouve jamais son cadavre, ou peut-être sur une plage à des kilomètres de là, il en sait rien, il s’en tape un peu même s’il aime l’incertitude qui imprègne les mots il a disparu. Personne peut lui en vouloir de disparaître. Il a pris le bateau sans prévenir, les clés qu’il avait subtilisées dans la baraque familiale juste pour faire chier, une envie de détruire le bonheur que son père commence à retrouver dans les bras d’une autre femme. Il n’aime pas son géniteur quand il est dépressif, il ne l’aime pas non plus quand il est heureux, un reproche de surmonter la mort de Mam toujours au fond du regard. Ils sont cassés, bousillés, bons pour la décharge, les Hornigold, et Nemo déteste les voir tenter d’se rafistoler. Il a pris le bateau tout seul, sans Atticus pour modérer ses désirs de noyade. Le souvenir trop clair de ce jour où, gamin, il avait basculé de l’autre côté de la rambarde par pur accident, le gilet de sauvetage abandonné dans un coin sous prétexte qu’il avait trop chaud alors qu’il ne savait pas encore nager. L’eau qui avait forcé le passage jusqu’à ses poumons, la douleur sourde et pourtant l’impression d’être à sa place, dans les ténèbres d’une mer agitée. Il voulait retrouver cette sensation, ce linceul qui sied si bien à son prénom, plus pour le capitaine du Nautilus que pour le poisson-clown. Il sait bien que c’est l’ironie de la poiscaille qui restera dans les mémoires, voit d’ici le titre de sa chronique mortuaire, Finding Nemo… drowned in the ocean. Ça lui arrache un sourire, juste avant qu’une violente déferlante l’entraîne par le fond. Noyade.
La dernière fois qu’il a ouvert les paupières, il se noyait. Tout était noir autour de lui et ses yeux piquaient. Ses yeux lui piquent encore, à cause de la lumière éblouissante des néons d’hôpital, il doit cligner à multiples reprises pour se réhabituer à la clarté. La clarté de la vie, l’obscurité de la mort, il hait tous ces putain de clichés. Il lui a semblé entendre la voix d’Atticus, entre deux vagues de conscience. Mais y’a que Sid dans la chambre. Sans doute que son frangin est parti appeler son père, peut-être qu’il le console, Nemo ne sait pas combien de temps il a dormi. Pas assez, pour quelqu’un qui rêvait d’un sommeil éternel. Sid a l’air assoupi. Ou alors il prie les yeux clos. Ou il essaye de chasser des idées sombres de son crâne. L’enterrement de Nemo, par exemple, qui est pourtant une idée des plus réconfortantes pour le rouquin. Il se rappelle vaguement lui avoir envoyé un texto avant de se jeter à l’eau. A en juger par sa présence sur un lit aseptisé, la brûlure des flots marins qui ont laissé derrière eux une traînée douloureuse de ses poumons à sa gorge, il n’aurait pas dû. Il soupire légèrement, déglutit avec peine, en partie parce qu’il retient des larmes qui voudraient bien noyer son visage. « Hey Sid », il murmure, pas sûr de vouloir lui confirmer qu’il est bel et bien vivant, très loin du Nemo tonitruant et de ses étalages de techniques de suicide. « S’te plaît, Sid. Tu refuserais pas d’achever un animal à terre, hein ? » Y’a comme un grain d’espoir coincé dans son désespoir, une fragilité à vif, des nerfs explosés. « J’suis sûr que doit y avoir des trucs dans les tiroirs, là, une toute petite surdose et c’est bon. S’te plaît. » Il désigne le meuble en plastique dégueulasse dans la pièce, d’un geste dépourvu d’énergie, un réflexe post-mortem. Il a jamais été poli, Nemo, et pourtant il répète, les pupilles qui s’accrochent aux siennes comme si c’était une ancre qui l’aiderait à couler : « S’te plaît. »
Dernière édition par Nemo Hornigold le Ven 10 Aoû - 12:56, édité 1 fois |
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Coyote ▹ posts envoyés : 2611 ▹ points : 52 ▹ pseudo : marion ▹ crédits : lunar (av) + miserunt la kassos (gif) ▹ avatar : micky ayoub ▹ signe particulier : allure de zonard et pieds qui traînent, trop de couches de tissu pour couvrir ses épaules voûtées, l'air toujours un peu usé.
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| Sujet: Re: Marée haute (Sid) Ven 10 Aoû - 12:43 | |
| Sans déconner Sid j'vais faire une connerie.
Le départ de la course contre la montre, quand Nemo lui a donné rendez-vous sur l'autre rive, quand il a arrêté de répondre à ses messages. La panique lui a cramé les veines mais il est resté méthodique, quand il a sauté dans sa caisse pour arpenter les bords de mer et tenter d'apercevoir du mouvement, quand il se concentrait autant sur la route que sur son appel aux gardes-côtes, sûr de lui, la voix ferme et presque autoritaire. Il a agi vite. Ils l'ont trouvé.
Il était en train de se noyer.
Ce n'est qu'à l'hôpital que la panique a fini par se calmer, quand les médecins ont dit que ça irait, quand le frère de Nemo est arrivé pour entendre le verdict avec lui. Ils l'ont eu à temps, y aura pas de dégât. Rien de visible en tous cas. Il sait qu'au fond les dégâts sont déjà là depuis trop longtemps, ceux qui ont déglingué Nemo avant qu'il le connaisse, peut-être même qu'il était déjà comme ça quand il était môme. Il en sait rien. Il sait pas grand-chose finalement, pourtant il supporte pas l'idée de le laisser crever.
Et il soupire en le regardant, étendu dans ce lit aux draps blancs dans cette chambre aux murs blancs sous la lueur des néons blancs, blanc blanc blanc et il se demande si c'est ce que Nemo a vu quand ses poumons ont manqué d'oxygène, ou si tout était noir. Il ne lui demandera pas.
Installé dans le fauteuil posté à l'autre bout de la chambre, il l'observe. Comme s'il avait peur qu'il s'évapore s'il ose regarder ailleurs, comme s'il suffisait d'une seconde pour que Nemo termine ce qu'il a commencé et qu'il disparaisse. Définitivement. Il perd la notion du temps et finit par fermer les yeux sans s'en rendre compte, sa fatigue perpétuelle qui finit par gagner. Son sommeil est léger – ses sens restent en alerte. Assez pour qu'il entende Atticus quitter la pièce à un moment, et qu'il finisse par se réveiller en sursaut quand Nemo murmure son prénom. Il cligne des paupières le temps de se réhabituer à la lumière, son regard qui tombe sur lui et déjà il se lève d'un bond, s'approche du lit, prêt à lui demander comment il va même si c'est sûrement la pire question à poser. Heureusement, Nemo le devance. « S’te plaît, Sid. Tu refuserais pas d’achever un animal à terre, hein ? » Il se fige. Toute son inquiétude retombe comme un soufflé, à passer au second plan alors que la lassitude revient peindre ses traits, ramollir ses épaules. Il le regarde, et il soupire. « Arrête, j'ai pas envie de... » Rire. Mais à en juger par la gueule de Nemo, lui non plus. Ça le déstabilise assez pour qu'il ne finisse pas sa phrase, sourcils froncés alors que ses yeux cherchent à sonder les siens. Sa confusion est palpable. « J’suis sûr que doit y avoir des trucs dans les tiroirs, là, une toute petite surdose et c’est bon. S’te plaît. » Son regard suit le mouvement du suicidé raté, atterrissant sur le meuble contre le mur d'en face. Il le fixe une seconde. Deux. Dix. « S’te plaît. » Quand il se tourne à nouveau vers lui, son cœur se serre.
Il le reconnaît à peine. C'est pas le Nemo auquel il est habitué – celui qui débite plus de conneries que de vérités, qui transforme la mort en blague de mauvais goût et qui l'use à coups de cynisme écœurant. C'est pas le Nemo qui crache trop d'acide, celui qu'il sait plus ou moins appréhender même s'il a toujours pas compris comment le gérer. C'est rien de tout ça, et pendant une seconde il ose à peine respirer. « Nemo tu– » Il passe une main sur son visage fatigué, se détourne comme si ça faisait trop mal de le regarder. Comme s'il arrivait pas à supporter cette détresse qu'il n'a jamais vue chez lui – trop crue, à vif, c'est la sensation de voir Nemo à nu et ne plus savoir comment réagir. « Tu peux pas me demander ça. » Il a senti la sincérité dans sa voix. C'est pas une blague cette fois, il joue pas au salaud pour le torturer. Ça sonne comme s'il le suppliait et il sait pas comment l'encaisser. « J't'ai pas laissé te noyer, comment tu peux croire que j'vais... » Il arrive même pas à le dire. Dans un soupir, il s'éloigne, ses yeux qui dévient vers la fenêtre et le ciel trop bleu dehors. « T'as eu d'la chance. » Ça s'est joué à pas grand-chose, un message vu à temps, un aveu pris au sérieux, un bon timing. Une minute de plus et il serait pas là. Une minute de plus et peut-être qu'il aurait gagné, cette fois. |
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| Sujet: Re: Marée haute (Sid) Ven 17 Aoû - 23:58 | |
| Y’a une machine qui indique que son cœur bat. Quatre-vingt-cinq battements à la minute, miracle, le p’tit Nemo est stable, en bonne santé, il a pas l’palpitant qui s’endort comme le putain de zombie qu’il est. Pourtant, y’a un trou, y’a un cratère, un vide intersidéral dans sa poitrine, il le sent pas, ce cœur qui bat. Y’a Sid qui lui parle comme s’il était encore là, qui soupire à ses suppliques, mais dans son cerveau, c’est encéphalogramme plat, plus de bip-bip entêtant, les synapses du sarcasme se font fait la malle avec celles du cynisme, ces salopes. Il ne sourit pas. Son rire n’est pas caché dans un coin de sa gorge, il est pas là, grand absent du jour, il en brillerait presque. Mais y’a que ses yeux qui brillent, à Nemo, deux billes mouillées à la couleur passée, délavée, des traces de rouge dans les orbites, à force d’avoir trop vu l’eau salée. Il implore qu’on l’achève, l’animal, qu’on lui tire une balle entre les deux yeux. Y’a rien de joli, de beau, de noble, à ça, juste un geste de pitié, c’est tout c’qu’il demande, un peu de pitié, c’est tout c’qu’il lui faut pour finir de ronger ses os. Sa main cherche celle de Sid, faiblement, ne parvient pas à l’atteindre avant qu’il se détourne et tombe dans le vide, aussi inerte et lourde que celle d’un cadavre. C’est le poids de la vie, pour lui, la vie qui le consume, la vie qui le bousille. Il est épuisé, exténué, à bout de forces, à bout de souffle. Et l’oxygène sert qu’à l’empoisonner. Non, bien sûr, il peut pas demander ça. Pas à Sid. Pas à son père. Pas à son psy. Certainement pas à Atticus. Il le sait. Il le sait comme deux et deux font quatre, il l’a toujours su. Le monde entier est son bourreau, trop plein de bonté, trop lâche pour ôter l’épine qui lui fait si mal, la plaie qui s’infecte depuis trop d’années. Il aurait dû laisser la mer faire son boulot, Sid, il aurait dû le laisser se noyer, pourrir sur un écueil caressé par le soleil. Au lieu de ça, il lui dit qu’il a eu de la chance, au lieu de ça, il le poignarde dans le dos, choisit l’agonie lente et douloureuse. Assassin.
Il tente de se redresser dans son lit d’adoption, est pris d’une violente quinte de toux pour toute récompense, les poumons brûlés, cramés de l’intérieur. Il se recroqueville sur le flanc, pour que ça cesse, reprendre son souffle, les pupilles rivées sur la nuque de Sid. « Écoute-moi, Sid. S’te plaît. J’suis pas important. Personne va être triste. Ils feront p’t’être semblant, mais après ils seront tous soulagés. A quoi ça t’sert que j’reste en vie ? » Ce n’est qu’un maigre filet de voix qui s’échappe de ses lèvres, faible, rauque. Aucune ironie sous les couches de souffrance mal dissimulée, seulement de la mélancolie. Seulement de la lassitude de vivre. « Pourquoi tu veux qu’je reste en vie ? J’t’ai fait que du mal. Ça te ferait du bien. Et ça me ferait du bien, à moi aussi. Tu ferais un truc bien, si tu l’faisais. J’sais que ça t’importe, ça. » Il tend la main vers lui, comme s’il voulait qu’il la lui donne, déglutit difficilement. « S’te plaît. T’auras qu’à leur dire que j’l’ai fait tout seul. Tu m’rendras heureux. » Il y croit pas, à la vie après la mort, Nemo, mais peut-être que ça a du sens, pour Sid. Espoir. Remarque même pas qu’ses requêtes sont insensées. Crétin. |
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Coyote ▹ posts envoyés : 2611 ▹ points : 52 ▹ pseudo : marion ▹ crédits : lunar (av) + miserunt la kassos (gif) ▹ avatar : micky ayoub ▹ signe particulier : allure de zonard et pieds qui traînent, trop de couches de tissu pour couvrir ses épaules voûtées, l'air toujours un peu usé.
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| Sujet: Re: Marée haute (Sid) Dim 19 Aoû - 21:09 | |
| « Écoute-moi, Sid. S’te plaît. » Lentement, il tourne la tête vers lui. Sa gorge se noue. Nemo est couché sur le flanc, le souffle lourd comme une bête en fin de vie, recroquevillé comme un môme qui a envie de chialer. Ça le heurte comme un uppercut dans le bide. « J’suis pas important. Personne va être triste. Ils feront p’t’être semblant, mais après ils seront tous soulagés. A quoi ça t’sert que j’reste en vie ? » Y a un rire triste qui lui échappe dans un souffle, ses deux mains qui viennent frotter son visage fatigué. Les mots de Nemo sont trop durs parce qu'ils sonnent trop vrai – il sait pas comment y répondre. « Pourquoi tu veux qu’je reste en vie ? J’t’ai fait que du mal. Ça te ferait du bien. Et ça me ferait du bien, à moi aussi. Tu ferais un truc bien, si tu l’faisais. J’sais que ça t’importe, ça. » Ses yeux glissent jusqu'à la main que Nemo tend, trop pâle trop osseuse et putain pourquoi il ressemble à un cadavre ? Peut-être que le sel l'a trop abîmé, ou peut-être que c'est son esprit qui l'imagine à moitié mort. Peut-être aussi qu'il a toujours eu cette gueule là mais que Sid a jamais voulu le voir. Il sait plus.
Il est pas sûr de vouloir savoir.
« S’te plaît. T’auras qu’à leur dire que j’l’ai fait tout seul. Tu m’rendras heureux. » Il déglutit difficilement – la boule dans sa gorge prend trop de place. « Arrête. » Une part de lui voudrait s'approcher, poser sa main sur celle que tend Nemo une seconde, lui transmettre un peu de sa chaleur et lui montrer qu'il est là. Mais il est incapable de bouger. Les deux pieds cloués au sol, c'est tout juste s'il est capable de continuer à soutenir son regard. Et il peut pas s'empêcher de se demander si Nemo a réellement l'espoir que ça fonctionne, ou si c'est simplement le désespoir d'un esprit malade qui parle. « Imaginons que j'accepte. » Il a des nœuds dans le bide. « Je te tue, là, maintenant. » Parce que c'est ce qu'il lui demande, peu importe s'il essaie de dire que c'est quelque chose de bien et qu'il en a besoin – il lui demande de devenir un assassin. Il est même pas sûr que Nemo s'en rende compte. « Et puis ? Après, il se passe quoi ? » Un petit haussement d'épaules et il écarte les bras une seconde, avant de les laisser retomber mollement le long de son corps. « Ta famille souffre, ton frère s'en veut d'avoir quitté la chambre, j'm'en veux d'avoir fait ça. Je finis par me dénoncer, j'me retrouve en taule, ta famille doit avancer en sachant que sans ça, t'aurais pu vivre plus longtemps. Peut-être même des années. » Sa voix est terriblement monotone, les mots qui s'enchaînent rapidement, ses épaules qui s'affaissent un peu plus à chaque syllabe prononcée. « Explique-moi en quoi ça, ça serait faire un truc bien ? » Lui, clairement, il voit pas.
Lâchant un énième soupir, il finit par s'asseoir au pied du lit, échine courbée, bras appuyés contre ses cuisses. « J'ai pas envie que tu meures. » L'aveu est lâché à mi-voix, comme si ça lui coûtait. Parce que c'est Nemo, et que jusqu'ici, chaque fois qu'il lui a tendu la main, ça lui est revenu dans la gueule.
Ses yeux qui cherchent à croiser les siens, il pince les lèvres une seconde. « De toute façon, si quelqu'un doit t'achever, j'crois que ça sera personne d'autre que toi. » |
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| Sujet: Re: Marée haute (Sid) Lun 3 Sep - 19:20 | |
| Il a le cœur au bord des lèvres, prêt à le cracher par terre, une envie de foutre du sang sur les draps, partout sur le carrelage. De toute façon, c’est à se demander s’il en coule encore dans ses veines, du sang, il est pâle, pâlement vivant, il en serait transparent s’il n’y avait la flamboyance de ses cheveux, jamais passée, jamais délavée. Pas comme ses yeux, son regard vide, aussi mort qu’il voudrait l’être. A croire qu’à défaut de crever il en arbore l’apparence, les signes avant-coureurs, iris voilés, corps inerte, pâleur cadavérique. Il ne comprend pas que Sid ne le voie pas. Qu’il ne réalise pas que c’est déjà fini, pour lui, depuis bien plus longtemps que tout le monde le dit. Les sursis valent rien quand on attend que la mort. Il supplie, Nemo, sous les pupilles de Sid, il sait qu’il a capté son attention alors il tâche de ne pas la perdre, tend la main comme s’il voulait qu’il la lui tienne, mais le flic ne semble pas vouloir coopérer. Il n’est pas pleinement conscient de ce qu’il demande, pas assez lucide pour se dire que Sid refusera, évidemment, qu’il n’y aurait pas grand-monde pour accepter de faire ça. Pourtant, parfois, il se dit que si Atticus l’aimait vraiment, il le laisserait s’en aller. Il a cru plusieurs fois le voir sur le point de craquer, de faire le geste de trop, une ultime preuve d’amour fraternel qui n’est jamais venue. Il ne sait pas ce qu’il attend de Sid, il ne danse pas sur la même brèche que son frère et lui, morale pas assez bancale, bien et mal chacun de leur côté sans jamais se toucher, ces beaux amants platoniques. Tuer, même si c’est gentiment demandé, ce ne sera jamais un acte héroïque, un acte de bonté, pour Sid. Il secoue la tête, à peine, tout mouvement l’épuise et il se laisse retomber mollement sur l’oreiller, les yeux clos. Ta famille souffre. Ton frère s’en veut. Je m’en veux.. Les autres. Toujours les autres. Mais ils souffrent déjà tous. Depuis qu’il est gamin. Depuis qu’il a ses pensées morbides, sa dépression qu’il veut pas soigner, le cercueil qu’il se construit en plein milieu de Savannah sans que personne puisse l’en empêcher. Les autres. Ceux qui devraient le détester. Ceux qui devraient souhaiter sa mort. Ceux qui veulent toujours l’aider. Ceux qui n’ont pas envie qu’il meure. Sid. Il est trop égoïste pour le comprendre, il a pas l’empathie qu’il faut pour que son désir de mort passe après son rêve idiot de le voir vivre encore de longues années. Ça fait trop longtemps qu’il croit plus aux contes de fées. « J’veux pas qu’ce soit moi », il murmure, en réponse aux derniers mots de Sid, la voix étranglée par quelque chose coincé en travers de sa gorge, les épaules agitées de spasmes qu’il tente même pas de calmer. Il est lâche, Nemo, lâche comme il a toujours voulu l’être, il n’a jamais cherché à se défaire de ça, le courage, c’est pour les cons, pour ceux qui s’imaginent qu’on se souviendra d’eux dans mille ans alors qu’la planète existera même plus. Il est lâche, pas foutu de supporter les émotions des autres, pas foutu de les affronter, d’assumer d’en être la cause, à chaque réveil à l’hôpital, de faire face à sa propre culpabilité qu’il capte même pas mais qui lui ronge les os et les chairs. Il veut crever de la main d’un autre, ne pas être responsable de sa mort, que ce soit un accident, un meurtre, n’importe quoi mais pas un suicide. Pas un suicide, non, il avait mis tant de temps avant de se trancher les veines ou de passer un nœud-coulant autour de son cou pour la première fois, à espérer se prendre une bagnole ou choper une maladie grave, un truc qui le condamnerait direct, sans qu’il en soit la cause. « Pourquoi vous êtes toujours si tristes ? J’suis un fils horrible, un frère horrible, et j’sais même pas c’que j’suis pour toi, merde, pourquoi t’es si triste ? » Y’a une des sanglots acides qui transpercent ses mots, des larmes salées qui viennent noyer ses joues. « J’ai jamais voulu qu’tu sois triste, putain. » Il ramène ses jambes vers lui, les bras serrés contre son ventre comme si la douleur venait de là, comme s’il pouvait asphyxier s’il arrivait à se recroqueviller assez sur lui-même, front calé contre ses genoux, souffle chaotique. C’qu’il aimerait plus être foutu de respirer. |
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| Sujet: Re: Marée haute (Sid) Sam 15 Sep - 17:56 | |
| « J’veux pas qu’ce soit moi. » C'est en silence qu'il l'observe, front plissé, sourcils froncés. J'veux pas qu'ce soit moi et peut-être qu'il comprend enfin, peut-être que ça explique toutes les tentatives ratées. Peut-être que c'est un bout de réponse à toutes les questions qu'il peut pas se résoudre à poser. Si Nemo se foire chaque fois, c'est pas parce qu'une part de lui décide in extremis qu'il a pas envie d'mourir finalement – peu importe combien Sidney aurait voulu y croire. C'est peut-être parce qu'il veut pas en être le responsable. À croire qu'il attend que le ciel entende ses prières et le foudroie sur place, qu'il ne soit que victime sans qu'on puisse l'accuser d'être son propre bourreau.
Sid le contemple comme s'il le voyait pour la première fois, l'impression de comprendre sans comprendre, que le casse-tête se résout pour en révéler un autre en son sein. Y a trop de couches pour qu'il puisse toutes les traverser.
Et les épaules de Nemo ont l'air secouées par un séisme intérieur et il se lézarde et on le croirait prêt à s'effondrer. C'est aussi troublant que triste – Sid peut pas s'empêcher de détourner les yeux. Tête baissée à nouveau, il préfère fixer ses pieds que celui qui se fendille à ses côtés. « Pourquoi vous êtes toujours si tristes ? J’suis un fils horrible, un frère horrible, et j’sais même pas c’que j’suis pour toi, merde, pourquoi t’es si triste ? » Paupières closes, ses paumes viennent cueillir son visage fatigué, coudes enfoncés dans la chair de ses cuisses. Il entend les sanglots, devine les larmes sans les voir. Ça pèse sur lui comme une enclume et il se demande vaguement si c'est ce qu'a ressenti Nemo en essayant de se noyer. « J’ai jamais voulu qu’tu sois triste, putain. » Le tranchant de la culpabilité semble venir aiguiser ses mots et Sid sait plus quoi penser. C'est pas quelque chose qu'il aurait pensé percevoir chez lui un jour ; ni ça, ni la détresse cruelle de ses sanglots. Il a l'air complètement abattu quand son visage quitte enfin ses mains, quand ses prunelles se posent sur lui. Nemo est recroquevillé. Le temps d'une seconde, il a l'impression de voir un môme bousillé. Mais plus il le regarde, plus cette image s'efface et laisse place à quelque chose de plus brut. C'est pas un môme c'est un homme, qui demande à mourir sans que personne ne l'écoute. Ce qu'il perçoit n'a plus rien à voir avec les délires glauques et les machinations perverses d'un sale gosse insolent – il ne discerne plus que l'éclat terni, quelque chose aux accents de souffrance et de fatigue. Comme si la vie l'avait usé jusqu'à la moelle alors qu'il n'a qu'une vingtaine d'années au compteur.
Peut-être qu'il est né avec des pièces déjà fracassées.
« Nemo... » La vérité c'est qu'il ne sait ni quoi dire ni quoi faire, à le fixer de son regard désemparé, de l'autre côté du lit. Voix basse, mots trébuchants en bord de lèvres. « Je t'ai dit pourquoi ça m'rendait triste. » J'ai pas envie que tu meures. La douleur de Nemo est si accablante qu'il commence tout juste à réaliser combien c'est égoïste. Faut l'être, pour exiger d'un mort qu'il continue à jouer au vivant.
Lentement, il se lève et s'approche pour venir s'installer plus près de lui, laissant passer un moment de flottement. Il finit par poser une main mal assurée sur son épaule. « J'suis désolé. » Dans le fond il sait même plus pourquoi il s'excuse. D'avoir fait en sorte qu'il soit sauvé ? De lui imposer ses propres émotions ? De réclamer la même chose que les autres – qu'il vive alors que lui ne demande qu'à mourir ? D'oublier que s'il est comme ça c'est qu'il va mal ? C'est trop facile de l'éluder parce qu'il le montre pas correctement ; à se rendre si imbuvable il finit par réussir à détourner l'attention. « J'savais pas que t'en avais quelque chose à foutre, que je sois triste ou non. Je pensais pas. » Y a ni reproche ni amertume dans ses mots, rien d'autre qu'une sincérité à nu et des excuses planquées entre les lignes. « J'voudrais t'aider tu sais, mais je ferai pas ce que tu me demandes. Et je peux pas te forcer à avoir envie de vivre. » Il se sent face à un mur parce qu'il sait que quoi qu'il fasse, ça sera pas suffisant pour le sortir du trou noir qui l'a avalé. Peut-être parce que Nemo en est devenu un lui-même. « J'ai pas la solution. » Sûrement qu'y en a aucune, dans le fond. Et il se sent tellement impuissant que ça le ronge. Son bras hésite quelques secondes avant de finalement se glisser autour de la carcasse de Nemo, sa main qui frôle son dos dans des gestes lents, terriblement las. Comme s'il était contaminé par l'épuisement du presque noyé. |
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| Sujet: Re: Marée haute (Sid) Jeu 11 Oct - 20:55 | |
| Il y laisse des morceaux de lui, un bout d’cerveau, un débris d’cœur, et y’a de moins en moins à sauver, à chaque fois, de moins en moins qui vaille la peine, plus rien qui veuille survivre, encore moins vivre. Il pourrait dire que ça le bousille, de toujours penser à la mort, qu’il se sent mal dans sa peau, que ses os peinent à porter son cafard. Il pourrait dire qu’il est malade, l’admettre simplement, sans un sourire sarcastique en guise de guillemets, pour faire plaisir à son psy, à son père, à ceux qui traînent encore autour de lui, Sid et Barbra, peut-être les derniers à être encore là, sans fric ou liens de sang pour les obliger à rester. Il comprend pas pourquoi ils sont encore là. Il a jamais compris. Mais il s’en soucie. Il s’en soucie comme il s’est toujours soucié du regard de sa mère, quand elle était encore là, à faire semblant de vouloir aller mieux, au début, puis à ne plus jamais en parler, à force, déjà épuisé de mentir à onze ans, à prétendre comprendre lorsqu’on lui prescrit une ribambelle de cachets colorés, pour être plus heureux, comme si on pouvait synthétiser le bonheur par dose de cinq cents milligrammes. Peut-être qu’il y a cru, gamin, qu’il pouvait aller mieux, qu’un truc énorme arriverait pour le tirer de sa torpeur, de son dégoût de vivre, à subir les jours comme un décompte sinistre jusqu’à la tombe. Une invasion zombie ou un débarquement alien auraient probablement marché. Mais rien de réaliste n’a délogé ses idées noires, apparues de nulle part alors qu’il n’était encore qu’un enfant, comme ceux qui croient en Dieu et le gardent toujours en eux, il s’est mis à croire à la Mort et elle ne l’a plus quitté, la plus fidèle des amantes. La plus fuyarde, aussi. Et elle n’est jamais là quand il faut sécher des larmes sur ses joues creuses.
Sid est là, lui, et il reste là, alors qu’il est détestable de sa tignasse rousse en pagaille jusqu’à ses pieds décharnés, alors qu’il fait pitié, pitié à pleurer, forme famélique vaguement humaine qu’a du mal à remplir un lit d’hosto. Alors que demain, ce qu’il est à cet instant, le gamin plein de remords et d’espoirs insensés, sera déjà loin, et qu’il redeviendra l’enfoiré de première qu’il a toujours été. Il se sent con, maintenant, à agripper les vêtements de Sid, à foutre de la morve sur son col, tremblant comme un camé au milieu d’un sevrage, il se sent con, mais il a appris à vivre avec, à faire abstraction de ce sentiment de culpabilité, des excuses qui se coincent dans sa gorge mais ne franchissent jamais ses lèvres. Ça ira mieux demain, quand il aura plus de larmes pour chialer, que tout ça sera reparti dans le trou noir qu’il a dans la poitrine, à bouffer le monde comme s’il pouvait l’engloutir tout entier tant qu’il n’acceptera pas sa chute inévitable. Sid n’a pas la solution et la main qu’il glisse dans son dos est trop douce pour qu’elle puisse vraiment le réconforter. A cet instant, Nemo veut son frère et pas Sid, le seul être qui comprenne le gouffre de son existence, qui l’aime aussi un peu parce qu’il a tant envie de mourir et pas seulement parce qu’il vit. « Barre-toi alors. J’ai pas envie qu’tu sois là. » C’est violent, dans les mots, mais faible et sans conviction dans la voix, la fatigue qui l’emporte derrière un souvenir de sanglots. Et pourtant il se tient à lui comme s’il craignait de couler à nouveau. |
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| Sujet: Re: Marée haute (Sid) Dim 21 Oct - 11:32 | |
| Il n'est pas ce dont Nemo a besoin. Ça le frappe alors qu'il le sent s'accrocher à lui, qu'il l'entend renifler contre son col, l'impression d'avoir un môme entre les bras. Mais le môme est aussi grand que décharné, le teint terne et les joues creuses – déjà une gueule de macchabée. C'est p't'être parce que Nemo a retiré son masque, que Sid se rend enfin compte de tout ça. Il le redécouvre. La douleur au fond d'ses yeux, la vulnérabilité de sa carcasse recroquevillée. On dirait que la faucheuse est déjà là, couchée près de lui, mais qu'elle refuse simplement de le prendre dans ses bras. Alors c'est Sid qui le fait à sa place mais il sent que ça n'va pas, que ça ne suffit pas. Il sait plus vraiment quoi foutre de ses mains, malhabile, mal installé sur ce lit trop froid. Son étreinte est trop douce, il serre pas ; il ose pas. Comme si Nemo risquait de s'effriter sous ses doigts. Il sait que c'est pas le cas pourtant, mais il n'y arrive pas.
« Barre-toi alors. J’ai pas envie qu’tu sois là. » Sa voix a beau être faible, les mots le heurtent. Il serre un peu les dents mais se contente de soupirer. « Je sais. » Parce qu'il a compris – il n'est pas ce dont il a besoin. Mais il est tout ce qu'il a pour l'instant. Et il aimerait trouver les mots justes, avoir les bons gestes, savoir le réconforter, apaiser la douleur ou au moins sécher ses larmes. Il est en terrain inconnu, se rend compte qu'il ne le connaît pas assez pour savoir comment s'y prendre. Alors il se contente de coller des pansements sur les plaies béantes, essaie de les refermer avec du scotch en attendant que quelqu'un vienne stopper l'hémorragie à sa place. « Mais j'te laisserai pas. » Ni maintenant dans cette chambre d'hôpital, ni dehors une fois que Nemo aura retrouvé son venin et ses sarcasmes insupportables. « Tant que ton frère est pas revenu, j'attends avec toi. » Peut-être bien qu'il a peur que Nemo profite d'un instant de solitude pour finir ce que l'océan n'a pas réussi à faire, ce que lui-même a refusé de lui donner. Alors il reste, la sensation d'impuissance qui lui grignote doucement les entrailles.
Nemo est malade et il ne peut rien y faire. C'est pas vraiment une révélation, pourtant y a une différence entre le savoir plus ou moins, et le voir réellement. Il est malade et c'est pas la même chose que sa mère mais il y pense quand même. Yeux fixés sur le mur et une aiguille invisible qui s'enfonce dans sa poitrine, il se met enfin à le serrer plus étroitement, sans vraiment s'en rendre compte. Peut-être qu'inconsciemment, il espère qu'en serrant assez fort il réussira à le recoller. Il veut pas voir que les morceaux sont trop bousillés pour qu'on puisse les rassembler.
( RP TERMINÉ ) |
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| Sujet: Re: Marée haute (Sid) | |
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