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 Feu follet _(Niamh)

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MessageSujet: Feu follet _(Niamh)   Feu follet _(Niamh) EmptySam 14 Juil - 15:09

Feux follet
Niamh & Nana
funnel of love

Il doit être quatorze heures quand j’émerge. Les volets sont hermétiquement clos pour empêcher le moindre rayon de soleil d’essayer d’apporter un semblant de bonne humeur. J’suis bien dans l’noir et mon cafard semble s’y plaire aussi.
Depuis une semaine c’est toujours le même rituel : j’mets le réveil sur repeat, m’accorde une demie heure de rab’ avant de me lever péniblement. Et à chaque fois c’est la même chose. Y a cette fraction de seconde où j’ouvre les yeux et où j’me sens bien. Juste avant que l’manque resserre ses griffes autour de ma gorge. Il dort pas beaucoup celui-là, constamment à l’affût. Alors j’prends une grande inspiration et pendant trente minutes j’me repasse un à un les derniers échecs cuisants qui constituent dorénavant mon existence. JJ. Les kids. Sam.
Moi.
C’est légèrement masochiste sur les bords, mais au moins ça m’permet de me mettre debout.

J’suis donc recroquevillée entre les oreillers et les draps froissés quand un tambourinement intempestif me fait sursauter.
« MADEMOISELLE GYNT ! J’SAIS QUE VOUS ÊTES LA, OUVREZ ! »
Oh shit.
J’reconnais parfaitement la voix du proprio. Et il a l’air plutôt mécontent.
« VOUS AVEZ DEUX MOIS DE LOYER EN RETARD ! AU TROISIÈME C’EST LA PORTE ! J’VOUS AUREZ PRÉVENU ! »
J’continue à faire la morte en espérant que le battant tienne bon sous les coups de massue qui l’agitent. Et dans un éclair de génie je m’empare de mon téléphone pour couper la sonnerie. Manquerait plus que j’me fasse griller…
Au bout de cinq minutes le type s’en va à pas lourds, la respiration mugissante. Je m’autorise un bref soupir de soulagement et me traîne jusqu’à la salle de bain, l’esprit en ébullition.
Faut que j’trouve une solution.
J’me brosse les dents machinalement en essayant de mettre le doigt sur quelque chose susceptible de m’éviter d’finir à la rue. Il est hors de question que je retourne à la coloc’ ; j’aurais trop peur de m’faire assassiner dans mon sommeil par Daire ou d’y foutre le feu à force de côtoyer les vestiges de l’âge d’or de la bande. Pareil chez mon paternel : j’étoufferais au bout de deux jours coincée entre les bibles et les sermons.
C’est en m’faisant la réflexion - totalement hors-sujet – que je me reteindrais bien en blonde que la lumière se fait entre les neurones. Les vinyles. J’en ai laissé une caisse pleine chez les kids, de vieux machins que m’avaient refourgués mes frangins quand ils ont déménagé. J’avais haussé les épaules en les acceptant et en écoutant que d’une oreille à quel point ils valaient leur pesant d’or.
Il me suffit de les revendre.
J’passe sous la douche tiède en établissant un plan d’action. Si j’file pas trop tard à mon ancien chez moi y a moyen que j’évite ses actuels locataires. Ils devraient tous être partis en vadrouille ou bosser.
C’est parfait.
Et pour la première fois depuis sept jours, j’me mets à fredonner en me massant énergiquement le crâne.

Ça fait une heure que j’guette le parvis. Entre-temps Polly a essayé de me joindre six fois, certainement pour savoir si j’allais assurer mon service tardif, sans succès. Je la rappellerai une fois que j’aurais mis la main sur ma mine d’or.
La fratrie des O’Driscoll a pas pointé le bout de son nez et j’ai pas eu d’signe de vie de la rouquine non plus. Mais à chaque fois que j’tente de traverser la rue une voiture surgit en trombe, accompagnée d’une frousse terrible qui me secoue l’estomac. Pourtant c’est pas comme si j’allais entrer par effraction.
J’ai récupéré les clefs du loft qui étaient enfouies dans un tiroir. Mises hors de vue pour éviter toute tentation.

Allez Nana, du cran bordel !

Je jette ma clope calcinée jusqu’au filtre et me décide enfin à rejoindre le perron. Pendant une seconde j’flippe en me demandant si ils ont pas changé les serrures. Je bataille avec le mécanisme qui claque enfin dans un boucan impossible et me glisse à l’intérieur.
J’reconnais immédiatement les lieux. Rien n’a vraiment bougé, si ce n’est un peu plus de bordel que lorsque Sam y habitait encore.
[/i]Sens interdit. Bouge, et arrête de ruminer c’est pas l’moment.[/i]
Dans un silence de cathédrale j’me faufile jusqu’à mon ancienne chambre. C’est encore pire que le salon. Tout y est figé, jusqu’aux photos qui recouvrent un pan entier de mur au dessus de la tête de lit que nous occupions avec JJ.
Je souffle un bon coup et me mets à quatre pattes sous le sommier. Des moutons de poussières s’accrochent à ma peau et j’ressors de là un amas de caleçons, Tshirts en boules, et finalement… la fameuse caisse.
Un sourire inconvenant m’éclaire le visage. Je me redresse presque triomphalement en raclant le plancher avec la boîte.
Mais le grincement de porte m’interrompt aussi sec.
J’me retourne lentement, en m’demandant de qui entre Charybde et Scylla j’vais devoir affronter. Pourtant dans l’encadrement se tient une silhouette féminine totalement inconnue. Elle a une crinière flamboyante et les traits doux.
« Putain mais t’es qui toi ? »
Leçon de politesse écrite par Nana. Prenez-en d’la graine.


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MessageSujet: Re: Feu follet _(Niamh)   Feu follet _(Niamh) EmptySam 21 Juil - 20:51

Elle n’a plus grand-chose à faire là. L’appartement qui lui avait servi de refuge depuis son arrivée, où elle avait pu fermer les yeux sans à s’en tracasser. Un appartement où étaient rassemblés des âmes esseulées, déchirées par la vie, terrassés par les erreurs et les regrets. Les kids, la patrie retrouvée en petit morceaux, le lit que Daire lui avait offert. Niamh lui en serait toujours reconnaissante - mais ça faisait déjà un peu de temps qu’elle n’y mettait presque plus les pieds. Depuis qu’elle avait retrouvé Novak, qu’elle n’avait franchement pas envie de le quitter - que son appartement à lui était devenu son refuge, là où y’avait son odeur et sa présence, son chien et sa fidèle bouteille de vodka. Là où elle pouvait se rappeler qu’il n’était pas parti, qu’il n’était pas mort, que son deuil n’avait plus de raison d’être. Qu’elle n’était pas seule, et surtout, qu’il était là. Mais malgré tout, les pieds de Niamh la ramenaient souvent, inévitablement, à l’appartement des kids. Elle n’aurait pas trop su se l’expliquer, y’avait quelque chose qui la rattachait là-bas, c’était peut-être parce qu’elle y trouvait un morceau de la maison, de la vraie maison - des collines et des pubs d’Irlande. La maison où elle ne pouvait plus vraiment mettre les pieds, mais qui subsistait à travers ce petit appartement. Alors quand elle ne travaillait pas, et que Novak si, et qu’elle ne savait pas trop où aller - c’est là que ses pas la menaient. Y trouver Daire, peut-être, partager une bière et des silences réconfortants. Surtout après tout ce qui s’était passé, les repères plus importants que jamais. La relation avec la rouquine effritée par les aveux passés, Niamh espérait peut-être l’y trouver afin de pouvoir davantage s’expliquer. Mais elle sait que Daire travaille aujourd’hui, enfin normalement - et elle a pas reçu d’appel frustré de la part de Morris face à une autre absence de la rouquine. Tant pis. De toute façon, elle a quelques affaires à récupérer, alors elle embrasse le museau du chien de Novak avant de quitter le petit appartement pour aller à un autre.

Niamh file à travers les rues de Savannah. Y’a trop de monde, trop de touristes, elle en insulte deux ou trois au passage et se faufile un chemin plus loin dans l’underground. Il fait beaucoup trop chaud, et la rouquine râle contre le soleil étouffant. Pas envie d’attraper un autre coup de soleil, pas envie non plus de se taper une insolation. Elle gare sa moto pas loin de l’immeuble et enlève son casque, faisant claquer une injure en gaélique entre ses dents. Fais chaud putain, quelle idée de venir s’installer dans le Sud. Le vent et la fraîcheur de l’Irlande lui manquent, parfois. Casque entre les doigts, elle se dirige vers l’immeuble. À l’intérieur c’est encore pire, bien sûr il n’y a aucune ventilation, et un odeur désagréable qui lui chatouille les narines. Rien d’inhabituel. Niamh monte les escaliers rapidement et débarre la porte d’entrée - et il n’y a que le silence qui l’accueille. Visiblement, personne dans l’appartement, ou pas à première vue. Niamh referme doucement la porte derrière elle - peut-être que quelqu’un dort, sait-on jamais. La rousse qui dépose son casque sur le fauteuil, avec l’envie de s’y laisser retomber et de se mettre un film - peut-être après avoir trouvé ses affaires. Elle a une planque d’argent, et ça commence à lui manquer un peu. Et alors qu’elle va pour se diriger vers la chambre qu’elle occupe, quelques bruits attirent son attention. Ça vient d’une chambre au fond, celle d’Eanna - que Niamh n’a jamais rencontré, mais dont elle a entendu parler. Le lien qu’elle partage avec son frère, ce qu’il lui a fait. L’irlandaise s’approche de la porte, curieuse. Celle-ci est entreouverte, et elle aperçoit du mouvement - un corps penché sous le lit. Niamh pousse la porte, et la fille se tourne. Elle peut la reconnaître des photos qu’elle a aperçu. Mais bien sûr, la lueur sauvage dans le regard est nouvelle. « Putain mais t’es qui toi ? » Niamh ne peut retenir son sourire. Croise les bras, en observant tranquillement la petite. « Eanna, c’est ça ? J'te reconnais des photos. » Petit sourire, sourcil arqué. La tête qui fait signe vers les photos sur le mur. La journée qui vient de prendre une tournure intéressante. Voilà quelques temps que Niamh a envie d’aller se présenter - ça facilite les choses. Eanna n’en sera pas moins méfiante et elle le sait, mais ça vaut le coup d’essayer de sympathiser. « Niamh. J’suis une amie à Daire. Elle m'laisse crasher ici. » Hausse les épaules, espérant que son accent termine de donner les explications. Elle ne parle pas de JJ pour l’instant - ne pas créer de panique, déjà que y’a beaucoup de méfiance. Elle baisse le regard vers ce que Eanna tient entre ses bras. « T’es venue chercher tes affaires ? »
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Feu follet _(Niamh)

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