Encore une excuse. Il n'a que ça en bouche depuis une semaine, elle sature. Il l'évite, c'est évident. Mais la raison reste obscure. Elle n'a pas le souvenir d'avoir dit ou fait quelque chose de mal dernièrement. Pas le souvenir non plus d'une éventuelle dispute. Elle enrage en jetant son téléphone sur son lit alors qu'il vient de refuser son invitation à passer au motel après son service. Soit disant qu'il finirait tard, beaucoup de travail, une affaire en cours. Des conneries. Jusqu'à présent ça ne l'avait jamais empêché de trouver du temps pour elle. Il aurait dû lui dire qu'il arriverait tard, après son service et lui demander si du coup il pourrait rester dormir. Et elle aurait dit oui, comme toujours. Mais là, non, rien, nada. Juste le silence, juste son absence. Il sait qu'elle a besoin de lui en ce moment, de son soutien pour faire face à l'état de sa mère. Elle a la sale sensation de se faire abandonner, comme une vieille tante qu'on oublie dans son hospice, parce qu'on a plus le temps pour elle. A qui il le consacre son temps libre ? Vic ? Ils seraient de nouveau proches ? Cette simple idée lui broie les entrailles, libérant au passage une colère diluvienne. Jalousie terrible qui s'apparente à une frustration inexplicable. Elle fait les cent pas dans sa chambre sans savoir quoi faire. S'absenter du motel ne serait pas raisonnable. Mais Mads n'a pas envie d'être raisonnable pour ce soir. Elle fonce au bureau pour poster l'écriteau "absent" sur le comptoir et attrape les clés de la voiture, déjà prête à repartir. Mais en passant devant une des vitres, elle jette un coup d’œil à son reflet. Elle ralentit, s'arrête, s'observe. Non, elle ne peut pas y aller comme ça. Pas en simple jean et t-shirt de travail. Elle retourne dans sa chambre, bien décidée à enfiler un truc qui fera enrager miss Victoria. Elle le sait que cette pouf des bas quartiers n'apprécie pas la façon dont Mads s'habille en général. Sid lui a déjà dit. Et il suffit de voir les regards qu'elle lui lance parfois pour le deviner. Elle retourne la moitié de son dressing, à la recherche de la tenue parfaite. Elle finit par enfiler un short en simili cuir noir, taille haute mais le bas des fesses légèrement apparent. Un débardeur blanc assez basique qu'elle rentre dans son short, mais avant elle prend soin d'enfiler une brassière en dentelle noire qui dépasse sans retenue du débardeur. Satisfaite, elle remet ses baskets et file d'ici, convaincue que sa tenue fera son petit effet sur Vic.

Elle roule au ralentit en déambulant dans les rues de Savannah, avec l'espoir fou et surtout vain d'apercevoir Sidney en pleine patrouille. Mais elle finit par arriver aux alentours de River Street et se résigne à devoir en rester au plan A. Elle gare la voiture dès qu'elle trouve une place et se dépêche de rejoindre l'appartement de Sidney, faisant fi des regards inquisiteurs qui se retournent sur son passage pour prolonger l'observation détaillée de ses fesses à peine découvertes. Elle s'engouffre dans l'immeuble et monte rapidement les marches avant de venir quelques coups secs contre sa porte. Elle fait tourner entre ses doigts son téléphone portable, tendant l'oreille pour tenter d'écouter ce qu'il se passe à l'intérieur. Rien. Elle fronce les sourcils et perd patience, revenant frapper un peu plus fort. Et là, il lui semble percevoir un mouvement au niveau du judas. Elle s'en approche et donne un coup puissant sur la porte. — Ouvre ! J't'ai vu. Et tout bas, elle ajoute. — Idiote. De l'autre côté de la porte un soupir plaintif et finalement les clés tournent dans la serrure. La porte s'ouvre à moitié à peine, juste de quoi laisser entrevoir la silhouette de la jeune fille. Elles se fusillent du regard, comme deux cow-boys dans un duel, prêtes à dégainer pour flinguer l'autre. Un silence de plomb les enveloppe pendant quelques secondes, avant que Victoria ne se lance. — Sid n'est pas là, fallait appeler. Salut. Et déjà, l'hôte tente de refermer la porte pour écourter ce face à face déplaisant. Mais Mads l'en empêche, venant poser sa main sur la porte pour la retenir, poussant au passage pour se frayer un chemin. — Je sais, c'est lui qui m'a dit de venir l'attendre chez lui. — Chez nous. Qu'elle rectifie aussitôt, tendue. Mads s'arrête, la jauge une seconde et finit par hausser les épaules, pas convaincue. — Pourquoi il t'a dit de venir attendre ici ? Irritée, la libanaise fait forcing et finit par réussir à rentrer à l'intérieur de l'appartement, imposant sa présence sur un simple mensonge qu'elle n'a aucune honte à lui servir. — J'sais pas, j'crois pas qu'il savait que t'étais là. Il m'a dit que t'avais un truc ce soir ou j'sais plus, il a dû s'planter. Victoria voit rouge, elle claque la porte derrière Mads, ravalant son envie de lui poser mille questions alors que l'annonce de Mads laisse sous-entendre bien trop de choses. — Pourquoi t'as frappé alors ? Merde. Mads ne la regarde plus, désinvolte elle retire ses chaussures pour les jeter dans un coin avant de faire comme chez elle. — Ben au cas ou, j'suis pas mal élevée t'sais. Et j'ai eu raison tu vois. Vic se passe lentement une main sur le visage, tentant tant bien que mal de conserver son calme, pleinement consciente que déclencher une dispute avec Mads était la pire des idées. Surtout en l'absence de Sidney, car personne ne serait là pour les calmer avant que ça ne dégénère trop. Après une longue inspiration, elle finit par agiter brièvement ses mains tout en commençant à sortir de la pièce. — J'allais aller prendre ma douche, donc.. Juste, reste là. Qu'elle articule froidement en désignant le canapé ou venait de s'installer Mads. — Et ne touche à rien. Mads hausse les sourcils, surprise, avant de tourner lentement la tête vers Victoria qui disparait déjà derrière la porte de la salle-de-bain. Saoulée de se voir donner des ordres par cette pimbêche discount, Mads se lève aussitôt et commence à faire le tour de l'appartement pour arranger quelques trucs. Elle repère sur une étagère, un peu dans le fond, une figurine qu'elle avait offerte à Sidney il y a deux ans de ça. Elle l'attrape sans hésiter et vient la mettre bien en avant sur le meuble télé, sourire satisfait au coin des lèvres. Elle continue l'inspection de la pièce, changeant encore d'autres choses. Notamment des cadres photos du couple, qu'elle passe en arrière plan derrière une plante, un autre qu'elle retourne carrément et le dernier qu'elle met légèrement en retrait pour mettre en avant un autre cadre de lui et Mads enfants. Dès qu'elle entend Vic sortir de la salle-de-bain elle se précipite sur le canapé et sort son téléphone, faisant semblant de jouer dessus. Vic rentre dans la cuisine et en ressort quelques minutes après, avec un verre de soda et quelques gâteaux apéritifs qu'elle se met à grignoter après s'être vautrée sur le canapé et avoir allumé la télé, sans un regard de plus pour Mads. Cette dernière se met à la dévisager intensément, carrément vexée de ne pas s'en voir proposé. Elle n'en aurait pas voulu, certes, mais tout de même. Victoria, finissant par sentir le regard oppressant de la brune sur elle, tourne la tête vers elle, l'interrogeant du regard, avec une pointe d'agressivité au fond des rétines. Mads pince les lèvres et la regarde de haut en bas, insistant un instant sur la zone de son ventre. Puis elle remonte jusqu'à son regard et prend un air faussement inquiet. — Franchement, Victoria.. Est-ce bien raisonnable ? Qu'elle lâche en désignant ce qu'elle mange. Les yeux de son interlocutrice s'arrondissent subitement et elle ouvre la bouche, déjà prête à riposter vivement quand la porte d'entrée s'ouvre, laissant apparaitre Sidney. Mads en profite pour bondir en dehors du canapé et foncer vers lui. — Ah, Sid, enfin ! Elle s'amuse à volontairement se déhancher plus que la normale, devinant le regard désapprobateur de Vic sur son derrière. Et alors qu'elle voudrait retourner une gifle à Sidney pour lui avoir menti - rentrer tard, hein ? Elle se jette à son cou, l'enlaçant tendrement, pressant son corps contre le sien, juste pour faire enrager l'ennemie. Elle en profite pour glisser quelques mots à l'oreille de Sidney, tout bas, pour que seul lui l'entende. — J'ai menti à ta pouf et t'as pas intérêt à me griller, parce que tu m'as menti aussi, petit enfoiré. Elle le relâche et recule d'un pas, lui offrant un sourire forcé et hypocrite pour l'inciter à faire de même et à jouer le jeu. Sinon, elle le jure : elle l'étripe vivant.