De : Veronica < ronnieferg@gmail.com >
À : Eoin Taggart
Objet : infiniIsole-toi, s’il te plait. Isole-toi pour me lire, isole-toi pour comprendre, isole-toi pour ne pas laisser quelqu’un te voir souffrir. Je sais que tu détesterais ça.
J’ai essayé de rendre ça joli, si seulement c’est possible.
Joli, ça ne veut pas dire
compréhensible, et je suis sûre que de toute façon, mes raisons t’échapperont fatalement. J’en suis sûrement responsable, il y a trop de choses que je t’ai cachées pour me les cacher aussi. Pour essayer de vivre avec.
Si tu reçois ce mail, c’est que je ne suis plus de ce monde. Je ne sais pas si tu le sais déjà, si tu es celui qui m’a trouvée, si on te l’a dit ou si tu l’as lu dans le journal. J’espère que c’est toi qui m’as trouvée, Eoin. Tu as toujours su le faire, jusqu’à maintenant. Toujours su laisser tes pieds te guider vers moi.
Je pourrais t’expliquer toutes les raisons, pourquoi, comment, où et qui, mais ça ne changerait rien, hein ? La vérité c’est qu’il n’y a pas de raison. La vérité, c’est que je suis morte là-bas et que j’ai fait mon possible pour le cacher, pour prétendre, pour sourire, pour respirer, pour exister, j’ai vraiment, vraiment essayé. Je n’ai pas pu. C’est sûrement pour ça qu’il est parti, comme Lars, comme mon père. Comme tous les gens que j’aime. Tu es le seul qui soit resté. Alors je pense que je fais lâchement ce que j’ai peur que tu fasses avant. Et même si ce n’est pas totalement vrai, c’est sûrement mieux de dire ça, mieux que tu penses ça. C’est mieux que tu m’en veuilles, ça te fera moins mal.
J’ai pris des trucs pour m’aider, tu sais. Au cas où tu te dirais que ça m’a fait mal, que j’ai souffert, que j’ai passé mes derniers moments comme ça. J’ai pris des trucs. Je n’aurai pas mal. Je n’ai plus mal.
C’est mieux, Eoin. C’est mieux qu’être une coquille vide, une enveloppe décharnée, c’est mieux que vivre comme je vis tout de suite.
Tout ce que j’ai est à toi. Absolument tout.
Je t’aime. Je t’ai toujours aimé. Ce n’est pas la mort qui pourra quelque chose contre ça. Je t’aime vraiment de tout mon cœur, de la manière la plus pure et absolue qui soit. On se retrouvera un jour. Je t’attendrai, la main tendue derrière moi, jusqu’à sentir de nouveau tes doigts toucher les miens.
A bientôt,
Ronnie